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EAN : 9782715228702
192 pages
Le Mercure de France (25/08/2008)
4.12/5   8 notes
Résumé :
Le docteur n'y croit pas. Et puis, il fait semblant, dit Micheline.
"Vous êtes folle, il me dit. Mais après tout, oui, il me dit, vous avez raison, il me dit. Puisque ça va en somme, vous êtes plutôt bien ces temps-ci."
"Et puis, comment mourir, enfin, sans être allée une fois, puisque c’est mon rêve, dit Micheline, dans les îles Lofoten ? Au Spitzberg ? Comment mourir, docteur, sans avoir parcouru l’interminable façade déchiquetée des fjords ?"
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Micheline rêvait de lointains voyages. Elle aurait voulu parcourir le monde en roulotte. Mais les enfants, mais le mari. Combien sont-elles ces femmes, ces mères qui, par peur, par devoir et le plus souvent par amour ont choisi de rester quand tous leurs désirs les poussaient à partir? La vie de Micheline a-t-elle été autre chose qu'une salle d'attente? Attendre que les enfants prennent leur envol, attendre que le mari prenne sa retraite, attendre enfin ce voyage en Norvège auquel elle a rêvé si fort, auquel elle a presque cru. Mais pour partir si loin il faut avoir la santé alors que voulez-vous, parfois on est bien obligé de rester et d'attendre encore.

Mais aujourd'hui Micheline se meurt. Entouré de Joseph, son mari et de sa fille Annie, elle dresse le bilan. "La vie passe...la vie passe... elle est déjà passée. Et qu'est-ce qu'il en reste? dit Micheline. Un creux à l'estomac."
Car ce beau voyage au Spitzberg, Micheline ne l'aura finalement jamais fait et maintenant il est trop tard. Une vie de petites joies et d'amour bien sûr mais aussi de regrets, de déceptions et d'occasions manquées qui lui font comme des traces indélébiles. A l'heure du dernier voyage, des "Dernières lueurs", il ne reste que la tendresse, celle de toute une vie, et les gestes dérisoires de ceux qui resteront sur le quai.

Joseph, lui, parle à sa femme, cette femme qu'il n'a sans doute pas bien connue ni bien comprise. Il lui parle avec de pauvres mots, toujours les mêmes. Il se sent si démuni. Il faut repousser la mort, rompre à tout prix le silence. Et c'est une véritable litanie. Un style répétitif, un rythme saccadé comme l'est la respiration de Micheline devenue sifflante et difficile. Christina Mirjol écrit des phrases courtes, dans une économie de mots, comme pour mieux rendre cette vie ténue qui ne va plus qu'à petits pas. Par ce style épuré qui marie théâtre et poésie, l'auteur nous bouleverse et nous interroge. Au dernier soir de notre vie qu'aurons-nous vécu? Au dernier souffle de celui ou de celle qu'on aime, serons-nous d'un quelconque réconfort? S'occuper des autres nous oblige-t-il à renoncer à nous-mêmes?

"Dernières lueurs" est un livre nostalgique et bouleversant que j'ai lu avec gravité. En le reposant sur le coin de mon bureau, alors que j'allais commencer à rédiger cette critique, j'ai regardé le superbe bandeau qui l'entoure. Il s'agit d'une photo d'un fjord norvégien, teinté des dernières lueurs du couchant. Et puis j'ai repensé à ces phrases clefs du livre: "Je dois donc embarquer. Et ne pas regretter. Puisque c'est mon désir. Un désir contenu pendant toute une vie ne peut-il me tuer si je reste?
Partir ou rester, vivre ou rêver mais ne jamais oublier que le temps s'écoule et qu'il n'y a pas plus amer que le goût des regrets. Tel est, selon moi, le message de vie de ce très beau livre de Christina Mirjol

Et maintenant, comme Annie, ouvrir la boîte à photos...
"Là c'est maman. 
Et là c'est moi et maman.
Là on est tous les trois..."

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La vie s'écoule, les rêves prennent la place des regrets, tout se mélange, et tout passe. La vitesse avec laquelle nous nous effondrons et hallucinante...elle s'étire dans le temps et tout ce qui a semblé long devient éphémère...a la fin ne reste que le vide, le souvenir, l'absence.
Bien entendu Christina nous parle aussi de la douleur physique, cette lutte incessante contre la montre, contre un taux de sucre trop bas ou trop haut, etc...puis en un éclair tout s'arrête...le silence prend la place, occupe la place, laisse les présents hébétés, impuissant...La mort, ce mystère à découvrir...
La fin est d'une poésie remarquable, les dernière page sont un apaisement, comme si après le décès, le calme revenait, la vie refermait de ses plis cette parenthèse, pour que nous passions à autre chose, ou que nous poursuivions notre chemin, avec dans nos coeurs, une richesse perdue, ou supplémentaire, des souvenirs et une vision de ce que nous sommes différente...je me suis revu le 31 mars 2015...Souvent, je suis à cette date là...
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Les "Dernières lueurs" sont celles d'un dernier "tableau" qui rassemble trois personnages : Micheline, son mari et sa fille. Seul le personnage principal, la mère, éclairé "brillamment" tout au long du récit, occupe la scène du début jusqu'à la fin. Pleine de vie, Micheline imagine encore son départ pour les îles Lofoten. "Comment mourir...sans avoir parcouru l'interminable façade déchiquetée des fjords?". Mais n'est-ce pas plutôt là le rêve d'une femme qui était le symbole de la vie, dans le rôle qu'elle a joué auprès de son mari, de sa fille et de son fils, au loin? Ne rêve-t-elle pas de trouver la paix, cette femme qui a toujours tout assumé? Ainsi cette "interminable façade déchiquetée" nous apparaît comme la vie elle-même, pleine de rudesse avec ses hauts et ses bas, ses tours et détours, ses écueils. Elle a vécu. Lumière déjà vacillante, elle ne peut même pas dire à sa fille où elle a mal. A-t-elle mal? Mal de vivre? Mal d'avoir vécu? Est-elle fatiguée de traverser les rues "toute seule" (elle a insisté!), de se faire du souci pour Joseph, son époux?
Et pour finir, l'apaisement, le silence. "Et ce feu, dit Micheline. Qui éclaire mes deux pieds d'une fumée toute rouge. Qui me brûle déjà. Qui nettoie l'univers d'une dernière lueur". Ce feu qui nous attend.
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Quelle merveilleuse découverte que ce quasi huis clos sur les dernières lueurs de vie de Micheline qui, il faut bien l'avouer, s'avère attachante.
En moins de vingt-quatre heures, elle nous joue la scène finale, grandiose et sans concessions.

