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EAN : 9782359053104
464 pages
Ecriture (16/01/2020)
4.25/5   6 notes
Résumé :
Un gamin de Paris devenu auteur populaire. « Le soleil ne brille jamais autant qu'un matin de levée d'écrou. » Alphonse Boudard avait acquis dans ses années de galère le goût des choses simples.
Né de père inconnu et d'une mère qui le confie dès la naissance à un couple de paysans, il a vécu l'humiliation et la misère sous l'Occupation, avant de rejoindre la Résistance et de participer à la Libération de Paris. Il n'aura ensuite de cesse d'échapper aux usine... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Sachant que la plupart des oeuvres romanesques d'Alphonse Boudard, sont très largement autobiographiques, et que j'ai lu tous ses romans, de "La métamorphose des cloportes" à "Mourir d'enfance", plusieurs fois pour certains, je pensais bien connaitre la vie de l'auteur.
Mais à la lecture de cette biographie, je m'aperçois que l'auteur de "La cerise", avait bien brouillé les pistes.

Normal aussi pour cet ancien maquisard, puis repris de justice, de garder des choses secrètes et d'en maquiller d'autres.

Pour commencer, son véritable nom , Michel Boudon est longtemps resté connu seul de son entourage proche, de même qu'il est resté très discret sur sa vie privée, citant sa fidèle compagne Gisèle que par des allusions compréhensibles des seuls initiés.

L'ouvrage de Dominique Chabrol, remet donc de l'ordre dans la chronologie de la biographie de Boudard, livrée en épisodes choisis sans logique apparente.
Par exemple, Boudard, attend 1995, pour parler de ses premières années dans "Mourir d'enfance".

Chabrol, donne aussi des éclaircissements sur des points importants de la vie, et la carrière d'auteur d'Alphonse ; sa rencontre avec Jean Giono, alors qu'il ne pense pas encore à écrire, puis l'amitié, les conseils et encouragements d'Albert Paraz, qui seront déterminants, ses deux rencontres avec L.F. Céline, alors qu'il n'est qu'aspirant écrivain.

Ces rencontres et amitiés, auront toujours de l'importance dans la vie de Boudard, qui n'était pas seulement son propre biographe, mais aussi témoin de la vie marginale de son temps (maquis, délinquance, hôpitaux et sanatoriums, puis milieux artistiques).

Boudard, témoigne, démystifie, toujours avec humour et modestie, il se fait aussi le porte-parole de "sans voix", comme le fait remarquer Dominique Chabrol : "(…) il a tiré de l'oubli toute une galerie d'anonymes et de sans-grades, de laissés-pour-compte de la société, d'enfants de la déveine voués au châtiment, de tueurs, de victimes et de demi-dingues, pour en faire des personnages de roman…"


Alphonse connaitra, finalement le succès et la reconnaissance de nombreux grands noms des lettres françaises, ainsi, le sous-titre de cette biographie, "Une vie à crédit", clin d'oeil évident à Céline, est tiré d'une critique de "l'hôpital", par Michel Tournier, qui fût l'un des premiers à croire en Boudard.

A titre personnel, je me félicite, qu'un ouvrage aussi complet, paraisse bientôt vingt ans après la disparition de l'auteur de "Les combattants du petit bonheur". Une forme d'hommage bien mérité, à un écrivain, qui je le crains, risque de tomber dans l'oubli, si personne n'entretient la flamme !

