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EAN : 9782266214933
224 pages
Pocket (27/09/2012)
3.77/5   61 notes
Résumé :
Au cours d'une nuit d'errance dans les rues de Paris, entre Montsouris, Pigalle et Montparnasse, Michel Audiard invoque ses fantômes et ses souvenirs.

Requiem, complainte ou rêverie hallucinée, La nuit, le jour et toutes les autres nuits ressuscite un Paris populaire marqué dans sa chair par les années noires de l'Occupation.

On y croise Quenotte, fille d'un "charbon, vins, liqueurs" de la rue Saint-Jacques, tondue le dernier jour d'ao... >Voir plus
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J'ai comme beaucoup, une tendresse particulière pour Michel Audiard, le dialoguiste à la gouaille inimitable des Tontons Flingueurs, j'en passe et des meilleures.
Aussi quand j'ai aperçu "La nuit, le jour et toutes les autres nuits", sa biographie écrite en 1978 sur les étagères de ma soeur bien aimée, je n'ai pas su résister.
J'ai alors découvert un homme d'une rare sensibilité, élevé par son parrain dans le XIV ème qui m'est aussi devenu cher.
Audiard nous relate tout particulièrement les années d'occupation et la Libération, période trouble et fondatrice pour notre homme.
Nous nous prenons d'amitié pour Myrette, au splendide regard myosotis qui brûla la vie par tous les bouts et finit massacrée pour avoir eu un "cul international", surtout sur le versant germanique.
On sent la révolte sourdre sous le ton cynique et désabusé de notre homme, quand certains ont su si vite retourner leur veste... Alors que lui, Michel a cultivé la fidélité aux morts quoiqu'ils aient fait par amitié tout simplement.
Les bourgeois déchus devenus des mythos de premières vous arrachent un brin de pitié à tel point qu'ils vous sembleraient presque sympathiques!
Seul Audiard sait nous rendre intéressants des individus pathétiques en nous parlant une langue qui vient du coeur!
Et puis, il y a la face noire de Michel, son pessimisme, son mal être, sa nostalgie du passé qui le poussent à honorer les morts avec plus de courtoisie que les vivants. Il n'avait pas la grosse tête, non, notre Michel, c'était un homme simple avec une vraie générosité, un franc-parler aussi direct qu'un uppercut, un gentleman populo qui repose désormais auprès de ses copains à Montrouge.
Tiens, la prochaine fois, j'irai lui rendre une petite visite, histoire de causer un peu du temps qui passe.
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La Feuille Volante n° 1420– Janvier 2020.
La nuit, le jour et toutes les autres nuits - Michel Audiard- Denoël

Je suis comme la plupart des Français, fan des dialogues de Michel Audiard (1920-1985), de sa verve faubourienne , de ses saillies d'anthologie, des ses aphorismes définitifs que l'on grave dans sa mémoire et qui témoignent de son amour des bonnes choses de la vie et des mots, de son attachement à ses copains, à ses artistes fétiches, de son appétit de l'instant. Il a certes gardé un peu de sa gouaille, on ne reconnaîtrait plus le dialoguiste des "Tontons flingueurs"sans cela et il se laisserait même aller, à l'invite de la musique de Django Reinhardt et de Stéphane Grappelli, à quelque chose qui pourrait bien ressembler à des "Mémoires". Sous sa plume de noctambule parisien pendant l'Occupation, on croise des figures emblématiques et hautes en couleurs, des demi-mondaines qui ont su se partager entre les occupants et les Alliés, des prostituées mais aussi des pauvres filles pour qui la Libération a été synonyme d'opprobre et sur qui les résistants de la dernière heure et ceux qui ont su tourner leur veste au bon moment se sont acharnés, un beau panel de l'espèce humaine. Puis il emprunte la douce pente du souvenir, celui de l'enfance de ses espoirs fous en l'avenir et ses égarements, celui du succès du cinéma et de l'écriture, convoque les femmes, leurs mensonges et leur fantasmes, les hommes aussi et leurs envies, leurs traîtrises, leurs compromissions... L'époque troublée de la guerre était favorable à ce genre d'éclosions! Ainsi revisite-t-il, à l'aune de sa souvenance blottie au fond des jours et des nuits, des fantômes qui peuplent encore ses pensées malgré l'effacement du temps. Il conte avec humour ses amours furtifs autant que ses rencontres amicales et durables avec une certaine nostalgie, évoque ceux qui ne sont plus là pour lui donner la réplique. Qu'on ne s'y trompe pas, derrière le parolier génial et irrévérent, il y a un Audiard inattendu, un écrivain authentique et cultivé chez qui Louis-Ferdinand Céline a laissé son empreinte indélébile. Comme lui, il promène sur le monde un regard désabusé que ces années de vie lui ont inspiré, compte ses morts et exprime sans fioriture et dans son style si particulier, sa déception de l'espèce humaine.

