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Jacques Pirenne (Éditeur scientifique)Fernand Vercauteren (Éditeur scientifique)Christophe Picard (Préfacier, etc.)
EAN : 9782130548850
218 pages
Presses Universitaires de France (02/05/2005)
3.47/5   16 notes
Résumé :
Sans Mahomet, Charlemagne n’aurait jamais été empereur. De quand date vraiment la chute de Rome ? Pourquoi passe-t-on de l’Antiquité au Moyen Âge ? À ce vieux débat, Henri Pirenne apporte une réponse révolutionnaire.

Au VIIe siècle, la disparition du monde romain n’est pas le fait des invasions germaniques, mais de l’incursion de l’islam en Méditerranée, un nouveau pouvoir qui interrompt les échanges pluriséculaires entre Orient et Occident. Isolés, l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
En ces temps de questionnements civilisationnels, j'ai cru bon de lire ce qui est sans doute l'ouvrage-phare du grand historien belge Henri Pirenne, qui reçut de son temps les éloges des plus grands chez les Annales (Bloch, Febvre, etc.) et continue aujourd'hui de nourrir les réflexions sur les rapports qu'entretiennent Occident et Orient.

C'est la dernière oeuvre du grand conteur de l'histoire De Belgique, auteur d'ouvrages obligés comme L'Europe au Moyen Âge ou ses Réflexions d'un solitaire, faisant suite à un article éponyme qui servit de base à l'élaboration du livre inachevé et dont la conclusion vite expédiée sent les feuillets recomposés.

Pour Pirenne, le Moyen Âge ne commence pas à la chute de Rome, lorsque Odoacre dépose le gamin qu'est Romulus Augustule en 476, car les barbares qui s'établissent sur le cadavre de l'empire n'ont rien à opposer au mode de vie des Romains. À peine installés qu'ils s'empressent de transmettre leurs voeux à l'empereur de Constantinople qu'ils tiennent à la fois comme leur modèle et comme l'arbitre de leurs différents. le commerce, le dada de Pirenne, ne s'en trouve pas modifié, les choses continuent comme avant, les nouveaux pouvoirs reprenant traits pour traits le système d'organisation romaine, au même titre que les codes de la vie civile, qui restent également les mêmes. Loin de mépriser la civilisation romaine, les barbares l'admirent et se l'approprient, il est vrai qu'ils n'avaient en vérité rien à lui opposer. À l'exception des marges (Gaule Belgique et île de Bretagne), la Romania se maintient et la Méditerranée demeure le centre du monde.

Tout change, selon Pirenne, à l'arrivée de l'islam et de l'extraordinaire élan de conquête qui pousse les Arabes de Bagdad à Cordoue, en passant par la Sicile. L'empereur d'Orient doit abandonner ses rêves de Renovatio pour éviter le drame, alors que la Méditerranée devient en un siècle un lac musulman. L'unité monétaire assurée par Byzance est brisée, l'Afrique regarde désormais vers Bagdad et Damas, non plus vers Rome ou Marseille, les flux de papyrus, d'épices, d'or, de vin et d'huile sont stoppés net, les Wisigoths d'Espagne sont balayés et les Francs se sauvent de justesse. Certes ces nouveaux barbares s'approprient la science et les arts grecs, mais ils imposent surtout aux anciens Romains la sujétion à leur Dieu unique dont la diffusion éclair tranche avec la lente propagation de la parole du Christ. Avec l'islam, il y a rupture avec le monde antique sur tous les plans, et les conséquences sont majeures : le pape abandonne Byzance qui devient un empire exclusivement grec, et se tourne vers les nouveaux hommes forts que sont les Pépinides produits par les luttes internes d'un Royaume en proie à la suffocation. Avec Charlemagne, l'Europe a son nouvel empire et s'avance vers un nouveau monde, le Moyen Âge a lieu.

