Guido Guerrieri 1 :
Témoin involontaire (2002)
Guido Guerrieri est avocat. Il n'a pas tout à fait 40 ans, mais son expérience en fait déjà un vieux routier de la profession que l'on sent un peu blasé. Il défend toutes sortes de délinquants et s'est constitué ainsi un réseau pas très recommandable, parfois bien utile, duquel il se maintient à distance prudente. Miné par son récent divorce, il enfume tant bien que mal sa déprime à coup de clopes tout en cédant aussi à l'alcool (sans se démolir vraiment, quand même). Guido nous est très vite bien sympathique, à nous faire partager ainsi ses états d'âme.
C'est une jeune femme noire au maintien impeccable qui vient le solliciter. Un ami proche, instituteur dans son pays d'origine, vient d'être incarcéré pour l'assassinat d'un enfant. Evidemment, il est innocent, mais le dossier de l'accusation est plutôt béton.
La nouvelle école du roman noir italien, caractérisé notamment par des formats mesurés et un style direct sans fioritures, s'enrichit d'un nouveau nom. Et c'est une réjouissante découverte. La narration, la plupart du temps très factuelle (à l'américaine), est enrichie, sans aucune lourdeur et par le biais d'un récit à la première personne, des épanchements intimes de Guido. Guido Guerrieri peut être vu comme le frangin du flic de di Cara. Tous deux sont des personnages tourmentés, intègres, et porte-parole de leurs auteurs qui exercent le même métier qu'eux.
Le roman lui-même est impeccable, bien traduit par Sophie Mazéas (qui s'est aussi occupé du tome suivant). Il est constamment captivant, aussi bien lorsqu'il s'agit de la vie privée de Guido que de l'intrigue elle-même, charpentée par des scènes de procès très réussies. L'ensemble forme un tout intègre et sans faille, qui donne une grosse envie d'y revenir (ça tombe bien, il y aura de quoi).
Le seul pépin sur lequel j'ai accroché, c'est la banalité des goûts culturels de Guido, goûts que, malheureusement, il n'hésite pas à nous faire partager sans retenue. Guido semble se contenter en matière de musique, de cinéma et de littérature, des têtes de gondoles de supermarché. Certaines références sont carrément médiocres, d'autres plus indiscutables (Blade Runner...), d'autres encore peu risquées et décevantes : alors que Guido cite parmi ses films préférés le (néanmoins) très bon réquisitoire de Kubrick "Les sentiers de la gloire", multi-diffusé et un peu tire larmes,
Carofiglio pouvait trouver dans sa propre patrie plus fort et plus subtil dans la même catégorie avec "Les hommes contre", le chef d'oeuvre de Francesco Rosi (toujours pas réédité en DVD, le cherchez pas)... Et quitte à aller chez les anglo-saxons, pourquoi pas "The hill" (La colline des hommes perdus), ce monument de Sidney Lumet dont on ressort complètement laminé... Voilà, je ne m'étendrai pas plus, même si ça me démange un peu, notamment pour égratigner la musique folk citée, bien pauvrette. Faudrait quand même pas détourner les lecteurs de ce remarquable auteur. Tout le monde ne peut pas avoir les références de Pelecanos...