Il a 57 ans quand il écrit ce livre, après une vie qu'on peut assurément supposer bien vécue mais j'y vois aussi une sorte d'indifférence au présent, la fatigue, le désenchantement, même s'il ne réussit pas à ce départir de ce style décidément inimitable. C'est perceptible, à mon avis dans un paragraphe du début de ce livre qui peut passer inaperçu et dont il reprendra plusieurs fois l'idée au détour d'une phrase. Il y évoque, avec une grande économie de mots, la mort de son fils quelques mois auparavant, dans un accident de voiture. du coup on oublie le Audiard traditionnel, avec son clope, sa casquette et ses bons mots qui soudain ne pèsent rien face à la mort, au regard de cet instant qui vous oblige, inversant le cours normal des choses, à aller à l'enterrement de votre enfant, à reconsidérer votre approche des choses et des vaines croyances religieuses. Pour autant, dans le contexte très particulier de ce deuil impossible à faire, je m'interroge sur le réel effet cathartique de l'écriture. Dès lors il m'apparaît que le titre prend tout son sens, la nuit, le jour pour évoquer la vie et le temps qui passent et qui ne laissent sur lui que le frêle sceau de leur ombre, et toutes les autres nuits, dans l'insomnie, la solitude et les cauchemars, pour pleurer ce fils disparu. C'est bien la solitude que je retiens de ce livre improprement appelé "roman", la nostalgie du passé autant que l'impuissance à retenir le temps, à retricoter les événements à l'envers. C'est étonnant et assez inattendu de la part d'un homme qu'on imagine volontiers autrement parce qu'on croit le connaître à l'aune de l'image qu'il donne mais, qui porte en lui, comme nous tous, la marque de "l'humaine condition", comme l'a si bien dit Montaigne.

©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite.com.
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Je sais que je vais être classé comme un woke sans humour. Mais en ouvrant ce livre, je ne m'attendais pas à un tel défilé de lieux communs où les femmes – toutes putains - ne servent qu'à sucer, se faire tringler ou sodomiser (avec tendresse !), les étrangers – tous larbins - qu'à être laids, puer ou vandaliser le français avec un accent ridicule (avec tendresse ?). Son usage des adjectifs et des qualificatifs (macaques, pédérastes, ratons, crouilles…) dit tout de l'écriture d'Audiard. C'est drôle en film quand on voit défiler et gesticuler dans leur vérité les beaufs de comptoir. C'est moins drôle quand on les scrute de l'intérieur. Surtout avec l'effet de répétition. Bien sûr il y a un intérêt historique, la vie du 14ème et de Vanves/Montrouge, sa description de l'épuration et de ses dégueulasseries, ses mots sur la mort de son fils. Nécessaire dans sa sincérité pathétique. Avec tendresse.

