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EAN : 9782130750246
280 pages
Presses Universitaires de France (04/10/2017)
4.19/5   8 notes
Résumé :
Une étude sur la place de la sociologie dans la société, à la fois discipline indispensable et en même temps domaine pris en otage par des dérives intellectuelles.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Gérald Bronner et Etienne Géhin m'ont replongé dans le débat classico-théorique de la sociologie. La confrontation individu/société, causalité/rationnalité, holisme/individualisme méthodolotique, agent/acteur, … ne date pas d'hier. Déjà, au moment où j'abordais la discipline sociologique à la Sorbonne, au début des années 90, cette discipline universitaire traversait une crise d'identité scientifique. Mais, ce n'est pas tant ce point-là qui est évoqué dans ce livre, il s'agit plutôt, pour nos deux sociologues, de réinterroger l'approche et l'explication des faits sociaux. Pour cela, ils partent, sans surprise, d'Emile Durkheim. Pourquoi ? Parce que l'approche déterministe prend, d'une certaine manière, naissance avec les « Régles de la méthode sociologique »; ouvrage de référence pour tout sociologue qui applique la règle fondamentale et essentielle : « la cause déterminante d'un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents, et non parmi les états de la conscience individuelle » (Chapitre 1 des « Règles de la méthode sociologique »). Ainsi, Bronner et Géhin reprochent à Durkheim d'avoir sous-estimé les « généralités psychologiques » par méthodologisme, mais aussi son caractère indirectement idéologique, même s'ils ne le disent pas clairement, lorsque Durkheim analysait certains phénomènes comme le crime, le suicide ou encore les croyances religieuses. Or, pour nos deux auteurs, l'explication des phénomènes sociaux est à rechercher dans les raisons individuels qu'ont les acteurs d'agir ou de ne pas agir. Ils s'intéressent aux motivations pour comprendre les comportements et ainsi, par agrégation, les expliquer. Pour eux, « l'acteur social est un individu dont les conduites s'appuient sur un stock de croyances et de connaissances, d'habitudes mentales et d'habitudes pratiques, qui sont dites « culturelles » parce qu'elles ne sont pas innées mais acquises - pas seulement mais d'abord par voie d'éducation. » A partir de là, ils s'inscrivent dans une sociologie dite analytique; une sociologie qui ferait la synthèse de la sociologie de Max Weber (principe de rationalité), de la psychologie de Watson (motivation à agir) et des sciences cognitives (les travaux de Changeux, de Gazzigna, de Lachaux, d'Houdé). Ces deux sociologues intègrent des savoirs biologiques dans leur approche car, « l'une des caractéristiques de la vie mentale des être humains est la plasticité intellectuelle, le pouvoir de mettre en sourdine certaines routines, d'en choisir d'autres, et de revenir sur un raisonnement ou sur une préférence. » Du point de vue d'un sociologue « déterministe », ces données biologiques ne sauraient intervenir dans l'explication des faits sociaux, encore moins dans l'explication des comportements individuels. Or, c'est bien cet aspect feuilleté de l'individu, qui rend les comportements imprédictifs, contrairement à ce que prétendent les tenants du déterminisme social. Pour ne pas sombrer dans un déterminisme stérile, il faut en effet distinguer le pouvoir de prévision et celui de prédiction des sciences sociales: « La prévision se distingue de la prédiction en ce qu'elle ne va pas sans plus ou moins d'incertitude, tandis que les prédictions s'appuient sur des modèles mathématiques déterministes. » Ainsi, la sociologie pourrait-elle gagner en légitimité dans le champ des sciences sociales et humaines.
Pour ce faire, Bronner et Géhin considèrent que la posture du sociologue doit s'appuyer sur la notion de « neutralité axiologique » cher à Max Weber. Car, nous dit ce dernier, « la confusion permanente entre discussion scientifique des faits et raisonnement axiologique est une des particularités les plus fréquentes et les plus néfastes dans les travaux de notre spécialité. C'est uniquement contre cette confusion que son dirigées nos remarques précédentes et non contre l'engagement en faveur d'un idéal personnel. »

Si je partage de nombreuses idées que contient cet essai; notamment sur l'impératif de neutralité axiologique (dés lors où le sociologue se veut scientifique du social), je ne peux me résoudre au traitement, parfois injuste et réducteur, de l'approche déterministe. Pour ma part, je partage le point de vue d'un autre sociologue disparu en 2006, Jean-Michel Berthelot. Il défendait ce qu'il appelle le « pluralisme sociologique »; autrement dit, faire de la sociologie la boîte à outils du sociologue et ainsi s'autoriser à faire appel aux notions, concepts et théories les plus appropriés à la compréhension et à l'explication d'un phénomène social. Mais, c'est aussi, et les deux auteurs l'ont bien montré, par son ouverture aux autres sciences (humaines, physiques ou biologiques) que le sociologue (re)gagnera en crédibilité et fera de sa discipline une science à part entière.
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Le danger sociologique (Gérald Bronner et Etienne Géhin)
La sociologie, en France, a mauvaise presse. Souvenons-nous de la réaction de Manuel Valls, face au terrorisme : « expliquer, c'est déjà vouloir un peu excuser» (8 janvier 2016).
