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EAN : 9782081352452
124 pages
Flammarion (16/09/2015)
3.85/5   30 notes
Résumé :
«Loin d’être l’exercice ingrat ou vain que l’on imagine, les mathématiques pourraient bien être le chemin le plus court pour la vraie vie, laquelle, quand elle existe, se signale par un incomparable bonheur.» Si les mathématiques et la philosophie ont été liées dès leurs origines, elles sont aujourd’hui de plus en plus disjointes. Voilà qui ne laisse pas d’étonner Alain Badiou, l’un des rares philosophes contemporains à les prendre au sérieux : au fil de ce dialogue... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Dès qu'il fît paraître son Petit Panthéon portatif en 2008 aux éditions de la Fabrique, comme pour se mettre en conformité avec l'étymologie (philo = amour) de sa discipline, Alain Badiou nous apparut travaillé par l'impérieuse nécessité de manifester de l'amour. Il s'ensuivit une série de livres d'éloges (qui ne sont pas sans rappeler la mode éditoriale des Dictionnaires amoureux…).

L'éloge des mathématiques est un livre d'entretiens, le troisième de cette série d'éloges. Il marque la volonté du philosophe d'orner de clous d'or la châsse dans laquelle il entend enfermer les gemmes d'un système (le sien) dont il professe la vocation universelle ; après un éloge de l'amour, suivi d'un éloge du théâtre voici un éloge des mathématiques.

Lorsqu'on n'est pas mathématicien, faire l'éloge des mathématiques n'est pas sans risque ; on aura l'air de manquer de modestie, pire on vous qualifiera d'élitiste. L'attitude générale face aux mathématiques voudrait qu'on en médise – même si le nombre considérable de ceux qui soutiennent n'y rien comprendre auront toujours l'air d'attaquer les maths avec la rancoeur du renard de la fable des raisins verts ; peu de matheux doués affectent de les mépriser sauf pour dénoncer certains abus de leur utilisation (en économie politique particulièrement). Il faut noter que la critique des mathématiques ne porte généralement pas sur l'activité intrinsèque du mathématicien (qui dépasse le commun des mortels) mais sur le statut que la société confère aux maths: discipline survalorisée à l'école, elle est un outil de sélection scolaire considéré comme arbitraire ; par ailleurs, une certaine logique des chiffres est accusée de meurtrir la vie économique et sociale. Par devers elles, ce qui est dénoncé c'est un latin de technocrate; le Diafoirus du 21ème siècle s'exprime en équations.

Alain Badiou ouvre son éloge avec un appel angoissé : il faut sauver les mathématiques! de quoi ? de l'attitude aristocratique du milieu des mathématiciens qui sentirait trop le renfermé ; seule la philosophie pourrait sauver les maths de l'asphyxie à laquelle ses adeptes l'exposent. Après tout, en leur temps, Descartes et Leibniz n'étaient-ils pas à la fois des philosophes et des matheux de première force ? Badiou, fils de professeur de mathématiques, revendique – non pas le statut de mathématicien mais une compétence particulière car il étudia les mathématiques pendant deux ans à la Sorbonne. Mais ne fait-il pas fi de la complexité d'un champ disciplinaire foisonnant dont la tentation monolithique (totalitaire?) qui prévalait aux temps glorieux du groupe Bourbaki semble désormais dépassée: ce temps n'est plus où l'on voulait fonder LA Mathématique car aujourd'hui on continue de parler DES mathématiques. L'activité mathématique est aujourd'hui un foisonnement disparate, hétéroclite, mélangé à d'autres réalités (les maths appliquées) qui fait dire au mathématicien Didier Nordon que "les mathématiques pures n'existent pas" ? N'est-il pas tenté de réduire les mathématiques à l'activité d'un sous-système de son propre écosystème social ; le monde universitaire et académique – duquel Alain Badiou semble inquiet d'obtenir quelque reconnaissance ?

Toutefois son attachement aux mathématiques s'enracine dans un souci plus profond de vérité. A double titre : tout d'abord, pour Badiou le principe de la reconnaissance par les pairs rend impossible l'imposture en mathématiques; parce que les mathématiques sont d'abord une affaire de mathématiciens, elles sont à l'abri des impostures – contrairement à la philosophie régulièrement compromises par les modes éditoriales (Badiou évoque avec amertume la gabegie des « nouveaux philosophes »). D'autre part, parce que ce principe de vérité est au coeur de l'activité mathématique elle-même. Et c'est bien ce principe de vérité qui uni toutes ces pratiques disparates dispersées dans l'histoire et la géographie de la discipline ; ce mot mathématiques - dont l'origine grecque est contingente - réunit rétrospectivement des hommes de l'antiquité méditerranéenne, de l'ancienne Chine et de l'Inde et aujourd'hui une communauté mondiale de chercheurs. Pour Badiou, l'internationale des mathématiciens est la plus solide internationale qui soit. C'est la raison pour laquelle, il faut la prendre au sérieux et qu'il serait bon de ravaler toute rancoeur afin que les mathématiques entrent dans notre vie autrement que sous la forme de ce cheval de Troye au fond duquel est tapi une sorte de dictateur abstrait qui pense à notre place – dont l'algorithme est devenu l'emblème.

