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Critiques de Fernando Pessoa (317)
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Le Banquier anarchiste

Ce livre est un ovni littéraire!

Ni un roman, ni du théâtre, ni de la poésie!

Juste un dialogue!

Ou comment avec un peu de rhétorique, il est possible de défendre n'importe quel point de vue!

Avec plein d'humour et de mauvaise foi, Fernando Pessoa démonte quelques grandes pensées du vingtième siècle: Socialisme, Capitalisme ou Anarchie chacun y perd des plumes.

A lire pour le plaisir, ou pour méditer.
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Le Banquier anarchiste

C'est un sujet original : un banquier anarchiste (qui fume son cigare en expliquant les tenants et les aboutissants de son choix de vie...). Son discours, poussé à l'extrême, est distrayant et pousse à réfléchir. D'autant plus que le texte, écrit en 1922, est brûlant d'actualité. L'édition est complétée par des appendices qui apportent vraiment à la compréhension du récit. Une lecture bien agréable en tout cas.
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Bureau de tabac, autres poèmes

Géniale, oeuvre sublime, un pur moment de bonheur, voyages extatiques au coeur de l'univers intranquile universel.....
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Ode maritime

N°1631 - Mars 2022



Ode maritime– Fernando Pessoa (Alvaro de Campos) – Éditions Fata Morgana.



Ce sont des poèmes parus en 1915 dans le deuxième et dernier numéro de l’éphémère revue « Orpheu » dirigée par Pessoa. Ils sont signés d’Alvaro de Campos, un hétéronyme proche du grand écrivain portugais. Ce personnage quelque peu anglo-saxon malgré sa naissance est une création de Pessoa a eu une vie (1890-1935), un horoscope, il est un ingénieur naval à monocle, a navigué, notamment en Orient puis est revenu à Lisbonne où il est mort. C’est un poète d’avant-garde qui est à la fois semblable et différent de son créateur, chantre du modernisme et un auteur pétri de fantasmes et de mystères. Dans ces poèmes Pessoa se cache et se dévoile alternativement comme il le fait également avec ses autres hétéronymes. C’est autant une manière de s’exprimer qu’une manière d’être, une façon de se dédoubler en s’analysant lui-même, en semant des interrogations dans l’esprit de ses lecteurs tout autant que de donner volontairement une réalité à son esprit multiforme, aussi original qu’inattendu.



C’est une poésie à la fois simple, complexe et tourmentée, avec des accents quasi surréalistes, quelque peu masochistes et parfois violents, qui ressemble à une longue litanie et parfois même à une épopée, tournée ici principalement vers le mystère que génèrent la distance, l’inconnu, le voyage avec ses départs et ses arrivées. C’est un long poème de plus de mille vers que j’ai eu plaisir à lire à haute voix pour partager la magie des mots. Il parle de la mer, du large, des navires et donc du port qui en est le point de démarrage. Voir le bateau qui quitte le quai est une invitation au rêve de découvertes et de rencontres pour celui qui part et de mélancolie pour celui qui reste à terre et se contente de voir le sillage et la fumée du navire qui disparaît. C’est une facette de cette « saudade » qui fait tellement partie de l’âme lusitanienne dont le destin est fait de voyages, d’exils et d’ailleurs.

Puis c’est le retour à la réalité, l’acceptation de l’existence anonyme et oubliée, celle des quidams qui sont condamnés à regarder partir les autres et à rester seuls avec leurs regrets et leurs remords. Il y a dans ces textes, les premiers vers qui évoquent le retour d’un bateau, une idée très portugaise du retour, celle du « sebastianisme », du nom de Sébastien 1° roi du Portugal (1554-1578) qui mourut au cours d’une bataille au Maroc et dont la tradition veut qu’il ait survécu et qu’il revienne un jour au Portugal.

La distance s’analyse aussi dans le temps, à travers la mémoire du passé, le souvenir de l’enfance heureuse et calme, accrochée aux murs d’une maison aimée .

