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Paul Lequesne (Traducteur)
EAN : 9782253932543
158 pages
Le Livre de Poche (01/01/1996)
4.16/5   355 notes
Résumé :
Un jeune médecin réserviste envoyé par le gouvernement de Smolensk débarque à vingt-quatre ans dans un coin perdu dont il va diriger l'hôpital. Épouvanté à l'idée de devoir se lancer d'urgence dans une trachéotomie sur une fillette de trois ans, moins de deux mois après la fin de ses études, le jeune docteur se prépare avec des sueurs froides à pratiquer une intervention jamais réalisée.
II ouvre la gorge au bistouri, écarte les peaux, éponge un flot de sang ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (51) Voir plus Ajouter une critique
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"A qui n'a jamais parcouru en équipage les chemins de campagne perdus, je n'ai rien à raconter : de toute manière, il ne comprendrait pas."

Mikhaïl Boulgakov fut un grand écrivain.
"Le Maître et Marguerite" fait partie des meilleurs romans que je n'ai jamais lus ; il n'est en rien moins bien que "L'Idiot" de Dostoïevski, ou "Le Docteur Jivago" de Pasternak. Bref, Boulgakov avait un indiscutable talent littéraire, rehaussé encore par son sens enchanteur de la dérision et son doux cynisme. Ces "Carnets d'un jeune médecin" en sont une preuve supplémentaire. Peu importe qu'il s'agisse d'une oeuvre de jeunesse partiellement autobiographique (il exerça comme médecin au village de Nikolskoïe entre 1916 et 1917), peu importe notre propre expérience réduite sur les "chemins de campagne perdus"... on finit par "comprendre", car Boulgakov a le don d'installer l'atmosphère en deux phrases, saisir ses personnages en deux mots, et ce livre n'aurait pu que difficilement être meilleur qu'il ne l'est déjà.

Un brillant étudiant avec un diplôme encore frais en poche arrive à son premier poste. La gubernie de Smolensk n'est pas exactement un endroit qui regorge de confort à l'aube de la révolution bolchévique, surtout en hiver à -40°C. Aucune sensationnelle cabine de téléconsultation médicale à mille verstes à la ronde, et les babouchki et batiouchki du village sont encore obligés de consulter à l'ancienne, comme leurs pères et leurs grands-pères avant eux, en se rendant chez un médecin physique en chair et en os.
Le jeune docteur ne dispose pas d'électricité ni d'eau chaude, mais il trouve deux assistants fiables et une surprenante salle d'opération équipée de tous les instruments nécessaires... dont il n'a jamais vu la moitié. Ses patients ont davantage de confiance en un folklore pittoresque qu'en la science moderne, mais cela ne les empêche pas d'exiger des miracles de sa part. Il passe ses nuits à contempler des images des complications les plus fréquentes, en espérant s'en souvenir le moment donné, mais la réalité dépasse parfois ses pires cauchemars.
Et le lecteur se tient fidèlement à ses côtés : il sue pour trouver le bon diagnostic, ne croit pas ses yeux, tombe de fatigue, tremble de froid en se perdant dans une tempête de neige, feuillette fébrilement les livres de médecine en pleine opération... et ensuite admire son art et sa manière de procéder, et souvent aussi son grand coup de bol. On tente une intervention, dirigé inconsciemment par quelque sixième sens, et voilà que ça marche !
La tension montante de chaque récit (impossible de fermer le livre sans avoir fini le chapitre !) est en parfait équilibre avec les descriptions naturalistes, et l'humilité du jeune homme avec son sens de l'autodérision ; malgré la gravité de la situation, on est souvent obligé d'en rire.

