Trop d'encre et pas assez de de sang. Masse Critique, ma bien nommée, une bien belle indigestion tu m‘as donnée.
Pourtant, la quatrième de couverture était alléchante, mais l'assiette ne fut pas au niveau du menu. Pas d'addition grâce à Babelio, mais je vais dire deux ou trois mots au cuistot. le client n'a pas toujours raison mais puisqu'on lui demande son avis, autant ne pas se priver.
La découverte de lettres et parchemins dans une maison en rénovation, permet à Helen Watt, professeur d'université à l'aube de sa retraite et à un thésard à perpétuité de se lancer dans la traduction de ces documents anciens d'une grande valeur historique. Ils découvrent très rapidement que le scribe est une jeune femme juive du 17ème siècle, très cultivée, qui interroge de sa plume volatile, le monde, la religion, les moeurs, la nature, en cachant son sexe sous des pseudonymes pour communiquer avec certains grands esprits plus ou moins étroits de son temps. Elle se sent notamment étroitement liée à
Spinoza qui fut frappé par un herem de la communauté juive, excommunication liée à ses gestes barrières face à la pratique religieuse. La jeune femme vit auprès d'un sage rabbin aveugle et bienveillant qui a abandonné ses yeux à l'Inquisition Espagnole et s'est réfugié à Londres après un passage à Amsterdam. Belle trame pour un roman historique, j'en conviens.
Hélas, le récit fait la navette entre les deux époques sans escales, trajet en trop long courrier, vol de nuit d'insomnie, et lecteur vite ankylosé par l'absence de turbulences. La commandante de bord ne parvient jamais à faire décoller l'appareil, la soute plombée par des cartons de livres étudiés et l'obsession du détail inutile. Quand la documentation afflige d'obésité la narration, quand l'érudition tient en joue le romanesque pendant 500 pages, quand l'intellectualisation anesthésie l'action, les plus histoires se crashent sur la piste d'envol.
L'auteure cherche à instaurer un dialogue entre Esther et l'universitaire, à près de 350 ans de distance, la
correspondance de l'une réveillant les passions de l'autre. Il est bien sur question d'émancipation, de liberté et de sacrifice mais si le récit interroge bien la place de la femme dans l'histoire, c'est l'histoire qui ne trouve pas sa place dans le roman. le Londres du 17ème siècle est survolé par un drone plus intéressé par les idées que par la visite guidée et la compétition entre universitaires pour obtenir la primeur de la découverte est aussi passionnante que la retransmission d'une compétition de fléchettes en Slovénie.
Ma curiosité pour une période que je méconnais et le destin de ces réfugiés portugais de l'Inquisition établis à Amsterdam, puis à Londres ont suscité néanmoins mon intérêt et quelques passages un peu plus relevés, quand Esther sort un peu la tête de ses pensées pour s'encanailler où lorsque l'universitaire se souvient d'une passion passée, ont su donner un peu de chair au roman. Je dois aussi reconnaître que les personnages sont bien construits et ne manquent pas de contradictions. "Néant moins", ils pensent plus qu'ils ne vivent.
Je m'interroge enfin sur la traduction de ce roman. Si j'en crois la couverture, ils s'y sont mis à deux. Peut-être pour rendre l'exercice plus supportable mais les répétitions et la platitude de certains passages questionnent sur le filtre des relectures. J'avoue que j'ai parcouru le dernier tiers en diagonale, un peu pour avoir le mot de la fin, beaucoup par lassitude.
Rendez-vous manqué.