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Critiques de Simonetta Greggio (358)
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Femmes de rêve, bananes et framboises

Un recueil sombre, avec des nouvelles qui sont parfois plutôt des textes dont on ne sait s'ils sont fantasmés ou autobiographiques. Et comme pour L'odeur du figuier, je trouve la 4e de couverture mauvaise. Un livre qui donne surtout envie de retrouver Simonetta Greggio dans ce que j'ai le plus aimé d'elle : La douceur des hommes ou Les mains nues.
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Les mains nues

Après guérir l'anorexie avec des herbes (i.e. "Etoiles" du même auteur), voilà un simili du "Diable au corps" de Raymond Radiguet transposé à notre époque.

Emma a la quarantaine, elle est vétérinaire de campagne et voit débarquer chez elle Giovanni, 14 ans, ayant fugué de chez ses parents, d'anciennes connaissances d'Emma.

Il faut dire que le père de Gio était avec Emma avant de la quitter pour Micol, aujourd'hui sa femme et la mère de Gio, et qu'Emma s'est embourbée pendant quelques années dans une relation proche de ce couple avant de couper les ponts.

Racontée du point de vue d'Emma, cette histoire mêle passé et présent de façon tortueuse, à tel point que je ne suis pas bien sûre d'avoir tout compris à ce très court roman.

Dirai-je qu'Emma vit dans le regret ?

Je n'en suis pas sûre, pas plus d'ailleurs que de la nature exacte de sa relation avec Gio : proximité intellectuelle entre eux deux ou bien ont-ils vraiment eu une relation charnelle ?

Emma s'est accrochée pendant un temps à garder une distance avec Gio, finalement ces deux-là se sont rapprochés : "Pourtant, si j'avais été moins sourde, moins aveugle, je me serais aperçue que la réalité est bien différente de cette espèce de neutralité que j'invoquais, et que nous étions toujours enchaînés par des liens dicibles et indicibles, comme ces grosses cordes tordues composées de cordelettes plus petites qui, restées trop longtemps sous l'eau, pourrissent plutôt que se défaire.".

Emma a-t-elle été inconsciente ? N'a-t-elle vu que ce qu'elle a bien voulu voir en fermant les yeux sur le reste : "Nous étions, à ce moment-là, en sursis, mais déjà on ne pouvait plus rien changer à ce qu'il s'était passé, et rien non plus à ce qui allait arriver." ?

Elle reconnaît pourtant une proximité avec Gio, le partage de mêmes idées, une forme de fusion intellectuelle : "Il y a des corps sans tête, des têtes sans cœur, des corps sans cœur, des cœurs sans tête et sans corps. Nous avions tout.".

Dans le fond, je n'ai pas de réelles réponses à ces questions, juste des suppositions.

La nature exacte de la relation entre Emma et Gio reste un mystère que la fin vient troubler.

On a tendance à dire qu'il n'y a pas de fumée sans feu, je me demande si le réel message de ce roman n'est pas une vengeance, celle de la mère de Gio envers Emma, qui vient faire voler en éclats la vie de cette dernière.

Et tant pis si au passage elle égratigne son propre fils, dommage collatéral sans doute.

Il reste que l'intégralité de ce texte transpire la mélancolie et les regrets, c'est là à mon sens le cœur du récit et le réel objectif de celui-ci.



"Les mains nues" de Simonetta Greggio est un court roman où les regrets dominent et donnent lieu à une histoire qui n'a pas réussi à me toucher, tout comme le style de l'auteur qui ne se distingue pas par une signature particulière.

Quant à cette réécriture de l'oeuvre de Raymond Radiguet, j'irai sans aucun doute lire celle-ci qui a sans doute plus d'éclat et de portée.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Les nouveaux monstres 1978-2014

Pour les lecteurs de "Dolce vita", on se plonge à nouveau dans le tourbillon de la vie italienne, cette fois-ci de 1978 à 2014. On puise avec le même intérêt les petits faits vrais et le plus souvent dramatiques de l'histoire italienne. On s'aventure dans les arcanes du terrorisme, inextricable billard à plusieurs bandes. Et on s'essouffle un peu au passage depuis "Dolce Vita". Le souffle romanesque s'est éventé en route. Un certain type de personnage s'érode, comme le vieux jésuite forcément homosexuel provoque la lassitude. La critique de Berlusconi se transforme en pétard mouillé, - rien de surprenant et reste complètement interdite à percevoir le ressort de sa longévité politique exceptionnellement longue.

