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EAN : 9782264069702
312 pages
10-18 (07/09/2017)
4.25/5   889 notes
Résumé :
Lorsque Franklin Starlight, âgé de seize ans, est appelé au chevet de son père Eldon, il découvre un homme détruit par des années d’alcoolisme. Eldon sent sa fin proche et demande à son fils de l’accompagner jusqu’à la montagne pour y être enterré comme un guerrier. S’ensuit un rude voyage à travers l’arrière-pays magnifique et sauvage de la Colombie britannique, mais aussi un saisissant périple à la rencontre du passé et des origines indiennes des deux hommes. Eldo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (183) Voir plus Ajouter une critique
4,25

sur 889 notes
Très beau livre où la nature et les violences de la vie sont mêlées en un magnifique poème d'humanité dans lequel les silences pèsent souvent plus que les mots, dans le décor éblouissant des rivières et montagnes de l'Alberta.

Le thème de la relation père-fils constitue le coeur douloureux de leur histoire admirablement mise en scène par Richard Wagamese. On sait dès le début que le fils va accompagner le père en fin de vie vers une crête montagneuse où il veut reposer, peut-être enfin délivré dans l'au-delà des démons qui l'ont pourchassé au long de sa vie misérable.

Leur voyage prend assez vite la forme d'une narration par le père de son existence, narration qui devient confession à mesure de sa progression. Il a été marqué par les guerres, dès l'enfance par la deuxième guerre mondiale, et, à peine entrant dans l'âge adulte par celle de Corée. Son alcoolisme est également évoqué dès le début du livre, il marquera de manière indélibile son existence tout entière.

Le fils est à l'écoute, il se souvient de son côté des premiers contacts avec ce père en lequel il aurait, enfant, voulu croire. Il a été élevé un "vieil homme" qui ne lui a pas fait de confidences, espérant que le père, un jour, dévoilerait à son fils des vérités tellement dures à entendre.

Le fils a finalement deux pères, le biologique auprès duquel il accomplit un devoir filial presque naturel, en l'accompagnant vers son terme, en écoutant son récit qui le blesse, en lui fermant les yeux comme celui-ci le désirait, en un lieu de beauté presque magique. Il a un père adoptif qui l'a élevé, dont les silences courageux ont sans doute été très durs à respecter, finalement il me semble qu'il aime les deux, bien différemment bien sûr, ne pouvant rompre les liens qui l'unissent à eux.

Richard Wagamese raconte cette histoire en y insérant la nature avec les rivières peuplées de truites, les animaux à chasser, l'ours à redouter tout en l'affrontant dans une magnifique scène -- l'ours n'est-il pas en quelque sorte le père à cet instant? --, les nuages flamboyants, les aubes fraîches, les ciels emplis d'étoiles qui vont s'éteindre avec la fin de la vie du père.

C'est vraiment un roman magnifique d'amours et de rancoeurs, de malheurs et de brèves joies, de haine et de tendresse, de tous ces sentiments qui nous font hommes et femmes et que Richard Wagamese déroule en un drame humain écrit sans complaisance mais avec beaucoup d'humanité.
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« Jimmy disait tout le temps que nous étions un Grand Mystère. Tout. Il disait que les choses qu'ils faisaient, ces indiens d'autrefois, c'était rien d'autre que d'apprendre à vivre avec ce mystère. Pas le résoudre, pas s'y attaquer, pas même chercher à le deviner. Juste être avec. J'crois que j'aurai aimé apprendre le secret qui permet de faire ça ».

Colombie britannique, Canada, deuxième moitié du 20ème siècle, Franklin Starlight est un adolescent âgé de seize ans. Il est un enfant heureux bien qu'il ne sache pas très bien qui il est ni d'où il vient. C'est le « Vieil Homme » qui l'a élevé. Il lui a dit qu'il était indien ce qu'il a toujours cru. Dans ce monde rude et avare de mots, rien ne filtre. Pourtant « l'Enfant » aimerait bien, de temps en temps, trouver un léger indice qui lui permette de mieux appréhender ses origines. le « Vieil Homme » enseigne, transmet, pourvoit aux besoins de l'Enfant. Derrière toute cette pudeur se cache une énorme tendresse qui lie « l'Enfant » et « le Vieil Homme ». Frank ne sait pas ce qu'est la solitude. Dans ces magnifiques paysages, le « Vieil Homme » lui a apprit le respect de la Vie et de la Nature. La lune, l'eau, le vent, la montagne, les animaux sauvages, sa jument sont ses véritables compagnons. Suivre la piste d'un animal, interpréter les traces laissées par le gibier, tendre des pièges, poser une ligne de nuit pour attraper les poissons, travailler à la ferme, toutes ces activités relient Frank au Grand Tout et donnent un sens à son existence, c'est là qu'il se sent à sa place. Alors que sur les bancs de l'école, il se sent tellement étranger.

