Édith Wharton, l'écrivaine, utilise ici sa plume, pour raconter sa vision du Maroc que peu de gens connaissait, en 1917.
Elle nous conte ses " mille et une nuits"...
Un arc-en-ciel d'émotions!
Il y a le soleil et ses rayons dorés, le sable jaune, les murs ocres, les cavaliers drapés de blanc, les peaux mordorées. La terre brune, la mer turquoise, le vert des palmiers et des oliveraies...
Les hommes bleus du désert ( pas les schtroumpfs! ) "enveloppés dans des capes noires, avec un soleil orange brodé dans le dos".
C'est la teinture indigo du vêtement qui déteint sur leur corps!
Des femmes voilées de noir, passaient comme des ombres. D'autres plus libres, les yeux brillants bordés de henné, un sourire éclatant dévoilant des dents blanches, négociaient un âne gris ou un chameau.
Des colliers d'argent cachaient leur poitrine, et leurs jambes étaient nues ou protégées par des jambières de cuir ( protection contre les épines du bled.)
Le coucher du soleil est d'un rouge incandescent. Rouge écarlate aussi, le sang versé, lors de la danse des Aïassouas. Ils avalaient des chardons, des braises ardentes, et se tailladaient le dos, avec des coutelas. Ils se roulaient dans la terre ensanglantée, pris dans une crise épileptique.
Edith souhaita s'enfuir, le coeur battant...
Au centre de la place, un danseur tournoyait.
Autour de lui, "un cercle d'hommes poussait des cris rauques, couverts par le grondement plaintif de la musique".
Des taches sombres sourdaient des caftans blancs et de chemises bleues, et formaient des mares, parmi les pierres. Du sang carmin coulait des entailles, que s'infligeaient les danseurs, avec leurs lames, sur leur poitrine et leur crâne...
Un rite sanglant, le sacrifice des Hamadchas!
Les joues en feu, Edith Wharton faillit s'évanouir !
Après les villes de Moulay Idriss, Meknès, et Fès, voici Marrakech! Chevauchez votre méhari, et suivez Edith Wharton!
L'écrivaine fut le témoin des derniers instants d'une civilisation millénaire, avant que le Maroc ne s'ouvre au monde...
" La réalité marocaine est si riche, si complexe, si contradictoire, qu'elle fournit en permanence, matière à fiction ". Tahar Ben Jelloun, écrivain.
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1917... Jamais encore, le pied d'un chrétien n'a foulé Kayrouiyin, mais les informations assez précises quant à son plan, ont été glanées par les spécialistes de l'art marocain. Le nombre de ses colonnes est connu et on sait qu'à la droite du mirhab, des portes en cèdre sculpté ouvrent sur une chapelle mortuaire appelée " la mosquée du mort" et également que dans cette chapelle, les vendredis, de vieux livres et de précieux manuscrits sont vendus aux enchères. Kayrouiyin est un lieu de culte, mais aussi une bibliothèque, l'université de Fès autant que sa cathédrale.
Les contes arabes de mauvais djinns qui se transforment en tempête de sable et en vents du désert, pour harceler le voyage épuisé, sont innombrables.
Ce sentiment s'accentue quand on quitte le bazar pour gagner les rues adjacentes. Un silence, plus profond encore que celui qui règne dans les quartiers aisés de toutes les villes arabes, plane sur ses artères aux lourdes portes cloutées qui ferment des maisons à moitié en ruine. Sur une place totalement déserte, l'une de ces portes ouvre ses battants de cèdre terni sur la cour de la plus fragile, de la plus fantomatique des médersas - simple coquille gravée et peinte d'un ancien lieu d'enseignement. Les entrelacs mystiques de lignes interminables, les structures patiemment et inlassablement répétées sur le bois, la pierre et l'argile, tout est là, du pavé en mosaïque de la cour au toit en cèdre travaillé à travers lequel ici et là un encart de tuile turquoise fait l'effet d'un morceau de ciel.
C'étaient de jolies créatures d'une couleur de bronze bleuté, nues jusqu'à la taille, aux petites boucles de cheveux noirs comme l'astrakan et aux jambes et chevilles sculpturales ; et tout autour d'eux, comme une nuée de moucherons, dansaient d'innombrables gamins, nus comme des vers, aux jambes comme des cigarettes et aux estomacs globuleux d'enfants nourris seulement avec des céréales.
Sur le bac du Bou-Regreg, nous nous retournâmes pour jeter un dernier regard aux remparts orangés qui se détachaient sur un ciel bleu nuit parsemé d'étoiles. Devant nous, au-dessus de jardins encore dans l'ombre, la lueur qui montait à l'est faisait passer les murs de Salé du gris-brun à une couleur de pêche. L'aube est un moment romantique en Afrique. La saleté et le délabrement disparaissent sous une brume perlée, et une brise qui vient de la mer emporte le souvenir des marchés fétides et des immondices de l'humanité. À cette heure, les vieilles cités marocaines ressemblent aux citadelles en ivoire des miniatures persanes, et les gras boutiquiers qui partent sur leurs ânes vers leurs potagers sont autant de princes partant à la rescousse de vierges captives.
Être trop mur est de fait la caractéristique principale de cette civilisation prestigieuse mais figée. Les bâtiments, les gens, les coutumes, tout semble près de s'écrouler sous son propre poids. Le présent n'est qu'un passé sans cesse prolongé. Toucher le passé de ses mains ne se réalise qu'en rêve ; or, au Maroc, l'impression de rêver vous enveloppe à chaque pas.
https://www.laprocure.com/product/1525906/chevaillier-louis-les-jeux-olympiques-de-litterature-paris-1924
Les Jeux olympiques de littérature
Louis Chevaillier
Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. »
Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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