Le prisonnier n°1

La forteresse de Schlüssenbourg, en 1763.
Ivan VI, dernier Tsar légitime de Russie, renversé par coup d'État dans son plus jeune âge, y est séquestré dans le plus grand secret. Catherine II à même donné l'ordre de le tuer si quiconque cherchait à entrer en contact avec lui …

Même si la partie de l'oeuvre de Henri Troyat – né Lev Aslanovitch Tarassov – qui me touche le plus est celle de ses grandes biographies d'illustres Russes comme Catherine II, Pierre le Grand, ou d'écrivains comme Tolstoï ou Tchekhov… j'avoue que ce roman de la veine russe de l'auteur est un de mes préférés.

On rencontre ici un jeune sous-lieutenant de l'armée russe, Basile Mirovitch, que l'ambition à conduit dans ce lieu où sont détenus quelques opposants à la Grande Catherine.
Un roman… Mais quand Troyat évoque sa Russie Natale, l'Histoire avec un Grand « H » n'est jamais très loin ; et c'est le cas ici. A partir d'un événement historique réel, l'emprisonnement au secret du Tsar déchu Ivan VI, Troyat nous brosse le portrait d'un jeune homme ambitieux et son évolution vers un but qui tourne à l'obsession… dans le cadre d'une forteresse entourée d'eau, le lac Ladoga.
Aglaé, la file du Gouverneur, parviendra-t-elle à sauver Basile de ses obsessions malgré lui ?

Tout l'art d'Henri Troyat aura été ici de mêler les faits historiques (Basile Mirovitch a réellement existé) et les arrangements romanesques à un tel niveau de dilution les uns dans les autres qu'il est impossible de les séparer. Un grand roman historique…

Schlüsselbourg 1763 - le jeune sous-lieutenant Basile Mirovitch vient d'être nommé dans cette triste ville de garnison au bord du lac Ladoga, face à la sinistre forteresse où sont incarcérés les ennemis du régime.
Et parmi les malheureux souffrant dans les cachots, il y a le Prisonnier n°1, celui que l'on ne nomme pas,
que nul n'est censé voir, hormis les deux soldats affectés à sa garde dans une partie isolée de la prison.

Mais qui est ce prisonnier n° 1 ? Rien de moins que Ivan VI, le malheureux enfant destitué il y a plus de vingt ans peu après avoir été désigné tsar.
"il est né pour son malheur et notre enseignement. Il paie de toute une vie de souffrance le crime d'avoir été proclamé empereur à deux mois".
Attiré par la forteresse au milieu des glaces, Basile Mirovitch se laisse imprégner par son atmosphère envoûtante, hors du temps, et va se laisser subjuguer par ce prisonnier n° 1, "étranger à tout, comme s'il venait d'un autre monde, spectre délicat de l'ancienne Russie".

Mêlant habilement réalité et fiction, dans cette Russie sauvage, mystique et pleine de contradictions, qu'il sait si bien mettre à la portée du lecteur, Henri Troyat nous fait pénétrer dans l'esprit de cet officier, mené par cette idée fixe : délivrer l'infortuné Ivan VI et lui restituer le trône abusivement occupé par l'usurpatrice Catherine II.
Or, en accomplissant cet acte de bravoure, il y a une chose dont Mirovitch ne tient pas compte et que d'ailleurs il ignore .... mais que le lecteur, lui, sait, s'il a eu la curiosité de se renseigner préalablement sur le destin de cet infortuné enfant tsar !
et que Troyat met tout son art de conteur hors pair à distiller peu à peu dans un récit haletant, où il est bien difficile de démêler le vrai du faux.

Henri Troyat est un des nombreux auteurs que je ne lis pas assez. Il a pourtant de nombreuses qualités, un beau style, le talent de nous embarquer dans ses histoires,  le dépaysement lorsqu'il nous emmène en Russie, pays qu'il a dû quitter enfant. C'est le cas ici, à partir d'événements historiques, il nous raconte le destin d'un homme Basile Mirovitch qui, au temps de l'impératrice Catherine II, imagina renverser cette souveraine au profit du tsar Ivan VI. On se retrouve alors à suivre cet homme jusqu'au bout de sa folie, dans cette Russie si bien décrite, très bon roman pour les amoureux des intrigues historiques.

Mon sixième roman d'Henri Troyat dans la semaine.
La Russie, Saint-Petersbourg, Catherine l'allemande sur le trône, et l'héritier Yvan VI, emprisonné dans une forteresse, depuis quasiment sa naissance.
La rencontre entre ce dernier et un jeune sous-lieutenant, Mirovitch, qui se croit investi d'une mission divine: le rétablir sur le trône de Russie.
L'histoire, l'intrigue sont finement montées, et l'auteur y va crescendo. Avec en paralèlle ce qui aurait pu être une histoire d'amour avec la jeune Aglaë, si sa mission première n'eut été de réhabiliter Yvan sur son trône.
Ecriture fluide, toujours chez Henri Troyat. Certaines scènes entre Aglaë et Mirovictch m'ont rappelé le côté un peu mièvre, gentillet et dépassé, d'une Madame Bovary .
De la bravoure, de l'honneur et du courage chez certains des protagonistes, et particulièrement chez Mirovitch, rappelant certains romans d'époque.

Un peu lent au début, tout s'accélère à l'arrivée à Schlusselburg (le bourg des clefs) et le délire de Basile prends soudainement la première place.
J'ai souri dans ses monologues enflammés, car cela m'a rappelé que Catherine II était sidérée par le mysticisme présent en Russie à cette époque. (Dans une de ces lettres à Potemkine). Pour une rationnelle c'était en effet incompréhensible.
Le personnage de Basile semble s'ennuyer dans la vie, se trimballe de garnison en garnison et ne trouve sa cause à défendre qu'en arrivant au bout de la Russie, ou au bout de lui-même.
C'est bien curieux que son exécution soit un tel soulagement, pour lui et pour les juges. On se plaît à penser que peut-être il n'a pas été exécuté et qu'il serait revenu dans l'enveloppe de .. Grigori Raspoutine?