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Elena Balzamo (Traducteur)
EAN : 9782878583526
127 pages
Viviane Hamy (13/01/2011)
3.93/5   138 notes
Résumé :
Au royaume de Cédric X, les traditions sont immuables, notamment " l'heure du roi ", au cours de laquelle le souverain, à cheval, fait le tour de la ville, salue ses sujets, puis rejoint le château. Lorsqu'à partir de 1939 la folie hégémonique du Grand Reich se déploie, le royaume miniature subit aussi l'invasion. Le vieux monarque voit s'amenuiser le sens de ce qui a constitué sa vie et celle de sa lignée, qui remonte loin dans les brumes du temps. Il courbe pourta... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (47) Voir plus Ajouter une critique
3,93

sur 138 notes
Boris Khazanov nous met la main sur l'épaule et nous pose une question en nous regardant droit dans les yeux. « Vous êtes capables de défiler par millions en brandissant à qui mieux mieux des écriteaux : JE SUIS CHARLIE. Mais seriez-vous capables de défiler tous comme un seul homme avec une étoile jaune sur la poitrine où l'on pourrait lire inscrit en typographie fraktur : JE SUIS JUIF ? »

Car elle est là, la vraie question. Y aurait-il eu toutes ces rafles si chacun avait apposé l'étoile de David lorsqu'il s'est agi d'étiqueter les Juifs comme du bétail pour en assurer la traçabilité ? L'auteur nous dresse le portrait d'un souverain imaginaire, Cédric X, d'un pays imaginaire — mais qui évoque fortement la légende associée au monarque Christian X du Danemark durant la seconde guerre mondiale.

Ce faisant, le royaume-confetti est envahi en bonne et due forme par l'armée surpuissante du Reich et soumet le roi Cédric X, de même que tout son peuple, à l'asservissement et au silence. Peu de heurts se font sentir car face à l'inégalité des forces en présence, le roi Cédric a l'intelligence de ravaler son orgueil et de faire en sorte que les envahisseurs soient apaisés afin d'épargner sa population.

Cependant, le bon roi Cédric X périra lamentablement, exterminé par les nazis d'Hitler pour la bonne et simple raison qu'au moment où ce dernier réclamera le port de l'étoile jaune pour tous les ressortissants juifs du royaume, le roi se montrera publiquement avec son épouse, l'un et l'autre sertis d'un soleil d'or à six branches sur la poitrine. Ce geste fort et symbolique sera ensuite relayé par la population dévouée à son brave souverain.

L'auteur reste flou sur le déroulement ultérieur de cette fiction, nous laissant entendre que ce geste sauvera les Juifs du royaume mais coûtera la vie au roi Cédric X. C'est très habilement fait de la part de Khazanov, l'écriture est mordante, ironique, satirique, parfois cynique sous des airs de relative bonhomie. Il y insert aussi un passage quelque peu étonnant où, le roi étant aussi un urologue réputé, Hitler en personne vient le consulter pour des problèmes d'érectilité difficile.

En fait, sous couvert de parler du IIIème Reich allemand, l'auteur nous évoque en définitive l'U.R.S.S. d'après-guerre, notamment des années 1960-1970, qui elle aussi brillait par un antisémitisme ambiant, un laisser-faire scandaleux alors même que beaucoup des pères de la Révolution d'Octobre étaient pourtant des Juifs. En somme, une forme d'ingratitude comparable à celle d'Hitler trucidant Cédric X alors même qu'il était venu le consulter pour ses problèmes intimes.

Khazanov a raison, et plus que jamais, de dénoncer cette forme d'antisémitisme sournois qui consiste à se dédouaner sous prétexte qu'on n'est pas celui qui commet les actes antisémites. C'est effectivement un manque d'empathie et une cécité sélective qui affecte beaucoup de nos dirigeants, et de façon élargie, beaucoup d'entre-nous. Les événements récents prouvent, s'il en était besoin, que l'antisémitisme n'est pas éradiqué en France (comme à de nombreux endroits du monde, d'ailleurs) et que le sujet doit continuellement être remis sur la table. Tant que la situation ne sera pas devenue acceptable, elle ne doit pas être acceptée et un ouvrage comme L'Heure du Roi nous invite et nous enjoint à rester vigilants.

La communauté juive a mille fois raison de braquer les projecteurs sur cette situation et de dénoncer tant le manque d'empathie que cette cécité sélective. Honte à nous si nous ne parvenons pas à endiguer, dans un premier temps, puis à éradiquer, dans un second temps cette tendance nouvelle resurgie du fond des âges qu'est l'antisémitisme.