On le lit avec facilité tant la vie italienne est captivante, on regrette seulement que la mayonnaise soit retombée.

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L'odeur du figuier

quel ennui après un titre et une photo qui fleure bon l'été !

quelques parfums de provence bien restitués mais hélas je n'ai pas goûté ces histoires
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Nina

Ce roman m'a tout d'abord ennuyée mais j'ai refusé d'arrêter ma lecture. Grand bien m'en a pris car la seconde partie est incroyable. Si les lettres d'amour à Nina ne m'ont pas convaincue, la partie où finalement, Adrien met fin à ses jours est très intéressante. On y rencontre enfin, le frère d'Adrien, puis Emily leur nourrice grâce à laquelle bien des choses vont changer, Rose, l'ancienne nourrice d'Adrien et de son frère et Robert, l'éditeur qui au premier abord est un peu bourru mais très romantique dans l'âme.

Avant le suicide, il ne se passe rien. Adrien est chez lui et son quotidien est somme toute, banal. Seules les visites de Rose interrompent ce quotidien très ennuyeux...... Et puis, Adrien décide de se suicider par manque d'amour de Nina.. sa Nina, qu'il a désespérément aimé et à qui il n'a jamais pu dire son amour. Emily tombe sur ces lettres que Nicolas le frère d'Adrien n'a pu se résoudre à envoyer, furieux qu'il était, que son frère ne lui ait légué que la maison de campagne de leurs parents morts dans un accident. là les choses s'enchaînent. Emily décide de prendre conseil auprès d'un éditeur pour lui demander son avis.......
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L'ourse qui danse

Comme beaucoup d'amérindiens, cet inuit a été éloigné des siens pour être "occidentalisé" dans un pensionnat où on fait tout pour faire disparaître la langue et les traditions autochotones. Partiellement intégré, il est devenu prof mais il éprouve le besoin de retourner au pays natal où vivent ses deux soeurs; il rtrouve la chasse rituelle mais maladroit, en visant l'Ourse, il tue son petit.La mère cherche à tuer le tueur: grigges, crocs contre coups de couteau.

L'Ourse perd le combat mais entraîne le blessé dans sa grotte. Elle va le soigner! Une union sacrée entre l'homme et l'animal.

Des années ont passé, l'inuit a retrouvé ses soeurs et celle qu'il aimait; il est devenu le porte-parole de sa communauté. Faire reconnaître leur existence face aux prédateurs blancs.

Il se marie et adopte l'enfant né du viol de sa compagne. Un jour poussée par la faim l'ourse réapparaît. Tendres retrouvailles interrompues brusquement!

"La terre toute entière a pleuré

une lecture agréable et très émouvante.
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Les mains nues

Simonetta Greggio est une auteure dont je n'avais encore lu aucun roman. C'est le thème évoqué en 4ème de couverture qui m'a attirée ; comment ne pas penser à ce magnifique film avec Annie Girardot : "Mourir d'aimer"...



Dans "Les mains nues", l'écrivaine aborde en effet un sujet délicat, encore tabou, celui de l'amour, de la liaison entre une femme et un adolescent. Elle le fait avec délicatesse, tendresse, et pudeur, sans jamais sombrer dans la laideur ou la vulgarité. Tout est dit à mots couverts, suggéré parfois par des silences. Elle nous livre, d'une plume subtile, sensible, émouvante et juste, les sentiments contradictoires éprouvés par son héroïne, Emma.



Mais ce roman ne parle pas seulement d'un amour interdit : il met aussi l'accent sur le passage du temps, invitant le lecteur à se questionner sur la façon dont les années qui passent l’ont marqué, à l'image d'Emma.



J'ai aimé ce roman, notamment pour le très beau portrait de femme que Simonetta Greggio nous y offre, cette femme seule, qui mène une vie parfois rude, qui a souffert mais va de l'avant malgré ses blessures, qui vieillit et l'assume tout à fait.



J'ai aimé surtout l'introspection qu'il nous propose, ce regard qu'il nous incite à poser sur le chemin qu'on a parcouru, ces réflexions qu'il suscite sur la vie, sur les blessures qui ne se renferment sans doute jamais complètement, sur le choix d'aimer ou pas, au risque de se perdre, de tout perdre, et sur cette société qui ne peut que punir la transgression des tabous, surtout quand elle est féminine...
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L'ourse qui danse

"Je partais chasser comme on s'abreuve à l'eau des rêves.