Extrait (choisi presque au hasard) :
𝘊'𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘢𝘶 𝘤𝘪𝘯𝘲𝘶𝘪𝘦̀𝘮𝘦 𝘦́𝘵𝘢𝘨𝘦 𝘴𝘢𝘯𝘴 𝘢𝘴𝘤𝘦𝘯𝘴𝘦𝘶𝘳, 𝘶𝘯 𝘵𝘳𝘰𝘪𝘴-𝘱𝘪𝘦̀𝘤𝘦𝘴 𝘱𝘭𝘦𝘪𝘯 𝘥𝘦 𝘱𝘰𝘮𝘱𝘰𝘯𝘴, 𝘥𝘦 𝘤𝘩𝘪𝘤𝘩𝘪𝘴, 𝘥𝘦 𝘮𝘦𝘳𝘥𝘦𝘳𝘪𝘦𝘴 𝘴𝘵𝘺𝘭𝘦 𝘚𝘢𝘳𝘢𝘩 𝘉𝘦𝘳𝘯𝘩𝘢𝘳𝘥𝘵, 𝘮𝘢𝘪𝘴 𝘥𝘰𝘯𝘵 𝘭𝘦𝘴 𝘧𝘦𝘯𝘦̂𝘵𝘳𝘦𝘴 𝘰𝘶𝘷𝘳𝘢𝘪𝘦𝘯𝘵 𝘴𝘶𝘳 𝘭'𝘦𝘯𝘤𝘩𝘢𝘯𝘵𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 : 𝘭𝘦𝘴 𝘫𝘢𝘳𝘥𝘪𝘯𝘴 𝘥𝘶 𝘗𝘢𝘭𝘢𝘪𝘴-𝘙𝘰𝘺𝘢𝘭.
« 𝘗𝘳𝘦𝘯𝘦𝘻 𝘨𝘢𝘳𝘥𝘦, 𝘫𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘱𝘳𝘪𝘦, 𝘢̀ 𝘭𝘢 𝘵𝘳𝘰𝘪𝘴𝘪𝘦̀𝘮𝘦 𝘢𝘳𝘤𝘢𝘥𝘦 𝘢̀ 𝘯𝘰𝘵𝘳𝘦 𝘨𝘢𝘶𝘤𝘩𝘦 𝘲𝘶𝘢𝘯𝘥 𝘰𝘯 𝘳𝘦𝘨𝘢𝘳𝘥𝘦 𝘭𝘦 𝘵𝘩𝘦́𝘢̂𝘵𝘳𝘦, 𝘲𝘶𝘦 𝘷𝘰𝘺𝘦𝘻-𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘫𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘱𝘳𝘪𝘦 ? 𝘜𝘯𝘦 𝘤𝘰𝘯𝘧𝘪𝘴𝘦𝘳𝘪𝘦, 𝘯'𝘦𝘴𝘵-𝘤𝘦 𝘱𝘢𝘴 ?… 𝘚𝘪 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘮𝘦 𝘱𝘦𝘳𝘮𝘦𝘵𝘵𝘦𝘻, 𝘦𝘯 1795 𝘶𝘯𝘦 𝘮𝘰𝘥𝘪𝘴𝘵𝘦… 𝘮𝘰𝘥𝘪𝘴𝘵𝘦, 𝘤𝘰𝘳𝘳𝘦𝘤𝘵 ?… 𝘜𝘯𝘦 𝘮𝘰𝘥𝘪𝘴𝘵𝘦 𝘵𝘦𝘯𝘢𝘪𝘵 𝘣𝘰𝘶𝘵𝘪𝘲𝘶𝘦. 𝘊'𝘦𝘴𝘵 𝘦𝘯 𝘢𝘤𝘩𝘦𝘵𝘢𝘯𝘵 𝘶𝘯 𝘤𝘩𝘢𝘱𝘦𝘢𝘶 𝘢̀ 𝘶𝘯𝘦 𝘱𝘶𝘵𝘢𝘪𝘯 𝘯𝘦́𝘨𝘳𝘰𝘪̈𝘥𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘉𝘢𝘳𝘳𝘢𝘴, 𝘯'𝘦𝘴𝘵-𝘤𝘦 𝘱𝘢𝘴, 𝘳𝘦𝘯𝘤𝘰𝘯𝘵𝘳𝘢 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘭𝘢 𝘱𝘳𝘦𝘮𝘪𝘦̀𝘳𝘦 𝘧𝘰𝘪𝘴 𝘭𝘦 𝘫𝘦𝘶𝘯𝘦 𝘉𝘰𝘯𝘢𝘱𝘢𝘳𝘵𝘦 𝘢𝘶𝘲𝘶𝘦𝘭 𝘪𝘭 𝘢𝘭𝘭𝘢𝘪𝘵 𝘤𝘰𝘯𝘧𝘪𝘦𝘳, 𝘴𝘪 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘱𝘦𝘳𝘮𝘦𝘵𝘵𝘦𝘻, 𝘭𝘦 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘢𝘯𝘥𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘥𝘦 𝘭'𝘢𝘳𝘮𝘦́𝘦 𝘥'𝘐𝘵𝘢𝘭𝘪𝘦. »
𝘊𝘦 𝘱𝘳𝘦́𝘤𝘶𝘳𝘴𝘦𝘶𝘳 𝘥𝘦 𝘔𝘰𝘥𝘦𝘴 𝘦𝘵 𝘑𝘢𝘳𝘥𝘪𝘯𝘴 𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘴𝘢𝘯𝘨𝘭𝘦́ 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘭𝘦 𝘣𝘭𝘰𝘶𝘴𝘰𝘯 𝘯𝘰𝘪𝘳 𝘥𝘦𝘴 𝘱𝘢𝘯𝘻𝘦𝘳𝘴 𝘢𝘶𝘹 𝘱𝘢𝘵𝘵𝘦𝘴 𝘥𝘦 𝘤𝘰𝘭 𝘧𝘳𝘢𝘱𝘱𝘦́𝘦𝘴 𝘥𝘦𝘴 𝘪𝘯𝘪𝘵𝘪𝘢𝘭𝘦𝘴 𝘚. 𝘚. 𝘲𝘶'𝘪𝘭 𝘦𝘴𝘴𝘢𝘺𝘢𝘪𝘵 𝘱𝘦𝘶𝘵-𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘧𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘱𝘳𝘦𝘯𝘥𝘳𝘦 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘢𝘣𝘳𝘦́𝘷𝘪𝘢𝘵𝘪𝘷𝘦𝘴 𝘥𝘦 𝘚𝘢𝘪𝘯𝘵-𝘚𝘪𝘮𝘰𝘯.
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Les nostalgiques du célèbre dialoguiste, de sa verve et de sa gouaille, ne seront pas en reste. le scénariste des tontons flingueurs refait l'histoire de l'après-guerre en nous comptant les déboires de Myrette, la prostituée aux yeux couleur d ‘huître, de Sophie, l'ancienne joueuse de basket reconvertie dans l'amour saphique, sans oublier Paloma qui décide un jour d'entrer dans les ordres : « Depuis longtemps persuadé que les deux faits majeurs du vingtième siècle sont la déconfiture du catholicisme et la prolifération des partouzes, l'entrée de Paloma en religion bouleverse tout un concept. Mais la douce ne pêcherait-elle pas par ignorance ? Amazone multinationale ayant caracolé de