La mort à lunettes

Malcolm s'est converti à l'islam en prison. Ne l'appelez plus Malcolm… C'est Malek, maintenant !

Il est tout ce qu'il convient de ne pas être en Amérique : ancien taulard, black… et musulman ! Ajoutons qu'aucun de ses amis n'est vraiment très fréquentable… Et pourtant, c'est lui que le corps des Marines cherche à recruter pour une opération spéciale de propagande, mais pas que…

Critique :

Ce scénario du très regretté « Tome », Philippe Vandevelde pour l'état-civil belge, en perdra plus d'un en cours de route. Rien n'est évident dans la compréhension de ce récit qui commence par la fin de l'histoire. Il faudra relire attentivement la BD pour avoir une idée du coup monté, car coup monté il y a… Mais vous en dire davantage me vaudrait le peloton d'exécution pour avoir spoilé cette aventure à clés.

Les deux personnages principaux de cette histoire sont Malcolm-Malek et un vieux rescapé de la Shoa bien décidé à lui venir en aide sans qu'on ne sache pourquoi, même si l'individu est très ouvert d'esprit puisqu'il fréquente une chapelle pour écouter du gospel et prétend avoir des amis athées et musulmans. On devine qu'il est juif même si à aucun moment cela ne figure dans le texte.

Les dessins de Goffaux font preuve de beaucoup de talent et d'originalité grâce aussi au coloriste, Redj (Régis). Pour les couleurs, parlons-en, il y a tout une déclinaison de tons sépia rehaussés régulièrement par du rouge qui confère à ce récit un côté sombre.

Si vous vous donnez la peine de relire attentivement cette bande dessinée, vous découvrirez à quel point, le scénariste s'est torturé les méninges pour éviter au lecteur une histoire trop facile à comprendre…

Je remercie les éditions Kennes et Babelio de m'avoir permise de découvrir cette très belle bande dessinée :
LA MORT À LUNETTES. Qui a demandé 7ans à ses auteurs Tome et Goffaux pour la parfaire. Elle n'est publié qu'un an après la disparition de Tome .
Dans le cahier graphique Goffaux explique la genèse de l'album. L'idée première de Tome était de nommer la BD :
Le Grand Échiquier. C'est vrai que ce titre correspondait bien à l'histoire, mais il était déjà utilisé par une émission de TV .
Il la nomme : La Mort À Lunettes en référence aux deux personnages principaux du scénario.
Le livre objet attire le regard par sa qualité. La première de couverture nous montre les mains d'un vieillard essuyant son verre de lunettes tachée de sang est-il ? La victime ou l'assassin ? Cette première image nous annonce un thriller dont le feuilletage rapide nous révèle des planches entourées d'un bandeau noir ,les vignettes sont de couleur monochrome et Camaïeu laissant présager un univers sombre . Dans la deuxième et troisième de couverture les auteurs continuent à nous donner des indices une voiture rouge d'un autre âge et le tracé d'un trajet partant
de New York vers Las Vegas . nous allons assister à un road movie en traversant les États Unis . Et là quatrième de couverture nous faisant connaissance des deux principaux personnages de cette histoire .
Les sept premières planches sont des scènes de guerre. La première planche un avion militaire et son cookpit nous ressentons la menace dans cet action . dans les planches suivantes nous découvrons le théâtre des opérations, faisant penser à L'Afghanistan ,un paysage de montagne et des soldats en tenues de combats en mission à terre . Ils se dirigent vers un petit village avec son minaret ,il est entouré de champ de pavots . L'ordre leurs est donné de ne pas abîmer ces plantations ! Ils sont attendus, à une fenêtre un homme tient un fusil à lunette . Soudain, l'appel à la prière retentit . L'un des soldats, musulman, se met en position pour prier . L'opération militaire est lancée . Dans l'avion nous voyons un militaire manoeuvrant un drone le doigt appuyant sur un joystick . ( le petit point rouge interpelle) .
L'ordre est mal compris par le commandant de la patrouille.
Il s'en suit de nombreuses grandes déflagrations dans le Village et dans la patrouille des hommes à terre une vrai boucherie .fin du flashforward !
La planche suivante nous montre sur toute la largeur la statue de la liberté ,puis des buildings et une baie dans le lointain nous sommes à New York .
Le scénario se met en place avec nos deux protagonistes Maleck est noir , pauvre, musulman et vient de sortir de prison .il coche toutes les cases dans une Amérique hostile .
Aleksander est vieux, à connu la shoah , amateur de gospel ils se rencontre dans une chapelle d'Harlem et grand joueur d'échecs. Il décide d'apprendre le jeu à Maleck .
Commence alors la mise en place des différents pions intervenant dans le scénario original construit par Tome qui les entraînnera à travers les États Unis dans un road movie avec beaucoup de surprise dans le déplacement des
différents pions. Et le point final à Las Vegas qui pour nous est surprenant et nous amène à relire les premières pages.de l'album .
J'ai été enthousiasmée par la BD . j'ai aimé la façon dont les auteurs mettent le lecteur à contribution en le laissant deviner l'histoire qui se révèle entre certaines vignettes. Nous obligeant à faire par moment des retours sur des pages que l'on vient de lire et qui prennent une dimension nouvelle . c'est un livre que l'on lit et re ...lit plusieurs fois avec toujours autant de plaisir car on découvre à chaque fois un petit détail qui nous avait échappé.
Je vous recommande la lecture de cet album splendide.





Jusqu'à leur destination finale









L

Le hasard fait parfois bien les choses dans la vie, encore faut-il que ce soit... le hasard.

Pour Malcolm Brown, enfin, Malek de son nouveau nom musulman, les choses n'ont jamais été simples, loin de là. Noir, et sortant de prison, il a quand même trouvé un job, comme nettoyeur dans une... église.