Mais ceci étant dit, permettez-moi d'insister aussi sur le fait que quand on parle de braquer les projecteurs, de manque d'empathie et de cécité sélective, cela doit concerner tout et tout le monde et pas seulement la communauté juive. À ma connaissance, il n'y a jamais eu, dans l'histoire contemporaine d'après-guerre, période à laquelle écrivit Khazanov (L'Heure du Roi fut publiée sous le manteau en Israël en 1976 après avoir été écrite, vraisemblablement à la fin des années 1960) de soulèvement d'importance et de prise de position massive de la communauté juive pour réclamer la fin de la ségrégation des Afro-Américains aux États-Unis dans les années 1950-1960, par exemple. Je n'ai jamais entendu parler de soulèvement massif de la communauté juive pour dénoncer et concourir à mettre fin aux discriminations raciales aux plus belles heures de l'apartheid à SOWETO.

(Un article du Monde Diplomatique de décembre 2017, " Lente progression d'Israël en Afrique " affirme même qu'Israël a soutenu l'Afrique du Sud de l'apartheid contre l'ANC de Nelson Mandela, qu'elle importait des diamants alors que le pays était officiellement sous embargo international pour cause d'apartheid, preuve d'un degré d'empathie que je qualifierais d'assez faible de la part de la communauté juive d'Israël vis-à-vis des populations noires opprimées dans les années 1970.)

Et je ne parle même pas de la faible mobilisation mondiale pour dénoncer ce qui, d'après toutes les définitions que j'ai pu consulter, doit et devrait s'appeler un authentique ghetto, à savoir… Gaza. Comment la communauté juive, après ce qu'elle a souffert et subi durant des siècles, peut-elle infliger sans honte un tel traitement aux Palestiniens ? Ça me dépasse, no comment. Il y a vraiment à désespérer de l'humain.

Toujours à titre d'exemple parmi beaucoup d'autres, j'aurais aimé qu'il incombe à un autre que Spike Lee de faire un film sur Malcolm X et la condition noire aux USA, un blanc peut-être, et pourquoi pas un Juif ? J'aurais aimé que d'autres, à la fin de ce film notamment, d'autres que des petits noirs sud-africains accompagnés de Nelson Mandela disent en choeur : « Je suis Malcolm X. » À sa façon, Spike Lee a fait pour la communauté noire ce que Boris Khazanov a fait pour la communauté juive et c'est ça qui me rend triste. Est-ce donc toujours un membre issu de la communauté en question qui doive soulever les problèmes et dénoncer nos manques d'empathie et notre cécité sélective ? (Je suis d'autant plus admirative de John Stuart Mill qui a eu le courage, l'audace et l'humanisme d'écrire L'Asservissement des Femmes alors que tous les échelons des divers pouvoirs étaient rigoureusement réservés aux seuls hommes.)

Comment se fait-il qu'en France, tous les mois ou à peu près, on nous diffuse sur les ondes un documentaire sur la Shoah ou la rafle du Vél d'Hiv et que dans le même temps les mêmes ondes restent curieusement muettes sur les massacres perpétrés par les Français en Algérie à Sétif, Guelma et Kherrata ? Comment se fait-il qu'on parle tant de l'un et si peu de l'autre ? si peu du génocide arménien ? si peu du génocide cambodgien perpétré par les Khmers rouges ? Est-ce imputable à la sur-représentativité de la communauté juive dans les métiers de la communication et les média français ?

Qui parle de la ségrégation raciale actuelle des populations noires de Colombie, parquées sur les côtes (surtout le Chocó) dans des conditions de vie déplorables, à pêcher misérablement comme pouvait le faire le héros du Vieil Homme Et La Mer d'Hemingway, alors que dans le même temps, Bogotá, peuplée essentiellement de blancs ou de populations métissées amérindiennes vit à l'heure des hautes technologies avec un revenu moyen incomparablement supérieur ? Qui le dénonce ? Qui s'en soucie ? La communauté juive pas plus qu'une autre et ce n'est qu'un malheureux exemple pris parmi des centaines et des centaines d'autres.