Floride en Scylla imaginerait-elle la vie conventuelle dans le vison et le crêpe de Chine ? » Quant à Mimile : « c'était un persévérant. Tournant depuis longtemps autour de la connerie, ce ne fut qu'en 42 qu'il y fit une entrée solennelle ». Drôle, irrévérencieux, le roman de Michel Audiard est réjouissant à une époque où le politiquement correct englue les esprits.
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Sincèrement, je n'ai pas aimé ce livre. Je me suis forcé a aller au bout mais il me tombait des mains. Sur le style c'est de la turlute Célinesque, et j'attendais le style de l'auteur Audiard.
Sur le fond j'ai aimé la vision du monde , c'est la mienne. L'homme est une espèce ratée, nuisible , criminelle , et la bombe , la finale, n'est plus très loin. Pour s'en convaincre , il suffit de dérouler l'escalade criminelle exponentielle sur les deux derniers siècles.
Il reste de bons passages sur les putes; la bijouterie à pattes Paloma, Hortense, Myrette et Sophie Clodomir reine du god.
J'au lu ici quelque part "chef d'oeuvre" .. Faut pas pousser mémé . Audiard l'homme en était un de chef d'oeuvre, il nous a laissé des wagons de gerbes d'étoiles comme dialoguiste et ça suffit bien pour l'aimer à vie.
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Aujourd'hui que rien ne m'intéresse plus, je garde le souvenir d'instants magiques, fugitifs, insaisissables dans l'instant où ils se déroulent et dont l'éternité ne se fixe que prise au piège de la mémoire...
... Un endroit à skier dont j'ai parfaitement tout oublié, sinon qu'il s'agissait du versant français des Alpes. A la descente d'une "navette", un matin très tôt... l'aube encore indécise striée par des rafales de talc... un hôtel en béton recouvert de bois, imitation chalet, avec un bar au centre duquel ronronnait un poêle en faïence... rien d'authentique, mais je me fous complètement de l'authenticité des choses... il faisait chaud dedans et froid dehors... j'étais dedans et j'étais bien... derrière le bar en rondins, style Winippeg-Ségalo, une cassette dévidait un adagio... probablement de Mozart... quand c'est très beau et qu'on est pas bien sûr, c'est presque toujours du Mozart... la neige et la musique avaient la même lenteur, la même légèreté... et puis un con de barman m'a demandé si je désirais du lait dans mon café et tout s'est arrêté !... La neige continuait de tomber, le piano de jouer, mais ce n'était plus que de la neige et du piano..

