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EAN : 9782416005725
238 pages
Eyrolles (01/09/2022)
3.79/5   47 notes
Résumé :
Garder la maison et les moutons ? Beurk. Supporter un mari ? Jamais de la vie. S’aplatir devant les Anglais ? Même pas en rêve ! La petite Jeannette a des idées bien affirmées et les clame haut et fort ; à douze ans, elle en a déjà fait voir de toutes les couleurs à ses parents. Et les choses ne vont pas en s’arrangeant… Une nuit, Jacques d’Arc rêve que sa fille s’enfuit avec des hommes en armes. Un songe prémonitoire ? Avec humour et intelligence, Michel Douard nou... >Voir plus
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Debriefing de l'histoire de Jeanne la Pucelle

Pour sa contribution à la collection «Romans d'Histoire pop'», Michel Douard a choisi Jeanne d'Arc. Une héroïne dont l'aura de mystère lui permet, tout en restant fidèle à l'Histoire, de broder un récit truculent, un peu anachronique, mais surtout très drôle.

Quelle belle idée que cette collection baptisée «Romans d'Histoire pop'» qui, tout en entendant respecter L Histoire avec un grand H en s'appuyant sur les travaux d'historiens sérieux, s'amuse avec la forme. «Ce qui relève de la fiction vient se nicher dans les zones d'ombre de la vie des personnages, dans le vocabulaire parfois anachronique des dialogues, dans des interprétations loufoques de certains événements.» Une liberté de ton dont jouent les auteurs avec délectation. Après une histoire ébouriffante de Louis Pasteur, voici donc celle de Jeanne d'Arc confiée à Michel Douard.
La petite lorraine naît le 6 janvier 1412 (une date qui arrange bien la légende, car correspondant au jour de l'épiphanie) au sein d'une famille de paysans aisés dans une France qui connaît bien des soubresauts, entre les guerres menées par les Anglais et les querelles intestines dans un royaume qui se réduit comme peau de chagrin. La défaite D Azincourt (que Jean Teulé a raconté avec sa truculence et dont le roman Azincourt par temps de pluie aurait toute sa place dans L Histoire pop') a laissé un goût amer et le Dauphin s'est replié sur des terres plus hospitalières. Mais de ces considérations, la petite Jeanne n'a que faire, même si dès ses premières années elle fait montre d'un caractère bien trempé, entre «tempérament fougueux et obsessions religieuses».
C'est à l'adolescence – au moment où son père cherche à lui trouver un mari – que va se forger son destin et rendre chèvre non seulement ses parents mais aussi son soi-disant fiancé. Après avoir écarté des brigands par une prière qui a fait surgir une meute de loups et fait fuir les manants tout en l'épargnant, elle va converser avec les saints. Les voix qu'elle entend, par ordre d'apparition, sont celles de Saint Michel, Sainte Catherine et Sainte Marguerite. Et si la communication au sein de ce trio laisse un peu à désirer, Jeanne finit par comprendre et accepter sa quadruple mission, libérer Orléans, faire sacrer le roi, chasser les Anglais et délivrer le duc d'Orléans retenu en Angleterre.
Mais pour remplir sa mission, il lui faut d'abord convaincre Robert de Baudricourt de lui confier une escorte pour rejoindre Chinon. le récit des trois tentatives qu'elle effectue pour finalement réussir à convaincre ce fidèle du Roi est un petit régal, tout comme l'est la rencontre avec Charles VII.
Le romancier a choisi d'être secondé par un narrateur qui sera longtemps aux premières loges. Gautier le Puant, «rapport au fumet de gueux qu'il laisse flotter derrière lui», est un confident, mais aussi un chroniqueur hors-pair, qui sait tout des soubresauts du royaume et des histoires louches qui se trament en coulisse.
Si bien que même ceux qui argueront qu'ils connaissent l'histoire de Jeanne la Pucelle trouveront dans ce récit à l'humour quelquefois potache mais toujours de bon aloi, une joyeuse récréation. L'usage du franglais, de quelques insultes bien senties et de savoureux anachronismes venant compléter la trousse à outils du romancier. Michel Douard s'amuse et nous avec lui!


