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EAN : 9782330053185
378 pages
Actes Sud (19/08/2015)
3.6/5   148 notes
Résumé :
Venue au Mauduit, petit village de Franche-Comté, au motif officiel d'obtenir de la mairie l'autorisation, pour ses étudiants en sociologie, de consulter les archives communales de cette si banale petite bourgade française, la narratrice, hantée par la sombre énigme de son propre passé familial, ignore qu'elle va y faire une rencontre décisive en la personne de Lottie, solide et intimidante nonagénaire, désormais seule occupante de la vaste demeure des Ardenne, cons... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (50) Voir plus Ajouter une critique
3,6

sur 148 notes
Lottie n'est pas grand-chose et pourtant elle est au centre d'un monde passé qui se désagrège, un monde peuplé de fantômes qu'elle seule l'"arpenteuse de pages", la "randonneuse de rêves" est susceptible de ressusciter, témoin privilégié des drames de la famille Ardenne. Dans un paysage de vie et de mort sur plusieurs générations, Lottie se fait donc passeur de monde pour les oreilles neuves de la narratrice en racontant la vie énigmatique d'une famille de notables pour laquelle elle a travaillé. La vieillesse approchant son terme," il y a une joie sauvage à s'approprier une famille, à en retracer l'arbre, branches et racines, et en façonner l'histoire, à s'inventer les commencements qui font défaut. [Elle] ne manquai[t] pas de moyens pour le faire, tombée dans celle-là qui s'intriquait de manière assez brutale à la [sienne]".
Mais Lottie est facétieuse. Avec une langue épaisse de mystères, tressée de souvenirs et de la parole des morts, le récit longe les humeurs sombres de la Flane pour emprunter le chemin des contes. Il fait apercevoir une réalité autre, un peu floue, un peu brumeuse, une réalité parfois teintée d'imaginaire et mystérieuse de nature à exercer une étrange attraction sur la narratrice…

Dans un roman où souvenirs et impressions se confondent dans un présent hanté par le passé, Anne-Marie Garat interroge la question de la mémoire, de la transmission, la puissance des fables que l'on hérite de génération en génération. Les histoires de famille recélant des ondes secrètes que l'écriture de l'auteure ne manque pas de révéler. Avec une plume qui se veut incandescente, Anne-Marie Garat est une romancière que l'on imagine volontiers en sorcière de l'écriture avec des phrases découlant de fioles mystérieuses. Elle sait rendre palpable le suspense mélodieux qui hante les lieux tout comme les échos qui se propagent à travers le temps.
Sous le charme d'une belle lecture donc, même si l'écriture flirte parfois avec un style rabelaisien surchargé, rendant la progression de la lecture tortueuse.

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Anne-Marie Garat est une sorcière. Une charmeuse dont la plume telle une flûte enchantée, agit sur le lecteur comme une sorte d'envoûtement. Avec La Source, elle livre une magistrale réflexion sur la narration, la façon dont se transmettent les histoires, naissent les légendes dont se nourrissent les récits. A l'heure où le story-telling pilote toute communication, comment ne pas être captivé par ce voyage qui tente d'éclairer le processus permetant de privilégier la narration plutôt que les faits ?

Il y a d'abord la langue, reconnaissable entre toutes. Charnue, ronde, généreuse. Ces phrases qui enveloppent, tournoient, semblent se perdre avant de retomber parfaitement sur le fil narratif. Il faut un petit temps de réadaptation parce que cette langue est rare. La scène d'ouverture est là pour ça. Sublime, pleine de couleurs, de sons et d'odeurs. Déroulant peu à peu le charme déjà goûté dans la sublime trilogie (Dans la main du diable, L'enfant des ténèbres, Pense à demain).

Il y a l'histoire. Cette rencontre assez improbable entre Lottie et la narratrice dans un petit village de Franche-Comté, le Mauduit. C'est a priori le hasard qui a conduit la narratrice dans ce bourg où elle souhaite organiser pour ses étudiants en sociologie une séance de travaux pratiques à partir des archives de la mairie. le hasard encore si, faute d'hôtel dans la bourgade, elle se trouve hébergée par Lottie, une nonagénaire qui vit désormais seule dans la propriété des Ardenne, une famille autrefois influente. Dès leur rencontre, les deux femmes s'apprécient au point que Lottie pourtant habituellement solitaire et avare de confidences entreprend de raconter à sa visiteuse l'histoire de la maison et de la famille qui l'a érigée. Mais elle prévient : il ne faut surtout pas la croire sur parole.

