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EAN : 9782081285415
300 pages
Flammarion (28/08/2013)
4.06/5   16 notes
Résumé :
Le procès de Socrate est une des images les plus célèbres de l'histoire de l'Athènes classique. Les guerres médiques ou les marbres du Parthénon en offrent le versant lumineux, la condamnation du maître de Platon, elle, en incarne la légende noire. Le plus souvent, l'évènement est présenté comme la faute impardonnable de la démocratie athénienne, la preuve d'une cité intolérante, persécutant ses élites intellectuelles. À l'opposé, les défenseurs de la démocratie ath... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
« Si Socrate était mort dans son lit, nous croirions aujourd'hui qu'il n'était rien de plus qu'un habile sophiste » (Jean-Jacques Rousseau). Une citation et le sujet prend forme. En buvant la ciguë la célébrité du philosophe a certes été assurée et pour longtemps ; sa mort a cependant quelque peu entaché la démocratie athénienne aux yeux de certains. « Le procès fournissait ainsi l'archétype d'un débordement regrettable, inévitable dans toute démocratie directe » (p. 275).

Que reprochaient exactement les Athéniens à Socrate et pourquoi l'ont-ils condamné en 399, Socrate était-il un adversaire de la démocratie ? Impossible, selon Paulin Ismard, de fournir une réponse unique même si les historiens s'accordent peu ou prou à voir dans le procès du philosophe un règlement de compte politique : après la guerre civile et le rétablissement de la démocratie, Socrate aurait notamment payé pour ses relations avec le tortueux Alcibiade et sa fréquentation de Critias et Charmide du côté du clan oligarchique.

Sans minimiser cette dimension, en l'affinant cependant, Paulin Ismard s'emploie à présenter le procès comme plus vraisemblablement imputable à une pluralité de causes parmi lesquelles le comportement de Socrate dans la sphère publique serait particulièrement visé. C'est en effet par le détour de sa pédagogie (non de son enseignement inconnu de la majorité) que la menace Socrate aurait pointé son nez – analysée comme motif principal de l'impiété supposée dont fait état son accusateur, Méletos. La relation personnelle et affective maître/élève préconisée par Socrate, « un compagnonnage philosophique » exclusif (et plus si affinités) et la primauté du « savoir » dispensé comme un don, représentent une totale subversion par rapport à l'enseignement traditionnel athénien en vigueur relevant du privé, au sein des familles, valorisant avant tout le sport, la musique ensuite et accessoirement la lecture et l'écriture.

Le portrait du philosophe est ici enrichi par une fructueuse mise en parallèle. Au portrait dont Platon détient le monopole (L'Apologie) communément accepté, « mêlant fictif et vraisemblable » (qui doit beaucoup, apprend-on, au Palamède de Gorgias), répond celui de Xénophon (L'Apologie de Socrate ; Les Mémorables), quelque peu délaissé au XXe siècle et justement réhabilité. Au-delà des ressemblances ou différences entre les deux, émerge surtout de la lecture la figure d'un Socrate grand perturbateur de la cité et de son propre procès, allant jusqu'à provoquer ses juges ; ce qui fera dire à Nietzsche : « Socrate voulait mourir, ce ne fut pas Athènes, ce fut lui-même qui se donna la ciguë, il força Athènes à la ciguë » (p. 68).

L'analyse immerge dans la Grèce classique – Athènes au crépuscule du Ve et à l'aube du IVe siècle – qui ne pourra que plaire aux férus d'histoire, de philosophie, de politique et d'une manière plus générale à tous curieux de l'Antiquité, des arts et de littérature. Une lecture totalement prenante qui conduit, par l'exposé des hypothétiques conditions du procès, à découvrir l'histoire antique, à s'interroger sur la démocratie, le fonctionnement de la cité, ses institutions, ses rituels civiques ou religieux ; par extension la réflexion amène à penser la place grandissante de la figure et de la parole du philosophe dans la sphère publique du Ve siècle à nos jours... De Périclès jusqu'à une Athènes plus contemporaine rejouant, le 25 mai 2012, la cérémonie du jugement de Socrate sous les auspices de la fondation Onassis !