De tout cela je retire un sentiment de solitude, de tragique, sans oublier le mystère qui réside dans le personnage même de Pessoa.











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L'affaire Vargas



Un polar écrit par le poète Fernando Antonio Nogueira Pessoa en personne, comment est-ce possible ? Et bien sachez qu’avec Pessoa rien ne semble impossible

Mais alors de quoi parle » l’affaire Vargas »

Abilio Fernandes Quaresma est un célibataire d'âge mûr, un médecin qui n'exerce pas. Il vit à Lisbonne, dans une petite chambre où il passe le plus clair de son temps et s'adonne à ses deux vices, l'alcool et le tabac. Grâce à la seule vertu de son raisonnement, il parvient à résoudre des énigmes sur lesquelles piétinent policiers et juges.





Dans ce court roman en deux parties, Pessoa nous raconte la fin la vie de monsieur Vargas que l’on retrouve mort dans le quartier de Benfica. Il avait rendez-vous avec deux amis. Il a vu le premier et n’a jamais rejoint le second.

La police penche pour la thèse du suicide mais alors rien n’est moins sûr. Aussi dans la première partie on va suivre l’enquête de routine menée par la police lisboète. Un vrai roman procédural et puis tout à coup apparait le docteur Quaresma, Quaresma le déchiffreur. Ayant développé un sens aigu de la déduction, il est passé maître dans l'art de déchiffrer les charades de l'Almanach de souvenirs et, plus encore, les mystères et assassinats de la vie réelle, qu'il préfère.

Alors oui Pessoa fait sans doute de Abilio Fernandes Quaresma son double littéraire. Il est comme son auteur à la fois rêveur et pourtant très rationnel.

Mias attention si la première partie de ce polar est très conventionnelle la seconde elle se révèle plus ardue. Nous allons découvrir la méthodologie déductive du docteur Quaresma et là ça se corse. La logique de Quaresma et tout en psychologie pire en psycho-pathologie. Mais son raisonnement est imparable même si parfois complexe.

Un petit conseil tout de même, prenez le temps de lire la préface de Michelle Giudicelli, elle vous donnera sans doute les clés pour déchiffrer à votre tour la pensée de Pessoa et de sa créature.

Encore un petit bijou resté trop longtemps dans ma PAL


Lien : https://collectifpolar.com/
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Le Banquier anarchiste

Voici un roman qui se présente tel un dialogue où l’ami banquier avance une suite d’argumentaires logiques, comme un enchevêtrement d’énoncés construisant peu à peu un raisonnement rappelant la façon de faire de Dupin dans Double assassinat sur la rue Morgue d’Edgar Allan Poe. Toutefois, les diverses conclusions, les étapes de cet échafaudage de syllogismes, s’empilent et se bousculent pour mener à une chute pour le moins paradoxale. La chute ne surprend pas en elle-même, elle est annoncée dès l’ouverture, c’est la fabrication de l’édifice logique qui constitue le sujet littéraire de ce roman. Mais, au-delà de ce tour de force, Pessoa avance les critiques de son monde. Du même geste, il dénonce la société bourgeoise et le communisme montant. Écrit et publié en 1922, par certains de ses thèmes, Le banquier anarchiste pourrait rappeler Le monde qui pourrait être de Bertrand Russell édité en 1918.
Lien : https://rivesderives.blogspo..
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Le Banquier anarchiste

Je ne saurais dire si Branson le patron de Virgin Group est un anarchiste ayant conquis le monde et au-delà un peu l’espace mais à mon sens, il se poserait comme un archétype contemporain du marginal libéré devenu riche. Dans sa jeunesse, un de ses profs lui avait signifié : « Branson, deux choses l’une, soit vous serez un clochard toute votre vie, soit vous deviendrez milliardaire. » ou quelque chose dans le style…il débutera son expansion économique avec la création musicale, dans un contexte baba cool et des idées originales comme s’il voulait dire : tout est permis…

Le livre de Fernando PESOA me fait un peu penser à lui, bien que le texte ait une forte nature doctrinale.

