Piccoli...
« Y en a plein des Piccoli, j'ouvre un annuaire, j'en trouve un wagon »
Oui mais des Piccoli comme Michel, y'en a qu'un et y'a vraiment que
Jean-Pierre Marielle (non mais le vrai, l'acteur) pour ne pas le savoir.
Dans les anciens comédiens français, vu qu'on a perdu
Paul Meurisse depuis un moment maintenant, Piccoli était sûrement celui auquel je tenais le plus. Je m'en rendais compte à chaque fois que s'abattait un truc qui pouvait être fatal aux "seniors". Une canicule ? Pourvu que Piccoli tienne le choc. Une pandémie ? Pourvu que Piccoli ne sorte pas... Et puis comme ça, un jour de mai, au détour de trois informations de merde, une pire encore : Piccoli est mort. Non habemus papam. Un petit vent de tristesse a soufflé ce jour-là.
Acteur engagé, ne comprenant pas qu'on puisse hésiter à mettre sa notoriété au service de causes à défendre, il fut de nombreux combats et même si « on disait que c'était une honte qu'un comédien s'occupe de ce qui ne le regarde pas et que j'allais ruiner ma carrière », il n'a jamais failli aux engagements qu'il croyait justes.
Sa carrière en a-t-elle pour autant souffert ? Absolument pas. Pour la raison toute bête qu'il n'a jamais mendigoté de gros cachets ni gardé un oeil continuellement vissé sur le box office. Ce qui l'intéressait Piccoli, c'était un projet, une idée, l'extravagance d'un réalisateur, et quand un scenario l'emballait il n'hésitait pas à mettre la main au porte-monnaie pour qu'il prenne vie, assurant la production dans l'espoir qu'évidemment le public suivrait mais sinon, tant pis.
Quand ses trois réalisations personnelles firent un flop, on ne l'y reprit plus mais, pas amer pour autant il avait vécu une expérimentation nouvelle, c'était donc finalement une réussite et des expériences, il va passer sa vie à en chercher, à commencer par le théâtre, puis au cinéma, acceptant des rôles aussi disparates que celui d'une vieille femme dans « Jardins en Automne » ou d'un écrivain homosexuel dans « Les Équilibristes » (pour n'en citer que deux, la liste est longue), ajoutant ainsi autant de cordes à un arc infini, se bâtissant une filmographie exceptionnelle avec au final certains films mineurs et d'autres qui sont entrés dans la légende du Cinéma, mais aucun qu'il n'a semble-t'il jamais regretté.
Piccoli ? Un fantastique acteur, humour pince-sans-rire, charmeur, excentrique, curieux de tout, tout le temps...
94 ans, il a bien vécu mais malgré tout et si on n'avait plus eu l'occasion de le voir depuis 2013 et « le Goût des Myrtilles » c'est un bien triste trou béant qui vient de s'ouvrir dans la grande histoire du 7ème Art et franchement j'ai du mal à voir qui pourrait le combler. Si, en fait, je vois : personne.
Alors, il faisait parfois grincer des dents
Michel Piccoli ? Parfait, les dentistes sont là pour ça, sûrement pas une poignée de pisse-froids qui l'aurait arrêté dans sa course si singulière et quand, en 2007, il a gagné le Locarno Excellence Award, prix décerné chaque année à un acteur de renommée mondiale, les organisateurs ont eu ces mots qui me serviront de conclusion car je ne vois pas comment le dire mieux : « Il s'est imposé comme un des monstres sacré du cinéma français, au gré d'une impressionnante filmographie, qui réunit à elle seule tout le grand cinéma d'auteurs français et européen du dernier demi-siècle »
Ciao Picco et sur ce, je vais me refaire « La Femme en Bleu ».