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Bernard Comment (Traducteur)
EAN : 9782070140817
288 pages
Gallimard (16/09/2021)
3.25/5   6 notes
Résumé :
Que ressent-on devant une oeuvre d'art ? La partition que joue Antonio Tabucchi dans ses Récits avec figures nous fait voyager à travers ses textes inspirés, de façon apparente ou non, par des peintures, des dessins et des photographies. Entre jour et nuit, pluie, soleil et songes, ce recueil explore et célèbre le lien de toujours entre l'art et la littérature. L'auteur nous emmène à Lisbonne, en Toscane, auprès de Pessoa ou au coeur de l'oeuvre de Robert Louis Stev... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Récits avec figures est le dernier ouvrage paru du vivant d' Antonio Tabucchi.
C'est un bel ouvrage composé avec soin de textes courts (de la nouvelle aux fragments) crées à partir d'une trentaine d' images (peintures surtout, photos, dessins) sur trois chapitres aux titres musicaux révélateurs : adagios , andanti con brio, arriettes, car Tabucchi aime les correspondances. Les images et l'écriture vont et viennent, se parlent et se répondent.
J'ai été sensible à ses voyages oniriques  et puis j'ai été surprise par ses récits-poèmes, petits instantanés qui font penser aux haïkus que j'affectionne.
Dans ses récits, Tabucchi part de l'image figée et redonne vie, avec simplicité et dans de belles histoires mélancoliques à des personnages réels ou de papier (les siens, mais pas seulement) délaissés ou endormis (voir couverture) mais aussi à des anonymes de passage comme un petit marchand de glace, à de grands écrivains du passé ou à des amis disparus récemment à qui il rend hommage. La mort rôde souvent dans l'ombre alors même qu' il nous emmène à notre tour dans une succession de voyages lumineux au pays de la mémoire et des rêves inachevés.
Nous partons pour sa Toscane natale et au Portugal où nous retrouvons avec plaisir Pereira, Isabel, Pessoa. Nous accompagnons Bernardo Soares avec un pincement au coeur car ce sont ses dernières vacances. Puis Tabucchi nous conduit dans la Crête antique et son labyrinthe pour une histoire borgésienne. Nous nous retrouvons aussi dans les cafés parisiens qui ont autrefois accueilli Verlaine. Nous allons jusqu'à l'île d'Utopie créée par son ami d'enfance, Robert Louis Stevenson. Occasion de réfléchir sur un langage ouvert qui voyage vers l'autre, au-delà des frontières.
Tabucchi nous parle également des artistes qu'il a convoqués, il raconte leur vie et il réfléchit à leur façon de peindre ou de photographier, initiée elle aussi par une image, un souvenir ou un rêve, « comme en miroir » de sa propre création.
L'écrivain utilise souvent des techniques photographiques ou cinématographiques. Il fait des zoom sur des détails, trouve des angles particuliers et ses récits sont comme filtrés de teintes évocatrices. Il utilise la terre de sienne brûlée de son enfance, les bleus méditerranéens mais aussi le blanc de la lune et de l'espace poétique.
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[ Choisi ce vendredi 17 septembre 2021- Librairie Caractères / Issy-les-Moulineaux ]

Une lecture singulière entre réalité, souvenirs, et histoires surréalistes, rêveries, remarques caustiques sur nos sociétés…Recueil de textes anciens déjà publiés, à nouveau réunis dans ce volume, avec d'autres, complètement inédits…

Chaque récit est introduit par une oeuvre artistique…Hommage à des écrivains ou à un artiste, en particulier…dont le dessinateur, Vincenzo Nisivoccia envers lequel, parmi d'autres, Antonio Tabucci, exprime une grande admiration...

« de cette humanité encore si vive, non homologuée, expressive (...) Vincenzo Nisivoccia s'est fait l'interprète figuratif. le trait du dessin est essentiel, d'une extrême sobriété, parfois seule une partie du visage apparaît, comme si l'autre partie n'avait pas d'importance parce que l'essentiel a déjà été attrapé. Et l'essentiel c'est le caractère. En regardant ces visages on croit lire -Les Caractères- de la Bruyère: le vieux mélancolique, la dame un peu flétrie, mais encore pleine d'espérances, le poète, le penseur, le vagabond, l'oisif, le bellâtre, le philosophe à temps perdu. Mais comme ils sont vrais, et vivants, et comme cela nous réjouit de les regarder, comme cela nous fait éprouver que le monde est encore humain et non pas constitué uniquement d'automates qui obéissent aux lois des masses.
Je me demande si l'auteur de ces portraits, en plus d'être un dessinateur, ne peut pas être qualifié d'anthropologue ou de psychanalyste. Je pense qu'il est les trois à la fois, comme le sont les artistes, qui ont le privilège de nous servir de miroir pour nous renvoyer notre propre image. (p. 253)
Un ouvrage déniché par hasard au fil de flâneries… qui fera , j'espère , le bonheur d'un ami, passionné de littérature et d'Art, à la fois, dont c'est l'anniversaire dans une dizaine de jours…Ouvrage qui s'envolera vers les montagnes jurassiennes. Pour l'instant, je prends le temps de savourer ces textes mêlant Littérature , Beaux-arts, et souvenirs plus personnels d'Antonio Tabucchi…ainsi que des rêves !