Il s’agit d’une fiction où Pessoa choisit le banquier dans le rôle de l’anarchiste. L’anarchiste est celui qui tente d’échapper à la tyrannie, quelle qu’elle soit et pour cela grimpe dans l’ascenseur social afin de se doter du pouvoir nécessaire à ce but. Il se trouve donc confronté à cette ambiguïté : il peut par le biais du pouvoir de l’argent vivre son anarchie mais à contrario ne génère-t-il pas lui-même de la tyrannie envers les autres ?

Kropotkine, prince de sang russe et inventeur du communisme libertaire est cité dans le texte, ayons une pensée également pour Bakounine. Tous deux sont fils de riches propriétaires terriens et peuvent s’offrir le luxe de vivre leur anarchie. Ne faut-il pas être totalement libéré des contingences matérielles pour penser l’anarchie ?

Si l’on fait le constat de 68, à l’heure qu’il est, on s’aperçoit que cette révolte où flottait entre-autre le drapeau noir, a mis en selle nombreux protagonistes, intellectuels qui n’ont eu de cesse au fil du temps que de doper le conservatisme. Ils ont été les pourfendeurs de leur vision de l’anarchisme en favorisant le credo du progressisme, du capitalisme universaliste et des valeurs américaines. Triste constat…

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Poèmes païens

Ensemble de poèmes écrits par Pesoa sous divers pseudonymes. La nature y est très présente car inspirante. Une poésie très mélancolique, empreinte d'un fort mysticisme. Pesoa ne cherche pas à régler ses comptes avec la vie, il observe la double dimension existentielle: intérieur /extérieur. Les deux se rejoignent et communient dans sa poésie de forme moderne.

On ressent cette quête de la sagesse, stoïcienne mais aussi hédoniste.



"pour être grand, sois entier:rien

En toi n'exagère ou n'exclus.

Sois tout en chaque chose. Mets tout ce que tu es

Dans le moindre de tes actes.

Ainsi en chaque lac brille la lune entière

Pour ce qu'elle vit haut"



Un écho à la table d'émeraude ? "Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas"
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Le livre de l'intranquillité

S'il fallait emmener un ouvrage sur une ile déserte il serait du voyage.

S'il y a un livre que vous pouvez lire et relire en y trouvant toujours et encore richesse et réflexion, c'est celui-ci.

Ce n'est pas un voyage littéraire facile, d'abord parce qu'il n'est pas terminé, parce chaque éditeur a organisé les chapitres et le contenu à sa manière aucune d'elle n'étant probablement celle qu'aurait choisi l'auteur.

D'ailleurs aurait-il choisi ?

Il nous dit : "pourquoi écrire ce livre ? Parce que je le sais imparfait. Totalement tu, ce serait la perfection ; écrit, il se déperfectionne : c’est pourquoi je l’écris"

Le livre de l'intranquillité est resté dans un coffre avant d'être exhumé, analysé et finalement publié en 1982 de façon fragmentée et réordonnée.

Je suis incapable de dire comment et pourquoi j'aime ...
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Le livre de l'intranquillité

Je suis désolé pour les puristes, mais j'ai eu énormément de mal avec ce livre. Pas l'ombre d'une lumière (sic), l'auteur est uniquement centré sur lui même, ses rêves au moins il pourrait nous les décrire ça mettrait un peu de couleur un peu d’espoir mais non rien juste une épreuve pour lui et pour nous
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Poésies d'Alvaro de Campos - Le Gardeur de tr..

