Iouri Olécha est plutôt l'homme d'un grand roman :
L'envie (1927), paru d'abord, pour sa version française, à l'Âge d'Homme en 1978, puis repris au Seuil dans les années 80, et qui vient de ressortir en format semi-poche au Sillage. Journaliste, auteurs de nombreuses pièces de théâtre, poète, il cesse toutefois l'écriture d'autres romans dans les années 30, mais, à partir des années 50, Olécha décide de s'atteler à son journal commencé vingt ans plutôt, comme il s'en explique d'ailleurs dans une lettre à sa mère en 1956 : "C'est un livre sur moi-même, sur la littérature, la vie, le monde" ; journal qui ne sera jamais achevé, l'auteur meurt en 1960, à Moscou. Il ne croit plus à la fiction, et se passionne alors pour les mémoires, même s'il avoue parfois simplement manquer d'imagination. Reste alors ses écrits, formidables, avec ce merveilleux titre, Pas de jour sans un ligne (aucun rapport avec la coke ni avec la chansonnette gniangnian de 1974), référence à
Stendhal, influence majeure d'Olécha, avec
Shakespeare,
Edgar Poe et bien d'autres encore puisque c'est un grand lecteur, dès son
enfance à Odessa, ville particulièrement bien décrite dans le premier tiers de ce livre métaphorique. On croise beaucoup d'écrivains contemporains d'Olécha :
Mandelstam et
Akhmatova, furtivement,
Boulgakov, Kataïev, Ilf, tous très proche de l'écrivain, et puis bien sûr Maïakovski qui inonde l'imaginaire de ses contemporains d'alors... Pas un jour sans une ligne est aussi un très beau livre sur la littérature, sur les livres, sur les arts en général ; Olécha nous parle ainsi de
Gogol, de
Tolstoï, du journal de Delacroix, de Rossini, d'
Alexandre Grine et son fantastique Attrapeur de rats, etc. Pas de jour sans un ligne est un livre rare et généreux, et les passages sur Maïakovski sont admirables et permettent d'imaginer l'émulation qui existait à cette époque autour du poète qui est allé rejoindre, en 1930, la cohorte des écrivains suicidés avant lui -
Kleist,
Trakl,
Essenine, etc. - et que d'autres encore rejoindront -
Tsvetaieva,
Walter Benjamin,
René Crevel, Unika Zurn,
Osamu Dazai, Silvia Plath, etc. -.