Marxiste revendiqué, Alain Badiou est dialecticien dans le sens le plus modeste de ce terme ; puisque ce petit livre est un dialogue. Mais il a surtout l'esprit de système. La vision des mathématiques de Badiou est celle d'un homme ayant besoin de trouver un fondement aux choses. Autant le mathématicien a la manie de tout démontrer ; le philosophe entend tout justifier ; même les mathématiques. Or, il ressort que philosophiquement (dans ce cadre Alain Badiou revendique le terme aujourd'hui en discrédit de métaphysique) les mathématiques nous apparaissent sous deux aspects antagonistes qui retrouvent la vieille opposition médiévale du réalisme et du nominalisme. Dans l'optique réaliste les objets mathématiques existent avec un degré de réalité égal aux autres objets de l'univers ; ils constituent des essences, des sortes de faits premiers à toute appréhension par l'esprit. Pour le nominalisme l'activité mathématique est une manifestation sophistiquée du langage, une élaboration du monde, un constructivisme. Sous ce rapport, il convient de citer Alain Badiou plutôt que le trahir : « Mon but est de sauver la catégorie (philosophique) de vérité qui [ ... ] distingue et nomme [les vérités scientifiques, esthétiques, politiques ou existentielles] , en légitimant qu'une vérité puisse être : - absolue, tout en étant une construction localisée ; - éternelle, tout en résultant d'un processus qui commence dans un monde déterminé (…) et appartient donc au temps de ce monde. »

L'enjeu principal d'un tel débat est politique. Une politique minée dans ses fondements par un mauvais relativisme qui serait, dans le meilleur des cas l'alibi d'une certaine paresse intellectuelle ou, dans le pire des cas un outil de domination. Il songe à faire un éloge de la politique.
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Je ne cours pas après les essais de philosophie. Je ne suis d'ailleurs pas amateur d'essai. Mais le titre de celui-ci m'a interpellé : que pouvait bien avoir à dire un philosophe pour faire l'éloge des mathématiques ? Je n'ai pas été déçu.

Tout d'abord la formule retenue pour cette collection a son avantage : les questions de Gilles Haéri rompent la monotonie du discours. Au moment opportun, une question est posée qui amène le philosophe Alain Badiou à formuler sa pensée dans un langage plus à la portée lecteur non-philosophe. Dans ces 124 pages, nous avons à maintes reprises l'occasion de découvrir le lien qui existe ou qui devrait être fait en mathématiques et philosophie.

J'ai relevé deux passages qui, à mon sens, donnent le ton de cet opuscule :

Certes, on sait bien qu'un « nouveau philosophe » ne s'intéresse absolument pas aux mathématiques. Il s'intéresse à l'opinion publique, il s'intéresse à la religion musulmane, il s'intéresse au « totalitarisme », aux élections cantonales, à des tas de choses, mais pas aux mathématiques. Et à mes yeux, c'est une erreur. Perso, j'ai le sentiment qu'il vise quelqu'un de précis. Mais ça l'avantage d'être clair sur l'importance qu'il accorde aux mathématiques.
Malheureusement, la rhétorique est la langue politique d'aujourd'hui. C'est une rhétorique de la promesse qui ne sera pas tenue, une rhétorique du programme impraticable, une rhétorique de la nécessité factice. En dessous de cette rhétorique, un certain nombre de décisions sont prises, dans des réunions généralement secrètes ou formatées pour aboutir à la conclusion désirée, au service d'un certain nombre d'intérêts dont la puissance ne peut être contrecarrée. Il arrive même que la rhétorique débouche sur une décision calamiteuse, y compris pour ceux qui la proposent.
J'ai beaucoup apprécié cette approche : voir les mathématiques, non seulement comme une science que beaucoup d'entre nous trouvent rébarbative, mais comme une façon efficace de raisonner sur le monde qui nous entoure. Je ne pense pas déformer sa pensée en avançant que, selon Alain Badiou, cette approche éviterait bien des déboires dans de nombreux domaines tels la politique, mais pas que.