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Romans d'Histoire pop' est une nouvelle collection des éditions Eyrolles. le principe ? Nous présenter des personnages historiques sous un prisme très contemporain. L'Histoire est respectée mais à celle-ci se mêle une part de fiction qui vient combler les zones d'ombres.
C'est donc avec la pucelle la plus connue de France que s'ouvre la collection.
De Jeanne d'Arc, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, je ne connaissais pas grand-chose, à part la prise d'Orléans, ses visions et sa fin tragique. Je ne m'étais jamais interrogée sur les raisons qui l'avaient amenée sur les champs de batailles à un si jeune âge. Et c'est justement cela que va nous relater Gautier, dit « le Puant », un narrateur fictif proche de notre héroïne. Cette proximité permet de nous éclairer sur les aspects plus personnels de son histoire tout en nous expliquant le contexte historique de l'époque. Ainsi nous découvrons Jeannette, une jeune fille extrêmement pieuse, au caractère bien trempé et dotée d'une volonté farouche d'accomplir son destin.

C'est une lecture que j'ai vraiment appréciée de part cette écriture très actuelle, même si, il faut bien le dire, j'ai quelques fois trouvé le vocabulaire un peu trop familier. J'ai également eu un peu de mal à démêler la réalité de la fiction et j'ai donc complété ma lecture par l'écoute du podcast « Entrez dans l'histoire » de Lorant Deutsch dédié à Jeanne. Cela m'a permis de comprendre un peu mieux le contexte historique très complexe car pendant ma lecture je m'étais focalisée sur l'histoire de la jeune femme plutôt que sur l'Histoire avec un grand H.

Je trouve cette collection parfaite pour permettre au plus grand nombre d'aborder l'Histoire, c'est en quelque sorte une « vulgarisation historique ». J'ai pour ma part appris beaucoup de choses et en plus j'ai pris beaucoup de plaisir à ma lecture.
Il me tarde de découvrir les prochains personnages : Pasteur qui vient également de sortir et Vercingétorix qui sera en librairie début 2023.
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Ce roman attire l'oeil avant tout par sa couverture flamboyante et pleine de couleurs. La tranche du livre est elle-même colorée de façon très vive et j'adore ça ! Ça m'a tout de suite plu et m'a donné envie d'en savoir plus. 

Les éditions Eyrolles ont créé une nouvelle collection, "Romans d'Histoire pop'", dans laquelle ils vont brosser le portrait de personnages célèbres de notre Histoire avec un grand H. Celle-ci est bien respectée, ce roman mélange très bien la réalité à la fiction, les recherches historiques sont sérieuse. Ce qui l'est moins, c'est le ton du livre, plus fantaisiste, plus drôle. le vocabulaire est souvent anachronique, avec des mots et des expressions que l'on emploie maintenant. Ça fait bizarre de les voir, j'ai trouvé cependant que cela donnait beaucoup plus de réalisme au personnage, il était plus vivant, plus concret et très moderne. 

Cette collection commence par deux personnages très célèbres et très opposés, Louis Pasteur et Jeanne d'Arc. J'ai donc lu en premier celui sur Jeanne d'Arc. C'est une femme qui m'a toujours fascinée, je passais très souvent dans son village natal, Domrémy-la-pucelle, en allant dans ma famille, et je regardais toujours sa maison, la nature autour où je me disais que ces prairies avaient vu la jeune bergère. J'ai déjà lu des livres relatant son histoire et son parcours de vie, mais la découvrir ici d'une autre façon, m'a très vite intéressée. Ici, dans ce roman, c'est un personnage fictif, Gauthier, dit "Le puant" qui nous raconte l'histoire de Jeanne qu'il connait bien et qu'il nomme Jeannette. Il va ainsi retracer la vie de son amie depuis sa naissance jusqu'à son départ pour Orléans. 

