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Une vie de province tome 3 sur 4
EAN : 9782757824641
320 pages
Points (18/08/2011)
3.65/5   86 notes
Résumé :
Après "Scènes de la vie d'un jeune garçon" et "Vers l'âge d'homme", voici le troisième volet de l'entreprise autobiographique de Coetzee : il a atteint la trentaine et, de retour au pays natal, partage avec son père vieillissant une maison délabrée dans la banlieue du Cap. Autobiographie fictive puisque l'auteur confie la tâche d'un portrait posthume à un jeune universitaire anglais qui recueille les témoignages de quatre femmes et d'un collègue qui auraient compté ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
3,65

sur 86 notes
Voilà une lecture insolite où le peu « d'ordinaire » est pour tout dire enthousiasmant. J. M. nous livre une autobiographie de fiction, ce qui laisse à penser que nous aurons encore d'autres occasions de le rencontrer hors liens posthumes. Ce qui est assez surprenant, ou pas tout compte fait, c'est que plus l'auteur penche vers des semblants de maladresses ou des manquements, plus il nous attache et nous conforte vers l'intérêt qu'on lui porte. Il est en fait à côté du prototype ou du protocole auquel Sieur « On » l'attend et le situe tant il n'est pas assez « formaté ». Non ! John Maxwell Coetzee n'est pas suffisamment « conditionné » pour répondre à notre attente, du moins de celles que l'on s'attend communément de subvenir dans telles ou telles représentations interactives du vivre en société. Ce qui ne manque pas de provoquer une certaine confusion dans un premier temps puis de façon moins subjective mais beaucoup plus perspicace, amène une réflexion sur le caractère de la condition humaine. L'homme nous est décrit au travers du récit formulé par quelques proches, choisis, dans une période qui se situe dans les année 1970, propos recueillis par un jeune universitaire qui interroge quatre femmes et un collègue de notre écrivain en devenir. Soit ! un entretien où nous sommes coite restant tout ouïe.
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Dans cette autobiographie romancée publiée en 2009, John Maxwell Coetzee (plus connu sous les initiales J.M.) met en scène un universitaire qui rédige la biographie posthume de l'auteur décédé J.M. Coetzee, à partir de cinq témoignages complétés de fragments de son journal d'écrivain. Ce livre est le troisième volet de ses écrits autobiographiques, après « Scène de la vie d'un jeune garçon » (1997) et « Vers l'âge d'homme » (2002). Il nous livre ainsi des fragments de vérité et des indices de sa propre personnalité, à une période de sa vie bien spécifique : celle des années 70, de ses 30 ans, quand il est rentré au pays après avoir séjourné en Angleterre puis aux Etats-Unis dans les années 60. A cette époque, l'Afrique du Sud s'enfonce dans l'impasse de l'Apartheid, de la lutte armée clandestine et des répressions policières brutales.

Tour à tour, il nous est donné d'entrapercevoir plusieurs Coetzee : plutôt l'amant avec Julia, plutôt le fils et le membre du clan familial Coetzee avec sa cousine Margot, ou le Coetzee professeur de lycée vacataire et amoureux, avec la brésilienne Adriana, le Coetzee professeur en université avec Martin et le citoyen sud-africain Coetzee avec Sophie. En quelque sorte, un roman polyphonique, où le vrai et le faux s'entremêlent. Et à l'instar d'un de ses précédents livres intitulé «Foe », l'auteur nous place dans un véritable jeu de miroirs et l'on ne sait plus très bien en fin de compte qui a écrit le livre que l'on a dans les mains, s'il s'agit du narrateur universitaire, qui restitue les confidences des cinq témoins, ou de J.M. Coetzee en personne. le procédé de narration est assez habile en permettant à l'auteur de conserver toute la part d'ombre qu'il entend préserver. Et Coetzee s'avère être un homme de l'ombre.