En bref : Je vous invite à découvrir ce petit livre très enrichissant et facile à lire (bien qu'il soit signé par un philosophe :-) ). N'hésitez surtout pas à le lire s'il arrive entre vos mains que ce soit en l'achetant en librairie ou en l'empruntant.
Lien : http://sciences.gloubik.info..
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Alain Badiou est l'une des dernières grandes figures d'intellectuel engagé, infatigable défenseur de l'idée communiste. Parce qu'il pense que les idées philosophiques s'étayent et se renouvellent autour de 4 grandes vérités : les sciences, l'art, l'amour et la politique, il avait déjà écrit sur l'amour et le théatre, voici un essai sur les sciences et plus particulièrement les mathématiques. J'attends avec impatience son essai sur la 4ème vérité, la politique.
Concernant son éloge des mathématiques, vous y trouverez de nombreux développements tendant à montrer la communauté d'idées et de raisonnement entre les mathématiques et la philosophie, ce vieux couple. Au delà de ces analyses, des idées fort intéressantes sur le rôle des mathématiques dans la formation des élèves et leur place dans l'éducation. Souhaitons que certaines de ces idées soient reprises par nos enseignants afin que les mathématiques ne deviennent plus seulement une discipline de sélection sociale mais aussi une vraie matière du développement personnel.
Digne d'intérêt aussi les développements sur le formalisme mathématique qui pense en avance les formes possibles de ce qui est. Les mathématiciens découvrent des structures qui s'avéreront être présentes dans la nature. Ce que les ingénieurs contemporains nommeraient de l'avance de phase.
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Que le lecteur peu instruit des mathématiques ne s'inquiète nullement : ce livre est très accessible. Badiou y parvient à transmettre son enthousiasme.

Il s'agit en fait du compte-rendu d'un dialogue qui s'est tenu à Lyon en 2015. le style parait donc très oral et c'est pourquoi je le recommande pour ceux qui souhaitent découvrir ce type de philosophie rapportée aux mathématiques.

Je ne suis pas spécialement favorable à Alain Badiou en général, notamment à cause de sa radicalité politique et philosophique ("les mathématiques sont l'ontologie"). Il faut reconnaitre cependant beaucoup de propos justes sur le caractère des mathématiques et leurs rapports sociaux.

Un livre d'exploration, en somme. Il y a beaucoup à dire sur les différents thèmes abordés mais, qu'on soit d'accord ou non avec les thèses principales (l'Etre et l'évènement est de toute manière plus détaillé pour cela), l'envie de s'intéresser aux mathématiques est là et c'est bien là l'objectif.
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Dans ce livre, l'auteur Alain Badiou fait l'éloge et loue les mérites et l'importance des mathématiques dans notre vie quotidienne et son impact sur l'amélioration de notre confort.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
J'ai souvent comparé plus tard les mathématiques à la promenade en montagne: la marche d'approche est longue et pénible, avec beaucoup de tournants et de raidillons, on croit être arrivé, mais il reste encore un tournant... On sue, on peine, mais quand on arrive au col, la récompense est sans égale, vraiment: ce saisissement, cette beauté fi ale des mathématiques, cette beauté sûrement conquise, absolument singulière. (P12)
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[à propos du théorème de Cantor qui dit que quelque soit un ensemble donné le nombre de ses parties est toujours supérieur au nombre de ses éléments] En prime, vous avez un schéma politique: le fait qu'il y ait plus de parties que d'éléments dans un ensemble quelconque signifie que la richesse, la ressource profonde, de ce qui est collectif (les parties) l'emporte sur celle des individus. Le théorème de Cantor réfute, à un niveau abstrait, le règne contemporain de l'individualisme.
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J'ai souvent comparé plus tard les mathématiques à la promenade en montagne : la marche d'approche est longue et pénible, avec beaucoup de tournants et de raidillons, on croit être arrivé, mais il reste encore un tournant......On sue, on peine, mais quand on arrive au col, la récompense est sans égale, vraiment : ce saisissement, cette beauté finale des mathémathiques, cette beauté surement conquise, absolument singulière.
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Les vedettes philosophiques des grands moyens de communication, sont, il faut le dire, et du strict point de vue des connaissances requises pour parler ce dont ils parlent, des nullités. En mathématiques, ils seraient considérérés comme l'équivalent d'un élève très moyen de terminale. C'est d'ailleurs une vertue importante des mathématiques: des impostures de ce genre sont impossibles. Mais le revers de cette vertu est que les mathématiques sont devenues inaccessibles, ou objet d'une indifférence amère, en raison de leur séparation aristocratique avec les autres régimes de la connaissance.
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Loin d'être l'exercice ingrat ou vain que l'on imagine, les mathématiques pourraient bien être le chemin le plus court pour la vrai vie, laquelle, quand elle existe, se signale par un incomparable bonheur.
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Vidéo de Alain Badiou
Alain Badiou vous présente son ouvrage "Mémoires d'outre-politique : 1937-1985" aux éditions Flammarion. Entretien avec Pierre Coutelle.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2732687/alain-badiou-memoires-d-outre-politique-1937-1985-recit
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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