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EAN : 9782847425048
240 pages
PASSAGE (24/08/2023)
4.01/5   71 notes
Résumé :
" Il y a un grand bruit du côté de la porte, un grand froid, plusieurs vitres tombent comme la glace qui finit par céder à la lisière du toit, mais pas vraiment pareil. Des hommes, on ne sait pas qui ni combien tant ils semblent pressés, envahissent la pièce tels des chevaux furieux. "

À l'est de l'Europe, quelque part dans la Zone de Résidence où sont cantonnés les Juifs en ce début du XXe siècle.
Henni a huit ans et vit avec sa famille dans ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (33) Voir plus Ajouter une critique
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°°° Rentrée littéraire 2023 # 32 °°°

« Au moment précis où, enfin, Henni s'apprête à s'enfuir au-dehors dans la neige, c'est le plus grand, le plus maigre des hommes entrés dans la maison qui arrache le dernier bébé du sein de Pessia et le soulève au-dessus de lui. le cri qui monte avec l'enfant emplit l'air de faisceaux, de fumées, de roches explosives. »

Ce sont les premières phrases. Quelque part en Europe de l'Est au début du XXème siècle nous dit la quatrième de couverture. Un pogrom ravage un shtetl, une communauté villageoise où sont contraints de vivre les juifs de l'empire russe, celui de Henni, fillette de huit ans. La violence est bien là, insupportable dans ce qu'elle imprime chez le lecteur, mais jamais le mot de « pogrom » n'est utilisé dans le roman, jamais le nom du lieu ou la date exacte, même si on pense fort au pogrom de Kichinev ( Bessarabie, actuelle Moldavie ) en 1903.

« Puis on entend un bruit, comme un coup, et voilà qu'apparaissent en nuée les chansons dont Henni a bercé le bébé, voilà les noms inventés tant de fois murmurés en secret. Ils flottent autour de l'étagère à thé, tous, et avec eux les baisers longs posés sur les paupières, les bars tendus, les tapotis de réconfort, les fouissements chauds au creux des poings minuscules refroidis par les courants d'air. A mesure qu'elle les avait donnés, ils s'étaient donc blottis dans la poitrine et sous les cheveux de l'enfant, tel un duvet posé sur un autre et sur un autre encore, jusqu'à bâtir le corps doux d'un oiseau à l'intérieur de lui. Les petits noms, les souffles, les gestes et les images qui l'ont rendue si fière, et puis aussi les mots. Ils sont ici juste après le bruit, tournoyant sous l'étagère à thé en une cendre plumeuse. Henni voit tout dans un miroitement de lumière, et juste après elle ne voit plus rien. »

Les Ciels furieux n'est pas un roman historique car c'est avant tout l'histoire de Henni et de sa fuite avec les rescapés de sa fratrie, vingt-quatre heures à hauteur d'enfant, d'une fillette qui n'a pas conscience de sa judéité, qui ne sait pas ce qu'est l'antisémitisme ou un pogrom, et qui ne comprend rien à ce déferlement de violence.

Henni est un personnage impossible à oublier tant Angélique Villeneuve est parvenue à nous immerger dans son esprit, son corps, son ressenti. Comme dans un conte, elle va devoir affronter des épreuves : des rencontres parfois hostiles, la faim et la soif, une déchirante solitude, des décisions à prendre.
Son seul atout est la force de l'imaginaire qu'a une enfant de son âge pour contrer la barbarie et l'insoutenable réalité. Sa fuite est entrecoupée des souvenirs du passé proche, lorsqu'elle vivait en paix avec ses parents, son grand frère, sa grande soeur Zelda son modèle absolu, et les trois bébés dont le « sien », Avrom, dont elle est chargé de s'occuper. Autant de rappels de vie et de son amour pour sa famille qui la poussent à avancer.

« Ce à quoi elle croit dur comme fer, en revanche, c'est au père plongé dans ses livres de comptes. A la mère. Aux bébés aussi, elle y croit, et pourtant dans sa tête le mot ne se dit pas. Elle voit seulement leurs visages tour à tour apeurés et rieurs, elle sent leur odeur, la densité mobile de leur corps, l'avidité de leurs figures. Les bébés sont une colonie d'animaux vivant depuis toujours à l'intérieur d'elle ou bien d'émanation de ses propres organes. »

Le texte est tragique, très rude par les faits racontés, mais il est percé de lumière car Henni est une petite fille de lumière et de vie. La plume très sensorielle de l'autrice est éblouissante, virtuose même. Malgré tout ce que traverse Henni, plusieurs passages sont bouleversants de poésie comme lorsque la fillette a recours à un jeu avec ses doigts, chacun représentant un des membres de sa famille, neuf avec la grand-mère, plus le dixième qui se révélera lors de son parcours.

