le dernier roman d'
Isabelle Coudrier m'intriguait.Les articles de Clara et de Cuné avaient fait émerger du flot des nouveautés de janvier ce
Babybatch au titre énigmatique. Rien pourtant n'était gagné, je lis assez peu de romans français, je ne connaissais pas l'auteure et Cuné signalait des imparfaits du subjonctif, merveilleux quand ils sont utilisés au service de l'élégance d'un style, calamiteux quand le lecteur a le sentiment que l'écrivain en joue comme un paon de ses plumes, pour l'épate.
Rapidement toute résistance a été inutile ! J'ai été emportée par Dominique, quinze ans à fleur de peau, bonne élève de Seconde, qui devient presque malgré elle une fan de l'acteur Benedict Cumberbatch.
Babybatch est l'un des surnoms que les "cumberbitches" (ou plus politiquement correct les "cumberladies" ) donnent à l'homme qui incarne Sherlock dans une série qui transporte le célèbre détective à notre époque. Un rapide tour sur Internet m'a permis, au début de ma lecture, de constater que l'auteure mêlait fiction et réalité, Benedict Cumberbatch existe bien, de même que la série et, tous les éléments de sa vie utilisés dans le roman sont authentiques.( Non, rassurez-vous, je ne vis pas dans une cabane au fond des bois façon Thoreau mais je ne regarde que très peu la télévision et ne fréquente pas beaucoup les salles de cinéma.)
Dominique est à cet âge fragile où l'on brûle d'envie de sortir du cocon familial mais cette envie est freinée par la peur d'un monde qui semble brutal et effrayant. Elle est fille unique et vit entourée par ses parents et ses deux chats Petit Biscuit et Boudoir. Sa meilleure amie depuis la maternelle, c'est Muriel, issue d'un milieu sans doute moins favorisé, moins bonne élève, mais ces différences n'affectent en rien le sentiment qui les lie.
L'entrée au lycée modifie cet ordre des choses, rassurant car il semble immuable, ennuyeux aussi pour la même raison. L'adolescente ressent comme un vide à l'intérieur, qu'elle va combler par le "culte" voué à
Babybatch. Dominique, très à l'écoute des autres, souffre de voir son professeur d'Anglais chahuté, malmené. Elle ne comprend pas non plus pourquoi Muriel s'éloigne d'elle ni pourquoi on découvre chez un garçon de sa classe un emphysème, une maladie de "vieux". Son "cocon" se fissure mais heureusement elle a son "
babybatch"qui la console de tout.
Dès qu'elle a un moment de libre, elle se connecte sur Internet pour dénicher les derniers faits et gestes de son idole. Elle participe à des forums, songe même un instant à acheter un album de coloriage avec uniquement des dessins représentant l'acteur (l'objet permet la "création léthargique" : j'ai fait mon miel de cette expression !). Elle se lie avec Rachel, une trentenaire, une boss dans le domaine informatique, pétrie de contradictions comme nombre des fans de Benedict Cumberbatch. Rachel se veut critique par rapport au comportement parfois outrancier des cumberbitches mais loue un appartement à Londres près de celui de l'acteur, dans l'espoir de le croiser, un jour, faussement par hasard.
Isabelle Coudrier brosse le portrait sensible et émouvant d'une jeune fille, écorchée par un monde qui râpe et qui écorche. Elle trouve refuge dans un amour "virtuel" jusqu'au moment où elle décide d'agir "in real life", d'assister au Barbican à Londres à la prestation de Cumberbatch dans Hamlet. La fin est magnifique, la littérature se confondant à la vie dans une langue extrêmement maîtrisée, précise et précieuse.
Un coup de coeur !