Cette eau-là ne gèle jamais. Elle coule, limpide et pure, tout au fond de nous."





Je viens de lire cette pépite d'environ 80 pages qui vous immergera sans détours dans la culture inuite.

C'est un conte initiatique, philosophique et écologique.



L'histoire d'un retour à la nature, un retour aux sources de sa culture pour un homme élevé à l'occidentale,  qui a fait des études mais qui ressent au fond de lui un déchirement, une douleur impossible à apaiser et qui, pour sa propre survie morale va partir seul pour une chasse ancestrale. Il en reviendra profondément changé par une rencontre avec une ourse et déterminé à se battre pour la reconnaissance des droits des Inuits.

Ces peuples humiliés, bafoués, spoliés, déportés par les hommes blancs et leur appétit de pouvoir et de richesse sans limites...



Il y a urgence pour la terre Arctique et donc pour la planète à agir, nous sommes à moins de deux minutes de minuit sur l'horloge de l'Apocalypse...



Ce texte court est bouleversant, révoltant et pourtant d'une beauté et d'une poésie rare ! En peu de mots l'autrice a su saisir l'âme de ce peuple, la force de leurs traditions et la magie de leurs légendes...



Ce livre s'inscrit dans la collection "Récits d'objets" du Musée des confluences. Simonetta Greggio a choisi d'écrire sur une statuette inuite d'un ours dansant.

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Bellissima

Arès les deux tomes de la Dolce Vita l'autrice semble vouloir en finir avec cette violence qui gangrène l'Italie.

Cette fois, elle mêle habilement histoire intime et histoire de son pays.

Un pays qu'elle a fui pour survivre à un père violent, aux non dits d'une famille entière et aux mensonges.

Ceux que tout un pays se fait et qui a des répercussions sur un peuple qui s'enfonce encore aujourd'hui dans la résignation, l'inculture, le déni et le rejet.

Ce pays fantasmé par les touristes qui ne prennent pas la peine de vivre sa violence jamais bien loin.

Avec pudeur et sa colère d'enfant elle essaie de comprendre ce père tortionnaire et à travers son lui ce que tout un pays à fait de ses hommes.

C'est touchant, révoltant et ça parle toujours un peu de nous les femmes quel que soit notre pays.

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Bellissima

Comme un hommage à sa mère, Simonetta Greggio dans son ouvrage raconte son enfance dans Italie fasciste.





-- Elle écrit toute la violence dont son père a fait preuve à son égard. Pourquoi ? Parce qu'elle était l'aînée de la fratrie ? Parce que c'était une fille ? 





-- Pour échapper à tout cela elle devra fuir et abandonner sa mère et ses frères.





L'auteure nous fait également part de ses découvertes sur l'enfance de sa mère, qui a été adoptée par ses grands-parents alors quelle était une petite-fille juive lors de la 2nde guerre mondiale.





Un récit très émouvant où on ressent toute la frustration et la douleur d'une petite fille, les coups d'un père trop autoritaire, qui veut que sa famille reste sous son emprise.



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Dolce Vita: 1959-1979

Dolce Vita est le roman de l'Italie entre 1959 et 1979 ; période marquée par différentes affaires de moeurs et autres scandales financiers. On y trouve pêle-mêle les Brigades rouges, l'enlèvement et le meurtre d'Aldo Moro, le viol de Franca Rame (épouse de Dario Fo), les disparitions tragiques de Mattei, de Mauro, Pasolini, Dalla Chiesa, Pecorelli, Calvi, le rôle ambigu des services secrets, la loge maçonnique P2, la CIA, Cosa Nostra, les intrigues du Vatican.

Le film de Fellini est le point de départ du roman de Simonetta Greggio, qui s'ouvre le 3 février 1960, alors qu'a lieu à Rome la première de la célébrissime oeuvre du Maestro. Il s'achèvera vingt ans plus tard, au lendemain de l'assassinat d'Aldo Moro, à la veille du terrible attentat de la gare de Bologne où, le 2 août 1980, une bombe tua 85 personnes.

Par le biais de deux personnages fictifs, le prince Emanuele Valfondo, alias Malo, et son confesseur le jésuite Saverio, l'auteure fait le portrait de "ce terrible et somptueux labyrinthe qui a pour nom Italie."

"Née de la faim et de la rage, cette Italie nouvelle sortie des ravages de la Seconde Guerre mondiale s'élance à la conquête de la vie et de l'art."