Une proposition littéraire d'une rare force.
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Henni a 8 ans et sa vie bascule brutalement avec une fuite éperdue devant un drame qui frappe sa famille, drame qu'elle ne comprend pas.
Angélique Villeneuve qui m'avait déjà régalé avec La belle lumière, m'emmène cette fois, sous Les ciels furieux, dans un village d'un pays de l'est de l'Europe. Des brigands surgissent subitement dans la maison de cette famille juive tranquille. Comme le note l'autrice, la mère « couve ou se remet de ses couvaisons », cela signifie qu'elle enchaîne les grossesses et qu'elle nourrit ses bébés avant de les confier aux plus grands.
Zelda, justement, a presque trois ans de plus que Henni et elle compte beaucoup pour sa petite soeur. À 11 ans, elle s'occupe déjà de Iossif et de Kolia, deux jolis nourrissons. Quant à Henni, la voilà toute fière de se voir confier Avrom dès qu'il a fini de téter.
Saupoudré de nombreux termes en yiddish, le récit de cette fuite dans la neige et des souvenirs ayant marqué le début de la vie de Henni m'ont profondément ému. Si Henni et Zelda ont réussi à fuir l'horreur, il y a aussi Lev, le grand frère qui vit déjà sa vie et n'a pas les meilleures fréquentations.
Pour résister au froid, tenter de conserver un peu de confiance dans la vie, Henni a trouvé un moyen original en donnant à chacun de ses doigts le nom d'un membre de sa famille. Dans les moments difficiles, elle peut ainsi se raccrocher à une personne qui lui est chère.
Pendant cette fuite qui occupe vingt-quatre heures de la vie de Henni, les souvenirs affluent et cela permet de faire plus ample connaissance avec elle, avec sa famille et avec ses voisins.
J'apprends, par exemple, que son père, Arie Sapojnik, est un homme bon qui n'est pas craint par ses enfants. Par contre, la mère est soit indifférente, soit impériale…
Au cours de ma lecture, j'ai souffert du froid avec Henni dans la briquèterie, tremblé de peur lorsqu'elle entend des hommes approcher ou voit des femmes venir piller une maison déjà visitée par des brigands.
Angélique Villeneuve, contant, de son écriture toujours délicieuse et soignée, une histoire qui paraît simple, montre un vrai sens du suspense. Elle sait aussi rendre avec beaucoup de délicatesse les pensées qui agitent l'esprit de Henni car celle-ci est à la fois tourmentée et confiante.
Angélique Villeneuve que j'avais écoutée présenter Les ciels furieux aux Correspondances de Manosque 2023, m'avait donné envie de la lire à nouveau et ce fut une lecture émouvante durant laquelle inquiétude et douleur se sont mêlées, sans négliger quelques touches de poésie.
De plus, comme Henni ne manque pas d'imagination, l'autrice livre quelques scènes assez énigmatiques donnant une touche d'irréel au roman alors qu'elle a le mérite de mettre en évidence des drames, des pogroms qui ont trop souvent bouleversé des familles entières. La plupart du temps, les criminels agissaient en toute impunité avec, souvent, un pouvoir qui favorisait leurs agissements.
Enfin, attaché aux pas de Henni sous Les ciels furieux et de sa lutte pour la vie, j'aimerais tant lire la suite… Peut-être qu'Angélique Villeneuve

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Au début du vingtième siècle, la petite Henni se réjouit de la charge récente qui lui incombe : elle a un bébé à elle. Autrement dit, on lui confie la garde de son dernier petit frère, comme sa soeur aînée a pu avant elle avoir la charge de deux enfants dans ce foyer juif au coeur d'un ghetto. L'amour qui lie cette famille reste assombri d'une menace permanente. Malgré la bienveillance et l'optimisme du père, l'intranquilité est sous jacente.
Viendra le moment de l'intrusion, dont il est assez difficile d'établir les faits. On sait cependant qu'Henni passera une nuit d'angoisse et de froid dans une briqueterie non loin de là, en compagnie de son frère et de sa soeur.

L'enfant reviendra au village, tentant de comprendre ce qui s'est passé.

Le roman se lit à travers les yeux et les pensées d'Henni, sans pour autant reproduire la vision naïve d'un enfant. Il en résulte un flou sur les faits et il est difficile de comprendre le raisonnement de la fillette. le récit s'abrite derrière une très belle écriture, mais met à distance ce qui devrait atteindre nos émotions, puisque l'on comprend entre les lignes que personne n'a survécu au massacre.

J‘avais beaucoup aimé La belle lumière. J'ai toujours une grande admiration pour le style même si je n'ai pas été complètement conquise cette fois.

210 pages le passage 24 août 2023

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Angélique Villeneuve, c'est avant tout un style.
Elle a une façon bien à elle de nous conter une histoire, une tranche de vie, d'un quotidien ordinaire qui se trouve subitement chamboulé.
Le lecteur ne peut être que spectateur.
Enfin... spectateur, c'est un bien grand mot...
Imaginez-vous plutôt, enfermé dans un caisson qui surplombe la scène. En retrait.
Vous voyez.
Vous observez surtout.
Avec un certain flou, le son étouffé.
Les images vous happent, les bruits ne sont que déductions.
Le lecteur devine, entre les lignes.