L'essai, de 2013, a des allures d'enquête. Paulin Ismard dévoile, tambour battant, les multiples facettes d'un procès, conçu comme une performance publique dont il restitue la scénographie, avec pour toile de fond les subtilités de la démocratie athénienne et la singularité de ses procédures juridiques. L'absence de pièces matérielles au dossier (procès-verbal ou plaidoiries) et la forme souvent fragmentaire des sources sur lesquelles s'appuyer sont largement compensées par une prodigieuse postérité littéraire que la simplicité du style de l'auteur rend très accessible, incluant moult récits ou traditions plus ou moins fantaisistes sur les raisons du procès.

C'est Polycrate qui ouvre le bal en publiant, quelques années après la mort du philosophe entre 393 et 385, un pamphlet justifiant sa condamnation. Il inaugure ainsi le genre littéraire très fécond des discours socratiques. Polémiques et lectures contradictoires, puis récupérations à n'en plus finir s'enchaînent, fatiguant bien du papyrus et faisant couler encore plus d'encre à l'époque moderne (de la Renaissance au XIXe siècle). « D'affaire » le procès prend le statut d'événement capital. Il a été quasiment érigé en mythe fondateur pour la philosophie : « Pendant plus d'un millénaire, le procès constituera un des objets par lequel l'occident pensera son rapport au polythéisme ancien et au régime démocratique » (p. 204).

« Raillée par les comiques du Ve siècle (« Les Nuées », Aristophane), la figure du philosophe était devenue dès la fin du IVe siècle l'une des incarnations idéales du citoyen. Ainsi moins d'un siècle après la fin du procès, la tradition socratique l'avait définitivement emporté sur ses adversaires » (p. 208). La légende n'en finira pas de s'écrire, par la suite, et la réécriture du procès par la littérature chrétienne des premiers siècles influencera même la vision du Socrate moderne « Le Socrate de Voltaire est autant celui de Clément d'Alexandrie que celui de Platon » (p. 231).

Passionnante lecture.










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“Tout est politique”


J'ai pris connaissance de l'auteur, Paulin Ismard, maître de conférence en Histoire grecque à l'Université Panthéon-Sorbonne, lors de sa tournée promotionnelle pour son dernier ouvrage “La démocratie contre les experts : Les esclaves publics en Grèce Ancienne” (merci France Culture, encore une fois).

Ceci étant dit, quand je parle de médiatisation, je ne veux sûrement pas faire un parallèle avec chaque ouvrage de Patrick Boucheron à qui on déplie le tapis rouge tel un mandarin médiatique et homme de réseaux … (petit tacle gratuit, oui, c'était facile).


Dans cet ouvrage, son précédent, Paulin Ismard s'intéresse au procès du plus que célèbre sophiste-philosophe Socrate, plus précisément à l'occasion de son procès, qui a tant fait couler d'encres au fil des siècles, afin de tenter de comprendre cette condamnation judiciaire, mais, plus globalement, pour saisir le cadre intellectuel et social de l'Athènes du tournant du Ve siècle avant Jésus-Christ. Saisir le contexte pour comprendre l'événement.


Je préfère spoiler de suite, il ne faut pas s'attendre à la lecture de cet ouvrage à un propos péremptoire sur “l'énigme” Socrate, l'historien insistant bien, constamment, sur les sources parcellaires et insuffisantes pour expliquer de manière tranchée (dogmatique ?) la raison de cette condamnation.

L'important n'est pas là, mais bien dans la présentation des multiples éléments mettant en lumière la position particulière qu'occupait Socrate dans la vie Athénienne, à l'ère du “consensus démocratique” en vigueur à l'époque.

Et d'ailleurs, en parlant de cause ou des causes de ce procès, Paulin Ismard s'inscrit totalement en faux envers le monisme explicatif de certains historiens. Pour lui, ce n'est ni exclusivement pour une raison d'impiété, ni pour des questions de positionnement politique (règlement de comptes entre politiciens) ou de pratiques éducatives originales que Socrate a été condamné.


Néanmoins, avant d'en venir aux raisons qui faisaient de Socrate un “intellectuel” pouvant paraître en décalage avec l'idéologie dominante de son époque, Ismard s'intéresse aux sources sur lesquels les “historiens” s'appuient depuis des siècles.