L’épisode est connu. Alors qu’il désespère de sa vocation, Fernando Pessoa est saisi d’une véritable révélation qu’il décrit lui-même dans une lettre à l’un de ses amis. « Un jour où j’avais finalement renoncé – c ‘était le 8 mars 1914 – je m’approchai d’une haute commode et, prenant une feuille de papier, je me mis à écrire debout, comme je le fait chaque fois que le je peux. Et j’ai écrit trente et quelques poèmes d’affilée, dans une sorte d’extase dont je ne saurais définir la nature. Ce fut le jour triomphal de ma vie et je ne pourrais en connaître d’autres comme celui-là. Je débutai par un titre « Le gardeur de troupeaux » . Et, ce qui suivit, ce fut l’apparition en moi de quelqu’un, à qui j’ai tout de suite donné le nom d’Alberto Caeiro . Excusez l’absurdité de la phrase : mon maître avait surgi en moi ».

Alberto Caeiro est donc le premier hétéronyme « sous la dictée » duquel Pessoa entreprend de bâtir son œuvre poétique. Cet hétéronyme sera suivi d’autres comme Alvaros de Campos, disciple fictif de Caeiro, Ricardo Reis et Bernardo Soares l’auteur du célèbre « Livre de l’intranquilité ». Tous ces auteurs surgis des tréfonds de Pessoa ont leur personnalité propre, leur biographie et leur style.



Je viens de terminer le volume reprenant « Le Gardeur de troupeaux » suivi d’autres poésies d’Alvaro de Campos publié dans la belle collection Poésie /Gallimard.



Ce recueil est insolite car il révèle une sorte d’antithèse de Pessoa, lui-même profondément mystique, adepte de la kabbale et réceptif aux croyances des Rose-Croix qui prophétisaient la chute du Vatican et l’avènement du Règne de l’Esprit Saint.

Au contraire, la poésie d’Alberto Caeiro , sinon matérialiste exprime du moins un profond paganisme : Comme l’a exprimé R. Bréchon, le poète ne refuse pas la nature divine de l’univers ou de l’homme : dans une mystique du corps et de la matière, il n’y a plus de Dieu caché ; c’est le réel lui-même dans son être là qui est divin.

« Si l’on veut que j’aie un mysticisme, c’est bien, je l’ai.

Je suis mystique mais seulement avec le corps.

Mon âme est simple et ne pense pas ».

Cette mystique du corps n’exclut pas une forme d’émerveillement, d’étonnement naïf :

« L’effarante réalité des choses

est ma découverte de tous les jours.

Chaque chose est ce qu’elle est

et il est difficile d’expliquer combien cela me réjouit

et combien cela me suffit.

Il suffit d’exister pour être complet ».



Parfois, ce paradoxal mysticisme de la matière rejoint ce que le philosophe Clément Rosset appelle «une éthique de la cruauté », réfractaire à tout espoir et toute attente, qui se refuse à atténuer les aspérités du réel et obéit au principe de réalité suffisante. La plus haute et la plus difficile tâche de l’homme est alors de « s’accommoder du réel, trouver sa satisfaction et son destin dans le monde sensible et périssable », délesté de tous symboles et consolations métaphoriques. Pessoa / Caeiro n’est pas loin de cette éthique :

« Les choses n’ont pas de signification : elles ont une existence.

Les choses sont l’unique sens occulte des choses. »



Ailleurs dans ce recueil, ceci encore :

« La beauté est le nom de quelque chose qui n’existe pas

et que je donne aux choses en échange du plaisir qu’elles me donnent.

Cela ne signifie rien.

Pourquoi dis-je donc des choses : elles sont belles ! »



Le « désenchantement serein » qui sourd de cette très belle poésie pourtant minimaliste aura un disciple parmi les hétéronymes de Pessoa : il s’agit d’Alvaro de Campos dont quelques textes sont repris dans le présent recueil.

Chez lui on assiste toutefois à une maturation de cette éthique en une sorte d’existentialisme avant la lettre fort surprenant si longtemps avant Sartre ou Camus :

« Je vois les êtres vivants et vêtus qui se croisent,

Je vois les chiens qui existent eux aussi,

et tout cela me pèse comme une sentence de déportation,

et tout cela est étranger, comme toute chose ».



Soudain, le mal-être se fait plus insistant :

« Auprès de moi, accompagnement banalement sinistre, Le tic-tac crépitant des machines à écrire.