Pour revenir au "doux cynisme" de ces histoires médicales, il suffit de regarder le titre de chaque chapitre. "La Serviette brodée d'un coq" fait référence au cadeau offert au médecin après une grave amputation, "Le Baptême de la version" parle d'un accouchement particulièrement coriace. "Le Gosier en acier" ne concerne nullement quelque infortuné avaleur de sabres, mais une trachéotomie, et, disons, dans "L'Éruption étoilée" on apprendra beaucoup de choses enrichissantes sur la syphilis. Une seule fois on a droit à un diagnostic erroné, car l'oeil de "L'oeil disparu" n'a pas vraiment disparu... mais je préfère ne plus y penser ! le contenu est joliment "naturaliste", et la scène est parfois décrite de façon plus tangible que vous ne le voudriez... c'est pour ces raisons que vous ressentirez sans arrêt des douleurs idoines. J'avais à tour de rôle mal au ventre (quand le docteur méditait sur l'hernie), au cou (quand le cou fut percé), aux yeux, aux dents... fichtre, ces dents, c'était vraiment quelque chose !
Et malgré tout, Boulgakov n'est certainement pas un "naturaliste". Il utilise un langage très sensible plein de belles métaphores et de fines tournures ; un portrait atmosphérique d'un petit hôpital dans le vent hurlant de la Russie glaciale. D'ailleurs, si vous le lisez, remarquez les motifs récurrents de la nuit, de l'obscurité, du froid... très intéressant !
Un récit de misère et de désespoir, mais aussi son contraire : de la foi optimiste en la valeur de l'homme et de la science, qui fait que le heureux hasard finit souvent par se tourner de notre côté.
Souvenirs très honnêtes des moments dont la plupart d'entre nous n'aimerait pas parler : panique, ignorance totale masquée par fanfaronnades, fierté démesurée ou abattement avec reproches. Si la dernière histoire ("Morphine") est basée sur l'expérience personnelle de l'addiction de Boulgakov, elle est d'autant plus captivante, même si je trouve qu'elle jure par son ton plus grave avec le reste du recueil.
Une sympathique lecture que je recommande à tous les futurs adeptes du serment d'Hippocrate, mais pas seulement. 5/5
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C'est toujours avec intérêt, et parfois avec jubilation, que j'ai découvert ces "Récits d'un jeune médecin", suivis dans mon édition de "Morphine" et d'un troisième texte sur la médecine de guerre.

J'ai lu dans une critique que les "Récits" manquaient par moments de ressort dans la narration. C'est vrai. Pour autant, ils ne manquent pas de réalisme, de finesse, d'autodérision ou de pittoresque ! Car c'est son propre vécu de tout jeune médecin dans un dispensaire isolé que raconte ici le tout jeune écrivain Boulgakov.

Et il ne nous cache rien : de sa première amputation faite en guignant en douce le manuel (puisqu'il n'a personne pour l'aiguiller, étant le seul médecin sur place !), à ses rodomontades passagères d'avoir su résoudre tous les cas difficiles (jusqu'à ce qu'il soit paralysé devant un innocent abcès !), il raconte ses doutes, ses difficultés, ses moments de ridicule ou de panache dans de courts textes.

Au passage, nous en apprenons beaucoup sur la fin de la Russie tsariste : la vie dans les campagnes reculées, les méthodes de soin pour les accouchements, les blessures ou la terrifiante syphilis, les superstitions, l'organisation de la médecine...

Le deuxième opus, "Morphine", m'a encore plus séduite, peut-être parce que l'écriture et la narration en sont plus travaillées. Le héros des "Récits" a désormais quitté son hôpital paumé pour rejoindre un grand hôpital d'une grande ville, où il vit beaucoup plus sereinement. Jusqu'à ce qu'il reçoive un courrier inquiétant de son remplaçant... Il découvre alors, et nous avec, l'univers qui a donné son titre à ce texte. C'est dérangeant, mais encore plus passionnant !

J'ai moins aimé le texte qui clôture le volume et évoque l'horreur de la médecine de guerre, car il m'a semblé abscons et un peu vain. Cela dit, pas étonnant après une telle expérience que Boulgakov se soit détourné de la médecine pour se consacrer à l'écriture. Et tant mieux pour nous, car il fait ça avec brio !

Challenge Petits plaisirs 26/xx
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Ces Récits racontent avec humour et autodérision les débuts d'un jeune médecin, envoyé en 1917 dans un petit hôpital de campagne de la Croix-Rouge, à Mourievo, province de Smolensk.

Un lieu où il va pratiquer, sans aucune expérience et livré à lui-même ou presque, toute la médecine (amputation, accouchements ou soins aux syphilitiques), se déplaçant dans la boue et le froid pour consulter ses malades, au plus profond d'une Russie arriérée, superstitieuse et fataliste.