C'est à l'âge de cinq ou six ans qu'il fait la connaissance d'Eldon et qu'il apprend, à sa grande surprise, qu'Eldon est son vrai père. Un père que l'Enfant ne verra qu'une dizaine de fois en tout et pour tout et dans des conditions parfois dramatiques voire sordides. Eldon est rongé par l'alcool, il a passé sa vie à survivre, à tenter d'apprendre des trucs d'homme blanc pour manger, il a oublié tout ce qui était indien. C'est un être brisé qui noie sa souffrance dans l'alcool, qui boit à en mourir pour oublier jusqu'au jour où ce dernier demandera à Frank de l'accompagner à sa dernière demeure.

« J'ai entendu dire une fois par des anciens que les Ojibwés avaient coutume d'enterrer leurs guerriers assis face à l'est, là où se lève le soleil, avec toutes leurs armes et leurs affaires autour d'eux. de cette façon, quand ils seraient prêts, ils pourraient suivre le soleil) travers le ciel jusqu'au paradis des chasses éternelles où ils seraient de nouveau des guerriers. C'est comme ça que je veux partir. »

J'ai voulu tenter une première incursion dans le style nature-writing, ce genre littéraire qui fleurit un peu partout sur les étagères des libraires. Je m'attendais à pénétrer dans l'univers Ojibwe du Canada, j'y ai trouvé surtout un réquisitoire implacable contre l'alcoolisme et sa pulsion de mort, accompagné de son cortège de destructions. Ecrire un tel livre n'est pas anodin : c'est ce qui m'a incitée à parcourir la biographie de l'auteur.

Richard Wagamese nous a quittés en mars 2017 à l'âge de 61ans. Petit enfant, il vit dans un camp entouré de ses frères et soeurs et de toute sa famille. Ses parents sont alcooliques et pour s'adonner à la boisson, ils vont abandonner les enfants dans le camp pendant plusieurs jours. Affamés et gelés, les enfants vont s'échapper et seront placés par la Société d'Aide à l'Enfance. C'est bien de cet héritage douloureux dont sont fécondés les romans de Richard Wagamese, dès les premières pages, le vécu saute aux yeux.

« Les étoiles s'éteignent à l'aube » oscille entre ombre et lumière. Les paysages somptueux défilent sous les yeux. le chemin qu'emprunte Frank et son père pour accéder au sommet de la montagne, m'a fait penser à un chemin initiatique qui mène vers le rite de passage qu'est la mort. Moïse gravit la montagne pour parler avec l'Eternel et c'est au Mont Sinaï qu'il reçoit Les Tables de la Loi. J'ai pensé aussi au sermon de Jésus sur la montagne. le sommet symbolise la jonction entre les hommes et le divin et chez les indiens Ojibwés, j'y ai retrouvé le même attribut.

Cette ascension vers le sommet est l'essence même de la quête du père et du fils, découverte voire redécouverte des racines, réparation un tant soit peu des liens affectifs, transmission identitaire, respect des dernières volontés. Cette montée sera un accomplissement tant pour le père que pour le fils, chacun y trouvant de quoi combler leur vide.

Eldon est détruit par l'alcoolisme. Il s'épanche, tente modestement d'expliquer les raisons de sa fuite perpétuelle et de ses négligences désastreuses. Mais le lien s'est tellement distendu pour Frank. L'absence, l'abandon, la négligence du père n'a pu qu'engendrer de la détresse chez le fils, un véritable renoncement s'est opéré chez le fils et la figure paternelle s'est déplacée sur le « Vieil Homme» blanc. La Parole peut-elle réparer les maillons d'une filiation qui ne s'est jamais faite. Ne dit-on pas le Verbe créateur. Frank répond, sans ménagement, à cet homme qui est au bout du rouleau, agonisant et curieusement, c'est le fils qui révèle au père les gestes de la Tradition Ojibwé.
Le voyage pour le père est éprouvant, il y a des scènes d'une émotion intense chez ces êtres rudes. Au fur et à mesure de la montée vers le sommet, les dialogues se font de plus en plus percutants malgré une économie de mots. Les silences sont éloquents jusqu'à la position des corps. le moindre geste devient une violence ou bien une caresse. Au bout du chemin, Frank aura assemblé les morceaux de son puzzle intime, il sera un homme debout et entier.