Quelle nausée de la vie !

Quelle abjection, cette régularité…

Quel sommeil, cette façon d’être ».

Ce recueil est une invitation à approfondir l’œuvre foisonnante de Pessoa, un auteur qui interpelle par la variété de ses points de vue. Le vertige qui peut nous saisir à cette découverte d’un homme à ce point épars n’est peut-être finalement que le symptôme de notre propre morcellement...
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Fragments d'un voyage immobile

Fragments d’un voyage immobile, Fernando Pessoa

Ecrit par Didier Smal dans La Cause Littéraire.

Lit-on vraiment l’œuvre de Fernando Pessoa (1888-1935) ? Oui, et non. Oui, une première fois, on se laisse porter par les poèmes ou la prose ; non, parce qu’ensuite on ne cesse d’y revenir, suivant les signets ou attendant du vent qu’il ouvre le volume écorné, à force, à une page quelconque qu’on lira puis qu’on rêvera. On sirote, on picore au final plus Pessoa qu’on ne le lit, en somme. Ce picorage, cette maraude quasi, c’est exactement ce que propose le petit volume Fragments d’un Voyage Immobile réédité ces jours-ci par les éditions Rivages dans leur collection de poche – avoir toujours Pessoa à portée de la main, même sous forme de « fragments », en tout lieu, tout moment, ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité.

Avant d’aborder les « fragments » en question, considérons la préface, en fait un essai signé Octavio Paz (1914-1998), long d’une quarantaine de pages, intitulé « Un Inconnu de lui-même : Fernando Pessoa » et daté de 1961. Le poète mexicain, lauréat du Prix Nobel de Littérature, s’y livre à une analyse de l’œuvre de Pessoa, éclairant entre autres la notion d’hétéronyme, indispensable pour appréhender les différents recueils du Portugais, signés aussi bien Fernando Pessoa qu’Alberto Caeiro, Ricardo Reis ou encore Alvaro de Campos.

Il s’agit bien de comprendre que Pessoa n’a pas écrit sous pseudonyme mais a inventé intégralement des écrivains aux œuvres distinctes, chacune possédant son style et son propos, certaines s’opposant même entre elles. Paz cite d’ailleurs Pessoa, concernant le style et la langue : « Caeiro écrit mal le portugais ; Campos le fait raisonnablement, bien qu’il lui arrive de commettre des erreurs […] ; Reis l’écrit mieux que moi, mais avec un purisme que j’estime exagéré ».

Pour expliquer ces hétéronymes, Paz utilise une comparaison parlante : « les hétéronymes écrivent dans une seule direction et dans un même courant temporel ; Pessoa bifurque comme un delta et chacun de ses bras nous offre l’image, les images, d’un moment ». On ne saurait mieux dire, et le Mexicain le montre au fil de son bref essai, inscrivant Pessoa dans « la tradition des grands poètes de l’âge moderne, depuis Nerval et les romantiques allemands ». Paz voit en la naissance des hétéronymes une « destruction du moi », ce qui l’amène à conclure que le Pessoa, c’est « l’imminence de l’inconnu », ou de l’homme du futur, en tout cas de l’homme dépourvu de temporalité. Avant d’arriver à cette conclusion, Paz a brièvement évoqué la biographie de Pessoa et, surtout, donné un aperçu aussi exact qu’éclairant de chacun des hétéronymes ; pour cette seule raison, liée au style limpide du Mexicain, la lecture de cet essai est à elle seule une excellente introduction à l’œuvre du Portugais.

La seconde partie du volume, une soixantaine de pages, complète cette introduction par un aperçu du propos de Pessoa en deux cent quarante-deux « fragments prélevés arbitrairement sur les quelques dizaines de milliers de feuillets que nous a laissés l’homme aux masques », ainsi que l’explique Rémy Hourcade, assumant le double rôle d’anthologiste et de traducteur, double rôle dans lequel il excelle tant le lecteur a la double impression d’avoir pu jeter un œil dans chacune des pièces du château littéraire Pessoa (Hourcade désirant « rendre compte de la galaxie Pessoa ») et d’avoir eu l’oreille bercée par les mots du Portugais aux multiples hétéronymes.