Donc, oui, l'on a raison de braquer les projecteurs et de souligner tant le manque d'empathie que la cécité sélective d'une partie de la population sur le drame qu'en vit une autre, mais si l'on braque les projecteurs, par soucis d'équité et de prise en comptes des problèmes de toutes les communautés, qu'on les braque simultanément dans toutes les directions et pas seulement sur son propre giron. Il n'y a pas de discrimination ou de xénophobie plus scandaleuses que d'autres. Au moins une fois il y aura une vraie équité entre communautés : ces discriminations et xénophobies sont toutes aussi écoeurantes les unes que les autres.

Les statistiques de la discrimination à l'embauche des moins de 25 ans publiées ce mois-ci en France l'attestent et le prouvent une fois encore. Donc lisons Khazanov et tirons-en des conclusions générales pour l'ensemble de l'humanité et pas seulement concernant la seule communauté juive. Mais bien évidemment, ceci n'est qu'un avis, non communautariste, c'est-à-dire bien peu de chose par les temps qui courent…
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Court roman au destin incroyable (postface très éclairante de sa traductrice, Elena Balzamo), mélange de satire historique et sociale, au délicieux ton moqueur, ouvertement facétieux sans cacher les réflexions politiques universelles qu'il soulève.

Des images du poste frontière digne de la Bordurie (ou de la Syldavie, au choix), aux descriptions du régiment de cavalerie ridiculement héroïque, en passant par son esquisse d'un Pays Balte, ou pourquoi pas de la Courlande, ce livre m'évoque en version succincte le merveilleux « Banquet en Blithuanie » de Miroslav Krleza.

Hitler et ses problèmes pour urologue… jusqu'à son éblouissante conclusion… nous remplissant les yeux d'étoiles de toutes les couleurs.

Et comme pour chaque livre de cette précieuse éditrice, Viviane Hamy (les hongrois en savent quelque chose), je tiens à remercier Fred Vargas des richesses qu'elle permet !
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Ce court roman est un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) : écrit comme une fable intemporelle, et pourtant doublement ancré dans l'Histoire de notre temps - celle à laquelle il emprunte cet épisode remontant au printemps 1942, plus ou moins inspiré par le personnage réel du roi du Danemark Christian X, et l'histoire de l'auteur, dissident russe, dont on se passait le livre sous le manteau, mais qui ne fut jamais publié dans son pays. La traductrice l'explique bien dans la postface.

J'ai rapidement pensé au Danemark à l'évocation de ce petit royaume inutile, figé dans le froid et dans ses traditions séculaires, qui avait gardé une position neutre à l'égard du Reich (cherchant à éviter le sort de la Pologne). L'auteur mentionne le château d'Elseneur, et chez moi, ça a fait tilt : Royaume du Danemark, Hamlet. Il y a donc bien un roi du Danemark, mort en 1947, à qui l'on prête des faits de résistance aux Nazis, notamment cette légende - dont on sait pertinemment qu'elle en fut une - du Roi se promenant avec l'étoile juive fixée à ses vêtements. Il avait également l'habitude de cette promenade à cheval à heure fixe, l'"heure du roi" dans le roman.

Dès le début du roman, nous assistons de l'extérieur, sur un ton considérablement détaché, froid, chirurgical, à l'entrée des Nazis au Danemark, et à l'instauration du régime "concentrationnaire" de surveillance généralisée et de perte des libertés ; le tout donnant lieu à d'intéressantes réflexions sur l'acceptation insensible par les citoyens de la perte totale de leurs libertés, sous couvert de ne pas trop perdre de leur confort de vie (ce qu'ils croient). On se doute que, si le roman vise le IIIe Reich et Hitler nommément, le regard du lecteur ne peut que se tourner plus à l'Est, surtout à la fin des années 70. C'est une dénonciation de TOUS les mécanismes totalitaires, mais aussi de la résignation des masses, du renoncement aux moments décisifs où l'on pourrait encore dire non, quoique l'inutilité de certaines résistances soit également posée, surtout lorsqu'elle peut engendrer des représailles brutales sur la population qui n'en peut mais. Cela revient parfois, comme dit l'auteur, à se frapper la tête contre un mur (ce qui ne fait pas tomber le mur) ; il faut dès lors peser le pour et le contre et agir selon sa responsabilité.