On est frappé par l'aisance avec laquelle Pirenne transporte son lecteur, l'ouvrage aujourd'hui daté se lit comme un regard littéraire enchanteur où les lignes de fuites sont claires, les basculements logiques et les confrontations inexorables. Pirenne est dur, tout de même, avec les Musulmans, notamment quand il dit qu'ils ne songent véritablement qu'à piller, et quand il a vite le "péril" à la bouche. On regrette aussi, en dépit d'un érudition prodigieuse, qu'il ne mobilise pas d'autres sources que celles chrétiennes, Grégoire de Tours, Grégoire de Tours, Grégoire de Tours, oui mais ensuite ? Aussi la perspective des deux blocs impénétrables fait difficilement sens au regard des sources et des preuves qu'apporte entre autres l'archéologie moderne, mais ça Pirenne ne pouvait pas le savoir, et son obstination à caser les phénomènes dans l'un ou autre ensemble fait parfois trop lisse pour la complexité des faits qu'il rapporte.

Il reste que Mahomet et Charlemagne mérite le retentissement qu'il a eu à sa parution, personne avant Pirenne n'avait avancé de thèse si osée, que les barbares et les Romains n'étaient en fin de compte que des frères séparés à la naissance, et que les premiers ont pris avec passion, parfois un peu gauchement, la relève des seconds. L'idée que c'est l'Autre musulman qui est venu briser le rêve d'unité latine résonne aujourd'hui plus que jamais et confirme une nouvelle fois la fécondité des thèses d'Henri Pirenne.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Le roi est absolu : dominus noster gloriosissimus rex. Il est héréditaire et le peuple ne participe pas au pouvoir. Les traces d’assemblées de l’armée que Schmidt signale, faute de pouvoir découvrir de vraies assemblées nationales, sont des faits divers comme on en trouve beaucoup, d’ailleurs, sous le Bas-Empire.
Le roi nomme tous ses agents. Il y a, à sa cour, des grands germaniques et romains ; ceux-ci beaucoup plus nombreux d’ailleurs.
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Pour que l’État soit gouverné, il faut que le roi conserve la puissance de s’affirmer ; il n’y a d’ailleurs contre lui et contre cette manière de gouverner aucune opposition d’aucune sorte, ni nationale, ni politique. Les partages eux-mêmes qui reclassent si fréquemment les hommes et les territoires, sont l’affaire des rois qui se répartissent leur héritage. Les peuples restent indifférents. Le prestige de la dynastie est très grand et sans doute incompréhensible sans l’Église, car on ne peut invoquer pour l’expliquer aucun sentiment germanique.
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S’il est vrai que le roi se considère comme le propriétaire de son royaume, la royauté n’a pourtant pas un caractère aussi privé qu’on l’a soutenu. Le roi distingue sa fortune privée du fisc public. Sans doute, la notion du pouvoir royal est plus primitive que chez les Wisigoths. À la mort du roi, ses États se partagent entre ses fils, mais c’est là une conséquence de la conquête, et qui n’a rien d’ailleurs de germanique.
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À vrai dire, une minorité peut transformer un peuple quand elle veut le dominer effectivement, quand elle n’a pour lui que mépris, et le considère comme une matière à exploiter ; ce fut le cas pour les Normands en Angleterre, pour les Musulmans partout où ils apparurent, et même pour les Romains dans les provinces conquises. Mais les Germains ne voulaient ni détruire, ni exploiter l’Empire. Au lieu de le mépriser, ils l’admiraient. Ils n’avaient rien à lui opposer comme forces morales.
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Ce qui reste pour soutenir le commerce, ce sont les juifs. Ils sont nombreux partout. Les Arabes ne les ont ni chassés, ni massacrés, et les chrétiens n’ont pas changé d’attitude à leur égard. Ils constituent donc la seule classe dont la subsistance soit due au négoce. Et ils sont en même temps, par le contact qu’ils conservent les uns avec les autres, le seul lien économique qui subsiste entre l’islam et la chrétienté ou, si l’on veut, entre l’Orient et l’Occident.
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