D'emblée, il nous est confirmé ce que nous avions déjà constaté dans les deux premiers opus : J.M. Coetzee n'est pas un Afrikaner typique ; il n'est pas à l'aise culturellement dans son pays et apparaît décalé. Bien qu'il soit bien de souche Afrikaner, né dans la province du Cap, ses parents étaient des libéraux en rupture de ban avec cette tribu blanche puritaine et rigoriste; ils n'ont pas fréquenté l'église et n'ont jamais approuvé les partisans du Parti National, qui furent les soutiens de la politique d'Apartheid. Eduqué en anglais, il ne pratique pas l'afrikaans, qu'il comprend mais ne maîtrise pas complètement. Il écrit toujours en anglais. Il préfère le cricket au rugby, il est aussi quasi-végétarien dans un pays où chaque Afrikaner se pourlèche de viande rôtie au « braaivleis » (barbecue). Et il est poète dans un pays où la poésie est plutôt méconnue. Enfin, c'est un homme mince et élancé dans un pays où les costauds et les trapus sont valorisés. Pas étonnant aussi qu'il ait été soupçonné à maintes reprises d'être un « moffie » (un homosexuel en afrikaans) !

Par l'entremise de ces témoignages, Coetzee exprime partiellement ce qu'il perçoit du regard des autres sur lui-même tout au long de sa vie. Et avec chaque témoin, le portait brossé conduit à un second constat : Coetzee n'est pas un homme qui se livre facilement. Il est distant, toujours sur la réserve et passe pour un être froid et hautain. Il semble même charger le trait en peignant tantôt un piètre amant, un enseignant sans vocation, tantôt un fils pas à la hauteur ou un citoyen sans conscience politique forte et incapable d'engagement sincère.

Pourtant, le procédé d'écriture est fin et subtil à chaque fois, de sorte qu'il arrive à nous faire percevoir aussi ses qualités sans donner l'impression de se mettre en valeur (au contraire, ce livre pourrait presque passer pour une justification de soi…). le récit nous montre alors un amant inoubliable (avec Julia qui vient de quitter son mari), un cousin aimé par sa cousine Margot, un enseignant compétent, cultivé et soutenu par la directrice de lycée, par ses collègues d'université, comme par ses élèves (la fille d'Adriana). Et un fils qui s'occupe seul de son père âgé qui doit continuer à travailler, faute d'une retraite décente. Last but not least, Sophie nous révèle « un francophile convaincu ».

A travers ces évocations multiples, il ressort surtout le portrait d'un homme en proie à une grande solitude, mal à l'aise avec son corps et mal à l'aise avec les gens qui sont à l'aise. Son retrait par rapport à l'engagement politique de ses compatriotes écrivains dans les années 70 et 80 s'explique donc en partie et Sophie nous en livre les clés : la politique ne l'intéresse pas et il n'aime pas les écrivains politisés. Il n'a soutenu ni les Afrikaners ni les Noirs, qui étaient ses concitoyens mais qu'il ne considérait pas comme ses compatriotes. Fataliste, « pessimiste étincelant » a-t-on écrit à son sujet, il accepte le cours de l'Histoire mais ne va pas jusqu'à forcer sa nature en « entrant dans la danse ». En cela, il est resté d'une grande cohérence avec lui-même.

Enfin, il me reste l'image d'un homme sensible, d'une grande force de caractère et qui médite sur la condition humaine. Sa posture de fils responsable qui assume la charge de son père, à une époque où le placement des parents âgés en maisons de retraite prend son essor, est très révélatrice. Il a longtemps souffert de cette charge et les derniers mots du livre sont dramatiques. Rescapé d'un cancer du larynx, son père vient de rentrer à la maison et J.M. Coetzee réalise qu'il va devoir faire l'infirmier ou abandonner son père. le livre se clôt ainsi, sans qu'il soit précisé l'issue à son dilemme : « L'alternative, s'il refuse de faire l'infirmier, c'est d'annoncer à son père : - Je ne peux pas faire face à la situation. Je ne peux pas envisager de te soigner nuit et jour. Je vais t'abandonner. Au revoir. – C'est l'un ou l'autre. Il n'y a pas de troisième solution ».

Alors, dans cette peinture diffuse, où la vérité n'est qu'une suite d'éclairs fugaces et discontinus, il nous manque l'essentiel en définitive : Coetzee l'écrivain, l'homme de culture, l'auteur de fictions et le critique littéraire, grand connaisseur de la littérature, notamment du XIXe et XXe siècle. Car c'est cet homme de l'art qui peut seul racheter tous les autres Coetzee rencontrés au quotidien.