Ce récit initiatique n'est pas anodin, il peut raviver avec intensité certaines douleurs enfouies, il traite de l'alcoolisme et du père défaillant, de l'agonie du père. La tendresse qui va se dégager petit à petit de ces échanges abruptes, distillant les silences chargés de non-dits, prend aux tripes.

J'ai fini cette lecture bouleversée, les larmes aux yeux. J'ai trouvé dommage de ne pas avoir conservé le titre original « Medicin Walk » qui dit tout !

Le Vieil Homme lui disait « Je peux rien t'enseigner de ce que tu es, Frank. Tout c'que j'peux faire, c'est te montrer comment être une bonne personne. Si tu apprends à devenir un homme bon, tu seras aussi un bon injun ».
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Les étoiles s'éteignent à l'aube est un magnifique récit initiatique, un roman sur la transmission, écrit par Richard Wagamese, auteur de littérature amérindienne canadienne, qui appartient à la nation ojibwé et qui nous a quitté en mars 2017.
Nous sommes ici dans l'arrière-pays immense et sauvage de la Colombie britannique, sur des terres jadis indiennes, celles justement des ojibwe. Sans doute le sont-elles toujours, du moins dans l'âme. Puisque le Tout, le Grand Tout est là pour veiller.
Rongé par l'alcool, Eldon sait que ses jours sont comptés. La tradition ojibwe veut qu'il soit enterré par les siens, là-haut sur la montagne, comme un guerrier. Alors, il appelle son fils Franklin pour accomplir cette tâche. Quoi de plus naturel, sauf qu'ils n'ont jamais vécu ensemble.
Franklin a été élevé par un autre homme que son père et n'a jamais connu sa mère. C'est le vieil homme qui l'a élevé seul dans sa ferme, qui le met en relation avec son père. Pour l'enfant qui a désormais seize ans, cette demande est une manière d'obtenir des réponses aux questions qu'il se pose depuis toujours sur son passé.
Dans ce grand espace qui s'ouvre à ce voyage ultime, c'est une sorte de pacte qui s'engage alors, un voyage dans le silence et l'âpreté du paysage, où les deux hommes vont cheminer comme dans une sorte de road-trip. Alors nous voyageons ensemble, avec eux. C'est un voyage éprouvant et émouvant. Nous sommes au plus près de leurs gestes qui s'effleurent. Les haltes le soir autour d'un feu sont propices à se parler. La parole est là qui se délie peu à peu, pas à pas, poser des mots sur le silence d'un père et de son fils qui se retrouvent quasiment pour la première fois. C'est une manière de visiter le passé, apaiser, le père et le fils ont ce besoin immense d'apaisement entre eux, immense comme les terres qui les entourent. Et la mère absente, n'est jamais si loin d'eux finalement...
C'est un voyage initiatique. Ils retrouvent des gestes ancestraux, construire un abri contre la pluie, chasser, pêcher, éloigner un grizzly qui s'approche de trop près de leur campement. Prier pour le grand Tout...
La parole qui se libère, qui revient fouiller le passé, ne permet pas forcément d'effacer totalement les cicatrices ou de refermer à coup de pelletées de terre un trou béant. Les mots viennent comme des caresses, les doigts se mêlent à ceux de la mort, il y a quelque chose qui passe, qui se mélange, qui se transmet d'un père à son fils. Ou peut-être l'inverse aussi. On oublie souvent l'inverse, qui vient de manière improbable et parfois salutaire...
Les étoiles s'éteignent à l'aube... Il reste alors peut-être encore un peu de vie ailleurs, de quoi souffler sur les braises d'un feu de camp qui a brûlé toute la nuit, dans l'écho des battements de coeur d'un fils qui accompagne son père de l'autre côté du grand paysage.
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Il a mis la journée pour se rendre à Parson's Gap, traversant, à dos de jument, champs et bois teintés de couleurs automnales. Il ne lui fut pas difficile de trouver son père, Eldon Starlight, tant sa réputation de poivrot le précédait. Une fois arrivé dans sa chambre, celui-ci lui proposa d'aller manger un morceau et là, en tête à tête, il lui fit sa requête : l'emmener sur la chaîne de montagne, à 60 kms d'ici, et l'enterrer en haut de la ligne de crête, face à l'est, à la façon des guerriers. Franklin, âgé de 16 ans, ne peut pas refuser cela à son père qui ne s'est pourtant jamais occupé de lui, laissant cela au bon soin du vieil homme, et qui n'est venu le voir qu'en de rares occasions, souvent en piteux état d'ailleurs. C'est son père et, malgré l'indifférence qu'il lui porte, Franklin acceptera. Ce voyage, au coeur de la montagne, sera alors pour lui l'occasion d'en savoir un peu plus sur son géniteur et d'obtenir quelques réponses à ses questions...