J'ai découvert une Jeanne intrépide, au fort caractère. J'ai aussi fait la connaissance de ses parents, Jacques d'Arc, et Isabelle Romée, ses frères et soeurs. Ce que je n'avais jamais fait dans les autres.livres lus. Jeannette est une petite fille imprévisible pour ses parents, elle sait ce qu'elle veut. Elle est très pieuse, n'arrête pas d'aller se confesser auprès du curé de la paroisse, au grand dam de celui-ci qui finit par en avoir marre de toujours voir la petite fille. Elle ne veut pas avoir d'enfant, elle veut encore moins se marier, ses visions lui font penser qu'une autre destinée l'attend. Ce qu'elle va avoir beaucoup de mal à faire accepter à ses parents. 

J'ai beaucoup aimé suivre Jeanne. Elle est parfois infernale. L'auteur la montre et la dépeint déterminée, têtue, et je pense que cela se rapproche de la réalité, car pour faire tout ce qu'elle a fait, il fallait tout de même une belle part d'entêtement. J'ai surtout beaucoup aimé le ton des dialogues. Les Saints qui apparaissent à Jeanne sont différents de ce que l'on peut s'imaginer. Ils viennent parler à Jeanne, pas toujours bien habillés, ils n'hésitent pas à rabrouer la jeune fille si elle est trop impétueuse. Ils lui parlent régulièrement. Elle va arriver à imposer son idée de rejoindre Charles VII afin de bouter les Anglais. 

L'auteur a rendu Jeanne très attachante. J'aimais déjà beaucoup ce personnage mais je l'apprécie encore plus après avoir fini ma lecture. J'ai aimé comment l'auteur l'a dépeinte. J'ai souvent souri, ri même, les facéties sont nombreuses, Jeanne est parfois infernale. En plus, l'auteur fait de temps en temps des allusions aux flammes, au feu, au fait que Jeanne aime la chaleur, etc... C'est rigolo, ce ton sarcastique est très sympa. 

 Le style de Michel Douard est très bon, il sait raconter une histoire, la vie d'une personne. Il a choisi une narration à la troisième personne qui permet de garder une certaine distance avec le personnage principal et c'est très appréciable. L'utilisation du présent pour l'écriture rend l'histoire encore plus réelle, j'ai eu l'impression de la vivre en temps réel, d'être avec Jeannette et sa famille à Domrémy, de suivre une amie. C'est très immersif. La lecture se fait donc toute seule, sans heurts, les pages se tournent sans vraiment se rendre compte, même si les chapitres sont longs, la lecture est très fluide. Pourtant, on connaît la finalité de la vie de Jeanne d'Arc, cela ne m'a pas empêchée d'avoir envie d'arriver à la fin, surtout par curiosité de savoir comment tout cela allait être traité par l'auteur. J'ai apprécié le choix final qu'il a fait. 

 J'ai passé un excellent moment avec ce livre. Cette nouvelle collection a le mérite de vulgariser L Histoire, de la rendre accessible au plus grand nombre. Tout en s'amusant, on accède à des connaissances, j'ai encore appris des choses sur ce personnage. Et les nombreuses sources mentionnées par l'auteur à la fin du livre m'a donné une liste de titres à lire. Je vous recommande vivement la lecture de ce livre et de cette collection aussi. Un autre livre sur Louis Pasteur est sorti également, et un sur Vercingétorix est prévu pour début 2023. Plein de belles heures de lecture en perspective. J'ai commencé celui sur Louis Pasteur et je le trouve passionnant !

N'hésitez pas vous aussi à découvrir cette collection de livres pétillants, pleine de couleurs et riche de connaissances
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Mon enfance tout feu tout flamme, biographie de Jeanne d'Arc signée Michel Douard est sortie en même temps que la bio de Louis Pasteur J'ai craqué au bureau de Louise Cado. Ces deux bios rock'n'roll font partie de la collection des Histoires ébouriffantes dirigée par ma copine Elisabeth Segard.

