Après ses
nouvelles, que j'ai beaucoup appréciées, Il était temps que je découvre le
théâtre de
Tchekhov, d'autant plus que c'est le domaine où il est le plus connu. J'ai volontairement choisi de commencer par l'une de ses pièces les moins connues, et qui avait aussi l'avantage non négligeable d'être la plus courte. Ça me semblait idéal pour assouvir rapidement ma curiosité. Par expérience, je sais que quand mes attentes sont exacerbées (et elles l'étaient,
Vassili Grossman et
Maxime Gorki m'ayant bien alléchée), je suis souvent déçue. En cela, cette pièce a efficacement rempli son rôle : mes attentes se sont nettement assagies !
Pour être tout à fait honnête, j'ai plus été captivée par la progression entre les deux textes proposés que par les textes en eux-mêmes. (Mon édition regroupait en effet deux versions de la pièce : la version définitive de 1902 et, en complément, la première version écrite en 1888). J'avoue que cela m'a amusée d'observer comment le traitement d'un sujet identique pouvait aboutir à deux finalités et deux ressentis différents selon que certains détails étaient accentués ou occultés.
Le contexte est plus ou moins identique dans les deux textes : Nioukhine doit faire une conférence sur
les méfaits du tabac. Mais du tabac, il n'en parlera pas ou peu…
La différence majeure entre les deux textes tient selon moi au point de départ qui change la trajectoire : dans la version de 1888, Nioukhine, notre orateur n'a pas été contraint par sa femme de faire cette conférence, il a même choisi le thème lui-même et tente de l'aborder maladroitement à plusieurs reprises. Dans la version de 1902, il monte déjà sur sa tribune à contrecoeur, presqu'à bout de nerf et craque dès le début de son intervention. L'axe de d'évolution et le ton sont donc modifiés.
Dans le premier cas, ce sont de petits incidents qui l'amènent à évoluer et faire des disgressions sur sa situation familiale. Je l'ai plus ressenti comme un homme qui essaye de se convaincre qu'il a la vie qu'il souhaitait avoir alors que tout tend à montrer que c'est loin d'être le cas. Dans le second cas, c'est l'emprise de sa femme (absente pendant son allocution) qui est la colonne vertébrale de ses disgressions. Et j'ai plutôt ressenti la solitude d'un homme qui se morfond, bien loin de la vie dont il aurait rêvé. La conscience de sa situation est nettement plus aiguisée.
En ce qui concerne les textes en eux-mêmes, toujours de mon point de vue, la version définitive de 1902 a tendance à verser un trop dans l'absurde. En soi, cela ne me dérange pas. le problème c'est qu'elle ne m'a pas fait rire, ni même sourire. Manquerais-je d'humour ? Cela a créé un décalage par trop disproportionné pour susciter mon intérêt. Certes, elle se laisse lire car elle est très courte (à peine quelques pages), et très bien écrite, mais cela ne va pas plus loin.
La version de 1888 est plus spontanée et plus alerte que sa consoeur mais sans doute aussi moins approfondie et plus indécise. Cela provoque un certain flou et une ambigüité et c'est probablement la raison pour laquelle elle a ma préférence.
Bon, eh bien, je vais maintenant enchainer avec une pièce un peu plus connue, en espérant avoir une belle surprise cette fois…