L'essai de Bronner et Géhin montre qu'il y a deux écoles en sociologie. L'école déterministe dans laquelle on peut ranger Bourdieu et ceux qui se réfèrent à ses travaux, et l'école analytique dont se réclament les auteurs. La première a le vent en poupe et est sollicitée souvent par les médias. La seconde est mal connue.
Or, la première, déterministe, défend l'idée que les individus sont complètement « déterminés » par leur environnement social. Elle ne tiendrait pas compte des avancées scientifiques concernant la connaissance du cerveau. Elle aurait surtout le tort de déresponsabiliser les individus en les coupant de leurs actes, comme s'ils n'avaient pas de libre-arbitre et que leurs motivations prétendues n'étaient pas leurs motivations réelles et ne pouvaient par conséquent pas leur être reprochées. Selon les auteurs, les sociologues déterministes considéreraient que les responsables cachés des actes commis sont toujours des entités extérieures : la société, le milieu social, le système, le capitalisme… La césure qui existerait entre les individus et leurs agissements s'apparenterait donc aux théories du complot qui considèrent qu'il existe une instance supérieure qui agit délibérément pour manipuler les foules. On trouve parmi ces déterministes, des gens comme Christine Delphy qui a fait du patriarcat son « ennemi principal » et Geoffroy de Lagasnerie, ce sociologue qui a « expliqué » les fusillades contre les terrasses des cafés par les djihadistes comme l'expression d'une révolte de classe, les terrasses des cafés étant considérées comme des lieux intimidants et discriminants. Ces sociologues utilisent la sociologie comme un « sport de combat » à des fins idéologiques.
En opposition, l'école analytique tient compte des avancées scientifiques dans le domaine de la connaissance du cerveau et dans les découvertes concernant la psychologie. Pour cette mouvance, les phénomènes sociologiques sont à étudier de manière méthodique. Ils sont imprédictifs et ne peuvent être imputés à une causalité unique, indépendante de l'ensemble des phénomènes psychiques observables chez chacun des individus qui constituent un collectif. le fonctionnement du cerveau serait le résultat d'une hybridation entre des dispositions innées et des implémentations acquises. Les neuro-sciences démontrent que le cerveau est infiniment complexe et que l'individu est sujet à des concurrences intra-individuelles entre des désirs contradictoires qui peuvent concerner le plaisir à long terme et le plaisir à court terme (exemple : j'ai envie de manger un gâteau = plaisir à court terme et j'ai envie de rester mince = plaisir à long terme) qui entraînent des conflits intérieurs qui peuvent être gérés d'une manière ou d'une autre…L'individu doit donc en permanence « arbitrer entre des valeurs, des informations, des objectifs ou des préférences et il ne le fait pas toujours de manière cohérente » parce que « la personnalité d'un homme n'est pas une entité homogène, mais un ensemble de contrastes, d'inconstances et de contradictions. » Selon Max Weber, l'homme est « avant tout une tête, c'est-à-dire une liberté, ou en termes plus concrets, un agent autonome qui est capable de manipulation, et qui s'adapte et invente en fonction des circonstances et des mouvements de ses partenaires ».
On le voit, il s'agit donc de la mise en concurrence de deux thèses que tout oppose : d'une part une thèse dans laquelle l'homme ne serait que le produit de son milieu et une autre thèse dans laquelle l'homme aurait des choix possibles, même s'il fait de mauvais choix.
Il va de soi, que je préfère la seconde thèse même si elle est plus complexe à appréhender et qu'il est bien plus facile de dédouaner tout crime en l'imputant à des entités maléfiques qui nous gouverneraient.

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critiques presse (5)
Lexpress
29 novembre 2017
Le Danger sociologique, l'essai urticant de Gérald Bronner et Etienne Géhin. Les deux auteurs sont-ils toujours exempts des travers qu'ils pointent à raison chez leurs confrères ?
Lire la critique sur le site : Lexpress
NonFiction
16 novembre 2017
Une critique du déterminisme sociologique appuyée sur de récentes avancées des neurosciences.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LaViedesIdees
15 novembre 2017
La polémique qui accompagne la publication de l’ouvrage de Gérald Bronner et d’Étienne Géhin, Le danger sociologique, risque de discréditer intégralement un propos qui n’est pourtant pas dénué d’intérêt.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
NonFiction
24 octobre 2017
Incontestablement polémique, Le danger sociologique passe en revue et teste des thèses d’origines diverses pour évaluer les auteurs contemporains, leurs apports respectifs et les « angles morts » de leur recherche.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LeMonde
05 octobre 2017
Dans « Le Danger sociologique », Gérald Bronner et Etienne Géhin appellent à reconstruire leur discipline en s’inspirant des sciences cognitives.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
(...) un sociologue qui s'en tiendrait à cela [le danger que sa discipline représente pour l'ordre social établi] ne rendrait pas service à sa discipline, qui n'est pour rien dans la méfiance qu'elle suscite et dans les attaques dont elle est l'objet car elle se défend mal contre les dérives auxquelles certains de ses représentants se laissent aller.
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La morale et le droit ne sont pas des institutions indépendantes de toutes les autres.
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