Mais, aux antipodes de la promesse d'une vie insouciante, pleine de charme et de sensualité que fait entrevoir le titre fellinien, les Italiens nagent, en réalité, en pleine tragédie dans leur décor de carte postale.

Cette lecture bouleversante donne envie d'en savoir plus sur l'histoire de l'Italie, de découvrir d'autres livres, de voir des films et d'écouter de la musique italienne. A la fin de l'oeuvre, l'écrivaine nous y aide même en faisant quelques suggestions.



Commentaire bilingue sur mon blog
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Elsa mon amour

Elsa Morante est une autrice des années 50, connue pour avoir écrit L'île d'Arturo, pour lequel elle est la première femme à remporter le Prix Strega et est l'épouse d'Alberto Moravia, auteur du fameux Mépris, adapté au cinéma.



Femme de caractère et d'une grande sensibilité, elle dut affronter une enfance marquée par son passage chez sa tante qui l'utilisait comme petite-fille modèle lors de ses réceptions. Une enfant hantée par des cauchemars et surtout l'absence de son père biologique. Reconnue par un autre homme qui ne lui apporta pas un exemple de figure paternelle, elle eu des rapports compliqués dans ses relations amoureuses.



Simonetta Greggio lui redonne une voix. Elle nous entraîne dans les pas de cette femme, dans ses pensées et dans son art. Nous sommes Elsa, penchée sur son bureau, devant la feuille blanche, entourée de ses chats. Nous sommes cette adulte qui se souvient de ses cauchemars d'enfant. Nous sommes cette femme amoureuse, en colère contre son compagnon. Nous sommes ses cris de joie et de détresse.



A travers une narration descriptive, l'autrice nous conte la biographie de cette femme émancipée mais prise dans l'étau trop serré de son temps pour les femmes. Une volonté de se montrer forte, de prouver au monde qu'une femme peut écrire. Mais il y a toujours l'ombre de Moravia, qu'il ne faut pas blesser. On lui laisse la première place. Considérée à tords, seulement comme la femme de, Simonetta Greggio nous fait découvrir son talent.



Le portrait d'une femme artiste qui mérite d'être lu !
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Nina

Nina...

Je l'ai grignoté ce livre, petit bout par petit bout. Pour ne pas le finir trop vite.

Le sujet m'a tout de suite attirée.

Amours de jeunesse, les souvenirs, l'Italie et le cœur qui n'oublie rien.

J'y ai d'ailleurs appris que le cœur est le seul organe épargné par le cancer.

Ses cellules indivisibles ne peuvent pas être touchées par cette maladie.

"Nina" c'est l'histoire de deux enfants deux adolescents qui s'aiment depuis leur plus jeune âge.

Mais les aléas de la vie et les malentendus ont fait qu'ils se sont passé à côté , prenant chacun des chemins différents mais sans jamais s'oublier l'un et l'autre.

Adrien, à un moment de sa vie a eu besoin d'écrire ses " ruminations "

Et c'est en couchant sur le papier ses sentiments pour Nina qu'il réalisera le rêve de sa vie, devenir écrivain.

Une lettre, celle qui changera tout en devenant un livre.



Citations



" Un amour non vécu n'est pas un amour perdu.

C'est un amour qui vous perd, qui vous possède plus que vous n'en êtes dépossédé. "



" Les douleurs, les joies, s'inscrivent d'une étrange manière dans notre mémoire. On pense les avoir dépassées, on s'imagine qu'elles ne nous déchirent plus comme au début, mais il suffit d'une odeur, d'une chanson, pour y replonger. "



Et enfin



Ne plus rien attendre vaut-il mieux qu'attendre quelque chose qui ne viendra pas ? "....
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Elsa mon amour

Le 20ème siècle semble avoir étant le siècle des femmes d'écrivain injustement connue et reconnue. Elsa Morante joue l'épouse bafouée de Moravia pendant plusieurs décennies, enfouissant son talent sous l'aura de son mari. Dommage pour la littérature européenne.
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Elsa mon amour

Je n’avais jamais lu Elsa Morante. Je ne connaissais rien d’elle. Seulement qu’elle avait écrit La Storia. Après avoir refermé le livre de Simonetta Greggio, j’ai l’impression d’avoir vu Elsa Morante se métamorphoser en deux jours – le temps qu’il m’a fallu pour lire Elsa mon amour. Tout prend vie au travers des yeux d’Elsa, comme une sorte de récit en calque: chaque crainte avouée, chaque souvenir remémoré, chaque silence muré dit d’Elsa plus que n’importe quelles autres paroles rapportées. C’est une intimité en mouvement que s’attache à créer Simonetta Greggio. Un portrait dans toute son inconstance et ses failles. Une fulgurance d’une rare beauté.