Rares sont les oeuvres qui peuvent nous faire voyager dans une ambiance aussi complète sur une période aussi courte. L'exercice de style est ardu mais magnifiquement réussi.

Pour cela, l'auteure possède un don particulier qui pourrait fatiguer (ou rebuter) s'il n'était pas aussi incisif et précis. Cette logorrhée littéraire, ce verbiage répétitif, anxiogène, insensible et assourdi, d'une volonté rassurante et propre aux vieux couples ou tout simplement au quotidien se révèle d'une absurde banalité.

Mais voilà, passé cette tranche de vie caricaturale, nous sommes face à une peinture de Dali, ou la perception véritable et intérieure des sens n'a d'égale que celle de Munch avec ses cris de colère, d'indignation et d'incompréhension...

C'est d'abord le temps qui passe, vite, trop vite, si vite que nous ne retenons que les occasions manquées, laissant place à une sorte de remord.

Puis c'est le décalage inévitable avec le monde, notre monde, qui vit à une autre vitesse, avec des codes différents, une perception propre à créer des clivages de plus en plus profond.

Enfin, s'il ne fallait retenir que trois cadres intérieurs principaux, c'est bien évidemment la fin de vie, la mort qui approche, sa présence brutale et la douleur généralisée, physique et morale qui nous laisse fébrile et pantois.

A lire avec délectation.
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Que partageons-nous de nos émotions et qu'en reste-t-il ? Quel temps usons-nous pour nous dire, pour nous confier un peu de nos vies ?

Micheline a plus de 80 ans. Elle partage sa vie avec Joseph dans un tout petit appartement. Elle a commencé à vieillir le jour où, enfant, elle a compris qu'il n'y aurait pas de place dans sa vie pour ses rêves, que son existence serait faite de sacrifices, de renoncements, de don de soi aux autres. Pourtant, il est un désir qu'elle a su garder en elle durant de longues années : celui d'un voyage, d'une croisière dans les fjords norvégiens.
Ainsi commence Dernières lueurs de Christina Mirjol.

Ce qui saisit d'emblée dans ce roman, ce qui fait son originalité et sa richesse, c'est que ce sont les dialogues, la parole du personnage (ici Micheline) qui l'habillent, le façonnent, qui lui donnent vie. L'héroïne nous est livrée à l'état brut. Il y a un rapport au personnage immédiat, abrupt, sans concession aucune. le lecteur, comme les autres personnages du roman, aimeraient ramener Micheline à une part de raison, remettre de la compréhension dans tout ce qui se passe. En vain.

L'écriture de Christina Mirjol s'est faite minutieuse et s'est placée au plus près, au plus touchant degré de son personnage pour en dire toute la détresse, tout le désarroi d'une conscience livrée à elle-même, à l'idée de sa fin prochaine, une conscience pleine d'images, de souvenirs, d'impressions qui ne cessent de remplir un vide sans fond, celui terrible d'une vie qui s'en va.

Dernières lueurs est un roman remarquable qui nous parle du temps qui passe, de nos rêves enfouis, délaissés, du temps qu'il nous reste, qui va s'amenuisant. Un roman saisissant sur la vieillesse et son silencieux reflet, la solitude.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Parce que je pars si loin. Il ne faudrait pas que là-bas il me manque ça ou ça, dit Micheline.
Non non, bien sûr, non non, puisque c’est si loin, dit Joseph.
Et toi, avec ce rêve d’aller jusque là-bas ! dit Joseph.
Tu te contentes d’ici, ça te va, dit Micheline, quand il y a là-bas des choses tellement uniques. Tu préfères rester là.
On est vieux, dit Joseph. Et puis, tu sais bien qu’à présent je ne vois plus assez pour ce qui est de voir un paysage, oui.
C’est vrai qu’il n’y a que ça, là-bas, le paysage, dit Micheline.
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Et ce feu, dit Micheline. Qui éclaire mes deux pieds d’une fumée toute rouge. Qui me brûle déjà. Qui nettoie l’univers d’une dernière lueur.
Et c’est encore ce feu qui s’empare de moi comme un bout d’allumette, comme les bottes de paille dans la fournaise d’une grange.
Je ne suis déjà plus qu’un brasier, dit Micheline, que cette fumée qui monte.
Je ne suis que cette grange qu’on regarde brûler.
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