Au cours de mes rondes de nuit, je ressasse des machins comme ça, vrais ou faux, à faire paraître la route moins longue. Sans quoi je fatigue et désespère. Bien sûr, je pourrais aller voir un film ou me faire sucer, mais après faudrait tailler la route quand-même, ça n'avancerait pas à grand chose. Du temps que je buvais c'était bien pratique, la lanterne magique se mettait en marche toute seule. Pas besoin d'aller aux renseignements, les fantômes venaient à moi avec leurs visas. Maintenant j'ai besoin d'aide-mémoire. Un jour je ne me souviendrai peut-être plus de rien du tout.

"Un intellectuel assis va moins loin qu'un con qui marche", j'ai écrit ça dans le temps. J'arrive finalement devant chez moi. Je dis devant chez moi par habitude, je devrais dire devant l'immeuble, puisque je ne m'y suis jamais senti chez moi. Heureusement le parc Montsouris nettoie tout ça à grands coups de verdure. A tel point que, si ça continue, la lumière orangée du réverbère juste en face n'arrivera plus à percer le feuillage du grand catalpa qui, chaque printemps, gagne davantage sur la rue. Je l'ai vu planter, cet arbre. Il n'était guère plus gros que la bite à Bébert.
Je pisse à petites gouttes sous le catalpa, sans envie, histoire de gagner du temps.

Pour le reste,... je mange ma soupe... je m'habille... je me déshabille... je fais des trucs intéressants comme de me raser... de vider les cendriers... de regarder mes chaussures... voyez, des occupations...