« Que reste-t-il de l’enfance si ce n’est des instants figés comme des photos dans la mémoire. Le moment où l’on a cueilli une primevère, un printemps perdu d’il y a soixante ans, la curiosité répétée pour ce nid de roitelets qui obligea la mère oiseau à fuir, laissant mourir ses petits – et quelle honte en avait-on éprouvée –, la fois où, bras et jambes en croix, étendus sous cet arbre en fleur, on s’était dit : Je me souviendrai toujours de cet instant. Que reste-t-il de l’enfance, si ce n’est une passerelle magique jetée entre les deux rivages d’une vie, pour peu qu’on ait le courage d’imaginer qui on est, qui on veut être. Qui on a été.

L’enfance du début. L’enfance de la fin. »



Elsa Morante a vécu un parcours atypique fait de renoncements et de coups d’éclat. Elle avorte, fuit la guerre, veut bouleverser la société et surtout la littérature. On entre dans ses pensées de femme libre, cherchant à vivre de sa plume, à imposer son talent, on entre dans sa carrière, dans son Italie familière, mais on entre surtout dans son regard, celui qui nous raconte la vie tout simplement.



Simonetta Greggio prend la parole pour redonner voix à Elsa Morante. Et quelle voix ! D’un souffle ténu, elle époussette les contours de la vie de la romancière italienne pour la faire apparaître là, fragile, plus vivante que jamais. Un portrait d’une sensibilité folle, qui se construit par bribes. Elsa Morante se dévoile à nous en pudeur ; puis elle se fait plus furieuse et se sculpte dans toute sa provocation. C’est une véritable prouesse que nous livre ici Greggio : dès les premières pages du récit, sans même de préambule, on sent le texte tout entier se gonfler de la présence d’Elsa et chaque pensée, chaque ressenti, trahit sa présence. Dès le début c’est sa voix que l’on entend et qui ne nous quittera plus. C’est Elsa qui se raconte, Greggio disparaît. Elle ne refait surface que brièvement, avant certains chapitres, pour apporter une hauteur de vue sur la vie d’Elsa Morante. Pour replacer l’individu au centre de son époque, de son temps, elle qui avait toujours tendance à se désaxer pour fuir la vie et ses impératifs. On ne sait plus si on est face à l’écriture de Simonetta Greggio ou la voix d’Elsa Morante. Elsa mon amour est un portrait sculpté dans l’immédiateté des émotions, un portrait saisi là où la vie se fait volcan en fusion, impétueuse et changeante. La voix d’Elsa qui traverse tout le texte porte les stigmates des regrets et des désirs inavoués, des joies éphémères et celles qui semblent éternelles. Elle porte et transporte. Ce n’est pas de l’intimisme pour de l’intimisme, chaque ressenti personnel a vocation à être universel. A nous toucher dans ce que nous avons de plus dissemblable. Chaque paysage observé par Elsa est fait sien, chaque visage est refaçonné selon elle, chaque odeur, chaque rire, chaque frémissement du quotidien raisonne en elle puis en nous. Un effleurement du monde comme une caresse. L’écriture de Greggio est un frisson de joie qui parcourt le lecteur. Un frisson qui empoigne. Elle a su capter toute la fulgurance et le tumulte qu’une vie peut comporter. Elsa mon amour est une pulsation constante. Qui emporte les amitiés, l’amour et les pays dans son sillage. Une pulsation qui tranche, qui fait vibrer, qui raccommode. C’est peut-être la vie ou même la mort que l’on sent bruire derrière chacun des mots.