On retrouve ce médecin dans Morphine, le second texte. Il s'est épanoui car il a quitté son hôpital reculé pour un autre en ville, mais une lettre de son successeur, devenu toxicomane, va le ramener indirectement à son point de départ. Un récit, sous la forme d'un journal intime, plus dramatique mais d'une puissance et d'une ampleur supérieures à celles du premier sujet.

Dans ces écrits, dont on ne peut oublier le caractère largement autobiographique, la vision de Mikhaïl Boulgakov d'une Russie parfois grotesque ou pathétique est, comme toujours avec lui, passionnante.


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Publié en 1994 par les éditions l'Age d'Homme les « Récits d'un jeune Médecin » Mikhaïl Boulgakov sont suivis de « Morphine » et « Les aventures singulières d'un docteur » réunis ici par la même thématique.

Ces « Récits d'un jeune médecin » sont autobiographique entre 1916 et 1917 Boulgakov exerça son métier de médecin dans une petite ville de Nikolskoïe (gouvernement de Smolensk)
Pour rejoindre son poste, en 1917, il parcourt nous dit-il 40 verstes en 24 heures en voiture à cheval, par un froid glacial ! Sa description nous ramène au voyage en 1890 de Tchekhov à travers la Russie ou à celui de Michel Strogoff dans sa Tarantass.
Dès la première page Boulgakov écrit : « j'avoue que dans un accès de faiblesse, je maudis tout bas copieusement la médecine et ma demande d'inscription déposée cinq ans plus tôt … » ton badin ténor au ventre replet (p 8) « Salut à toi re-e-fuge sa-a-cré… » Adieu, adieu, pour longtemps, théâtre Bolchoï, théâtre rouge et or, adieu Moscou… » le ton est donné !

Boulgakov nous livre dans sa verve caractéristique qui dégage humour et émotion, ses deux années de jeune médecin, 24 ans à peine, et fraîchement diplômé ! Il est nommé dans un village perdu, au fond de la Russie profonde et froide, avec ses hivers où le ciel et la terre se confondent et où les tempêtes de neige font rage, sortir pour visiter ses patients l'hiver est « une expédition polaire » souvent risquée. Boulgakov raconte ces premières expériences « d'Esculape », il y a comme un hiatus entre ses connaissances livresques et l'exercice de son métier. Il nous parle de ses terreurs, ses doutes dans ses diagnostics, il force même la « dose » avec un humour grinçant, une autodérision. Il doit aussi lutter contre les préjugés, les croyances et ignorances de ces contrées reculées.
On retrouve et c'est comique, les clichés conventionnels du fonctionnement d'un hôpital, l'infirmière expérimentée, dévouée et admiratrice qui vient en aide au jeune médecin, la lenteur de l'administration à répondre aux demandes… autant de petits détails, sûrement véridiques, mais qui m'ont fait sourire ! Boulgakov est agréable à lire son style et fluide, dans ces récits il est profondément humain, médecin à l'écoute et plein de compassion.

Morphine
Dans « Morphine » Boulgakov nous parle de toxicomanie à la morphine et à la cocaïne, il s'agit de drogues entraînant addiction, dépendance et accoutumance avec tous leurs cortèges d'effets nocifs : « Non ce n'est pas un « état mélancolique », mais une véritable mort lente qui s'empare du morphinomane sitôt que vous le privez de morphine, ne serait-ce qu'une heure ou deux. L'air ne suffit plus à respirer, il devient impossible de l'avaler… il n'est plus une cellule du corps qui n'ait soif… de quoi ? C'est chose impossible à définir à expliquer. Il est mis hors circuit. C'est un cadavre qui bouge, souffre et se morfond. Il ne désire rien, il ne pense à rien, excepté à la morphine. La morphine ! » Mais faut-il prendre ce récit au premier degré ? Dehors la révolution gronde, l'espoir s'éveille… En parallèle Poliakov, lui, recherche « son paradis » ! Dans son hôpital de campagne il est face à ses solitudes : l'exercice de ses fonctions, sa fuite devant son amour perdu et sa dépendance à la morphine. Sa course vers la mort est d'autant plus tragique.
Beau récit, beau témoignage !
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Années 20: Russie de la jeune révolution communiste.