Michel Douard est un auteur de thrillers et rédacteur tourangeau. Il a changé totalement de registre pour raconter avec beaucoup d'humour l'enfance de la célèbre jeune fille. Si la forme est vraiment drôle et légère, ne vous y trompez pas, c'est sérieusement documenté. Ce n'est pas parce que l'on est un peu irrévérencieux que l'on n'est pas sérieux.

Tout le monde, enfin je crois, connaît au moins un peu Jeanne d'Arc. En gros, on sait qu'elle entendait des voix, qu'elle a guidée une armée pour aller « bouter les Anglais hors de France » et qu'elle a fini sur le bûcher telle une sorcière. Mais est-ce que vous saviez qu'elle n'avait que dix-sept ans à l'époque ? Je sais qu'au XVe siècle on vivait moins vieux et qu'à cet âge-là, on pouvait déjà être mariée et avoir beaucoup d'enfants. Mais quand même, seulement dix-sept ! Cela force le respect. Sacrée Jeanne !

L'auteur nous raconte les premières années de Jeanne, née en 1412 à Domrémy, en Lorraine. le livre s'arrête lorsqu'elle arrive à lever l'armée du dauphin et qu'elle conduit les soldats à destination en évitant les embûches, ce qui force leur respect. Elle arrive même à les amener jusqu'à une église pour assister à la messe. Avec eux !

Jeanne va très souvent à la messe, car elle est très pieuse. Elle vient d'une famille de paysans assez aisés qui donne beaucoup aux pauvres. La jeune fille passe son temps à se confesser, si bien que le curé se planque dès qu'il aperçoit la petite. Comme Louis Pasteur, dans J'ai craqué au bureau, le pauvre curé est proche du burn-out avec une petite comme Jeanne.

Le contexte historique est celui de la guerre de Cent Ans. le roi d'Angleterre Edouard III revendique le trône de France suite au traité de Troyes, mais la noblesse française veut que la couronne revienne au dauphin Charles, fils du défunt Charles VI. Et Jeanne aussi. La France est partagée entre les Anglais et les Bourguignons d'un côté, et ceux qui sont restés fidèles au dauphin Charles de l'autre. Comme Jeanne.

Elle déteste les Anglais et les Bourguignons. Elle veut que le gentil dauphin comme elle l'appelle devienne roi. Et gare à celui qui n'est pas d'accord avec elle. C'est qu'elle a du caractère la petite Jeanne !

Elle ne supporte pas non plus le blasphème et n'hésite pas à remettre dans le droit chemin les âmes égarées… Mon Dieu, je vais vous laisser découvrir comment, parce que j'ai tellement ri que ce serait dommage de vous gâcher le plaisir en vous racontant tout.

L'histoire est racontée par un mendiant, le « Puant », qui a beaucoup d'affection pour la gamine, qu'il appelle Jeannette, qu'il appellera toujours Jeannette. Il la voit grandir, courir après le curé, flanquer des roustes, prier, prier, prier, faire l'aumône et refuser de se marier. Avoir des enfants jamais ! Sa soeur est morte en couches. Et Jeanne est LA Pucelle.

Ce sont les voix célestes de l'archange saint Michel, de sainte Marguerite et de sainte Catherine qui la guident. Elle commence à les entendre vers douze ans. Ce sont eux qui lui disent qu'elle doit libérer la France et mettre le gentil dauphin sur le trône, qu'elle va libérer la France et mettre le gentil dauphin sur le trône. Pas forcément facile pour une petite paysanne. Mais bon, après tout, le Seigneur l'a choisi elle. Il doit avoir ses raisons. Alors elle va apprendre à se battre et se préparer à convaincre le gentil dauphin de la laisser embarquer des soldats avec elle pour faire la guerre aux Anglais – encore faut-il réussir à le rencontrer pour le convaincre !

J'ai vraiment beaucoup ri. Entre les expressions en référence aux flammes, le vocabulaire parfois contemporain et cette petite Jeanne au caractère affirmé, j'ai passé un super moment – et appris plein de choses. Et puis cela fait réfléchir. On s'est souvent moqué de cette jeune femme qui entendait des voix, mais il faut bien admettre qu'elle a réussi à déplacer des montagnes, elle, la petite paysanne de Lorraine.