La traduction de l'anglais par Catherine Lauga du Plessis est très agréable et l'on se plait à rêver d'une suite, d'un autre autoportrait nous présentant J.M. Coetzee vingt ans plus tard, à 50 ans, quand son pays enterre l'Apartheid et prépare l'accession au pouvoir de Nelson Mandela.
J.M. Coetzee a longtemps enseigné la littérature à l'Université du Cap et aussi aux Etats-Unis. Aujourd'hui, il a quitté définitivement l'Afrique du Sud. Il s'est installé en Australie en 2002 et a reçu le prix Nobel de littérature en 2003. Il a également acquis la nationalité australienne en 2006.
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Ceci est ma première lecture de JM Coetzee

Je ne savais pas que ce livre était une autobiographie fictionnelle. Si l'on peut qualifier ainsi ce roman, que j'ai lu en VO. D'autant plus en VO que si JM Coetzee écrit en Anglais, comme ce livre relate des événements qui se sont passés en Afrique du sud, il y a des phrases en Afrikaner.

L'histoire est relatée par un auteur qui rédige une biographie de JM Coetzee. Il contacte des personnes qui l'ont côtoyé avant sa mort... car dans ce livre Coetzee est mort.

Et on découvre le portrait d'un auteur qui ne se ménage vraiment pas. Il apparait au mieux comme insignifiant au pire comme un homme dérangé...

Mais cela lui permet de présenter différents portraits de l'Afrique du Sud et surtout différents aspects de ce pays si particulier. Car si il ne se résume pas à l'apartheid, forcément ce régime impacte fortement les relations sociales entre les individus, les familles etc...

Et il ne s'agit pas tant des relations entre les noirs et les blancs mais de l'impact que ce régime à sur la famille de Coetzee et lui même. Son rapport à la langue de son pays, à ce pays, ...

C'est une écriture à la fois simple mais efficace. C'est un portrait de lui même sans concession.




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Premier livre que je lis de Coetze. Dévoré en peu de temps. Je n'ai jamais vu un homme se dénigrer à ce point. Remise en question sur sa vie, son passé. le point de vue de ces quelques femmes qui ont partagé sa vie quelques temps est sans concession. Elles en font le portrait d'un raté, d'un pauvre type qui ne comprend rien à rien. On a le sentiment que tout lui echappe.
Il en devient une métaphore de la condition humaine.
Bien sur, l'Apartheid est toujours présente en toile de fond. Finalement, comment pourrait-il en être autrement dans ce contexte politique invivable ? Un chef d'oeuvre !
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On sait que Coetzee est une des plus belles plumes qui soient,lauréat Nobel incontestable.Infiniment personnel voici un objet proche de l'autobiographie mais complètement original par sa construction.Après Scènes de la vie d'un jeune garçon et Vers l'âge d'homme voici le troisième volet de cette entreprise.En fait il y a fiction puisque l'auteur confie la tâche d'un portrait posthume à un universitaire qui accueille et met en forme cinq témoignages qui pourraient se révéler majeurs pour la compréhension de l'homme Coetzee.Tour à tour s'expriment Julia,ancienne maîtresse de John,Margot,sa cousine,Adriana,danseuse brésilienne et mère d'une jeune Maria Régina à qui il a donné des cours d'anglais,Martin,un ancien rival à l'université du Cap,et Sophie une ancienne liaison,collègue en faculté,toujours au Cap.Toutes ces entrevues se déroulent quarante ans après l'époque évoquée,1972 environ,dans une Afrique du Sud très apartheid mais,plus surprenant,très éclatée avec une individualisation particulière de la région du Cap,sorte d'Afrique du Sud de l'Afrique du Sud.