Le hasard ? Pas si simple. L'histoire personnelle de la narratrice semble trouver des ramifications dans ce bourg où elle a le vague souvenir d'être déjà venue, enfant, à l'initiative de son père que l'étape avait semblé bouleverser. Et son séjour fait émerger d'autres souvenirs avec le secret espoir de trouver quelques réponses pour compléter les trous qu'elle devine dans son histoire familiale. Au fil de ses investigations, à la lumière des récits de Lottie, le passé refait surface, charriant son lot de joies et de drames à l'ombre de la grande Histoire, celle des monuments aux morts des deux guerres qui ont jalonné le siècle avec leurs horreurs, leurs fantômes et leurs secrets encore douloureux.

Enfin, il y a la construction. Anne-Marie Garat nous emmène sur pratiquement un siècle, entre l'histoire singulière de Lottie liée par le soin du destin (et un coup de pouce qu'elle a elle-même donné) à celle de la famille Ardenne, l'histoire du bourg, celles des membres de la famille et de leurs proches qui, outre leur lot de secret et de trahisons irradient aux quatre coins du monde et notamment dans le Grand Nord canadien. Sans oublier la quête personnelle de la narratrice et la façon dont ces histoires influeront sur sa propre vie. Tel un canevas, l'auteure tisse une matière foisonnante, développe, mélange les couleurs, arrange les motifs sans jamais se perdre, pour un résultat qui laisse totalement ébloui, avide de replonger dans ce texte pour s'en délecter encore et encore.