Et puis c'est touchant ce récit raconté par le Puant qui a beaucoup de tendresse pour son intrépide Jeannette, cette gamine qui rend ses parents fous. Dans cette biographie, on découvre une jeune femme forte et féministe. Et badass comme on dit. Lorsque j'ai tourné la dernière page, j'ai été déçue. C'était déjà fini et moi j'en voulais plus. J'ai quitté ce livre avec beaucoup de tristesse en pensant à son destin tragique. Et à ceux qui n'hésitait pas à jeter les femmes qui les gênaient dans les flammes.

Alors, oui, évidemment, je vous conseille ce livre. Et pas parce que la directrice de collection est ma copine – je ne vous dirai jamais qu'un mauvais livre est bien, d'une part parce que je ne voudrais pas être responsable du fait que vous dépensiez de l'argent pour un livre nul et puis vous ne me feriez plus confiance et ça je ne le veux pas. Je vous conseille ce livre car il est instructif, qu'on découvre une Jeanne d'Arc que l'on ne connaît pas et que c'est franchement drôle. Tout simplement.
Lien : http://mademoisellemaeve.wor..
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La Jeunesse de Jeannette, ça déchire !

Dans ce bouquin bien sympathique, Michel Douard nous raconte Jeanne avant les combats. Il invente une Jeanne enfant et adolescente, il nous l'offre telle qu'elle aurait pu être, avec un caractère pas possible.

Les dialogues actualisés en mode djeunnn donnent un côté décalé à la vie pendant la guerre de Cent Ans.