Livre reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique, merci à l'éditeur et à Babelio, pour ce très bon ouvrage !
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Alphonse Boudard, je l'ai découvert à la fin des années 80 lorsque je suis tombé par hasard sur un livre de poche au titre étrange "Bleubite". En le feuilletant, je m'étais aperçu que la forme de ce petit roman (220 pages) n'était pas habituelle : des phrases courtes généralement séparées par trois petits points, un récit à la première personne du singulier, une construction des phrases et une grammaire particulières, et surtout l'utilisation de l'argot parisien qui, d'ardu au début, se faisait de plus en plus compréhensible au fil des pages. Ayant particulièrement apprécié cette première rencontre avec cet auteur, j'ai dû me procurer par la suite deux-trois autres de ses romans (j'ai des bribes de souvenir de scènes dans un sanatorium, et d'autres de cambriolage), me promettant d'acheter toute son oeuvre romanesque (promesse que je n'ai évidemment pas tenue depuis trente ans).
Alors quand, dans une Masse Critique, j'ai vu qu'une biographie d'Alphonse Boudard était parue, j'ai sauté sur l'occasion et coché sa case. Je dois donc remercier au passage Babelio qui m'a sélectionné pour ce livre et les Editions Ecriture qui me l'ont fait parvenir. Une biographie c'était l'occasion d'en savoir un peu plus sur le bonhomme, même si le lecteur de sa dodécalogie principale ne va pas en apprendre beaucoup. En effet, la particularité d'Alphonse Boudard est d'avoir écrit, certes dans le désordre chronologique, douze romans autobiographiques en une trentaine d'années. Tout le mérite du journaliste Dominique Chabrol est d'avoir soustrait de cette oeuvre tout le romanesque, le faux pour n'en garder que le vrai.
Et le vrai est quand même extraordinaire car Boudard part quand même de loin. Fils de pute (littéralement), il est mis en pension chez des paysans dans l'Orléanais jusqu'à l'âge de 7 ans quand sa mère le ramène à Paris. Il vivra les années 30 chez sa grand-mère dans un XIIIe arrondissement populaire et ouvrier. Entré comme apprenti dans une imprimerie, il s'aperçoit très vite que le monde du travail n'est pas pour lui et lui préfère l'aventure de la Résistance pendant la Seconde guerre mondiale. Après la guerre il glisse peu à peu dans la petite délinquance et se retrouve un beau jour en prison. Là, il attrape la tuberculose mais il se met également à lire et découvre une foule d'auteurs dont Céline. Pendant une dizaine d'années, il alterne les prisons et les sanatoriums et décide de devenir écrivain. A partir des années 60, c'est le rebond : le petit parisien qui n'a pas fait de grandes études devient un écrivain qui a de plus en plus de succès au fil des décennies. Il va même toucher au monde du cinéma et de la télévision en écrivant des scénarios, des dialogues et en voyant certains de ses romans adaptés au cinéma.
A la fin des années 90, il aura réussi à se créer de solides amitiés masculines dans divers milieux (édition, artistique, parisien-montmartrois...) et sera considéré comme le spécialiste de l'argot, de la vie en prison, multipliant les collaborations avec divers journaux. Pas mal si l'on regarde d'où il était parti en 1925.

Le petit bémol de cette biographie est qu'elle n'aborde pas sa vie intime. Quid de son épouse Gisèle, de ses deux fils ? On en apprend très peu sur sa vie de famille. Au détour d'une page, on découvre qu'il a eu un enfant d'une maîtresse, mais c'est tout. Était-il volage ? Comment sa femme a-t-elle vécu tous ces séjours en prison, hôpital, sanatorium ? puis le succès ? Que faisait-elle pendant les virées masculines de son homme dans Paris, les bouffes interminables à La Tour de Montlhéry ?