« Que ressent-on devant une oeuvre d'art ? La partition que joue Antonio Tabucchi dans ses Récits avec figures nous fait voyager à travers ses textes inspirés, de façon apparente ou non, par des peintures, des dessins et des photographies… »
J'ai finalement choisi de lire ces textes dans le plus parfait désordre… au fil de mes attirances pour telle ou telle oeuvre… Parmi des récits de longueurs inégales… j'exprime plusieurs préférences : le choix d'un extrait du « Testament » d'une peintre , Maria Helena Vieira da Silva et l'hommage magnifique à l'écrivain , Stevenson, ayant enchanté tant d'adolescents et des plus grands, avec la mise en avant d'un de ses illustrateurs : Tullio Pericoli :
«Je lègue à mes amis
un bleu céruléum pour voler haut
un bleu de cobalt pour le bonheur
un bleu d'outremer pour stimuler l'esprit
un vermillon pour faire circuler le sang allègrement
un vert mousse pour apaiser les nerfs
un jaune d'or : richesse
un violet de cobalt pour la rêverie
une garance qui fait entendre le violoncelle
un jaune baryte: science-fiction, brillance, éclat
un ocre jaune pour accepter la terre
un vert Véronèse pour la mémoire du printemps
un indigo pour pouvoir accorder l'esprit à l'orage
un orange pour exercer la vue d'un citronnier au loin
un jaune citron pour la grâce
un blanc pur : pureté
terre de Sienne naturelle: la transmutation de l'or
un noir somptueux pour voir Titien
une terre d'ombre naturelle pour mieux accepter la mélancolie noire
une terre de Sienne brûlée pour le sentiment de durée

Maria Helena Vieira da Silva, Testament (p. 147) »

Un ouvrage des plus singuliers que j'ai savouré ; certains écrits me sont cependant restés obscurs, mais d'autres m'ont transportée dans de beaux ressentis envers l'Art ,les Artistes, et leurs correspondances avec la Vie et la Littérature… et point des plus appréciables de cette lecture, j'ai découvert plusieurs peintres et dessinateurs, m'étant inconnus jusqu'à leurs noms, dont un artiste kurde : Jalal Raouf, et un dessinateur italien : Vincenzo Nicivoccia…!!

Ouvrage complété in-fine par la liste des oeuvres et des artistes…
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De courts récits pour illustrer a chaque fois une oeuvre picturale contemporaine. Une bonne idée, mais c'est inégal, on retrouve quelques personnages fétiches de Tabucchi, Tristano ou Taddeo par exemple.
Mais ce n'est clairement pas le meilleur ouvrage du traducteur de Pessoa.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Hier matin, le docteur Pereira est revenu me rendre visite. Il est arrivé d'Italie par la poste jusqu’à cette rue de Lisbonne. Ignare j'ai ouvert la grande enveloppe jaune à l’intérieur de la quelle on devinait un carton, et je l'ai découvert assis à une table du café Orquídea en train de boire sa citronnade. Lui aussi me regardait, surpris que je le regarde. Il avait dénoué sa cravate, avait posé sa veste sur la chaise et d’une des poches dépassait le Lisboa , il tenait une cuillère suspendue en l'air comme si se rendant compte que je le regardais il avait arrêté de remuer la citronnade. Il me regardait par-dessus ses lunettes rondes, semblables aux miennes, les sourcils froncés, avec l'air interrogatif de celui qui demande : « Mais qu'est-ce que vous avez à me regarder ? ».J'ai presque eu envie de lui répondre : « En fait c’est vous qui m’avez appelé, lisez bien ce qu’il y a écrit sous le portrait : A Tabucchi de la part du Dr Pereira » ; mais je n’ai rien dit, car je connaissais déjà la réponse. Il en serait découlé une dispute désormais habituelle :
« en vérité c'est vous qui m'avez appelé !
— Mais non, mais qu'est-ce que vous dites, c’est vous qui m’avez appelé !
Il en avait toujours été ainsi, avec Pereira : avant de l'écrire et tandis que j’étais sur le point de l’écrire, surtout le soir, avant de dormir, quand les paupières se baissent et que les voix interieures s’entendent mieux.
Mais à présent c'était différent, ce n'était plus une évocation, un subtil jeu pour le rendre présent, pour l'appeler ou être appelé par lui, pour parler, afin qu'il se raconte, afin qu’il prétende avec moi ce que il voulait prétendre. De l' ex-vocare , c'est-à-dire de l'appeler dehors avec la voix, on était passés au con-vocare . Quelqu'un avait convoqué le fantôme en le matérialisant dans une image. Et maintenant l'icône de Pereira était sous mes yeux, massive, visible dans toute sa « pereireité ». Et le médium qui avait obtenu cette convocation était Giancarlo Vitali.
« Pour le moment mettez-vous là, lui dis-je en pensée, demain je vous trouverai un meilleur endroit, ensuite nous aurons tout le temps de parler de notre diatribe. En tout cas, je vous remercie d'être venu chez moi, j'étais toujours venu chez vous et je ne vous avais jamais invité».
Lisbonne, octobre 1997
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Les héritiers remercient