Ainsi, comment le roi Cédric X, âgé de 70 ans, vit-il cette invasion, et ce rôle de marionnette qui lui est laissé comme une aumône ? Comment concilie-t-il sa véritable passion, la chirurgie, et l'exercice d'un pouvoir fantôme ? Que faire, lorsque ce pouvoir délirant des Nazis, et l'auteur ne mâche pas ses mots lorsqu'il en démonte les rouages, commence à mettre en oeuvre l'extermination de l'ennemi désigné, car ennemi il faut à ce type de pouvoir (et là, on pensera à la fable d'Orwell, La Ferme des animaux) ? Il me semble que le roman prend sa pleine densité à partir de ce moment, et lorsque des cauchemars ou des péripéties presque oniriques atteignent le souverain dans sa vie quotidienne, provoquant une remise en cause du monde réel, comme des bouffées délirantes exhalées de l'antre d'un monstre.

J'ai été en tout surprise par ce texte : d'abord, pour tout dire, je m'attendais complètement à autre chose : je croyais avoir affaire à un roman sur les échecs ! Ensuite, j'ai été dérangée par le ton clinique de cette oeuvre, ainsi que par le statut indistinct de l'auteur, dont on ne sait trop s'il se pose en témoin ou mémorialiste de cette histoire ; je n'arrivais pas à déterminer s'il s'agissait d'une fable purement fictive ou de réels faits historiques. J'ai oscillé entre l'impression de me trouver face à un morceau de bravoure digne d'un génie, et une certaine déception face à des creux moins réussis - ici je pourrais citer la paraphrase ou le pastiche de la propagande nazie anti-juive. Toutefois, d'une certaine manière, le récit parvient à une épure tranchante, et atteint la qualité d'un roman de Kafka, de par l'absurdité des situations. Il apparaît évident que le fil rouge de ce roman est le personnage de Don Quichotte, maintes fois évoqué derrière la silhouette dégingandée et quelque peu ridicule de Cédric X, et sa révolte inutile contre les géants. Mais ne vaut-elle pas mieux qu'une soumission triste ?