Tout d'abord, un élément qui dénote par rapport à notre conception du “Droit” ou en tout cas de nos usages juridiques, les athéniens n'ont à aucun moment jugé important, indispensable, utile, de fournir une explication à la condamnation de Socrate, ce qui évidemment, complique la tâche de l'historien. Grosse différence donc avec un autre Grand procès de l'histoire européenne, celui de Jeanne d'Arc, dont nous sont parvenus davantage de traces, et qui ont permis à Georges et Andrée Duby de venir hanter ma deuxième année de licence d'histoire ...

Outre quelques écrits de personnalités, disciples et adversaires, l'essentiel des traces que l'on garde de Socrate nous vient du philosophe Platon, mais pour qui Socrate pouvait parfois avoir une fonction d'homme de paille prompte à installer les idées platonicienne. Il ajoute que les écrits de Xénophone, moins utilisés du fait de la domination intellectuelle et historique de Platon, proposant d'ailleurs des visions de Socrate parfois bien différentes de celles de Platon ! Paulin Ismard souligne pour autant que la force de cet événement historique se cristallise dans le fait que le procès de Socrate fut un des événements intellectuels les plus commentés et les plus débattus, marquant ainsi son symbolisme prégnant pour ce tournant du Ve siècle Athénien et raisonnant à travers les siècles.


Le travail principal de l'historien est ici de recontextualiser le cadre du procès dans l'histoire et la société grecque de ce tournant du Ve siècle avant notre ère, soit une période d'instabilité (ou en tout cas de tumultuosité) politique à l'heure de la fin de la guerre du Péloponnèse et des renversements successifs de régimes (oligarchiques et démocratiques).

De ce point de vue, Paulin Ismard explique que, bien que la pensée des sophistes (dont Socrate) fut un compagnon de route du développement de la pensée démocratique, dans une première phase, à l'inverse, et en particulier lors des dernières années de la guerre du Péloponnèse, celle-ci a nourri, à l'inverse, la culture politique des élites, de “l'aristocratie athénienne”. Ainsi, Socrate, comme d'autres, a pu être considéré comme une figure intellectuelle proche de l'oligarchie athénienne ayant pris le pouvoir en 404 (la crise des Trente) et donc considéré par certains comme un “ennemi de la Démocratie”.

Un élément constitutif de la pensée de nombreux sophistes a sans doute beaucoup joué dans ce rapprochement avec l'élite de la société Athénienne nous explique l'historien : une vision du monde social détachée de toute origine religieuse (contrairement aux usages d'alors, où la société est censée représentée harmonieusement le modèle naturel). Dans cette optique, les fondements de la Vérité, du Bien/Mal se font plus tenus et ont amené certains à développer une vision relativiste de la loi et des règles institutionnelles en vigueur. D'où, pour Ismard, le peu de surprise de retrouver quelques sophistes à la pointe des mouvements oligarchiques de 411 ou 404 et d'avoir cédé pour certains à la laconomanie, c'est-à-dire à la fascination pour les régimes oligarchiques.

Toujours pour ce qui est de l'explication-recontextualisation “politique”, Paulin Ismard nous rappelle que, tant chez Platon que Xénophon, la vision de la politique, et de sa légitimité chez Socrate était intrinsèquement élitiste et anti-démocratique. En effet, si l'idéal démocratique induit une capacité égale des citoyens à exercer les fonctions politiques et participer plus largement à la vie publique, l'idéologie Socratienne promeut elle une légitimité de la compétence, c'est-à-dire, que seuls les (plus) capables-sachants peuvent et doivent diriger la cité. Comme le cite Ismard, la vision politique Socratique s'oppose donc consubstantiellement, fondamentalement au “régime des ignorants”, de la multitude, proprement démocratique (dans l'idée). Sont ainsi disqualifiés par nature tant le tirage au sort que le vote à décision majoritaire, outils institutionnels utilisés à cette époque à Athènes.


