Je suis très énervé contre ce livre qui porte un titre emprunté à
Maurice Blanchot, énervé à cause de son sous-titre : « Méthode pour l'atelier d'écriture ». Ou il y a équivoque sur le sens du terme « méthode », ou bien je suis trop idiot pour comprendre de quelle manière cela serait une méthode, ou enfin il y a franchement tromperie sur la marchandise. Depuis le début des années 1990,
François Bon, écrivain, se consacre aux ateliers d'écriture à vocation littéraire auprès de publics très variés. Une méthode pour l'atelier d'écriture (littéraire), me semble-t-il, devrait a minima contenir l'énoncé des thématiques (s'il y en a) que l'animateur aborde durant les séances (avec ou sans progression, à expliciter), les textes littéraires dont il se sert et la manière de les utiliser, l'indication des propositions et modalités d'écriture (cadre, durées, contraintes éventuelles, possibles inducteurs intermédiaires et/ou complémentaires, etc.), les règles relatives au partage (lecture) et aux retours sur les écrits (finalités, formes,
limites, etc.), et enfin, si possible, quelques exemple de textes dont ces dispositifs ont permis la production en groupe. Il ne s'agit pas là de « transposer des recettes », qu'il soit bien clair, et un animateur-lecteur du livre qui s'approprierait ces « recettes » telles quelles sans citer son inventeur serait tout simplement coupable de plagiat, comme pour n'importe quelle oeuvre de l'esprit – c'est la loi. Mais que Bon s'ingénie à brouiller délibérément les pistes, à occulter ses dispositifs, à placer dans le désordre les textes littéraires, leur apparente raison d'être (ex. un discours sur le visage...) et le commentaire afférent (… suivi d'un commentaire sur la ponctuation), (un chapitre sur « les trajets, la ville », comportant l'énoncé d'une contrainte sur la syntaxe (p. 59)), à partager avec une extrême parcimonie (euphémisme!) les productions des participants, en obscure consonance voire en claire dissonance avec les textes d'auteurs adjacents... tout cela a eu pour conséquence de m'agacer démesurément. Nous ne saurons du cadre que la circonstance – que je trouve critiquable – que
François Bon refuse d'écrire en même temps que les participants. Il n'y a qu'à se référer à la table des matières : un capharnaüm (même typographique) inouï, dans lequel aux chapitres, nommés « cercles », sauf un « Chapitre à part » (allez comprendre pourquoi celui-là n'est pas un cercle, peut-être est-il une ellipse!?) s'alternent des « hommages » : à
Georges Perec, à
Franz Kafka, à
Valère Novarina, à
Bernard-Marie Koltès. Et dans les « cercles » il y a des « variations », des italiques, des focus sur une oeuvre, un auteur, plusieurs auteurs en vis-à-vis...
J'avoue que si j'ai poursuivi jusqu'à son terme cette lecture exténuante, éprouvante pour mes nerfs irrités, ce n'est que pour la beauté et l'intérêt des fragments des auteurs, parfois classiques mais qui le plus souvent m'étaient totalement inconnus, surtout les poètes contemporains. Les rarissimes productions d'atelier étaient aussi souvent délicieuses. Et enfin, rares pépites laissé choir inopinément par Bon, j'ai profité de quelques considérations dont il a consenti à nous faire part sur les spécificités de l'écriture en atelier, sur lesquelles, au demeurant, je me trouve en accord avec lui. Si l'auteur éprouve autant de réserves à partager ses expériences, tout en ayant cependant l'envie ou l'ambition d'en publier un ouvrage, qu'il soit charitable, qu'il se
limite à compiler une anthologie des magnifiques morceaux qu'il utilise : nous comprendrons bien mieux sans son verbiage prétentieux les raisons de ses choix, et sauront en tirer notre propre nourriture.