Je note ce livre 4,5/5 pour sa portée, et pour son utilité dans les heures politiques que nous traversons, je ne ferai pas de dessin...
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L'Heure du roi a été écrit dans les années 60, publié en 1977 dans une revue israélienne et a longtemps circulé clandestinement en URSS. Il n'a été publié en français qu'en 2005.
L'armée du Reich envahit implacablement un petit royaume tout droit sorti d'un conte de fée. le roi Cédric grand comme Gulliver et maigre comme Don Quichotte semble s'accommoder de son impuissance...
Je n'ai pas été enthousiasmée par la qualité littéraire de l'ouvrage. La construction est foutraque. le récit commence comme un conte parodique où la cruauté bien réaliste écrase l'idéalisme suranné. Mais ensuite le fil du récit est coupé par des leçons philosophiques pédantes et ennuyeuses. L'épisode de la consultation d'Hitler ne m'a pas non plus éblouie par sa finesse. Quant à l'heure du roi, qui se sera bien fait attendre, elle m'apparaît davantage comme le sursaut d'orgueil d'un vieux monsieur fatigué qui n'a pas grand chose à perdre plutôt que l'acte sublime d'un homme libre.
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Boris Khazanov nous offre avec L'Heure du roi un court roman philosophique, parfaitement construit, où affleure une ironie souvent légère, mais qui se fait parfois plus grave. Son style est d'une grande limpidité et son écriture est élégante et désuète à l'image du royaume imaginaire qu'il décrit, aux moeurs anachroniques. Ce pays improbable est brusquement arraché à ses traditions surannées et à son mode de vie paisible par la faute de l'invasion nazie, aussi brutale que prévisible. Les nouveaux maîtres imposent leurs lois d'airain, pillant sans vergogne les principales ressources du pays vaincu. Une fois la stupeur passée, et après quelques actes de bravoure sans résultat mais férocement réprimés, les habitants du petit royaume et leur souverain se résignent à leur sort, pliant sous le joug sans jamais céder. Mais sous ses airs débonnaires, le vieux roi Cédric, aimé et respecté par ses sujets, autant qu'il les aime lui-même, va alors commettre un acte insensé, en flagrante contradiction avec son habituelle prudence…
La force de ce livre réside d'abord dans la description de l'incompatibilité absolue entre vainqueurs et vaincus. On en trouve un exemple savoureux dans le dialogue entre le conservateur de la bibliothèque royale et un officier nazi. Dans le magnifique chapitre 8, l'auteur déconstruit l'essence mythique du régime nazi qui ne peut prospérer que sur la peur et le mensonge. Mais son propos ne se limite évidemment pas à cela, comme l'illustrent les citations en exergue, celle de Camus notamment. La responsabilité collective est un leurre, seule existe la responsabilité individuelle. « le cours des événements, pas plus que la trajectoire des astres, ne dépend de personne, bien sûr. Sommes-nous pour autant impuissants devant cet ultimatum perpétuel ? L'impuissance nous décharge de notre responsabilité, mais envers qui ? Envers les autres, mais nullement envers nous-mêmes. » Faut-il respecter les lois ? Oui, sauf lorsque notre conscience morale nous impose de résister à des lois inhumaines, et même si les actes accomplis à cette occasion semblent dérisoires ou ridicules.
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Citations et extraits (80) Voir plus Ajouter une citation
Dans cet article […] les lecteurs reconnurent sans peine le style flamboyant du célèbre penseur du Reich, Ulrich Lohe — qu'on appelait la " conscience du siècle " —, à l'époque général SS et directeur adjoint du Département des Recherches Théoriques au Service Principal de Sécurité.
« Cet effondrement, continuait Ulrich Lohe, était rendu inéluctable par les dix siècles de son histoire. Les fameuses Écritures — à la fois histoire de cette nation et credo par lequel (par e biais du Tout-Puissant) elle se proclame le peuple élu —, la peignent telle qu'elle est : un peuple élu de criminels, car il s'agit là d'une suite interminable de meurtres, de fraudes et d'incestes.
N'importe quelle autre lecture alternative de la Bible l'accablerait tout autant, car même si ce peuple y avait inscrit les commandements du bien (comme l'affirment ses avocats), il a été le premier à les violer. La malédiction qui le frappe consiste, entre autres, en ce que tout parle contre lui : aussi bien les preuves d'accusation que leur réfutation. Qu'on prouve cela ou son contraire, ce peuple, ce peuple n'en reste pas moins coupable.
Coupable du crime contre l'humanité pour avoir tué son messie Jésus-Christ mais également pour avoir fondé et propagé la christianisme. Coupable aussi bien du point de vue des chrétiens que de celui des athées. Souillé par le sang de l'Homme Dieu, il porte la responsabilité de l'avoir engendré tout autant que celle de sa non-existence, si cette non-existence est un jour démontrée. En fin de compte, la malédiction qui pèse sur lui consiste précisément en ce qu'il est coupable du fait même qu'il peuple la terre.
Après sa déchéance, il s'est infiltré parmi les nations pour y semer des graines de déclin et de décomposition, entreprise qui aurait réussi si les peuples nordiques ne l'avaient déjouée à temps. Ils ont percé à jour ces étrangers, vifs, rusés, débrouillards, extraordinairement vivaces, prodigieusement prolifiques, bien que physiquement débiles, avec leur front fuyant et dégénéré, leurs yeux fureteurs, leur long nez crochu ; ces individus enclins à la schizophrénie, au diabète, aux maladies des pieds et à la syphilis. Les jeunes nations européennes ont pris des mesures : en moins de deux cents ans, entre le début du XIVe siècle et 1497, ce peuple a été chassé d'Allemagne, de France, d'Espagne et du Portugal.
Pour une seconde fois, il fut alors possible de s'en débarrasser pour toujours, mais les nations n'ont pas profité de l'occasion. Grâce à leur débrouillardise congénitale, les Juifs ont vite rattrapé le temps perdu. Avec une énergie formidable, ils se sont mis à nuire partout où ils le pouvaient, en militant pour le progrès bourgeois, pour la démocratie, tout en consolidant leur puissance financière. Ils ont mis la main sur le commerce et les crédits : avec une perfidie bien calculée, ils se sont infiltrés dans la médecine, ont instauré le monopole sur les métiers et gagné la confiance des grands par leurs conseils pernicieux. À qui, sinon aux ploutocrates juifs, faut-il demander les comptes des malheurs qui ont frappé l'Europe et les reste du monde durant ces derniers siècles ? Dans les ténèbres de leurs synagogues, ils célébraient leurs triomphes ; dans leur joie vengeresse, ils communiaient avec l'hostie préparée, comme cela a été démontré d'une façon irréfutable au XIIe siècle déjà, avec le sang des enfants innocents.
Parmi les conséquences les plus néfastes du progrès bourgeois libéral, il faut compter les droits civiques accordés aux Juifs d'abord en Amérique, ensuite en France lors de la Révolution bourgeoise que les Juifs eux-mêmes avaient inspirée. Ce qui eut pour conséquence l' "enjuivement" radical des nations en question. Progressivement, partout en Europe, les Juifs s'emparèrent des droits civiques, en sorte qu'au début de notre siècle, deux pays seulement conservaient le sain instinct de l'autodéfense : la Russie et la Roumanie, même si par ailleurs, cette dernière n'est pas irréprochable…
Le résultat de tout cela fut une "assimilation apparente " des Juifs. La capacité de se faire passer pour des gens ordinaires figure parmi les traits les plus dangereux du mimétisme judaïque. Cependant, la "substance" du peuple juif n'a pas changé. Ni dissoute ni modifiée, elle a conservé intacte sa force funeste, comme le montre l'exemple de la pseudo-révolution bolchevique dont les chefs principaux étaient, comme on le sait, tous des Juifs.
Aujourd'hui, les nations ont de nouveau une chance d'accomplir leur tâche historique et de secouer le joug juif. Les modalités de cette tâche ont pu être définies avec précision grâce aux découvertes de la génétique. La grande révolution national-socialiste de février a indiqué le chemin à suivre. La conscience révolutionnaire des nations, l'humanité progressiste tout entière ne peuvent plus supporter la domination du capital ploutocratique juif, ni le complot international sioniste. "Prolétaires de tous les pays, réunissez-vous pour la lutte contre la juiverie." Les peuples demandent d'en finir avec l'ennemi juré du genre humain, le sionisme mondial. Les peuples demandent d'en finir avec l'oppression. "Samuel, va-t-en !" disent-ils avec fermeté. "Rebecca, fais tes valises !" »

