J'avais été impressionné par
Raphaël Esrail à l'émission de la grande librairie. Celui-ci présentait son livre
l'Espérance d'un Baiser, ou le témoignage de l'un des derniers survivants d'Auschwitz, il voulait témoigner à la demande de ses petits enfants, dans son regard on ne décelait aucune amertume, mais plutôt une sérénité que renforçait la douceur de son visage.
J'aurais aimé sans doute, côtoyer ce grand-père capable de s'émouvoir et d'avouer à 90 ans, comme s'il parlait d'hier, "s'entrevoir là est un cadeau, comme un symbole d'espérance".
L' accompagnant par ses mots, page après page, je mesurais l'effort réalisé malgré sa timidité et cette réserve naturelle, pour retracer avec une précision de géomètre un périple apocalyptique, face à des hommes dont l'humanité s'était dissoute dans des règlements absurdes et pervers.
L'amitié puis l'amour qui va transcender sa vie a pris naissance dans un mélange d'espoir et de cruauté. Il gagnait l'amour infini pour Liliane et en même temps, Liliane perdait ses deux petits frères dans l'indifférence des geôliers, deux enfants gazés, trop petits pour travailler, indésirables car porteurs d'un peu d'origine juive.
Que penser de nouveaux de l'attitude du préfet de Gironde, trop bien connu, qui recevant dans l'urgence une lettre, une requête, lui demandant instamment d'alerter le camp de Drancy, et qui dans sa somptueuse résidence républicaine, réclamait au préalable des papiers, encore des papiers, toujours des papiers pour ne pas avoir à bouger.
Quelle honte l'on ressent en lisant cet épisode, qui hantera toute la vie de Liliane, et dont Raphaël ne pourra jamais la délivrer.
Deux enfants français, nés en Turquie de confession catholique.
Quelle émotion aussi, ressentie par ce couple le jour où l'ambassadeur d'Allemagne le 22 mars 2013, leur remet la croix de chevalier de l'ordre du mérite de la république fédérale d'Allemagne. Liliane dira simplement, " je n'ai jamais ressenti de haine, mais une immense douleur, oui, je pense à toutes les femmes de Birkenau qui ne sont plus."
"Madame l'Ambassadeur mes pensées vont vers mes deux jeunes frères Henri et René, éternels adolescents assassinés à Birkenau, 70 ans après le remords de n'avoir pu les sauver m'accompagne au quotidien".
La mémoire ce ne sont pas seulement les victimes, mais la réalité de l'implication, de l'administration républicaine les 16 et 17 juillet 1942. Ces jours sombres ont vu 4000 policiers français mobilisés pour cette opération, qu'on osa appeler "Vent Printanier".
C'est le mot rafle, maintenant qui désigne les quatre convois qui arrivent de France à Birkenau : le 21 août 1942, ce sont 373 enfants qui sont envoyés à la mort, puis 544, puis 518, puis 320.
Imaginons les, nos petits frères et nos petites soeurs dont beaucoup étaient maintenant orphelins se donnant la main pour marcher vers les chambres à gaz qui les avalèrent à l'aube de leur vie.
Le récit poignant de
Raphaël Esrail, raconte humblement les faits, pas à pas, sans dresser un tableau totalement noir d'un côté, totalement uni de l'autre, dans cet univers on ne se fait pas de cadeaux, des tensions extrêmes naissent, des moments de répit, quelques moments de bonheur, puis l'épuisement et les maladies qui se succèdent.
Depuis Lyon et sa jeunesse, partagée dans le scoutisme, la résistance et l'arrestation, Drancy vers les Camps de la mort, l'évacuation dans des conditions extrêmes, et les morts qui tombent. Cette histoire il faut la faire connaitre, personne ne peut l'imaginer, il faut la lire avec les mots de Raphaël et de Liliane.
C'est un texte magnifique, une source de vie, une force de survie.