Hommage à ceux qui racontent les histoires et à ceux qui les écoutent, vaste interrogation sur la transformation au fil des narrations, fabuleuse saga historique, incroyable portrait d'un personnage hors du commun, ce roman est tout ça et bien plus encore. Il est de ceux qui dévoilent de nouvelles facettes à chaque lecture. Un enchantement, vous dis-je.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Partie avec un a-priori plus que positif (La main du diable est probablement l'un de mes 3 romans préférés !), je me suis laissé embarquer par la plume conteuse d'Anne-Marie Garat au coeur de cette sombre histoire à tiroirs, quelque part du coté du plateau de Langres… où une jeune universitaire mue par une mystérieuse intuition décide de mener des recherches dans un village reculé qu'elle a traversé autrefois.
L'absence d'hôtel la mènera aux Ardennes, chez la vieille Lottie, ancienne bonne d'enfant puis gouvernante au domaine des Ardennes, qui a plus d'un tour dans son sac et un conte à restituer à une oreille réceptive.
J'avais a-do-ré l'écriture d'A.M. Garat dans ses précédents romans, une écriture fluide et foisonnante, véritable berceuse hypnotique et captivante. Je dois dire que cette fois-ci, cette écriture sur-travaillée a fini par me rebuter après quelques dizaines de pages : alliée à une histoire ténébreuse et surprenante, la « mayonnaise » n'a pas pris et je ne me suis pas laissée complètement emporter, même si j'ai malgré tout beaucoup aimé l'histoire de Lottie et d'Anaïs, mêlée à la propre histoire de la narratrice. J'ai fini par survoler le dernier tiers du roman sans y avoir retrouvé la grâce de la trilogie « Dans la main du diable » et me suis désintéressée du sort de la narratrice au Canada…
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Et bien non, il ne sera pas dit que je commencerai 2021 en me prenant la tête.
Car oui, Anne-Marie Garat me prend la tête avec ses phrases interminables, alambiquées, dont on ne voit pas le bout.
J'avais tenté récemment l'expérience avec 'Les mal famées », mais le livre était court.
Là, 378 pages c'est trop pour démarrer l'année.
J'abandonne non seulement le livre au bout de 80 pages, mais j'abandonne aussi définitivement Anne-Marie Garat.
Tant pis pour moi, je ne connaîtrai jamais l'histoire de Lottie.
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Il est de ces livres qui vous régénèrent, vous revigorent et celui-ci a été plus loin, il a posé son empreinte sur mon cerveau faisant s'épanouir une parcelle de neurones communiquant par leurs synapses en belle langue littéraire, mettant en évidence l'influence des nourritures de l'esprit sur l'individu et donnant tout son sens au terme de « culture ». Ce livre est un enchantement où la langue sublime le moindre événement, nous promenant d'un siècle à l'autre, accomplissant la transmission des savoirs en empruntant le chemin de la narration de l'histoire d'un bourg et de ses habitants au début du XXème siècle par Lottie, mémoire vivante de ce lieu. Sans doute, comme elle le souligne, il ne faut pas croire tout ce qu'elle dit, mais qu'importe si le témoignage est enjolivé ou dévié à sa convenance, il devient celui qu'elle transmet et que l'on reçoit. Mais être dépositaire n'est pas anodin car toute histoire a le don d'exercer un effet miroir qui éveille en nous des souvenirs enfouis et qui demandent réponse.
Une perle que je recommande vivement à tous les amoureux de la langue.
(Sélection du 27é salon du livre d'Hermillon 73 « prix Rosine Perrier » - 2016)
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critiques presse (1)
Telerama
04 novembre 2015
Conteuse inlassable, Anne-Marie Garat est notre Schéhérazade.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Soudain le trou baveux happe son index, forcené s'en accapare. Subitement paix. Grand silence. Lottie en est abasourdie après ce vacarme. A la pulpe de son index affluent de violentes sensations. La pompe brûlante pulse sa pression, annule toute perception sauf à l'extrémité de son doigt gainé de succion, chavirant du bonheur de sa possession par l'organe contractile qui l'absorbe, la veut et l'appelle, captive de cette chair qui donne et puise à elle de toute sa bonté comme à une source amoureuse.
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Celui qui a collé les photos l’une après l’autre vous conduit et vous berne avec son roman de famille bien rangé mais, dans la vie, c’est plus compliqué, parfois insoluble. L’album ne coule pas de source ni dans le bon sens. Il y a des temps morts et des temps réversibles, des retours dans l’avenir du passé, je préfère regarder les photos en vrac et par le travers, selon mon désordre personnel remonter le cours des épisodes et faire la navette entre eux comme bon me semble.
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J'en étais à ces réflexions et prête à battre en retraite lorsque j'entendis un bruit au coin opposé du mur. M'avançant de quelques pas je me trouvai nez à nez avec une grande vieille femme. Elle-même attirée par le bruit que j'avais pu faire se dirigeait vers moi, nous faillîmes nous heurter dans l'élan. Comme elle me dominait d'une tête, c'est à hauteur de son buste que je me trouvai, retenant la vision fugitive mais extraordinairement précise du camée accroché à son col, un ange de corail clair riant de toute sa face joufflue. Nous avions reculé d'un même mouvement, ce que je vis alors de la femme démentait la jovialité de sa broche. Un corps de cheval de labour chaussé de galoches lacées jusqu'au mollet, guindé d'un corset qui faisait bouffer ses hanches et haussait son buste, au sommet duquel un visage taillé au couteau, adouci de vastes joues moelleuses qui donnaient l'idée de baisers, mais on ne s'y serait pas risqué. Il aurait fallu affronter l'obstacle de son nez abrupt chevauché de loupes derrière lesquelles, agrandi à la taille d'un cul de bouteille, ses yeux papillonnants tenaient à distance. Tout en elle était rude hormis ses joues, et ses mains, agiles et fraîches, des mains gracieuses qu'on s'étonnait de trouver au bout de gros bras d'homme, que ses manches retroussées découvraient, pleins d'égratignures de son travail d'élagage, dont autour d'elle restaient répandus des faisceaux de branches encore fleuries.
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Voici Vitalie Ardenne avec Anaïs. Le bébé avait dû bouger car sa physionomie était floue, aussi vaporeuse que sa longue robe d'apparat en mousseline couvrant jusqu'aux pieds la robe de Vitalie, seules les petites mains ouvertes en corolle étaient nettes mais la femme assise sous le figuier près du puits, qui le tenait sur ses genoux d'un geste possessif, devait savoir garder la pose et se tenir immobile pour figurer bien distincte, braquant son regard vers l'objectif comme si elle commandait elle-même le déclanchement. J'aurais voulu avoir une loupe pour agrandir le détail du visage , c'est au visage que se porte notre passion de connaître , aux traits de l'être mort ou absenté, et même de l'inconnu, comme si en approcher allait éventer le secret de son présent d'alors et son devenir, son humeur, son caractère et même l'impensé qui l'habite au moment de la prise, la mémoire qu'il a de son passé et la prescience obscur de son avenir.
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C'est que dans nos localités on a beau s'amuser à son négoce, ses trafics et ses besognes domestiques, aux fêtes publiques, aux rogations et autres processions, on est surtout abonné au désœuvrement. Aussi, pour se désennuyer, hormis un trépas irrégulier, il s'en produit parfois d'intéressants mais les crimes et les suicides sont rares, les adultères trop fréquents pour divertir vraiment, faut-il s'évertuer à enfler l'anecdote, faire des imaginations qui alimentent le commérage, broder l'accessoire, monter en œufs à la neige les petits faits compliqués de bruits d'ailleurs, si exotiques qu'ils n'ont consistance ni véritable incidence, mais même cela laisse sur sa faim.
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