OÙ SYLVIN LANVÈRE, CHEVALIER-SERVANT DE GANDAHAR, CONSTATE À SON TOUR LES RAVAGES DE L'ÉPIDÉMIE
Sylvin Lanvère et sa compagne Airelle arrivèrent en vue du Kraak au beau milieu d'une journée qui, effectivement, se montrait belle.
Le ciel était idéalement vert et, à son zénith, les couches vagabondes de spores en suspension formaient des frises serpentines d'un doux violet, qui s'atténuaient vers l'horizon jusqu'à disparaître. L'astre du jour, boule jaune orangé aux bords flous qu'on pouvait fixer sans cligner des yeux, chauffait juste ce qu'il fallait. La veille il avait plu, et l'atmosphère demeurait humide, irisée d'éclats d'argent. Ce qui n'avait rien d'anormal pour la saison — une fin de printemps qui avait connu bien d'autres précipitations...
Sylvin tendit le bras à l'intention de la jeune fille blottie à son côté dans la nacelle. Lui, avait déjà visité la citadelle rocheuse ; elle, jamais.
« Nous arrivons, Airelle... Tu vois cette sombre faille dans le plateau ? Le Kraak des Transformés est là, protégé par ces murailles rouges... »
Airelle plissa les paupières ; entre ses longs cils, le double poinçon d'or de ses pupilles étincelait. La Gandaharienne demeura longtemps sans parler. En prévision du voyage aérien, elle avait enveloppé son corps menu d'une lourde pelisse tissée à partir de fleurs d'effiloches, plantes arborescentes semi-aquatiques de la côte ouest. Ses cheveux, si sombres qu'ils paraissaient n'être constitués que d'une seule masse vaporeuse, volaient derrière sa nuque gracile. Elle posa avec douceur sur le bras de Sylvin une main aux doigts déliés, à l'épiderme aussi délicatement bleu-mauve que le reste de son corps.
« Ce lieu a l'air bien rude, bien désolé... et bien éloigné de tout », finit-elle par murmurer.
Sylvin Lanvère sourit. Il était l'exact contraire de sa compagne : grand, musclé sous une apparente minceur, le visage tanné, l'œil gris-vert, le cheveu si blond qu'il paraissait presque blanc. Pour ce voyage, il avait revêtu la tenue habituelle des chevaliers servants — l'ample tunique orange et les hauts-de-chausses turquoise enfoncés dans des bottes souples.
« Je sais, Airelle. Les créatures qui se sont réfugiées là il y a bien longtemps avaient toute raison de le faire. Je t'ai expliqué ça, je crois... Après l'époque de la colonisation, les États nouvellement formés se sont livrés à des guerres incessantes. Les Transformés craignaient, à juste titre, d'être enrôlés comme auxiliaires de combat facilement sacrifiables. Il paraît que sur la planète d'où nous sommes tous originaires, c'était chose courante. Les animaux transformés ont jugé préférable de se faire oublier — ce qui n'a d'ailleurs pas toujours réussi1. Ainsi ont-ils pris l'habitude de vivre en retrait. Avec l'assentiment de notre Reine, je voudrais faire cesser cela. Je voudrais rendre les Transformés à Gandahar... ce qui est manière de dire que je voudrais surtout ouvrir la planète à ces exclus. »
15 mars 2021
Rencontre avec Jean-Pierre Andrevon, Romancier et Scénariste de Science-Fiction.
Modération : Julien de la Jal
Un entretien où il est question de "Gandahar", de René Laloux, Philippe Caza, un peu de Roland Topor et de Arthur C.Clarke, Le travail du Furet et du dernier ouvrage de JP. Andrevon "100 ans et plus de cinéma Fantastique et de Science-Fiction" donc de cinéma en général.