Les ciels furieux, c'est 24 heures dans la peau de Henni. Petite fille, pleine d'Amour filial, aux épaules déjà bien assez larges pour son âge.
Un endroit, une époque, une période de l'Histoire que l'on entraperçoit...
L'intrusion, la fureur, la fuite, le froid, la survie...
L'interprétation d'un chaos à travers les yeux, les pensées, le coeur, les tripes... d'une âme bien trop jeune et innocente.
Henni nous fait admettre l'impensable....
Attachante, exceptionnelle : Henni, l'Inoubliable.

Et quand le lecteur refait surface, qu'il retrouve ses esprits, sa réalité, il ne peut que se dire que cette époque est loin, révolue.
Nous pourrions croire et surtout espérer que Les ciels furieux sont derrière nous. Mais, il suffit d'allumer sa télé, d'ouvrir son journal ou même sa porte pour constater et se désoler qu'il n'en est rien...

Une nouvelle fois, Angélique Villeneuve a su me toucher.
Je recommande.
Une écriture à découvrir ou à redécouvrir.

Merci Babelio et LePassage.
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J'attends, avec impatience, chaque nouveau roman d'Angélique Villeneuve, depuis que je l'ai découverte avec Les fleurs d'hiver, lecture coup de coeur en son temps.
J'ai tout lu.
J'ai tout aimé.
Et lorsque j'ai reçu, en cadeau, son dernier opus, Les ciels furieux, je me suis aussitôt plongé dans sa lecture.
Parce qu'un roman d'Angélique, c'est l'assurance d'émotions fortes, de personnages touchants, d'une part de mystère qui les entoure, et surtout d'une écriture qui sublime le récit.
Les ciels furieux n'échappe pas à la règle.
Chez Villeneuve, pour ceux qui ne la connaissent pas encore, la femme est au centre de l'histoire .
Jeunes ou âgées,  anonymes ou célébres, elles sont source d'inspiration de la romancière.
Jeune, Henni, l'est.
Très jeune, même.
Pas femme, donc.
Enfin, loin de l'être physiquement, mais tellement femme dans cette vie que lui octroie l'autrice.
À cinq ans déjà, on lui donne des responsabilités, on lui attribue des tâches dévolues d'habitude à des filles bien plus matures.
Mais dans la famille Sapojnik, c'est comme ça.
Dès qu'un nouveau né apparaît, on change de rang. On grimpe dans la hiérarchie familiale.
Jusqu'à la plus belle reconnaissance, le jour où l'on vous donne la charge de vous occuper d'un bébé.
L'autrice aime que le lecteur s'interroge, sur l'absence d'un nom ou, comme c'est le cas ici, d'un lieu, d'une époque, même si quelques indices peuvent guider.
Les ciels furieux, c'est une enfance qu'on bouscule, qu'on sort du cocon familial. Qu'on expédie en forêt, hostile, au milieu d'une nature qu'on doit apprivoiser, contre des peurs que l'on doit refouler. C'est le regard kaléidoscopique d'une enfant sur le monde qui l'entoure, sa violence, sa beauté, la vie, la mort. 
Henni.
Petite fille. Petite soeur. Mère porteuse. Adulte avant de l'être.
Un personnage qui vous marque.
Et sous la plume d'Angélique Villeneuve, comment ne pas être touché...
À noter que je trouve que la couverture proposée par l'éditeur, reflète parfaitement l'atmosphère du roman.
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critiques presse (2)
LeMonde
28 août 2023
"Les Ciels furieux" est le roman d’une petite fille qui n’entend pas perdre la sienne.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
24 août 2023
Il ne s’agit pas d’un roman historique : sa poésie ténue, ses images frappantes, sa solennelle candeur cherchent d’abord à renouer avec l’état d’enfance.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Le colporteur vendait des colifichets et de la vaisselle, des perles ou des rubans, de petites bagues qui plaisent aux jeunes filles, mais rien de bon à manger.
(page 90)
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La nuit dure si longtemps qu’on dirait qu’elle n’est pas comme les autres nuits, qu’elle est le lac au bord duquel elle est venue l’année dernière avec son père et avec Lev. Un lac infini, épouvantable et majestueux, sans la moindre transparence.
(page 54)
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À chaque membre de la famille serait attribué un doigt. Tel était le système qu’elle venait d’inventer.
Pour commencer, elle avait compté.
Le résultat était qu’une main ne suffirait pas à caser ne serait-ce que les six enfants Sapojnik.
(pages 48-49)
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Avrom ne ressemble pas à Lev qui a les oreilles décollées et la tête pareille à un œuf posé sur un cou crasseux de poulet. Avrom n’aura jamais ni le caractère ni les yeux mauvais du grand frère. Ça se voit.
(page 27)
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Elle est très forte pour les mouches. Une fois, sa main a bondi, elle en a attrapé une qui s’obstinait à l’angle du carreau puis, sans réfléchir, elle l’a gobée. Avant qu’elle l’avale ça faisait dans la bouche comme un oiseau lâché.
(page 12)
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Angélique Villeneuve, La Belle Lumière, éditions Le Passage
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