« Il fait un temps de chien cette année-là, avant même le début de l’hiver, un temps à dissuader de sortir. Dans les rues de plus en plus sombres du centre-ville, une forêt de parapluies se lève et s’épanouit au rythme des averses qui durent parfois tout le jour. La pluie tombe droit. Elle ruisselle sur les façades noircies des immeubles sans les laver. Au contraire il semble qu’elle les barbouille davantage, mêlant sa grisaille à la suie. Elle crépite sur les trottoirs. Au-dessus des avenues, le ciel n’est plus le ciel. Il paraît couler lui aussi comme un fleuve à l’envers, par-dessus les toits, un fleuve gris de nuages uniformes et tumultueux, roulant les uns sur les autres et tonnant parfois comme s’ils s’entrechoquaient. »



D’une élégance folle et farouche, Elsa mon amour s’affirme comme le roman d’une vie. Celle que Simonetta Greggio a su insuffler pour qu’Elsa Morante se détache du papier. Celle qu’elle a su capter dans l’essence de tous les instants. La justesse de ton de Greggio permet toutes les nuances ; elle peut draper les existences de toisons fragiles comme elle peut trancher à vif dans la chair. Elsa mon amour est tumultueux comme une passion. Délicat comme une floraison. Merveilleux comme seuls peuvent l’être les romans qui ont su capter l’essentiel et se délester du reste.
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Elsa mon amour

« Le monde se divise en deux : ceux qui idolâtrent Elsa Morante, et ceux qui ne la connaissent pas » c'est un peu ce que semble vouloir nous dire Simonetta Greggio. Pour nous en convaincre elle a sorti sa plus belle plume bien loin de toutes mièvreries sirupeuses et des biographies linéaire, c'est un brûlot à l'écriture tendue et au rythme nerveux qui se lit avec avidité. J'avoue avoir découvert cette auteur et cette femme et avoir été séduite par le personnage irascible et sans concession ! Pour lui rendre un hommage digne de ce nom il fallait une autre femme à la forte personnalité ce qui donne parfois un effet miroir qui se lit entre les lignes. Cette femme « aux humeurs d'équinoxe » était aussi une amoureuse passionnée et un être complexe et magnétique qui a occupé l'adolescente Simonetta. Elle confesse volontiers « Ces mois, ces années … Elsa mon amour » à la femme autant qu'à l'auteur . Loin d'être un livre anecdotique c'est l'histoire d'une Italie sortie de la guerre meurtrie et d'une jeunesse qui veut vivre sans entrave. C'est l'histoire d'une petite souillon qui va se battre pour avoir sa place dans un monde littéraire masculin et c'est surtout l'histoire d'une femme mal aimante, libre, possessive qui semble ne vouloir que l'impossible. On croise des monstres d'égoïsme comme Visconti, des génies comme Pasolini et toujours cette Italie faite de violence et de fierté qui déteint sur ses femmes en lutte permanente. Elsa retrouve vie et nulle autre que Simonetta n'aurait su lui rendre la grâce sensuelle qui l'accompagnait. Une fois le livre fermé il faut immédiatement lire, relire et se délecter de cette poétesse que nul n'a encore dépassé surtout dans le cœur de Simonetta qui comme elle n'a jamais pratiqué la langue de bois.
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Elsa mon amour

Méditation sur la vieillesse et sur la mort : au soir d'une carrière exceptionnelle dans les Lettres, Elsa laisse la lumière du couchant caresser ses souvenirs, ses échecs, ses morsures. Il s'ensuit une élégie diaphane, intelligente et sensible.

Un écrivain peut en cacher un autre : Simonetta Greggio écrit, fantasme ou rêve Elsa Morante. Comme le confirme le beau bandeau amarante de rentrée littéraire, orné d'un tableau de Valloton, il s'agit bien de l'histoire de la vie de Morante. Réelle et inventée. « Notre vie réelle est plus qu'aux trois quarts composée d'imagination et de fiction. » le roman – c'est pour tel qu'il se donne en couverture de l'édition Flammarion – appartient au genre, très en vogue, des « biofictions ».

Pour un amoureux des « Anni cinquanta », ce tour d'horizon des lettres italiennes est un bonheur. On y croise Italo Calvino, Pavese, Benedetto Croce ; les poètes Sandro Penna et Umberto Saba ; Rossellini ; Fellini, au détour d'un capuccino Via Veneto, et la Callas, avec qui Elsa Morante partage (ce serait peu que de dire : à son corps défendant) quelques amants célèbres. Elle partage aussi son mari, Alberto Moravia, de gré ou de force, avec une jeune artiste suisse. Curzio Malaparte prête au couple sa villa de Capri. Leonor Fini habite un monastère corse. Comme des spectres dans le tunnel d'un train fantôme, Pier Paolo Pasolini, l'ami torturé, Luchino Visconti, l'amant cruel, Bill Morrow, peintre américain disparu à vingt-trois ans, hantent ce voyage dans le passé. Ils sont tous beaux, géniaux, tourmentés, incapables d'aimer. Il faut dire que la romancière de L'île d'Arturo (prix Strega 1957) ne leur facilite pas la tâche : ses « humeurs d'équinoxe », selon l'élégante formule de la biographe, étaient légendaires, et vivre auprès d'elle sans nul doute un défi redoutable.