Chapitre 15.
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Depuis l’époque de Numa Pompilius, la coutume de prévenir l’ennemi avant de l’attaquer paraissait tellement aller de soi que nul n’a jamais songé combien il serait plus simple et plus commode de s’approcher par-derrière, à pas de loup, et, sans interpeller la victime, de se jeter sur elle et de la saisir par la gorge. Une telle stratégie ne pouvait naître que dans un pays sortant de la tempête purificatrice de la révolution nationale-socialiste. Cependant, à l’époque où le chancelier et le Führer de la nation allemande signa l’ordre d’investir le minuscule pays dont il sera question dans ce récit, ledit pays n’était plus que la huitième ou la neuvième acquisition du Reich, et la stratégie du silencieux Blitzkrieg avait déjà perdu de sa nouveauté. Comme lors des campagnes précédentes, l’invasion se déroula sans surprise pour le commandement, en stricte conformité avec le plan. Il serait inutile de décrire l’opération tout entière ; contentons-nous de résumer les étapes de l’offensive principale. Vers cinq heures du matin, une colonne de motards apparut sur la voie menant au poste frontière. Ils roulaient en première, quatre par quatre, les mains collées au guidon, suivis d’énormes véhicules blindés
tonitruants, qui avançaient en creusant des trous dans la chaussée ; derrière eux, une limousine transportait le guerrier en chef , alors que les officiers de l’état-major fermaient la marche,doucement brinquebalés dans leurs voitures. Cela surgissait du brouillard comme engendré par le néant. Le poste frontière : deux poteaux reliés par une barre transversale. À côté de la route se dressait une maisonnette en brique à un étage. Lorsque le premier quatuor, dont les casques gris vert évoquaient des pots de chambre renversés, eut atteint le passage à niveau, le garde frontière en costume d’opérette, debout à côté de la manivelle, n’eut aucune réaction : majestueux, une hallebarde à la main, svelte et immobile comme sur une carte postale, il fixait l’horizon d’un regard exalté et limpide. Un sous-officier dut descendre pour actionner lui-même la manivelle. La barrière bariolée remonta avec un grincement, mais, à mi-chemin, se coinça — et le sous-officier, éructant, jurant, secoua la poignée de la machine rouillée dans tous les sens. Un retard menaçait de compromettre le déroulement impeccable de l’opération minutée avec précision.
Un adolescent de dix-huit ans, chef du poste frontière, apparut sur le seuil de la maison en brique ; il bâillait voluptueusement, frissonnant dans la fraîcheur matinale. La brume enveloppait les collines ; dans les branches emperlées de rosée des taillis bleuâtres, les oiseaux commençaient à peine à se réveiller. Le blaireau sortait de sa tanière, les yeux exorbités, pleins de sommeil. Le chef adolescent dévisagea cette armée d’un air maussade, en se demandant si ce n’était pas un rêve ; puis, avec le flegme de celui qu’on a tiré de son lit, défit lentement son étui. Il resta étendu devant la maison ; la casquette surmontée d’un monogramme traînait par terre ; le vent jouait dans sa chevelure dorée. Un coup de pied entre les jambes ramena à la raison le garde frontière, qui se tenait toujours, cloué sur place, à côté du passage à niveau, alors qu’un coup de crosse faisait voler son arme postiche. Pendant ce temps, un soldat coiffé d’un pot de chambre vert grimpait sur le toit e t arrachait du mât l’étendard du pays, ce qui lui vaudrait une décoration. Et tout l’espace fut couvert de poussière et de fracas.
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Comme lors des campagnes précédentes, l'invasion se déroula sans surprise pour le commandement, en stricte conformité avec le plan. […] Vers cinq heures du matin, une colonne de motards apparut sur la voie menant au poste frontière. Ils roulaient en première, quatre par quatre, les mains collées au guidon, suivis d'énormes véhicules blindés tonitruants, qui avançaient en creusant des trous dans la chaussée ; derrière eux, une limousine transportait le guerrier en chef, alors que les officiers de l'état-major fermaient la marche, doucement brinquebalés dans leurs voitures. Cela surgissait du brouillard comme engendré par le néant. Le poste frontière : deux poteaux reliés par une barre transversale. À côté de la route se dressait une maisonnette en brique à un étage. Lorsque le premier quatuor, dont les casques gris-vert évoquaient des pots de chambre renversés, eut atteint le passage à niveau, le garde-frontière en costume d'opérette, debout à côté de la manivelle, n'eut aucune réaction : majestueux, une hallebarde à la main, svelte et immobile comme sur une carte postale, il fixait l'horizon d'un regard exalté et limpide. Un sous-officier dut descendre pour actionner lui-même la manivelle. La barrière colorée remonta avec un grincement mais, à mi-chemin, se coinça, et le sous-officier, éructant, jurant, secoua la poignée de la machine rouillée dans tous les sens. Un retard menaçait de compromettre le déroulement impeccable de l'opération minutée avec précision.