Richard Wagamese nous emmène au coeur des terres indiennes, là-haut dans les montagnes, pour un périple éprouvant et salutaire. Parce qu'Eldon Starlight sait que ses jours sont comptés, il compte sur son fils, Franklin, pour le conduire dans les montagnes, là où il veut mourir en paix. Ce périple permettra à ce père rongé par l'alcool, malade, au lourd passé secret, et ce fils taiseux, solitaire, sérieux et calme, de nouer quelques liens, aussi ténus et éphémères soient-ils. D'une beauté âpre, d'une délicatesse ineffable, d'une sensibilité et d'une pudeur rares, ce roman, sauvage et ancré dans les coutumes, nous transporte et nous émeut. L'auteur dépeint, avec finesse, la complexité des hommes et des rapports humains, l'amour, l'amitié, la douleur et brosse des portraits saisissants et d'une profonde humanité. Les dialogues sont ciselés, les silences retentissants et la nature grandiose...
Remarquable !
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Le père, le fils et le vieil homme. Le premier, Eldon Starlight, est rongé par l'alcool et sent sa fin arriver. Il contacte son fils, Franklin, âgé de 16 ans, et lui demande de l'accompagner sur la crête d'une montagne et de l'y enterrer en guerrier, à l'image de ses ancêtres indiens ojibwés. Franklin accepte avec réticence, lui qui aurait pourtant 1000 raisons de refuser. Son père ne s'est en effet jamais occupé de lui, le confiant peu après sa naissance aux bons soins du vieil homme qui, lui, a véritablement endossé le rôle de père de substitution, apprenant à Franklin les valeurs de la vie en communion avec la nature sauvage de la Colombie-Britannique. Et pourtant, donc, malgré sa haine et son ressentiment envers son géniteur démissionnaire, le jeune homme consent à conduire son père à sa dernière demeure, dans un parcours de plusieurs jours à travers la forêt et la montagne. Le cheminement est éprouvant physiquement et mentalement, mais il est l'occasion pour Eldon de tenter de justifier son comportement passé, et pour Franklin d'apprendre la vérité sur sa naissance et ses origines. Ce voyage initiatique au coeur d'une nature sauvage sublime et d'une relation père-fils compliquée à restaurer dans de telles conditions est aussi une histoire de rédemption et de transmission, et d'amour, en fin de compte. L'écriture est belle, sobre, poétique, et le personnage d'Eldon parvient presque à susciter l'empathie. Malgré tout cela, j'attendais plus de lumière de ce roman. L'histoire est très triste, et ce livre semble sonner la fin d'un monde, celui des traditions indiennes, des hommes purs et durs à la tâche vivant en harmonie avec la Nature. Les quelques épisodes solaires n'ont pas suffi à alléger la chape de mélancolie que ce livre a déposé sur mes épaules...
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critiques presse (4)
Bedeo
16 février 2022
Difficile, en tout état de cause, de rester indifférent face à la beauté d’un tel récit. Les étoiles s’éteignent à l’aube constitue ainsi une très belle surprise de ce début d’année.
Lire la critique sur le site : Bedeo
ActuaBD
26 janvier 2022
Une histoire humaine en somme, avec ses hauts et ses bas, ses errances et ses fulgurances.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
LaLibreBelgique
09 octobre 2017
Une œuvre profonde et singulière, où ce qui se dit compte autant que ce qui est tu, formant par les mots et en deçà de ceux-ci une subtile alchimie où la perte et la rédemption atteignent un sommet.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Actualitte
13 avril 2017
Un grand roman, marquant, qui écorche et qui répare tout à la fois.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (234) Voir plus Ajouter une citation
Les histoires se racontent mot après mot (...). C'est quelque chose que ta grand-mère disait. Les histoires se racontent mot après mot. Peut-être qu'elle parlait de la vie.
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- [Ils] m'auraient à moitié tué si j'étais resté là-bas.
(...)
- Se faire à moitié tuer une fois, ça doit être mieux qu'être à moitié vivant pour toujours.
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Cette nuit là, tandis qu'il était allongé dans le grenier, il aperçut le liseré de la lune entre les lattes de la grange. Elle était suspendue dans l'indigo et projetait un rayon de lumière bleuâtre en travers du lit. Il y avait l'odeur du bétail. L'odeur riche et franche de l'avoine, de la paille et le foin séchant après la coupe. Le trottinement des souris dans les coins. Il y eut un bruit sur l'échelle. Il releva la tête de l'oreiller rudimentaire et la vit grimper les derniers échelons et arriver dans le grenier. Elle portait une chemise de nuit blanche. Elle marcha en silence jusqu'à lui, si bien qu'on aurait dit qu'elle planait, il retint son souffle.