Assez intelligemment, l’anthologie est agencée en thématiques qui ne sont pas annoncées : pas d’intertitres, juste un numéro alloué à chaque fragment. Les premiers fragments sont ainsi dédiés au rapport à l’écriture de Pessoa : « Je me dois à la mission dont je me sens investi une perfection absolue dans la réalisation, un sérieux total dans l’écriture », aussitôt inversé : « Mon ambition n’est pas d’être poète ». Car Hourcade, par cette organisation dédiée aux thèmes abordés plutôt qu’aux œuvres hétéronymiques, montre toute l’ambivalence de l’œuvre globale de Pessoa, des « vingt-sept mille quatre cent cinquante-trois textes soigneusement rangés par Pessoa dans sa malle » (cette particularité incite d’ailleurs à se dire que la poésie de Pessoa et ses hétéronymes, c’est un peu la mise à malle du vingtième siècle – que l’on pardonne ce calembour.)

Désireux de montrer aussi toutes les facettes de l’œuvre de Pessoa, Hourcade montre au passage aussi bien le rapport du Portugais à l’écoulement du temps (« J’ai passé ces derniers mois à passer ces derniers mois. Rien d’autre, un mur d’ennui surmonté de tessons de colère », juste pour montrer la puissance d’expression ramassée qu’on trouve chez Pessoa), qu’à la mystique, à l’argent ou encore au nationalisme (doctrine qu’embrassa Pessoa). Ces thématiques sont agencées avec une certaine logique évolutive, comme si l’articulation de ces fragments avait été voulue par Pessoa lui-même. Cela est bien sûr impossible, d’autant que, grande élégance de Hourcade et allègement consécutif de la mise en page et augmentation du plaisir de la lecture, la référence de chacun des fragments ici réunis n’est donnée qu’en fin de volume, et ce n’est donc que dans ces quelques pages que l’on s’aperçoit que Campos succédait à Soares dans les idées, et que de cette confrontation inédite est jaillie une troisième idée, un image nouvelle de l’œuvre de Pessoa.

En résumé, cette brève anthologie des écrits de Pessoa et ses différents hétéronymes (les extraits de lettres côtoient ceux de poèmes) s’adresse tant aux néophytes qu’aux amateurs. Aux premiers, elle offre un premier aperçu des multiples facettes de cette œuvre toujours en cours de découverte et d’édition ; aux seconds, elle offre, outre le très bon essai d’Octavio Paz, l’opportunité de redécouvrir cette œuvre, son petit volume lui permettant de se glisser dans le moindre sac de survie. Quelques mots de Pessoa en cas de fin du monde, ce ne sera pas du luxe.



Didier Smal


Lien : http://www.lacauselitteraire..
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Le Banquier anarchiste

Ce pamphlet de Fernando Pessoa donne des coups de pieds dans la fourmilière, pas de tabou, que ce soit sur le sujet de la religion, de la "fiction sociale", la bourgeoisie, la conception des actes par rapport aux idées...



On peut regrouper 10 personnes et obtenir d'eux une définition différente d'un mot, ou une raison différente à un acte, une idée. Nous n'avons pas la même perception des choses. D'ailleurs, lorsque je regarde les ressentis de ce livre, je n'y vois pas forcément le même regard que j'y est porté.



Le banquier se veut anarchiste, il n'en démord pas, mais pour le prouver, il en avance des arguments absurdes qui le pousse dans un paradoxe. Il veut se donner de l'importance en se disant "plus anarchiste que les anarchistes", lui étant un anarchiste en théorie et en pratique, les autres n'étant anarchiste qu'en théorie... L'homme est sûr de lui, ne doute de rien et avance fièrement ses idées. Il s'écoute parler sans s'entendre dire les contradictions qui étayent ses propos. Il ne veut pas être mélangé avec les "poseurs de bombes" dont il parle non sans mépris, mais fini par dire qu'il aurait pu tuer pour sa propre cause, puisqu'en effet, il impose son individualisme avec sa vérité, son anarchisme, sa liberté...