« Je suis tissée de secrets auxquels je n'ai pas accès. » De l'énigme Elsa Morante, le livre traite ainsi qu'il convient: en lui laissant son noir mystère. Simonetta Greggio le garde intact, sans interprétation ni dévoilements abusifs. Bien que la narratrice avoue l'étrange charme qui la lie à son sujet (« Elsa, c'est moi»), elle a le tact de ne point prétendre se confondre avec lui. Chemins de mélancolie parallèles.

L'ambition, l'envie intimement mêlées à l'amour. Funeste erreur, fatum de tragédie antique. Ambiguïté, contradictions : maîtres mots du caractère d'Elsa, sur fond de violence incoercible. La noirceur, l'idéal et la méchanceté ; déréliction illuminée par le désir – ainsi de ces rues au sud de l'Italie, calcinées avec la beauté de leurs pierres, de leurs colonnes, pavés et arcades aveuglés par le soleil. Quel salut espère-t-elle de l'écriture, la vipère qui se connaît telle, avec sa langue d'encre ? Échapper à son enfance ? « Que reste-t-il de l'enfance, si ce n'est une passerelle magique jetée entre les deux rivages d'une vie… » Fascinations de femmes : celle de Greggio pour Morante, celle de Morante pour sa mère. Fascination pour soi-même, en somme, dont on essaie de sortir par l'écriture. « Mais toutes mes clés sont dans mes romans. Que celui ou celle qui tentera de raconter mon histoire le sache : hors de mes pages, mon existence entière n'est que commérage. »

Une auréole trouble évolue autour de ce livre, toujours à tremper dans le péché : soumise, prostituée, rebelle – conforme aux modèles que sa mère lui présente et qu'elle déteste. Une scène d'avortement floutée, où se tarit la maternité : tout désormais pour Elsa, sera rejeté dans les romans. « Et pourquoi croit-on que les écrivains écrivent, si ce n'est pour prêter leur voix à ceux qui n'en ont pas – qui n'en ont plus ? »

La narration tissue de mensonge à demi-avoué, plus vraie que nature, où Elsa perd sa virginité sur une plage avec un écrivain connu ( Moravia, qui n'est pas nommé ? ) ouvertement associé à son père. Une différence d'âge de quarante ans (les notices d'internet n'en donnent que cinq entre les deux époux)… Tout se mélange dans sa tête qui vieillit, et, comme les couleurs sur la toile, n'acquiert sa vérité que dans la composition.

Alternant avec de courts chapitres à la première personne, quelques pages intercalaires résument la vie et l'oeuvre de Morante, fournissant d'utiles repères entre les passages narratifs ou oniriques. Peut-être, ayant une fois douté de la méthode qui consiste à s'identifier à l'objet de son étude, le public le comprendra-t-il au terme de l'ouvrage : Elsa mon amour est plus et autre chose qu'une biographie. C'est un portrait.



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Elsa mon amour

Avoir la possibilité de lire le roman de Simonetta Greggio avant sa sortie, c'est un magnifique cadeau ! J'en remercie infiniment Masse Critique de Babelio et les éditions Flammarion.

"Le monde se divise en deux : ceux qui idolâtrent Elsa Morante, et ceux qui ne la connaissent pas."(p.232). Je fais partie de ceux qui connaissent le nom d'Elsa Morante mais qui ne l'ont jamais lue. L'approcher par le roman que Simonetta Greggio lui consacre est, je crois, une chance inestimable car le récit distille toute les facettes de l'amour signifié par le titre : l'amour d'Elsa et les amours d'Elsa.

L'auteur imagine Elsa Morante à la fin de sa vie, alors que, malade, celle-ci ne sort plus de chez elle mais continue d'écrire une forme de journal, comme l'on range sa maison avant de partir pour toujours. Passé et présent s'emboîtent dans un flux qui fait alterner les souvenirs et la description du quotidien. le récit de ces moments vécus dessine le portrait d'une femme exceptionnelle, d'une femme en quelque sorte vouée à l'écriture depuis sa naissance. Les éléments biographiques tracent les contours d'une existence imprégnée d'amour donné et reçu, dans un jeu d'ombre et de lumière. Lumière de l'amour vécu avec Alberto Moravia, des séjours à Capri, des amitiés fiévreuses pour Pasolini et pour Bill Morrow. Ombres laissées par leur mort, par les trahisons de Moravia, par la maladie, par la fuite de la jeunesse et de la beauté.