Elle arriva au bord du lit de camp et il ferma les yeux. Il sentait qu'elle le regardait. Il ouvrit les yeux d'un coup, s'assit sur le bord du fin matelas et trouva sa main qu'elle prit entre les siennes. Ni l'un ni l'autre ne parla. Elle tint sa main, puis ouvrit les siennes et la garda au creux d'une paume en caressant le dos du bout des doigts. Il ne parvenait pas à respirer à fond, il se sentait lourd, incapable de bouger. Elle porta sa main libre à sa bouche à elle, puis elle puis elle la posa contre sa joue à lui. Il ferma à nouveau les yeux, tentant d'en faire entrer en lui la sensation satinée et il la sentit bouger. Lorsqu'il ouvrit les yeux, elle était allongée tout près de lui, son souffle caressait son visage. Il avança une main dans sa direction, mais elle la repoussa et garda sa position. Son souffle était sec: un soupçon de cannelle sur un arrière-fond de vin. Il était allongé les bras sur les côtés, pénétrant du regard le chatoiement de ses yeux. Ils ne parlèrent pas. A la place, elle continua de garder une main sur son visage à lui. Il posa ses mains sur ses hanches et elle le laissa faire. Il cherchait ses mots mais il n'en avait pas en lui. La masse de ses cheveux les encadrait comme un rideau. Son odeur féminine, toute de musc, de savon et de fumée. Le bruit des bêtes s'agitant dans leurs salles et quelque part au loin, le glapissement d'un coyote pourchassant des campagnols dans l'herbe des champs. Elle se leva doucement, ses mains tombant de son corps, comme une peau qui mue, elle resta debout à le regarder et quand il tenta de parler, elle se baissa et posa un doigt sur ses lèvres pour le faire taire. Il lui saisit le poignet. Ils s'observèrent et quand il l'attira à lui, elle ne résista pas, et laissa son corps s'installer contre le sien, il l'embrassa et elle l'embrassa, il avait posé ses mains sur ses épaules, elle tenait sa taille entre les siennes. Ni l'un ni l'autre ne bougeait. Quand elle se releva, il sentit dans ses paumes le vide de l'espace qui les séparait.
- Ne brise pas le cercle, murmura t-elle. Elle retourne à l'échelle, descendit les échelons et le laissa suspendu dans le ciel qu'elle avait créé dans sa tête.
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Pour le garçon, le vrai monde c’était un espace de liberté calme et ouvert, avant qu’il apprenne à l’appeler prévisible et reconnaissable. Pour lui, c’était oublier écoles, règles, distractions et être capable de se concentrer, d’apprendre et de voir. Dire qu’il l’aimait, c’était alors un mot qui le dépassait, mais il finit par en éprouver la sensation. C’était ouvrir les yeux sur un petit matin brumeux d’été pour voir le soleil comme une tâche orange pâle au-dessus de la dentelure des arbres et avoir le goût d’une pluie imminente dans la bouche, sentir l’odeur du Camp Coffee, des cordes, de la poudre et des chevaux. C’était sentir la terre sous son dos quand il dormait et cette chaleureuse promesse humide qui s’élevait de tout. C’était sentir tes poils se hérisser lentement à l’arrière de ton cou quand un ours se trouvait à quelques mètres dans les bois et avoir un noeud dans la gorge quand un aigle fusait soudain d’un arbre. C’était aussi la sensation de l’eau qui jaillit d’une source de montagne. Aspergée sur ton visage comme un éclair glacé.
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Le vieil homme lui apprit qu'une chasse était une technique. Elle s'organisait selon un ordre et un tempo que le terrain et l'animal déterminaient. Un homme, ou un garçon, pouvait s'adapter à ce rythme et le suivre. Quand il le faisait, le temps ne comptait pas. Ce qui comptait, c'était la manière de procéder. Il apprit à prier avant de partir et il apprit à prier au retour avec le gibier. Dans ces circonstances, une chasse devenait une cérémonie. C'était ce que disait le vieil homme.

- Faut que tu arrives à t'assurer que les choses sont faites comme y faut, Frank, disait-il. Moi, je crois pas que j'ai jamais été à l'aise avec le mot "Dieu" mais je crois pas que ça veut dire quelque chose tout ça. Faut que l'homme y sache ça d'une façon ou d'une autre. Donc, j'me dis, qu'est-ce que j'en ai à faire ? Même si j'ai tort, y a pire dans la vie que de prendre le temps de remercier le mystère pour le mystère.
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