Je lègue à mes amis
un bleu céruléum pour voler haut
un bleu de cobalt pour le bonheur
un bleu d'outremer pour stimuler l'esprit
un vermillon pour faire circuler le sang allègrement
un vert mousse pour apaiser les nerfs
un jaune d'or : richesse
un violet de cobalt pour la rêverie
une garance qui fait entendre le violoncelle
un jaune baryte: science-fiction, brillance, éclat
un ocre jaune pour accepter la terre
un vert Véronèse pour la mémoire du printemps
un indigo pour pouvoir accorder l'esprit à l'orage
un orange pour exercer la vue d'un citronnier au loin
un jaune citron pour la grâce
un blanc pur : pureté
terre de Sienne naturelle: la transmutation de l'or
un noir somptueux pour voir Titien
une terre d'ombre naturelle pour mieux accepter la mélancolie noire
une terre de Sienne brûlée pour le sentiment de durée

Maria Helena Vieira da silva, Testament (p. 147)
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Epices, dentelles, voyages lointains

[A propos de Piero Pizzi Cannella ]

Regarder un tableau peut conduire loin. Et il est juste qu'il en soit ainsi, car là est la beauté de l'art: nous faire naviguer à notre meilleur gré. Et si cette navigation pourra ne sembler qu'un jeu à certains, ce ne sera certainement ton cas, Pizzi Cannella, car tu sais comme moi et mieux que moi à quel point l'art se fait aussi "par jeu". Mais un jeu sérieux. Or donc, un peu par jeu, un peu pour ne pas mourir.

Ton admirateur Antonio Tabucci
(p. 226)
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Une fenêtre sur l'inconnu

Pourquoi était-il allé habiter là ? Il ne le savait pas. Ou plutôt, il le savait. A cause d'un paysage qui allait lui faire abandonner l'inquiétude: grands espace, campagnes, silences, les maisons d'autrefois, quand les maisons étaient des maisons, et que dedans, avec les personnes, il y avait les harnais, les outils, tout ce qui servait à la vie de tous les jours et qui se passait là autour, près des maisons où on était. (p. 67)
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« Les héritiers remercient

8. Laque de Garance

- Si je pense à elles, [Maria Helena Vieira da Silva , Wislawa Szymborska et Sophia de Mello Breyner ] c'est la garance qui me vient en tête. Et vous qui semblez si connaisseur en couleurs, vous n'ignorez pas que la garance n'est pas une couleur matérielle, c'est une laque. A l'état naturel elle va du rose au carmin, mais quand on l'étend sur une toile elle devient transparente et sert à faire briller toutes les autres couleurs, à les rendre resplendissantes et magiques comme si elles étaient inondées de lumière, voilà pourquoi Van Gogh l'utilisait autant quand il voulait capter la lumière de la Provence. La laque de garance est aérienne et volatile, chers messieurs, elle donne de la brillance à des couleurs qui sans cela seraient fades: c'est comme si vous preniez des lunettes colorées par une grise journée d'automne. Maria Helena [Vieira da Silva ] Wislawa [Szymborska ] et Sophia [de Mello Breyner ] sont ma laque de garance, et si je regarde le monde par leurs yeux, j'entends une musique de violoncelle. (p. 154)
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Que peut-on ambitionner, désirer, prétendre, rêver, souhaiter, viser, vouloir avec Pereira ?

Qui est Pereira ?

Un détective privé
Un policier corrompu
Un journaliste
Un membre de la milice
Il est tout cela à la fois

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