A la tonalité élégiaque du récit au présent répond l'acuité de la pensée et la fougue intacte qui transparaissent dans l'évocation du passé. La subtilité de ce tissage laisse entrevoir la complexité d'une personnalité inclassable, riche de toutes ses contradictions, affranchie des conventions, et pourtant profondément cohérente. Au moment où Simonetta Greggio écrit ce roman, Elsa Morante est morte depuis plus de 30 ans et l'on ressent à chaque page cette imminence de la disparition, de l'effacement inexorable et la puissance des regrets qui s'invitent dans les ultimes instants. Pourtant, la vie s'inscrit dans chaque page, à la fois par la poésie des images et par la vivacité de l'écriture.

Dès la première page, ce roman m'a envoûtée et le sortilège continue son effet. Plutôt que d'en parler indéfiniment, j'ai simplement l'envie de dire qu'il est beau. Autant par ce qu'il dit que par ce qu'il tait. Autant par son sujet que par la manière dont celui-ci est traité. Autant par l'atmosphère que par l'histoire. Autant par sa puissance que par sa retenue. Parfaitement beau.

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Black messie

« As tu déjà tué quelqu'un ? Ton chef, ta femme ou son amant, ton banquier. Ton père. Ta mère. Jalousie, revanche, humiliation. Profit. Colère. Passion. L'alcool, le sexe, la guerre. Peut-être en as-tu envie, et tu ne l'as pas -encore- fait . Mais est-ce que tu as compris ? Est ce que tu as vraiment compris ? La seule, l'unique raison pour laquelle on tue, c'est pour ne pas mourir soi-même. »





Pendant presque 20 ans, un malfrat sévit à Florence et est à l'origine de la disparition d'une quinzaine de victimes. Ses proies potentielles ? Des couples en plein ébats amoureux aveuglés par leur passion. Fondé sur les faits historiques réels, le roman nous invite à renouer avec la Florence des années 60 à 80, là où les premières sectes italiennes ont vu le jour, notamment cet étrange groupe consacré à la vénération de la Vierge noire. Récit déroutant à plusieurs voix melant les pensées du capitaine, des victimes, d'un étrange professeur et du tueur en série, présenté sous le surnom de « Légion ». Thriller additionnant complots religieux et obscurantisme, nous sommes entraîné dans les bas fonds mystiques de la ville italienne. La volonté de l'auteur de greffer tout un pan de l'histoire de l'art propre à Florence dans ta trame même de l'intrigue est louable cependant cette intention aurait pu être davantage exploitée selon mon propre avis. Bien heureusement l'intrigue est savamment construite et la plume de l'auteur, saccadée et intrusive correspond parfaitement à l'aura que devait dégager cette histoire.  

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Femmes de rêve, bananes et framboises

Dans cet ouvrage ce sont sept nouvelles que l'auteure nous offre, toutes différentes les unes des autres et traitant de sujets variés mais qui ont en commun le fait de ne pas vraiment faire rêver et pourtant les mots nous emportent et nous font voyager en Italie.

Ces nouvelles parlent d'amour à travers la dureté de la vie comme celle consacrée à un jeune vénitien juif rescapé d'Auschwitz, ou de la mort à travers l'histoire d'un homme face à un problème de concession de cimetière et de ces corps qui ont absorbé tant de conservateurs qu'ils ne se décomposent même plus. Ma préférence est tout de même allée à la nouvelle intitulée "Signor Giudice", la lettre d'un tueur de Cosa Nostra adressée au juge antimafia lui signifiant sa mort prochaine. Malgré ces thèmes sombres la dernière nouvelle est pleine d'humour, il est question d'une femme qui imagine son enterrement notamment ce qu'elle voudrait qui s'y passe et les personnes à inviter.



Certaines nouvelles sont très émouvantes d'autres ne sont pas tout à fait compréhensible, disons que pour ma part je n'ai pas su où l'auteure voulait amener le lecteur, il est toutefois évident que c'est avec une grande tendresse que Simonetta Greggio partage avec le lecteur un morceau de son Italie.
Lien : http://stemilou.over-blog.co..
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