Autant j'avais adoré l'opus sur Pasteur, autant je reste mitigée sur celui de Jeanne d'arc. Cest sympa, mais trop léger du point de vue contenu historique.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Un sacré numéro
La petite enfance
Je m’appelle Gautier. Mais tout le monde m’appelle « le Puant », rapport au fumet de gueux que je laisse flotter derrière moi. Je suis né autour de 1350, mais rien n’est moins sûr. Tout ce que je sais, c’est que j’ai toujours connu la guerre. Une guerre déclarée entre les prétendants à la succession de la couronne de France, un Valois et un Plantagenêt, un Français et un Anglais. La perfide Albion a multiplié les victoires, occupant un duché d’Aquitaine s’étendant de Bayonne à Poitiers, et détenant aussi quelques villes françaises, comme Calais. Cette guerre interminable – entrecoupée de trêves durant lesquelles des soldats désœuvrés pillent la population innocente pour ne pas perdre la main – s’est transformée en guerre civile: les Armagnacs soutenant la couronne de France contre les Bourguignons alliés des Anglais. Un imbroglio à vous coller la migraine. Des malheurs pour plusieurs générations. Cela dit, ce n’est pas la guerre qui a fait de moi un mendiant.
J’ai toujours été paresseux, juste bon à conter les histoires que j’ai vécues ou entendues sur mon chemin. C’est ce que je vous propose aujourd’hui, contre un quignon de pain ou une piécette : l’histoire, vraie ou non, allez savoir, des premières années de celle que vous appelez Jeanne d’Arc, et qui restera pour moi Jeannette. Elle est née le jour de l’Épiphanie, le 6 janvier 1412, je crois bien. Et j’étais là, trois jours plus tard, pour son baptême. C’est comme si c’était aujourd’hui. Je faisais la manche devant l’église de Domrémy…
***
Ce jour-là,
Jacques d’Arc est soucieux, voire angoissé, sans raison aucune. Alors qu’il devrait être le plus heureux des hommes. Il est un laboureur aisé, notable de sa communauté, en contact direct avec le seigneur du coin, et il baptise Jeanne, son cinquième enfant. Il ne ressent pourtant pas la félicité et la fierté qu’il devrait éprouver. Il rumine le passé, craint l’avenir, se sent patraque. Sa tunique des grands jours le gratte.
Son épouse, Isabelle Romée, l’agace avec ses prières, alors qu’ils sont encore à piétiner sur le parvis de l’église.
Et que dire des simagrées de l’une des marraines, également prénommée Jeanne – comme c’est original – épouse d’Aubry, maire de Domrémy, qui berce le bébé avant de le porter sur les fonts baptismaux. Jacques d’Arc est sur les nerfs alors qu’il devrait être béat de joie. Quand Isabelle lui chuchote que la tache circulaire rouge derrière l’oreille de leur Jeannette est sans doute le signe d’une grande et pieuse destinée, il hausse les épaules. Des signes, il en a vu d’autres, et pas très positifs: une vache morte cette nuit en vêlant, un corbeau devant la porte ce matin, et même un départ de feu dans la grange… Jacques d’Arc se tourne vers Clément, leur voisin, qui a baptisé son fils Simon il y a tout juste
une semaine. Et ce n’est pas pour évoquer l’importance du rite religieux à venir, mais pour ressasser cette maudite guerre et l’incapacité de la chevalerie française à y mettre un terme.
— Avoue que la bataille de Crécy, c’est le bouquet !
On est deux fois plus nombreux que les Anglais et ils nous pilent ! Soi-disant qu’on n’avait pas prévu les archers. À croire qu’on n’avait carrément pas prévu de se battre !
— C’est loin tout ça. T’étais pas né, Jacques. Faut aller de l’avant, préconise Clément.
— Mais tout est lié ! Si on n’avait pas pris une tannée à Crécy, on n’en serait pas là aujourd’hui.
Après un succès pareil, l’Anglais Édouard III a pris la confiance, et voilà le résultat. On n’est plus chez nous, entre ces bouffeurs de harengs et ces traîtres de Bourguignons !
En le poussant dans l’église, son épouse Isabelle le morigène :
— T’as pas fini de jurer ? Et puis fais un peu attention à ce que tu dis, Gérardin d’Épinal assiste à la cérémonie.
— Ouais, ben moi je dis qu’avant de bouter les Anglais hors de France, on devrait envisager de jeter cet abruti de Bourguignon hors de Domrémy.
Jacques d’Arc est remonté, mais il faut le comprendre. À la frontière de l’empire germanique, le village de Domrémy, situé dans le Barrois mouvant sur la rive gauche de la Meuse, serait tout à fait vivable sans la guerre et ses dommages collatéraux. Sur la route Lyon-Trèves, la vallée pourrait profiter d’un trafic très développé. Mais le coin est plutôt morcelé. Un vrai casse-tête.
Le nord de Domrémy est armagnac, partisan de la couronne de France ; le sud du bourg,
