Le plaisir des mots : Cette langue qui nous habite

" Il voudrait donner à manger aux mots dans le creux de sa main." Jules Renard, Leçons d'écriture et de lecture.


Vous souvenez vous qu'un petit renard, sur une planète lointaine, très lointaine, fut apprivoisé, avec des mots par un petit Prince?


Paule Aimard, dans " Le jeu avec la voix", nous conte avec plaisir, les balbutiements des bébés, de nos petit/es Prince/cesses...


Tout va de pair, (pour le bébé) la prouesse motrice et le jeu jubilatoire avec les sons...
- On fait une petite parlette?
Valérie, 3 ans.


Ecoutez bien ce petit ronron du "mar-mot " (à demi-mots), cette " bande -son" : modulation vocale, bruits bouche fermée, vibrations... dans une tonalité de bien-être, parfois de jubilation."
Les débuts du langage ( à mots couverts!)


- Je prends ma bouée, ma boubou, ma boubout." Déjà le plaisir des mots...


"Lorsqu'on parle au bébé, d'une voix douce, il ouvre les yeux, (après avoir fait sa mar-mot-te), se fait attentif, ébauche un sourire."


Écoutez bien, il dit son plaisir, dans un sourire, pour la plus grande joie de ses parents:
-Ma ma ma ma ma ma.
Il parle sa langue moternelle, euh, maternelle.


Quand le père entend bébé l'appeler, (souvent après avoir dit maman) : Papa!
C'est un mot-ment magique.


Bébé jongle aussi avec les mots, un vrai, euh, "mot-gicien", il invente ou esca-mot(e) des mots:
Degrandir, des gratoudons, un bicheron ( un Bambi, suis un peu!) ...


Il y a d'autres co-auteurs, de " mots croisés", dans ce livre comme " Les plaisirs de Laure Tograph/ Orlando de Rudder, "A la recherche des mots perdus"/ A.Duchesne et T.Leguay, ou "Ce que chanter veut dire"/ J.Marie Bretagne...


" Manier les mots, les soupeser, en explorer le sens, est une manière de faire l'amour." Marguerite Yourcenar, "Quoi ? L'éternité!"

« Faut-il accuser la nature de manquer d'imagination pour n'avoir trouvé qu'un seul et même instrument pour pourvoir à trois actes aussi différents : manger, aimer, parler ? Faut-il y voir, au contraire, une preuve de la connivence secrète qui unit ces trois activités ? ».
Tel est le propos de ce livre, N°153 de la série « Mutations » des « Éditions autrement » qui se propose d'analyser différents aspects de la langue.
C'est un ouvrage dirigé par Gérald Cahen, mais d'autres auteurs y ont participé : Jean-Pierre Balpe, Muriel Bloch, Jacques Cellard, Jean-Marie Goulemont, Philippe Lejeune, Georges Mounin, Michel Picard, René Louis.

On ne saurait ne pas louer ces essais de la collection "Mutations" de chez Autrement, lesquels, tout en traitant de thèmes on ne peut plus quotidiens, en font vraiment le tour avec précision, exhaustivité et sans pédanterie.
Celui-ci donc aborde le plaisir des mots en partant de la polysémie de la "langue", surtout comme "l'organe le plus intime, le plus mêlé à nous-même", et en terminant par une nouvelle sur le plaisir (mortifère) du... silence.
Entre les deux, le plan se déroule en 4 parties: la voix, les sources et évolutions de la langue, la lecture (y compris en parallèle avec la peinture), enfin l'écriture.
Cette dernière partie est en quelque sorte en continuité avec la précédente, car elle accorde une grande importance aux calligrammes et autres jeux poético-rhétoriques anciens; son autre idée forte est le genre autobiographique. Je lui reproche justement ce choix de spécialisation sur ces deux thèmes (d'où ma note inférieure à ce que les autres parties mériteraient), alors que je pense qu'on aurait pu préférer un cadre plus ample du plaisir de l'écriture (éventuellement par des textes d'auteurs qui l'auraient analysé: par ex. un Borges n'a-t-il rien écrit à ce sujet?)