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Ode maritime

~ La mer ~



“ Homme libre, toujours tu chériras la mer !

La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme

Dans le déroulement infini de sa lame,

Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer”

Disait Baudelaire, et bien on n'a pas fini de la chérir, de la contempler, de se fondre en elle !



En 1915, Fernando Pessoa publie Ode maritime dans une petite revue portugaise. Il le fit a travers son alterego «Álvaro de Campos», un de ses doubles & personnages littéraires (hétéronymes) qu'il s'est créé.

Dans cette œuvre, il fait face à un port maritime. Témoin des entrées & sorties de bateaux, il poétise sur ces temps passés autrefois sur mer, au temps des navigateurs & des pirates. Il voyage et se voit vivre différentes vies.

Ces pensées le ramène aussi à la réalité, à sa vie, à son enfance, à son existence présente & celle qu'il porte en lui.



Un narrateur déchiré entre ce qu'il est et ce qu'il voudrait être. Nous pourrons alors soupçonner un parallèle avec Fernando Pessoa ne pouvant vivre ces mots qu'à travers ses hétéronymes.

Le clapotement de la mer qui s’écrase contre les récifs & la poésie de Pessoa, rien que cela
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Chronique de la vie qui passe

Pessoa n'a pas troqué sa plume de poète contre une lame.

Pessoa a affûté sa plume.

La voilà tranchante.

La voilà prête à en découdre.



Je connaissais le Pessoa de l'inquiétude, de Faust. Ce rythme envoûtant, cette désespérance intranquille.

Le Pessoa que l'on retrouve dans Le marin ou Dans la forêt de l'absence.



Mais voici que je le découvre bravache, mordant, impitoyable, dans la grande majorité de cet ouvrage.

Chroniqueur zélé, voire provocateur.

Certains auteurs, critiques et penseurs seront allègrement passés au fil de sa plume, comme on dit au fil de la lame. Toujours brillamment, et non sans humour.



La première partie est consacrée à la poésie qui s'inscrit dans le mouvement du monde. De l'Europe et du Portugal surtout. Comment la littérature évolue au fil des époques, des régimes et des révolutions. De la politique. Comment l'une découle de l'autre. Comme elles se confondent, se fondent et se défont. Étude absolument fascinante, qui m'a peut-être laissée un peu sur ma faim tant je me suis passionnée !



Pour qui aime Pessoa, l'ouvrage trouve merveilleusement sa place sur les étagères de la bibliothèque. Moi qui me targuais de bien connaître le bonhomme, il me surprend encore une fois !
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Fragments d'un voyage immobile

Qui lire...

quand on veut se libérer de l'habitude de lire

lirons nous Alberto Caeiro, Ricardo Reis, Alvaro de Campos, Bernardo Soares ou Alexander Search ?

ou Fernando Pessoa ?

l'époque avait besoin d'un grand poète

l'aurait-elle remarqué

s'il avait laissé les mots sortir de la malle ?

Aurions nous su alors

aimer ces mots plus que l'amour lui-même de ces mots ?

Comment dévorer cet ogre

précurseur à posteriori

de l'évangile de Judas

and men's mere soul too man for its abode.



C'est à Lisbonne

dans un rade - vous savez un de ces bistrots où l'on existe que dans de froides indifférences

où se rejoignent dans des matins de tristes dimanches, tous les abandonnés, abandonneurs qui changent d'histoire et de nom au fil des verres pour bâtir leur mythe qui est rien de tout.