pas du tout, et à une demi-lieue, le village de Maxey où se tient l’école est bourguignon. Avec tout ça, pour les d’Arc, comme pour tous les habitants du territoire, la situation est loin d’être folichonne : la châtellenie de Vaucouleurs dont dépend Domrémy, tenue par le seigneur Robert de Baudricourt, est régulièrement sillonnée par les routiers et écorcheurs anglais et bourguignons.
Ces bandes de soldats momentanément démobilisés se livrent aux pires exactions. Pillages, meurtres, viols, villages incendiés : les guerriers sans foi ni loi compensent leur absence de solde en terrorisant le monde paysan. On n’est jamais tranquille par ici, toujours sur ses gardes, avec les chocottes, en permanence prêt à se réfugier dans l’enceinte d’un château. On guette depuis la tour carrée du moustier.
On s’aventure sur les chemins alentour avec la boule au ventre. Allez travailler dans ces conditions, vous ! Les troupeaux sont cachés le jour et paissent la nuit. Même les bestiaux sont névrosés. Ah elle est belle la vie à Domrémy !
Debout face à l’autel, dans l’église qui s’est remplie, Jacques d’Arc se demande si Dieu n’a pas abandonné ses brebis. Il garde cette réflexion pour lui. Sa dévote épouse en ferait une maladie, surtout aujourd’hui. Elle s’est agenouillée quelques minutes devant la statue de sainte Catherine. Jacques ne s’est même pas signé. Et à présent que le curé, messire Jean Minet, bénit Jeanne, la seule pensée qui vient à l’esprit du papa déprimé est que sa fille cadette est appelée à en voir des vertes et des pas mûres…
***
Jeannette est un bébé qui sourit beaucoup et pleure souvent, mais silencieusement. À six mois, elle a rarement réveillé ses parents. Sur son petit crâne rond ont poussé des cheveux noirs. « Elle sera bien costaude », prédit sa mère. Cette dernière, tout en filant des draps de lin, lui récite le « Notre Père » en boucle. Catherine, la grande sœur de Jeanne, bonne à marier dans moins de dix ans, pouponne à outrance et couvre l’enfant de baisers.
Ce soir, comme à son habitude, Jacques d’Arc tente de tempérer leurs ardeurs :
— Isabelle, tu vas en faire une nonne. Et toi, Catherine, une enfant gâtée. Et une nonne gâtée, c’est pas facile à vivre.
Pas besoin de reprendre ses trois garçons à ce sujet. Jacquemin, Jean et Pierre se soucient de leur petite sœur comme de leurs premières galoches. Jacquemin sera un bon laboureur, c’est certain. Il est fort, calme et sérieux. Jean et Pierre, en revanche, sont deux asticots qui rêvent d’aventure, mais qui sont feignants comme des couleuvres et n’ont pas inventé la cuillère en bois.
Fiers d’habiter l’une des rares maisons de pierre du village, ils se prennent pour des seigneurs, et il faut souvent leur botter le fondement pour les faire redescendre sur Terre. Ce soir, alors que la nuit vient de tomber, ils ne sont pas encore rentrés et leur père envisage de leur administrer une bonne dérouillée.
— Ils vont me rendre aussi dingue que Charles VI, si ça continue, se plaint Jacques.
— Ils sont encore petits. Sois patient, lui répond son épouse sans lever les yeux de son ouvrage. Et d’autre part, je ne peux croire que notre bon roi soit fol. C’est de la propagande étrangère.
— Tu diras ça aux chevaliers de son entourage, que ton bon roi a mutilés sur un coup de tête. Dans son petit berceau de bois, Jeannette semble fascinée par les flammes qui dansent dans l’âtre. Elle babille et agite ses petites mains. La maman gronde sa fille Catherine :
— Ta sœur va mourir de chaud, enfin ! Tu l’as mise trop près du feu.
***
Bien que la période soit troublée, la famille d’Arc ne manque de rien. Leur maison, située pile en face de l’église et qui compte un étage, est confortable et chauffée par une grande cheminée dans laquelle cuisent les galettes, les soupes et souvent une volaille. Sept hectares de terre, des poules, des vaches et des brebis, un cheval, une charrue de qualité… Les enfants de Jacques et Isabelle ne connaissent pas la faim. Sans pour autant aider exagérément leurs parents. Jacques a les moyens de payer de temps en temps un ou deux journaliers pour lui donner la main. Le plus souvent, les petits d’Arc sont aux champs pour jouer. À part Jacquemin, le plus grand, qui insiste toujours pour travailler. « Cet esclave-là n’a pas d’autre plaisir que de mouiller sa chemise », se moquent ses frères, Jean et Pierre. Ces derniers conduisent parfois les bêtes au pâturage ou sont affectés au ramassage de fruits sauvages dans la forêt, mais c’est encore l’occasion pour eux de chahuter et de se bagarrer, de se prendre pour des guerriers. Catherine, douce et sereine, passe le plus clair de son temps avec les femmes, à sarcler le jardin, à cultiver des fèves et des carottes, à coudre ou à filer.