Chapitre 1.
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Du point de vue d'un être humain, l'affaire relevait de l'absurde. La répugnance et la tristesse que fit naître l'identification avec un pays enfant renversé d'un coup de poing par un bandit plongèrent Cédric non dans le désespoir, mais dans un état connu des malades mentaux : le sentiment d'irréalité. Comme s'il n'avait été jusqu'à présent qu'un spectateur, confortablement installé dans son fauteuil, fixant la scène où l'on représentait la pièce d'un écrivain d'avant-garde devenu fou : subitement, les comédiens descendent des tréteaux, un pistolet dans chaque main, et dévalisent le public. Or, incontestablement, le spectacle absurde dont le souffle naissait précisément de son invraisemblance totale, n'était pas une mystification, ni du délire, ni une fiction littéraire, mais la vraie réalité.

Chapitre 4.
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"L'Heure du roi", ou l'invasion nazie dans un petit pays qui vit encore à l'époque des chevaliers et des conséquences inattendues
Une barrière qui se lève, une simple formalité, et l'improbable royauté perdue à l'Est du IIIe Reich est annexée. Avec l’invasion nazie, c’est l’Histoire qui pénètre par effraction dans ce petit royaume d’Europe, « pays confit dans son histoire fantomatique de conte de fées », où Boris Khazanov, écrivain russe qui a connu les camps soviétiques, situe l’action de son Heure du roi. Pays qui vit encore à une époque chevaleresque où la garde meurt mais ne se rend pas et qu’illustre, par exemple, le sacrifice inutile des jeunes membres de la cavalerie d’élite. Résistance pathétique inspirée par un sens de l’honneur anachronique, actes irréfléchis de « gamins » qui se croient personnages de fiction.

Les nazis n’ont pas envahi un pays, ils ont soumis à leur réalité, à leur mythe, une légende ou « règne » un monarque de folklore, plus chirurgien (qui consulte en son cabinet son bon peuple malade) que roi, vieux, malade et craintif dont la seule activité « politique » est ce rituel de promenade qu’il effectue tous les dimanches à midi sonnante. Les sujets de Cédrix X viennent assister au tour de ville du roi, comme ces foules de touristes s’agglutinent à heure fixe sur le parvis des beffrois et des cathédrales d’Europe centrale pour assister au spectacle des carillons et des statuettes qui font leur petit tour, ponctuels depuis des siècles.

Le seul fait remarquable pendant les six premiers mois de l’occupation sera l’arrêt de cette promenade dominicale.