Une des principales accusations portées à l'encontre de Socrate est basée sur un motif religieux. Plus précisément, on lui a notamment reproché d'avoir introduit dans la cité de nouvelles divinités et de ne pas avoir respecté les usages établis. Ce point est alors l'occasion pour l'historien d'effectuer une (bienheureuse) recontextualisation à propos de la religiosité antique (que l'on peut être amenés à oublier).

Tout d'abord, il rappelle que les cadres mentaux, concernant le rapport à la religion n'ont strictement rien à voir entre “les anciens et les modernes” (rapport à l'hérésie, la dissidence religieuse, etc.), le sujet de la tolérance religieuse étant le fruit de l'évolution des sociétés futures à l'heure de l'entrée dans la “modernisation”. La question de la tolérance-liberté religieuse (de la différenciation) ne se posant tout simplement pas à Athènes à cette époque. En effet, il insiste sur le fait qu'il n'existait pas dans cette société polythéiste de doctrine, de texte sacré prescrivant les usages et codes religieux. Comme il l'indique, “plurivoque et ambiguë, la parole du mythe est faite de sédimentation successives et se nourrit de réinterpétations constantes en fonction des auteurs ou des contextes d'énonciation : il n'a jamais existé de version “officielle” ou canonique d'un mythe”.

En outre, Paulin Ismard considère qu'il serait surprenant que Socrate fut condamné pour sa “théologie” dans le sens où d'autres sophistes sont allés beaucoup plus loin dans la critique de la religiosité grecque (qualifiée d'inutile ou absurde par Critias notamment) et qu'aucun précédent de condamnation à ce sujet n'est connu (et que le procès de Socrate ne semble pas avoir fait jurisprudence par la suite).

Enfin, du point de vue des sources, il souligne que ni Xénophon ni Platon ne s'arrêtent sur ce point dans leur évocation du procès de Socrate, comme pour signifier que cette question de la religion “n'avait pas été un objet de débat lors du procès”.


Se terminant sur des chapitres moins intéressants concernant les réappropriations de la figure de Socrate au cours des siècles qui suivent sa mort, Paulin Ismard nous livre une étude loin des caricatures journalistiques-médiatiques ou de la binge histoire-philosophie au sein desquelles Socrate est placé sur un piédestal et considéré (uniquement) comme un héros philosophique, phare de la pensée d'une époque rétrograde, tel un messie en avance sur son temps, dans une vision complètement apologétique.

Bien que l'on comprenne que Socrate fut vu comme l'incarnation d'une menace politico intellectuelle dans une époque troublée, ce qui aurait causé sa perte, comme par nécessité de procéder à une exérèse du corps social, l'historien nous portraiture surtout la complexité de la figure de l'individu et le replace d'une belle manière dans son époque en offrant un portrait nuancé ne mettant pas de côté le fait qu'il fut un adversaire de la démocratie de part sa conception élitiste du pouvoir. de ce point de vue là, Platon fut bien son digne successeur.

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« L'EVENEMENT SOCRATE » de PAULIN ISMARD

« Comment définir Socrate ? »