L’heure n’est pas venue pour Jeannette de participer à ces travaux.
En ce jour de juillet, chaud et sans nuage, Jeannette n’a que dix-huit mois. Elle marche depuis avril. Et elle adore ça. Tandis que la moisson bat son plein, que les hommes coupent à la faucille les épis de froment et que les femmes et les adolescents lient les bottes, Jeannette se tortille dans les jupes de sa mère, qui la retient par le col de sa petite robe rouge.
— Cette gamine va me rendre chèvre. Dès qu’elle est en plein air, c’est la même musique. Pas moyen qu’elle reste en place. Comme devant l’église. Si on l’écoutait, on y rentrerait dix fois par jour ! Jacques, qui s’est arrêté une minute pour boire au pichet, ne peut contredire son épouse :
— Je le sentais, ça va être un sacré numéro.
Jeannette tend ses mains vers la
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À douze ans, Jeannette a pris quelques centimètres de plus, en hauteur comme en largeur d’épaules. C’est une solide petite paysanne, au corps robuste et à la tête bien faite, plutôt bien considérée dans le village, même si ceux qui la côtoient ont toujours un peu de mal à supporter son tempérament fougueux et ses obsessions religieuses. «Ça lui passera avant que ça me reprenne », dit souvent sa mère pour rassurer son mari. Ce dernier s'inquiète néanmoins pour l'avenir de sa cadette, notamment du point de vue «mariage». Jacques d’Arc a épuisé tous les arguments à ce sujet: le bonheur que vit désormais sa grande sœur Catherine auprès de son mari, le bénéfice foncier qui découlerait de l'union de Jeannette et Simon, ou encore la honte pour la famille d’avoir une célibataire à la maison... Mais autant essayer de raisonner une poêle à frire. p. 63
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Devant l’église, Jeannette tombe d’abord sur le pauvre curé qui n’a pas le temps de l’esquiver. Celui qui l’a baptisée, et qui s’apprêtait à s’autoriser un en-cas fait de jambon et de vin de messe pour oublier un peu les turpitudes moyenâgeuses, prie pour que cette rencontre inopinée avec Jeannette ne s’éternise pas. Il réalise vite que ce n’est pas gagné. Elle a son air exalté des grands jours.
– Mon père, ah quelle joie de vous trouver ici. Je dois me confesser, sans tarder !
Le prêtre joue la carte de l’inflexibilité.
– On ne se confesse pas toutes les semaines, Jeannette. On se confesse lors de la Semaine sainte, et l’on communie à Pâques. Basta. Je t’ai déjà admise en confession le mois dernier, en te précisant qu’il s’agissait d’une exception.
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p. 63
Après un bon début de bataille, très tonique, offensif même, le manque d'organisation de la chevalerie française va vite laisser le champ libre à ses adversaires qui réalisent alors un sans-faute. Archers anglais très précis, respect des consignes et jeu collectif : c'est une boucherie pour les partisans de Charles VII. Des ruisseaux de sang dans la plaine. Encore sept mille chevaliers par terre et d'autres qui, dans leur retraite paniquée, coulent à pic au fond des douves ; le port d'une armure étant peu compatible avec la natation. 
Robert de Baudricourt en pleurerait de rage. Un peu à l'écart du champ de bataille où l'on égorge des survivants, sachant que Jean II d'Alençon ne doit sa survie qu'à son sang royal et qu'il est déjà prisonnier, Robert opère un demi-tour complet. Allez, cap à l'est, inutile d'en reprendre plein la quiche pour pas un sou. Direction la maison. Retour à Vaucouleurs sans tambour ni trompette. 
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p. 142-143
Jeannette est ressortie du château de Vaucouleurs bouillonnante de rage. Heureusement, au sortir de cet humiliant second rendez-vous, elle a pu compter sur le réconfort de la voix de Sainte-Marguerite : « Ne t'inquiète pas, la troisième sera la bonne ».
Ce matin, tandis qu'elle coud en compagnie de son hôtesse, Catherine Le Royer, Jeannette évoque sa déception de ne pas être entendue par les puissants, et l'éventualité de partir pour Chinon à pied, quitte à ‘user les jambes jusqu'aux genoux. 
Catherine lui sourit avec tendresse. 
— Jeannette, tu es pucelle, mais plus impatiente qu'une femme enceinte. 
— C'est que j'ai le feu sacré, Catherine, le feu sacré !
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8 questions
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Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

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