« Je n'invente rien dans mes biographies. Je ne m'interdis pas le romanesque, mais je le tire de la vie de mes personnages. Je m'attache à leur magie. Je ne comble pas les vides qui sont inévitables pour le chercheur le plus appliqué et le plus aguerri. Je fuis les dialogues fictifs : quand les personnages parlent, ce sont les mots qu'ils ont prononcés ou écrits et dont j'ai retrouvé la trace. »
« le biographe se donne pour mission d'aller aussi loin que possible dans la découverte du personnage, dans son intimité profonde, cachée. Mais il demeure et demeurera toujours en deçà de l'inaccessible secret de chacun".
J'ai une attirance pour les biographies. Ce n'est pas du voyeurisme, enfin je ne le crois pas, ni le besoin de vivre par procuration, surement pas, mais c'est plutôt de l'intérêt pour les personnalités qui m'attirent, une façon de me les approprier, de pénétrer leur intimité, comme si je pouvais prétendre à faire partie de leur entourage. Je pousse une porte et je suis invitée à écouter, à partager le vécu comme l'inconnu même si cela n'est qu'illusoire.
Le risque d'une biographie, c'est qu'elle soit soporifique. Je garde un mauvais souvenir du
Victor Hugo d'
Alain Decaux alors que ce dernier était un passionnant conteur. Une biographie s'écrit avec le coeur, l'intellect vient au second plan pour ne pas faire barrage aux émotions.
L'enthousiasme, l'embrasement, doit présider au choix du personnage si l'on veut écrire son histoire. C'est ce que j'aime chez
Dominique Bona, son écriture regorge d'amour, d'intérêt, de passion pour ses sujets. C'est une « jusqu'au-boutiste dans sa quête». J'aime son écriture que je trouve d'une grande sensibilité, à fleur de texte pourrais-je dire. C'est avec un respect et un art subtil qu'elle pénètre l'intimité de ses personnages sans jamais tomber dans le grossier. Il y a un petit moment que je la lis et j'ai l'impression que nous sommes devenues amies au fil du temps de la lecture.
Dans «
Mes Vies Secrètes », outre une promenade et de beaux souvenirs dans le monde de l'édition, elle décrit parfaitement le travail titanesque d'un véritable biographe. Sa quête est assez impressionnante lorsque l'on mesure le temps et les démarches qu'elle consacre à ses sujets. Elle tient impérativement à rester au plus près de la vérité, ce qui lui demande une grande rigueur intellectuelle afin de ne pas se disperser, ceci au risque de perdre son lecteur. Mais que de moments intenses lui sont réservés lorsqu'elle fouille dans les boîtes à trésor d'où émerge toute une correspondance. Imaginez-vous tenir, entre vos mains, la lettre de
Berthe Morisot qu'elle a eu la force d'écrire à sa fille Julie avant de mourir !
Dominique Bona commence ses confidences avec une déclaration d'amour à
Romain Gary. IL ne m'en fallait pas plus pour me retrouver sous l'emprise de son écriture. Je la comprenais tellement. Nous étions sur la même longueur d'ondes une fois de plus.
Dominique Bona chemine, pas à pas, sur les itinéraires suivis par ses personnages. Elle se rend dans leur maison, leur appartement, dans tous les lieux qu'ils ont visités. Elle possède les qualités d'un fin limier, elle hume les odeurs du passé, elle s'en imprègne de ces effluves, un peu comme une émanation qui pourrait lui donner une indication, lui avouer un secret. Elle tire un fil d'une pelote de souvenirs tissée d'amitié, d'amours, de personnages rencontrés comme
Gala Dali qu'elle a connu à quinze ans à Cadaquès et elle s'aperçoit que tous ses sujets sont reliés entre eux, un peu comme une chaîne à travers le temps ou lorsqu'un ami vous présente un ami qui lui-même vous parle d'un autre ami.
Quand elle relate sa visite à Salzbourg, sur les pas de Zweig, ses déambulations et ses rencontres en font un récit poignant et éloquent. C'est la biographie de Zweig qui m'a révélé cette académicienne discrète. Elle s'était tellement glissée dans la peau de Zweig que j'avais eu l'impression qu'elle était devenue Zweig. La citation que j'ai mise en ligne est particulièrement évocatrice. Il en est de même du chapitre qui relate sa démarche quant à Camille et
Paul Claudel. C'est émouvant, douloureux. J'ai pensé à la maman de
Charles Juliet dans
Lambeaux.
Mais il y a des moments plus toniques, jouissifs comme les visites à
Clara Malraux.
En compagnie de
Dominique Bona, nous côtoyons du beau monde,
Paul Valéry,
Jean-Marie Rouart, Maurois, et tant d'autres.
J'ai eu le plaisir de lire certaines de ces biographies. de ce fait, «
Mes vies secrètes » a revêtu un attrait supplémentaire à mes yeux. J'ai pu ainsi m'immerger voire assister à la manière dont
Dominique Bona choisit, aborde, ses sujets, un peu comme une petite souris. Ma lecture n'en a été que plus attachante. Ce fut un agréable partage, une communion entre Dominique et moi dans la passion de la découverte de nos illustres semblables.
François Nourrissier « Dominique, la biographie…. C'est par là que vous nous livrez les secrets de votre coeur ».