En écoutant quoi d'autre que les fados chantés par Amalia



Rendons à Cesario ce qui lui appartient et nous boirons du vino Verde

Allez y

buvez

lisez

et soyez mal ou bien

qu'importe

mais soyez vous....









nombreuses sont les lignes (de la première partie) que nous devons à ce bon Fernando







© Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Lettres à la fiancée

🖊 Lettres à la fiancée est un recueil de différentes lettres écrites par Fernando Pessoa à la seule fiancée qu’on lui ait jamais connu, Ophélie, entre 1921 et 1929. En guise de préambule, la nièce d’Ophélie a recueilli son témoignage, pour expliquer cette étrange relations de quelques mois étalée sur sept années.



🖊 Bien que ce recueil ne soit pas le plus célèbre du fameux auteur, j’ai voulu tenté l’aventure de cet échange épistolaire unilatéral. Et quelle étrange surprise ... Pessoa semble complètement étourdi de son amour pour la jeune femme de douze ans sa cadette. A grands coups de “Bébé”, “petit Bébé” et autres surnoms tout aussi dégoulinants de niaiserie, il lui déclare sa flamme, son amour naissant, ses doutes.



🖊 A part quelques moments de lucidité où le discours a du sens, je n’ai pas compris l’intérêt de ce livre, à part peut-être de comprendre l’écart entre le virtuose littéraire et l’amoureux transi....

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Pourquoi rêver les rêves des autres ? : Lettres..

Vision de Pessoa, de sa poésie de la sensation et de la pensée, de la diffraction quasi schizophrénique de son oeuvre à travers ses hétéronymes dont ce choix de lettres illustre la genèse. Pourquoi rêver les rêves des autres offre une plongée assez surprenante dans la création en cours de cet homme pluriel, complexe dont la correspondance révèle souffrance et générosité.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Le livre de l'intranquillité

Que l'on ne se méprenne pas, c'est cet audio qui ne mérite qu'une étoile et pas l'oeuvre de Fernando Pessoa.

J'ai souhaité écouter le journal de l'intranquillité mais je suis extrêmement déçue par cet audio à la limite de l'audible. D'ailleurs, bien qu'il ne dure qu'un peu plus d'une heure je ne suis même pas allée jusqu'à la fin. En fait, il s'agit d'un spectacle de François Marthouret présenté à l'origine en 1998 à la Maison de la poésie. Il a sélectionné des extraits du journal de Pessoa.

Comme pour la poésie, certains textes se prêtent à la lecture à voix haute. Je suis persuadée que c'est le cas pour le texte de l'auteur portugais.

Mais être un bon acteur n'est pas forcément être un bon lecteur et François Marthouret surjoue dans ce spectacle. Il se met à hurler comme pour mettre de la dramaturgie là où il y a de la psychologie. Il ne tient pas en place et le sol craque en permanence, il prolonge les silences démesurément... et même si ce texte doit procurer une certaine tension, la colère n'est pas de mise.

Peut-être quand le voyant on peut apprécier la mise en scène mais je déconseille l'audio.

Je vais donc retourner au texte écris d'origine mais cette écoute m'a un peu gâché le plaisir.



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Poètes de Lisbonne



Un recueil de poèmes ça s'explore tranquillement, ça se picore au fil des envies, et même si je n'ai pas encore lu tous les poèmes qui composent ce recueil bilingue, j’y ai déjà trouvé des perles. En même temps le contraire serait étonnant, puisque les poètes lisboètes qui en occupent les pages sont tous les cinq des grands noms de la poésie portugaise : Luís de Camões, Cesàrio Verde, Florbela Espanca, Mário de Sá-Carneiro et enfin Fernando Pessoa… Du beau monde donc, et l’occasion pour les lusophones de tester la maîtrise du langage en comparant la version dans le texte à sa traduction que l’on m’a dit excellente (je ne fais hélas pas partie des lusophones en question).

Un bel ouvrage pour les amateurs comme pour les curieux de découvrir la poésie portugaise, en prime joliment enrichi par des portraits illustrée des auteurs, qui délimitent la partie du recueil qui leur est dédié.

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Les larmes de l'assassin

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Thème : Les larmes de l'assassin de Anne-Laure BondouxCréer un quiz sur cet auteur

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