le livre L'événement Socrate est original et bien fourni. L'auteur, Paulin Ismard, maître de conférence en lettres grecques, nous livre une véritable enquête approfondie, fournie et complexe, s'intéressant à un événement majeur de l'Antiquité : le procès de Socrate. Comment et pourquoi le philosophe, ami du peuple et ennemi de la nation, est mort ? Qui l'a voulue ? Lui ou la démocratie athénienne ? C'est à cette question que se livre l'enquête fournie par l'auteur.
le livre se divise en neuf chapitres en reprenant des termes philosophiques et nous rappelant la définition du dêmos (peuple en grec), du sophisme (idée de payer pour le savoir) et l'importance de la polis (cité en grec). Au début de chacun d'entre eux, une brève phrase résume le chapitre. Par exemple, au début de celui concernant l'affaire Socrate (chapitre 1), une citation rousseauiste y apparaît.
Rappelons que le philosophe était contre les sophistes car pour lui le savoir devait être gratuit et ne voyait pas l'intérêt de payer ou de donner quelque chose en échange. Confondant l'ère moderne à celle de l'Antiquité, l'auteur tourne en dérision le droit (il parle du droit athénien et du contexte politique). Il faut savoir que Socrate est mort après la guerre du Péloponnèse en 399 avant notre ère et qu'on pouvait demander l'euthanasie si on voulait, mais ça posait problème à l'Etat et au droit athénien, c'était contre nature.
L'auteur remonte le temps et confronte, dans un premier temps, deux Apologies de Socrate, celle de Platon et de Xénophon. Platon, disciple principal socratique, montrait un Socrate contre les sophistes dénonçant ceux qui payaient pour le savoir. Xénophon, disciple socratique ne s'entendant guère avec Platon, faisait du philosophe une figure du savoir démocratique. La vision que l'on a aujourd'hui est platonique, le fait que Socrate était un non sophiste. Hormis ces deux disciples, l'auteur nous cite aussi Antisthène, Alcibiade, chef d'une armée ayant entretenu avec le philosophe une relation homosexuelle, Diogène Laërce, doxographe ayant rédigé Vies et doctrines illustres des philosophes ou encore Aristophane, auteur des Nuées, pièce de théâtre critiquant Socrate.
Au cours de cette enquête, Paulin Ismard nous pose la question de savoir si le personnage socratique, comme on le connaît, était ou non un sophiste car il confronte les différents points de vue de chaque philosophes et disciples (Platon, Xénophon, Antisthène, Aristophane,...) Il nous renseigne également sur le fait que le philosophe aurait été dangereux pour trois raisons : il aurait corrompu la jeunesse, il aurait prêché contre la religion (il avait en effet évoqué des dieux nouveaux sans y croire) et enfin il n'aurait pas reconnu les dieux anciens. Si nous partons du principe que le philosophe aurait été contre la religion, il n'a pas pu corrompre la jeunesse car il enseignait sa vérité. On ne peut lui reprocher de ne pas croire aux divinités anciennes, s'il ne le voulait pas. Si le philosophe était l'ami proche du peuple pour certains, il était l'ennemi de la nation pour d'autres.
Paulin Ismard nous informe également que pendant la période médiévale (Xme-XIVme siècle) la figure socratique nous était peu connue et qu'il était vu par les Pères de l'Eglise comme une figure obscurantiste car il avait accepté de boire la ciguë, principal motif de sa condamnation. Il faudra attendre le Siècle des Lumières pour qu'il soit reconnu comme un héros car il a reconnu avoir tort et accepté son jugement. Il nous apprend aussi qu'au XVIIIme siècle, principalement, sa mort avait intéressé pas mal de peintres et d'auteurs tels Voltaire ou Jacques Louis David. D'ailleurs, à ce propos, le Socrate de Voltaire est très proche de la vision platonique et David a été très influencé par ce thème, la condamnation de Socrate. Il peindra, en 1787, La Mort de Socrate, où il fait face à ses accusateurs. On apprend notamment qu'un compositeur autrichien a dédié un opéra à la condamnation du philosophe, où il est dépeint aussi en héros. S'il a été, durant un temps, une figure obscurantiste (au Moyen-Âge), il a été un héros symbolique à partir du XVIIIme siècle car il a accepté son destin.
C'est donc un livre que je recommande et qui nous pose beaucoup de questions sur ce qu'on doit savoir du procès socratique. C'est plus qu'un livre, c'est une enquête poussée où la philosophie, l'art, la littérature, la musique, les contextes historiques se mélangent.
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Une approche universitaire du procès de Socrate (c'est pourquoi je ne mets pas plus de 3 étoiles, car même si l'étude est très intéressante, ça ne se dévore pas comme un roman), qui croise histoire, philosophie, philologie, littérature grecque et qui malgré tout reste assez facile à lire, assez accessible, même s'il vaut mieux avoir un minimum de connaissances sur la Grèce antique des Vè et IVè siècles (savoir qui est Périclès, Alcibiade, ce qu'est la guerre du Péloponnèse, avoir lu un peu de Platon, en particulier "L'Apologie de Socrate").
La question qui se pose à propos du procès de Socrate est la suivante: comment la démocratie athénienne a-t-elle pu condamner à mort son philosophe le plus célèbre et sans doute le plus sympathique? Comment concilier ce fait et l'image très positive que nous avons de la démocratie? Cet évènement est-il révélateur du fonctionnement de la démocratie athénienne ou constitue-t-il une sorte d'exception? Quel fut son retentissement dans l'histoire de la pensée occidentale?
Autant de questions auxquelles ce livre répond de manière claire et méthodique.
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critiques presse (2)
LaViedesIdees
16 octobre 2014
Synthèse claire et extrêmement informée, ce livre est à recommander à quiconque s’intéresse à Socrate et plus généralement à la démocratie athénienne du IVe siècle.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Telerama
02 octobre 2013
Socrate, martyr chrétien avant l'heure ou athée victime de la superstition ? Quelle ­vision du politique donne-t-il à voir ?
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Nous avons la chance inespérée de connaître précisément la formulation légale de l'acte d'accusation déposé par Méletos, grâce à la consultation qu'en a faite dans les archives publiques athéniennes, au début du IIe siècle de notre ère, Favorinos d'Arles, venu à Athènes pour y exercer ses talents de rhéteur.

