C'est avec quelques verres de whisky que je finis la lecture de cette anthologie. Tu m'entends peut-être Hank ? Ton éditeur a eu la sagesse et l'intelligence de choisir parmi ton oeuvre, des morceaux de choix, des extraits de romans, des poèmes, de quoi retracer ton parcours quasi autobiographique. Hank, j'admire ta capacité à accepter l'inacceptable. Tu dénonces tout ce qui ne va pas dans la société, mais tu fais avec, tu contournes, tu trouves des exutoires, l'alcool, les femmes, les courses... Mais ta vision du monde est d'une telle acuité, d'une telle lucidité qu'elle traverse les continents et les époques. Ce que tu dénonces est atemporel. le conformisme, la bien-pensance, les conventions. Comme me disait un ami, les conventions, c'est à droite, au fond du jardin, et n'oublie pas de tirer la chasse ! On découvre dans ce recueil que tu es d'une sensibilité extrême, une sensibilité de poète qui te fait voir des aspects du monde que le commun des mortel, comme moi, ressent confusément mais serait incapable de mettre en mots.
J'envie ta capacité à dire "merde" à tout ce qui te gêne. A pointer les dysfonctionnements des relations humaines et sociales, les rapports hommes/femmes, les relations entre amis...
On dit parfois de toi, Chinaski, que tu ne penses qu'à toi, que tu es égoïste. Pour moi, pas tant que ça, en tout cas pas plus que les autres. Et puis, c'est la marque des poètes. C'est ton égo qui te fait remarquer et dénoncer tout ce qui ne va pas dans le monde.
j'aime également ton cynisme, ton humour noir. Tu n'hésites pas à te moquer de toi, de tes erreurs, de tes errements. C'est une de tes grandes forces.
Cette anthologie offre, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, un large panel représentatif de tes oeuvres. Pas forcément l'essentiel car il en manque énormément. Mais ça donne une idée. Une très bonne idée de ta conception du monde et de ton écriture.
Hank Chinaski, tu es un génie !
Je termine le dernier verre de whisky. Je pense qu'une légère ivresse peut aider à comprendre et accepter le monde que tu décris.
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il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui
veut sortir
mais je suis trop coriace pour lui,
je lui dis, reste là, je ne veux pas
qu’on te
voie.
il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui
veut sortir
mais je verse du whisky dessus et inhale
une bouffée de cigarette
les dames légères et les barmens
et les employés d’épicerie
ne savent pas
qu’il est
là.
il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui
veut sortir
mais je suis trop coriace pour lui,
je lui dis,
tiens-toi tranquille, tu veux me fourrer dans le
pétrin ?
tu veux foutre en l’air mon
boulot ?
il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui
veut sortir
mais je suis trop malin, je ne le laisse sortir
que de temps en temps la nuit
quand tout le monde dort
je lui dis, je sais que tu es là,
alors ne sois pas
triste.
puis je le remets,
mais il chante un peu
là-dedans, je ne le laisse pas tout à fait
mourir
et on dort ensemble comme
ça
liés par notre
pacte secret
et c’est assez beau
pour faire
pleurer un homme, mais
je ne pleure pas,
et vous ?
Le Génie de la foule, 1966
Il y a assez de traîtrise, de haine, de violence,
d’absurdité dans l’être humain moyen
pour approvisionner à tout moment
n’importe quelle armée.
ET Les plus doués pour le meurtre
sont ceux qui prêchent contre.
ET les plus doués pour la haine
sont ceux qui prêchent L’AMOUR.
ET LES PLUS DOUÉS POUR LA GUERRE
SONT — FINALEMENT —
CEUX QUI PRÊCHENT LA PAIX.
Ceux qui prêchent DIEU, ONT BESOIN De Dieu.
Ceux qui prêchent la PAIX n’obtiennent pas la paix.
Ceux qui prêchent la paix n’obtiennent pas l’amour.
Méfiez-vous des prêcheurs.
Méfiez-vous des savants.
Méfiez-vous de ceux qui passent
leur temps à lire des livres.
Méfiez-vous de ceux qui
soit détestent la pauvreté,
soit en sont fiers.
Méfiez-vous de ceux qui ont la louange facile,
car ils ont besoin de louanges en retour.
Méfiez-vous de ceux qui ont la censure facile :
ils ont peur de ce qu’ils ne savent pas.
Méfiez-vous de ceux qui recherchent
constamment la foule,
car seuls ils ne sont rien.
Méfiez-vous de l’homme moyen,
de la femme moyenne.
MÉFIEZ-VOUS de leur amour.
Leur amour est moyen, recherche la médiocrité.
Mais il y a du génie dans leur haine.
Il y a assez de génie dans leur
haine pour vous tuer,
pour tuer n’importe qui.
Ne voulant pas de la solitude,
ne comprenant pas la solitude,
ils essaient de détruire
tout ce qui diffère d’eux.
Étant incapables de créer de l’art,
ils ne comprennent pas l’art.
Ils ne voient dans leur échec
en tant que créateurs
qu’un échec du monde.
Étant incapables d’aimer pleinement,
ils CROIENT votre amour incomplet.
DU COUP ILS VOUS HAÏSSENT.
Et leur haine est parfaite,
comme un diamant brillant,
comme un couteau,
comme une montagne,
COMME UN TIGRE,
COMME la ciguë.
Leur plus bel ART.
J'ai réalisé qu'en Amérique, et probablement partout ailleurs, il fallait sans arrêt faire la queue. Nous faisions ça pour tout. Permis de conduire : trois ou quatre queues. Course de chevaux : la queue. Au cinéma : la queue. Au supermarché : la queue. Je haïssais les queues (...) Je savais que les queues me tuaient. Tout le monde était normal, sauf moi. La vie était belle, pour eux. Ils pouvaient faire la queue sans souffrir. Ils pouvaient faire la queue jusqu'à leur mort. En fait, ils aimaient faire la queue. Ils papotaient, se marraient, souriaient, flirtaient. Ils n'avaient rien d'autre à faire. Ils n'imaginaient pas autre chose. Dire que je devais contempler leurs oreilles, leurs bouches, leurs cous, leurs jambes, leurs culs, leurs narines, tout le tintouin. Je sentais des vapeurs méphitiques et mortelles sourdre de leur corps ; quand j'écoutais leurs conversations, j'avais envie de hurler : " Jésus Marie Joseph, au secours ! Dois-je vraiment souffrir à ce point pour acheter deux cent grammes de bidoche et une baguette ? "
La merde, on y était tous ensemble, là, au beau milieu de l'énorme cuvette des chiottes de la vie. Une fois la chasse tirée, on en serait tous évacués.
putrefaction
récemment
je me suis mis à penser
que ce pays
était revenu 4 ou 5 décennies
en arrière
et que tout le
progrès social
la gentillesse des gens
les uns envers les
autres
avaient été
balayés
et remplacés par les
éternels
sectarisme.
nous avons
plus que jamais
cet égoïste besoin de puissance
ce mépris pour les
faibles
les vieux
les pauvres
les sans défense.
nous remplaçons le désir par
la guerre
le salut par
l'esclavage.
nous avons gaspillé les
Bénéfices
nous avons
rapidement
régressé.
nous avons notre Bombe
c'est notre peur
notre damnation
et notre honte.
quelque chose de si triste
nous tient
que
le souffle
nous manque
et que nous ne pouvons même pas
pleurer.
Ségolène Alunni nous parle du Docu-BD "Bukowski de liqueur et d'encre" dans sa chronique matinale dans l'émission "Le 6/9" sur LCI