Nous n'irons plus au bois... Nous ne jouerons plus à la marelle... ni à colin-maillard... Nous ne fumerons plus de coquelicots... Nous ne dormirons plus avec les petites filles qui avaient les dents du bonheur...
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Un certain temps déjà que je ne joue plus... à rien... depuis qu'une auto jaune a percuté une pile de pont sur l'autoroute du Sud et qu'un petit garçon est mort. C'était par une matinée de grand vent. Voilà. (...)
Avec le petit garçon qui conduisait l'auto jaune il ne s'agit plus d'un songe éveillé ou non - mais d'indissolubilité. Il ne fait pas partie de mes souvenirs, il est indissoluble de ma vie. De chaque instant de ma vie. La fumée que j'avale lui brûle les bronches, mon café du matin le revigore, il me regarde dans la glace pendant que je me rase, il est assis près de moi dans la chaumière sous les arbres lorsque j'écoute les disques dont il ne prenait guère soin. Le petit garçon dispose de moi. Mais non, le terme n'est pas exact !... Ni lui ni moi ne disposons l'un de l'autre : nous continuons de fouler le même territoire, d'aller du même pas. Y compris au cimetière. Et voilà bien où ce petit enfant se situe, dans une zone où n'accèdent pas mes autres morts, à Montrouge, division XVI, je ne jurerais pas, certains jours, venir voir quelqu'un, mais bien plutôt que ce quelqu'un est à mon côté et dépose en même temps que moi le bouquet de chardons sur une tombe où l'un de nous deux attend l'autre, sans qu'il soit tellement évident que ce soit l'un ou l'autre.
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Or je sais très bien où j'en suis et s'il advient que je digresse parfois c'est uniquement pour ne pas qu'on s'enlise dans le mélo-raclette, un peu, voyez-vous, comme on saute certaines planches lorsqu'on feuillette les photos de famille. La vérité c'est qu'on devrait jamais les ouvrir, les albums. Et pourtant, si... Là, prisonniers dans les gros machins cartonnés, comme les personnages de fiction le sont dans les livres, ceux qu'on a aimés ne peuvent plus nous mentir, ils avouent enfin de quoi ils sont partis... de vieillesse souvent, mais pas toujours, pas fatalement... on décode les messages qu'on n'avait pas su lire en leur temps... la progression lente des chagrins... avec comme des coups de pluie sur les regards... à mesure que les années dégringolent sur les visages, les sourires se font rares, de plus en plus rares même, jusqu'à s'estomper tout à fait... les joyeux drilles des photos du début, les contorsionnistes, les champions de la grimace à faire rire, les loustics des noces et banquets, tous ces lurons font place à des clowns amidonnés, exemplaires et tristes, de plus en plus effarés dirait-on... jusqu'à ce que l'angoisse s'installe vraiment... les terreurs... les certitudes de l'imminence du naufrage qui monte peu à peu dans les yeux fixés sur le p'tit oiseau...
Les seuls à y échapper, aux paniques, ce sont ceux dont les photos ne vont guère plus loin que le premier tiers d'album... quelques jolies femmes mortes en couche... quelques soldats... certains adolescents dont la présence en ces pages ne s'explique que par la nécessité de les éclairer...
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Parce que j'en ai lu, moi, des lettres ! Hortense m'en a montré, qui avait dû certainement en écrire, la salope, des poulets dans le style : Des Français indigné s'étonnent que M. Zweig, 25, rue Tiquetone, ne porte pas l'étoile jaune, les mêmes épistoliers s'informant un peu plus tard : Les résistants du 25, rue Tiquetone aimeraient savoir pourquoi le locataire du 6e gauche n'arbore plus sa francisque ?
Exquise peuplade .
On ne m'ôtera jamais de l'idée que parmi les quatre-vingt mille voyageurs pour Dachau, Auschwitz, et autres stations gazeuses, la plupart ont commencé le voyage dans une boîte aux lettres.
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J'en bégaie de bonheur de les imaginer exorbités de pétoche, béants de connerie, dans "l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs", lorsque l'ultime et colossal champignon les aspirera avec leurs cosy-corners, leurs scènes de ménage, leurs récépissés de Caisse d'épargne, leurs problèmes sexuels, leurs tickets de tiercé, leurs prostates, leurs machines à laver, leurs transistors !...
Quatre milliards cinq cents millions de têtes de con qui cesseront enfin de polluer le système solaire !...
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« Quand on parle pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde ----. »

se tait
respecte
écoute
se tire

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