Créée fin décembre 1662,
L'Ecole des Femmes a provoqué un scandale, a donné lieu à une tentative de cabale, des critiques, un débat de société. Cela a fortement contribué au succès de la pièce, qui a attiré un public nombreux.
Molière était parfaitement conscient que tous ces débats, critiques, faisaient venir le public. Il annonce très vite, pour répondre aux mises en cause de sa pièce, une petite pièce qui répondrait à ses détracteurs, sous une forme amusante. Elle est évoquée dès le mois de janvier, puis en mars, mais se fera attendre. le rôle des petites pièces en un acte, complétant la grande pièce, était en effet de relancer la fréquentation, lorsqu'une pièce au bout de quelques temps attirait moins de monde. Et
l'Ecole des Femmes a continué à faire venir le public jusqu'à la relâche de Pâques (les théâtres devaient s'arrêter pendant plusieurs semaines pour des raisons religieuses).
La critique de l'Ecole des Femmes sera donnée le 1 juin, à un moment où les recettes des théâtres étaient en général faibles, et permet une envolée spectaculaires des recettes. le succès continue jusqu'à début août ; des soldats ont même été engagés en renforts des portiers pour protéger le théâtre des hommes armés voulant entrer sans payer. En renfort à la pièce,
Donneau de Visé, homme de lettres proche de
Molière écrit une pièce qui semble donner la réplique à
Molière (La véritable critique de
l'Ecole des Femmes). C'est une attaque de façade, les arguments sont faibles et débonnaires, et largement contrés, et bien plus brillamment par
Molière dans
La Critique de l'Ecole des Femmes. D'autres critiques plus résolues apparaîtront, dont le portrait du peintre (surnom de
Molière) joué sur la scène de l'Hôtel de Bourgogne ; ce qui permettra à
Molière de répliquer avec
L'impromptu de Versailles, et de faire encore parler de sa pièce et d'attirer les spectateurs dans son théâtre. Une fois son rôle rempli, la pièce, de circonstance, disparaîtra des affiches.
La pièce se passe dans un salon, (ou plutôt dans une ruelle, le mot salon n'étant pas encore en usage à l'époque de
Molière), du beau monde parisien. Uranie, l'hôtesse reçoit des habitués, et on vient presque immédiatement à évoquer le sujet du jour,
L'école des femmes. La pièce a ses défenseurs et ses détracteurs. Les défenseurs sont « honnêtes gens » et des détracteurs appartiennent à la catégorie des ridicules.
Molière esquisse une stratégie de connivence avec son public, qui se reconnaît sur la scène, et qui forcément a plus envie de s'identifier aux personnages positifs des admirateurs de la pièce. Les adversaires appartiennent à des genres comiques que
Molière va continuer à travailler : la précieuse et prude Climène, le marquis ridicule qui prétend juger de tout, et le pédant poète Lysidas. Ils sont des repoussoirs pour son public galant, qui recherche une convivialité sans heurts, sans excès. La prétention du marquis, l'exagération langagière et prude de Climène, l'excès du recours aux autorités d'
Aristote et de l'Académie de Lysidas qui fait la leçon à l'auditoire, s'opposent au bon sens, à la juste mesure adoptés par Uranie et Dorante. Une pièce doit avant tout procurer du plaisir, faire rire dans le cas d'une comédie, qui n'est pas moins difficile à réussir qu'une tragédie, et un honnête homme ne doit pas bouder son plaisir, au nom de principes, surtout mal compris et digérés. Il y a plus précisément la défense de quelques points de la pièce, qui ont fait débat.
C'est vif, bien mené, même si évidemment mineur. Une partie du comique, basé sur les codes sociaux de l'époque nous échappe maintenant. Même si de circonstance, la pièce est tout de même une sorte de profession de foi d'un comédien-auteur, qui vise avant tout une efficacité scénique, une adhésion du public, en dehors des normes très strictes de ce devait être le théâtre pour ses théoriciens. D'un directeur de troupe, qui doit faire vivre ses membres et qui maîtrise parfaitement les règles de la communication pour donner envie au public.