Se désignant lui même comme un Esculape au sort funeste, un jeune médecin tout juste diplômé arrive en hiver 1917 dans son affectation rurale pour prendre en charge un hôpital.

Il a peu de temps pour être mort de peur à l'idée de son incompétence de terrain: sa première patiente nécessite une amputation!
Suivront des accouchements à risque, des avortements, des trachéotomies, des pleurésies purulentes, des brisures de membres...avec déplacements de nuit en tempêtes de neige sur des chemins impraticables. Et un véritable combat contre la syphilis, aux symptômes peu connus par la population, maladie discrètement ramenée du front.

"Châtiment des pères punis pour leur ignorance, elle retombait sur les enfants aux nez en forme de selles cosaques."

Son épuisement augmente avec sa réputation...il découvre la roublardise paysanne, l'obscurantisme campagnard des moujiks et leurs croyances d'un autre âge. Médicalement il en voit de toutes les couleurs, entre enthousiasme et découragement, et en une année c'est un apprentissage de son métier extrêmement formateur.

L'édition de poche sortie en 2014 est complétée par deux autres récits:
Morphine: récit autobiographique de la descente aux enfers d'un médecin morphinomane.
Les aventures singulières d'un docteur: sorte de journal de bord d'un médecin militaire pendant la guerre civile.

Et toujours chez Boulgakov, une écriture riche, vivante, imprégnée de la mélancolie de l'âme slave, un talent de conteur entre drame et grotesque.

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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
La tourmente sifflait comme une sorcière, hurlait, crachotait, s’esclaffait, tout avait disparu au diable et je ressentais un froid bien connu dans la région du plexus solaire à la pensée que nous perdrions notre chemin dans ces sataniques ténèbres tourbillonnantes et que nous y passerions tous, Pelagueïa Ivanovna, le cocher, les chevaux et moi.
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Non. Plus jamais, même en m'endormant, je ne marmonnerai orgueilleusement que rien ne saurait m'étonner. Que non. Une année a passé, une autre passera qui sera tout aussi riche de surprises que la première... Autrement dit, il faut humblement apprendre.
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Depuis longtemps déjà les gens intelligents ont noté que le bonheur c’est comme la santé : quand il est là, on ne s’en aperçoit pas. Mais que les années viennent à passer, et alors comme on s’en souvient du bonheur, oh, comme on s’en souvient !
[Incipit de Morphine]
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Près de la passerelle vermoulue s'éleva un léger cri plaintif qui vola pardessus le flot en crue, puis s'éteignit. Nous accourûmes et découvrîmes une femme hirsute qui se tordait sur le sol, la chevelure éparse. Son châle avait glissé, et ses cheveux collaient à son front trempé de sueur. Ses yeux se révulsaient sous la souffrance, et elle griffait de ses ongles la touloupe qu'elle portait sur elle. Un sang rouge vif poissait les premiers maigres brins d'herbe vert pâle qui perçaient la terre grasse imbibée d'eau...
Et, c'est là, sous le joyeux rugissement de l'eau qui jaillissait entre les piles du pont faites de rondins noircis, que Pélaguéïa et moi aidâmes à venir au monde un enfant de sexe masculin. Nous le fîmes vivant et nous sauvâmes la mère.
...
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Quelles difficultés incroyables ne me faut-il pas endurer. On peut m'amener n'importe quel cas insidieux ou complexe, relevant souvent de la chirurgie, je dois tourner vers lui mon visage, mon visage mal rasé, et le vaincre. Et, si je ne parviens pas à le vaincre, il ne me reste qu'à souffrir, comme en ce moment, alors qu'on me roule dans les ornières et que je laisse derrière moi le cadavre d'un bébé et sa mère.
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Vidéo de Mikhaïl Boulgakov
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Que faire quand on n'est plus libre de s'exprimer ? Quand des chefs politiques, tout en se déchirant pour le pouvoir, embrigadent, surveillent, intimident, déportent ou exécutent qui bon leur semble ? Réponse dans un roman sublime, un monument de la littérature russe.
« le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov, dans une nouvelle traduction d'André Marcowicz et Françoise Morvan, c'est aux éditions Inculte.
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