Voici la plainte déposée sous serment par Méletos, fils de Méletos, du dème de Pithée, contre Socrate, fils de Sophronisque, du dème d'Alopéké : Socrate enfreint la loi, parce qu'il ne reconnaît pas les dieux que reconnaît la cité, et qu'il introduit d'autres divinités nouvelles ; il enfreint la loi aussi parce qu'il corrompt la jeunesse. Peine requise : la mort.

Chapitre 2, La cité au procès
L'accusation de Méletos, p. 57
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Pour Platon, l'échec politique des enfants de Périclès attestait à lui seul la faillite du célèbre chef de file du camp démocrate. Socrate affirmait ainsi qu'une "bonne preuve pour ceux qui ont un savoir quelconque de ce qu'ils savent, c'est qu'ils soient capables de transmettre ce savoir à un autre", avant de poser une question provocatrice à Alcibiade : "Peux-tu me dire qui Périclès à rendu savant, à commencer par ses fils ?" L'échec pédagogique du chef d'état idéalisé du Ve siècle révélerait ainsi l'incapacité de la cité démocratique à conduire les citoyens sur la voie de la vertu et à définir un savoir politique authentique. Le détenteur de la science royale, dans l'utopie platonicienne, sera dès lors un bon éducateur, comme si les deux fonctions étaient destinées à se confondre. (p. 166)
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Rappelons une évidence : le polythéisme grec était dépourvu de tout texte sacré qui définisse les croyances légitimes au sujet des divinités, ou précise rigoureusement la façon dont les actes cultuels devaient être accomplis. L'appréhension commune des dieux et de leur présence au monde ne s' est jamais incarnée dans une théologie polythéiste, susceptible de définir une architecture dogmatique dont la cité aurait été la gardienne. Plurivoque et ambiguë, la parole du mythe est faite de sédimentations successives et se nourrit de réinterprétations constantes en fonction des auteurs ou des contextes d'énonciation : il n'a jamais existé de version "officielle" ou canonique d'un mythe. Ajoutons que nul clergé constitué ne veillait à l'organisation institutionnelle de la vie religieuse.

Chapitre 4, L'impiété socratique, p. 131
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On peut affirmer sans crainte qu'à côté de la bataille de Marathon et des grands monuments de l'Acropole, le procès de Socrate est une des images d'Épinal les plus populaires de l'Athènes classique. Alors que les guerres médiques ou les marbres du Parthénon en sont le versant lumineux, la condamnation du maître de Platon en incarne la légende noire. L'événement est en effet souvent présenté comme la faute impardonnable de la démocratie athénienne par ses détracteurs, qui y voient la preuve d'une cité intolérante persécutant ses propres élites intellectuelles pour des raisons religieuses ; à l'opposé, les défenseurs de la démocratie athénienne se sont évertués à relativiser la portée de l'événement en le réduisant à un simple accident, quitte, parfois, à justifier la condamnation.
Introduction, p. 11
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« Bien après sa mort, Socrate demeura ce questionneur insaisissable retournant à son interlocuteur ses propres questions dans un jeu de miroir sans fin. »
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