Dans cette même église, il rencontre un vieux monsieur bien singulier, Alexander Birke, juif allemand de Berlin qui a connu la Shoah. Pourquoi dans cette église de Harlem ? Parce qu'il est passionné de gospel et d'échecs, qu'il entend bien prendre le temps d'apprendre à Malek d'ailleurs.

En purgeant ses quinze années de prison, Malek a aussi vu sa compagne prendre le large, et maintenant, soit pas loin de 16 ans plus tard, elle lui donne un coup de fil pour lui annoncer qu'il a une fille, Mariza, et qu'elle vient de disparaître.
Son "ravisseur", ne serait autre que le général Furnham, connu pour ses frasques sexuelles.

Hors, et finalement ça tombe bien quelque part, Malek a été abordé à plusieurs reprises en rue par le Sergent Amy O'Neal. Elle travaille pour le recrutement des Marines, il faut dire que les besoins sont important pour mener cette guerre en Afghanistan...

Malek accepte finalement de s'enrôler et de rejoindre la base de Nellis, pas loin de Las Vegas, et tout naturellement, Mr. Birke lui propose de faire le trajet ensemble, dans sa vieille voiture, une Horch P-240.

Un très beau road trip à travers les États-Unis attend nos deux amis, même si Malek entend régler quelques... affaires en route.

PS : Joli clin d'oeil pour les fans de Baseball, des Chicago Cubs et de Sammy Sosa en particulier à la page 48....

L'excellent dossier de fin de BD mentionne un fait divers comme source d'inspiration du tome. Puis Goffaux revient sur sa collaboration avec le très regretté Tome. Il montre les rouages de la création de cette BD, conçue au départ comme une suite à Sur la route de Selma, fruit de la collaboration entre Tome et Berthet. le petit garçon qui se recueille sur la tombe de son frère Clement en fin de BD, c'est Malcolm, personnage centre de la mort à lunettes.

La BD débute en Afghanistan avant de revenir sur Malcolm qui se fait larguer, puis sur Malcolm comme prisonnier réinséré. Les auteurs maintiennent longtemps le suspense sur l'ordre chronologique des scènes. Ils ambitionnent d'ailleurs de produire une BD qui se termine sur une révélation telle qu'elle doive se relire au terme de la première lecture. Pari plus ou moins réussi.

Le récit est déconstruit, et entrecoupé de scènes qui viennent agrémenter l'ensemble. On découvre peu à peu une machination terrible et machiavélique.

Malcolm s'est converti à l'islam en prison. Il fait la connaissance d'Alexander Birke, rescapé des camps de concentration. Ensemble ils vont traverser les USA à bord d'une Horch, pas les belles berlines de la marque mais une petite citadine... Malek s'est enrôlé pour l'Afghanistan. Il est noir, ex-taulad, musulman... bref un candidat rêvé pour un joli couplet militaire sur le patriotisme personnifié dans un individu qui ne coche aucune case de l'Amérique bien-pensante... alors, en plus, il fait l'objet d'un reportage médiatique et son road trip avec Alexander fait l'objet de passages télé. Il faut faire mousser le tout.

Pourtant, Malcolm poursuit un autre objectif. Il a appris qu'il a une fille et que celle-ci est manipulée et droguée... On plonge dans le roman noir à l'américaine. Malcolm et Alexander ont quelque chose à faire, à prouver, à trouver dans ce voyage à la fois rédempteur et expiatoire. Mais au terme du voyage rien ne sera comme avant.

C'est finalement assez classique. le dessin est tout à fait OK, mais j'ai vraiment du mal avec les planches sur fond noir. C'est un peu too much.

Une étrange BD qui m'a demandée deux lectures pour comprendre le déroulé précis de l'histoire, puisque la scène d'ouverture est la conclusion du récit. Lorsqu'on le relit, tout devient plus clair au niveau du déroulé et apporte cette ironie qui semblait sous-jacente dans le récit. Par contre, une fois cette compréhension de l'histoire terminée, je n'ai pas très envie d'y revenir.

C'est une variation sur l'Amérique et ses contradictions, avec en thématique le racisme et l'ostracisation des personnes musulmanes, que l'armée tente de recruter pour bien se faire voir. le récit semble à la fois critique envers cette Amérique prêt à tout pour avoir d'autres personnes à envoyer dans leurs guerres absurdes, mais aussi une peinture de différentes personnes de l'Amérique, rejetés à plusieurs époques pour différentes raisons, qui se retrouvent ici. La pauvreté, le judaïsme (évoqué mais jamais mentionné), la drogue, la couleur de peau, tout peut concourir pour vous pousser dans le camp des perdants.

Le hic, c'est que l'histoire suit le principe du road-movie entre les deux personnages que tout semble opposés mais qui sont en fin de compte bien plus liés qu'on ne le pense, sans pour autant que je ne comprenne vraiment où l'auteur voulait en venir. Plusieurs choses sont évoqués, notamment à la fin avec l'excellent dossier récapitulatif (avec un hommage à Tome au passage), mais je pense que j'aurais plus apprécié de les voir développé en substance dans la BD. Pour ma part, cette histoire m'a laissé plus circonspect que satisfait.

Je ne crache pas sur la qualité du dessin, qui reste maitrisé de bout en bout et s'amuse très nettement des cadrages et des angles de vues, découpant le scénario comme un film. C'est assumé et ça fonctionne très bien, je n'étais jamais perdu à aucun moment de l'histoire. Reste une impression de BD sympathique mais pas inoubliable et que j'aurais plus de mal à conseiller que d'autres sur ces thématiques là.