Avec beaucoup de délicatesse, dans un style où affleure parfois une très fine ironie, Khazanov va alors à travers ce royaume minuscule et son roi, dresser un portrait condensé de la « vieille Europe » et de ses souverains — et de leurs attitudes — pendant la Seconde guerre mondiale. Une Europe qu’il décrit comme un monde qui se rêve, qui face à la réalité nazie ne trouve aucune réponse dans ses vieilles légendes, ni dans ses traditions. Un roi qui plonge « non pas dans le désespoir, mais dans un état connu des malades mentaux : le sentiment d’irréalité. […] Or, incontestablement, le spectacle absurde dont le souffle naissait précisément de son invraisemblance totale, n’était pas une mystification, ni du délire, ni une fiction littéraire, mais la vraie réalité. » Voilà où a résidé le drame de la vieille Europe nous dit Khazanov, ce fut dans son incapacité à prendre conscience de la réalité du nazisme, de ne pas avoir voulu y croire. Tout y est : les petits actes de résistance, la soumission contrainte et forcée du pouvoir, le rappel à l’ordre jusqu’à la franche collaboration : en fait, l’impossibilité de se fixer une ligne claire et assumée face à un pouvoir dont la seule vérité est… le mensonge.

Il n’accable pas franchement cette vieille Europe. C’est le conte de fées confronté au mythe. Et le conte de fées n’y résiste pas : « le mystère suprême du Reich consistait en ce que tout entier, de la base jusqu’au sommet, l’ordre était imprégné de mythe. Plus exactement, il n’était lui-même qu’un mythe concrétisé, ésotérique et universel, au point d’embrasser tous les domaines de l’existence ; il offrait des réponses définitives à toutes les questions ». Que peut, en effet, le folklore face à cette force « délirante » ? Rien pourrait-on dire. Ne fallut-il pas que d’autres mythes naissants, le soviétique et l’américain, se dressent face à lui pour que le nazisme succombe. Seul le mythe peut vaincre le mythe.

Pourtant, Khazanov croit, citant Spinoza, qu’il est une autre force qui peut s’élever : « La ténacité dont l’homme fait preuve pour défendre son existence est limitée et largement inférieure à la violence des circonstances extérieures. Pourtant, le choix du pavillon qu’arbore le navire qui sombre nous revient. » Contre le mythe dévastateur, qui domine la masse, le roi va présenter sa seule conscience individuelle, sa condition de simple mortel. Un cauchemar dans lequel il verra sa mort et son arrivée au paradis, duquel on lui refuse l’entrée, est peut-être la cause de l’acte qu’il commettra à la fin du livre. Décisive peut-être aussi cette convocation de Hitler en personne qui désire soumettre à l’autorité médicale que représente le roi, son problème d’impuissance sexuelle. Il rencontrera là, non pas le Führer mais un être sans envergure, une fois dépouillé du mythe et de ses vêtements. Un simple mortel comme lui.

Cédric X va décider de monter sur scène pour prendre un rôle dans la pièce lugubre et tragique qui se jouait sans lui jusque-là. Il va commettre un acte fou – qu’il faut opposer au délire en ce sens que l’acte fou est maîtrisé est n’est fou que dans l’oubli des conséquences – du monarque (qu’on laisse le lecteur découvrir lui-même). Un acte digne d’un Don Quichotte nourrit de lectures chevaleresques comme le roi et son royaume sont nourris de traditions mortes, un acte d’espoir inspiré par la désespérance la plus profonde. Mais, que reste-t-il à un monde soudainement plongé dans le mythe dévorant et despote qui tient lieu et place de réalité ? Sinon, ce plongeon dans la fiction, dans la littérature que fait le roi se fondant ainsi avec les « caricatures qui le représentaient, grand comme Gulliver et maigre comme Don Quichotte », « un cavalier monté sur un cheval blanc dont la lignée remontait à la glorieuse Rossinante. ». Pour sortir du mythe, pour vaincre « les lois du monde concentrationnaire [et celles] […] de la soumission générale », un seul recours pour l’homme désarmé : s’emparer du pouvoir immense et ridicule de la littérature pour retarder, ne serait-ce qu’une seconde, le train de la réalité.


Philippe Menestret

http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/roman/review/1797717-l-heure-du-roi-ou-l-invasion-nazie-dans-un-petit-pays-qui-vit-encore-a-l-epoque-des-chevaliers-et-de
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