Bâti ainsi de façon audacieuse le récit peut paraître un peu décousu au premier témoignage puisque Coetzee est mort (dans ce livre) et qu'un tiers se charge d'établir des éléments biographiques.Mais on a vite fait de se passionner tant l'écriture,assez souvent parseméee de termes afrikaans,est troublante,et tant la personnalité de l'homme J.M.Coetzee est complexe.C'est vraiment un euphémisme de dire que l'écrivain n'y apparaît pas comme un héros,un chantre du progrès,un enseignant charismatique,ni même un voisin,ami ou amant agréable.Il semble que les cinq protagonistes aient tous souffert dans leurs rapports avec Coetzee,parfois un peu dérisoires,comiques,parfois désespérants.Ce livre,ne l'oublions pas,a été écrit par un Coetzee bien vivant,dont on peut penser qu'il s'est convoqué pour se mettre sinon en accusation,du moins en question.Je trouve la démarche intéressante bien que n'ayant pas lu les deux premiers livres de cette vaste autobiographie.Quant à L'été de la vie on dira de cette auto-enquête qu'elle est trouble, touffue, contradictoire, littérairement tès élaborée mais surtout,surtout pas hagiographique.Ne liriez-pous que les auteurs sud-africains,vous auriez déjà un plaisir intense tant le terreau y est fertile.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Malgré le fouet qu'on lui administrait régulièrement pour ne comprendre rien à rien.... David Truscott persévéra au collège, poussé par sans doute pas ses parents. Tant bien que mal il fit sa sixième, monta de classe en classe jusqu'en terminale ;et le voilà vingt ans plus tard, pimpant et prospère... Qu'est-ce que cela donne à penser sur la façon dont va le monde ? La réponse la plus évidente est que la voie qui passe par l'algèbre et le latin ne mène pas à la réussite matérielle. Mais on peut y voir bien plus encore : comprendre les choses est une perte de temps; si on veut réussir dans la vie, être heureux avec sa petite famille, avoir une belle maison et une BMW on ne devrait pas essayer de comprendre les choses mais se contenter d'additionner des chiffres ou presser des boutons ou Dieu sait quoi,
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Elle repose sa question: "Et une fois que tu as appris le hottentot dans tes vieux livres de grammaire, à qui peux-tu parler?"
"Tu veux que je te le dise?" Le petit sourire a fait place à autre chose, quelque chose de pincé, pas très agréable à voir.
"Oui. Dis-moi. Réponds-moi".
"Aux morts. On peut parler aux morts. Qui autrement - il hésite comme si les mots pouvaient être trop lourds pour elle et même pour lui-, qui autrement seraient rejetés dans un éternel silence."
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De là où les Truscott et lui habitent, on n'a qu'un petit kilomètre à faire vers le sud pour se retrouver devant Pollsmoor. Pollsmoor - personne ne prend la peine de dire la prison de Poolsmoor est une maison d'arrêt entourée de hauts murs, de barbelés et de miradors. Autrefois l'établissement se dressait seul sur un terrain de sable et de broussailles. Mais au fil des années, timidement d'abord, puis avec plus d'assurance, les lotissements de banlieue se sont subrepticement rapprochés, si bien qu'aujourd'hui, cerné par des maisons bien alignées d'où sortent des citoyens modèles qui partent jouer leur rôle dans l'économie nationale, c'est Pollsmoor qui est une anomalie dans le paysage.

  Que le goulag sud-africain dresse sa silhouette obscène au beau milieu des banlieues blanches et que l'air que respirent les Truscott soit passé par les poumons de mécréants et de criminels ne manque pas d'ironie. Mais pour les barbares, comme l'a souligné Zbigniew Herbert*, l'ironie est comme le sel : cela crisse sous la dent avec une saveur éphémère ; cette saveur disparue, il reste la brutale réalité. Que faire de la brutale réalité de Pollsmoor lorsqu'on ne jouit plus de l'ironie ?
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"Tu veux que les gens te lisent après ta mort ?"
"Je trouve quelque consolation à m'accrocher à cette perspective."
"Alors même que tu ne seras pas là pour le voir ?"
"Alors même que je ne serai pas là pour le voir."
"Mais pourquoi les générations futures iraient s'embêter à lire le livre que tu as écrit s'il ne leur parle pas, si cela ne les aide pas à trouver un sens à leur vie ?"
"Peut-être aimeront-ils quand même lire des livres qui sont bien écrits."
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Combien de ces ouvriers dépenaillés qu'il croise dans la rue sont les auteurs secrets de travaux qui leur survivront ? Une sorte d'immortalité, une immortalité avec ses limites, n'est pas si difficile à s'assurer ; après tout. Pourquoi alors s'entête -t-il à noircir du papier, avec le vague espoir que des hommes qui ne sont pas encore nés prendront la peine de le déchiffrer ?
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Quel écrivain sud-africain a reçu le prix Nobel de littérature en 2003 mais fait partie du club très fermé de ceux qui ne donnent jamais d'interview ? Dommage car c'est un génie !
« Disgrâce » de J. M. Coetzee, c'est à lire en poche chez Points.
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