Sinon, bizarrement, j'ai envie de relire du Boudard, comme c'est étrange...
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Saviez-vous qu'Alphonse Boudard s'appelait en réalité Michel (ou Pierre) Boudon ? Saviez-vous qu'il partit un été en stop de Paris avec sa compagne pour rencontrer Jean Giono à Manosque et que ce dernier lui offrit l'hospitalité dans sa bergerie du Contadour ? Saviez-vous que c'est à la prison de Fresnes qu'il découvrit la littérature (Céline, Balzac, Stendhal, Maupassant, Saint-Exupéry, etc.) et qu'il en poursuivit l'exploration dans tous les hôpitaux et sanas qu'il fréquenta ? Saviez-vous qu'il rencontra Aragon de passage dans la librairie de Saint-Germain où il travaillait ? Débarqué d'une rutilante limousine et vêtu comme un grand bourgeois, son image ne lui sembla pas vraiment correspondre à sa réputation d'écrivain du prolétariat. Saviez-vous que c'est Albert Paraz qui fut le premier à l'encourager à se lancer dans l'écriture ? Saviez-vous aussi qu'il a rencontré à maintes reprises Louis-Ferdinand Céline et qu'il fut également très ami avec le peintre Gen Paul, un des complices du maître de Meudon ? Saviez-vous enfin que le 18 mai 2019, une rue à son nom a été inaugurée dans son quartier d'origine, le XIIIème arrondissement de Paris ?
Vous trouverez toutes ces découvertes et des dizaines d'autres dans « Alphonse Boudard, une vie à crédit », remarquable biographie de l'auteur regretté de « La métamorphose des cloportes », des « Combattants du petit bonheur », de « La cerise » et de « L'hôpital », entre autres ouvrages marqués au coin de la truculence et d'un argot charmant et maîtrisé qu'il partageait avec Simonin, Dard ou Audiard, d'une langue verte aujourd'hui en voie de disparition tout comme le Paris qu'il connut. Cet ouvrage très bien écrit et parfaitement documenté permet de faire la part entre le réel et le romancé. Ce cher Boudard ayant passé son temps à raconter sa vie de résistant, de taulard, de tubard ou de scénariste, d'aucuns auraient pu croire que tout avait été dévoilé. Que nenni ! le lecteur découvrira par exemple qu'il ne fut pas vraiment une pointure dans l'ouverture des coffres forts, qu'il ne braqua pas la maison Borgniol, mais une modeste pâtisserie le triste jour où il se fit alpaguer et qu'il écopa d'une peine inférieure à celle racontée. Dominique Chabrol, très respectueux de l'esprit de modestie de son sujet, reste très discret sur sa vie privée. Il ne dit pas quelle profession exerçait vraiment la mère d'Alphonse qui venait le voir chez sa nourrice dans une rutilante Panhard-Levassor décapotable. C'est tout juste si l'on apprend au détour d'un paragraphe qu'il eut une maîtresse. Les amateurs de potins style « Voici-Gala » en seront pour leurs frais. Les autres verront dans cet ouvrage un livre de référence qui leur en apprendra énormément et qui leur donnera sans nul doute envie de lire ou de relire ce sympathique auteur. À noter également la présence d'un très intéressant cahier central regroupant photos et documents d'époque.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Comment écrire la biographie d'un auteur qui a consacré l'essentiel de son oeuvre au récit de sa propre vie ? C'est le défi que s'est lancé Dominique Chabrol, un pari qu'il remporte haut la main. Le biographe sait se montrer discret tout au long des 450 pages de ce livre touffu mais il sait aussi, au détour d'un chapitre, questionner le lecteur sur ce qui peut faire, ou défaire, la vie d'un homme ordinaire, rappelant au passage qu'il suffit parfois d'un interligne plus ou moins espacé, ou d'une virgule mal placée, pour que l'oubli se transforme en notoriété et vice versa.
Une Vie à crédit, un titre qui renvoie au célèbre Mort à crédit de Louis Ferdinand Céline, écrivain majeur et maudit du vingtième siècle, qu'Alphonse Boudard considère comme son modèle mais qu'il ne suivra jamais sur le chemin de l'antisémitisme et de la passion pour la croix gammée. Un langage constamment inventif et l'emploi de l'argot dans des récits vivants et sincères, voilà ce qui rapproche les deux auteurs et dévoile une filiation indiscutable.
Enfant sans père, placé chez des paysans jusqu'à sept ans, puis petit parigot détenteur du certificat d'études, Alphonse Boudard va s'engager dans les FFI du mythique colonel Fabien puis dans la 1ère armée du non moins célèbre maréchal de Lattre pour bouter les Allemands hors de France. Blessé au combat, décoré de la Croix de guerre, gaulliste de la première heure, il tombe ensuite dans la délinquance et va tout droit en prison sans passer par la case départ. Affaibli par des années de détention et par la tuberculose attrapée derrière les barreaux, il rédige en prison un manuscrit de 800 pages, Les Combattants du petit bonheur, qu'il transmet clandestinement à son épouse afin qu'elle le propose aux maisons d'édition. Après de multiples échecs et de sanglantes désillusions, Alphonse Boudard devient célèbre et son premier roman obtient le Prix Renaudot en 1977. Quand il reçoit le Grand prix de l'Académie française en 1995 pour Mourir d''enfance, il refuse d'endosser le costume d'académicien et déclare, avec son style anti-conformiste et son accent prolétaire : « Pourquoi me faire porter une épée quand il n'y a plus personne à tuer ? ».
Boudard fait partie de la famille des écrivains-taulards, comme José Giovanni ou Edward Bunker, il refuse de se plaindre ou de passer pour une victime, il assume ses erreurs et emploie la dérision et l'humour pour cacher sa colère et son amertume. J'ai lu Alphonse Boudard il y a bien longtemps et ce livre m'a donné envie de le relire avec une vision nouvelle du personnage.
Pour ceux qui voudraient découvrir Alphonse Boudard voici ses trois chefs-d'oeuvre : La Cerise, récit des années d'emprisonnement, L'Hôpital, récit des années de sanatorium et Les Combattants du petit bonheur, récit des années de guerre. Merci à Babelio qui m'a envoyé ce livre dans le cadre du concours Masse Critique.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Des années plus tard Alphonse dressera un constat terrible de la situation, celui d'une France humiliée sous les cris de la victoire : "On est symbolique en quelque sorte de l'état de la France à cette époque... la pagaille, la misère, la mendicité. On a juste de Gaulle qui nous cocorique la victoire, mais rien dans nos galtouses, nos fouilles [...] Nos libérateurs, on les amuse à l'occasion, nos filles et nos mères les sucent, nous on quémande..."
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Il sait qu’il doit se faire discret et éviter les débordements : «Un pénible folliculaire figaroteux est venu m’interviouver chez Plon. Il voulait me photographier, je l’ai menacé de lui casser la gueule.» C’est le début d’une relation compliquée avec les journalistes, dont il se méfie depuis ses précédentes apparitions dans les colonnes des faits divers. Et ça n’augure pas d’une bonne critique dans le journal.
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Les lettres lui arrivent chaque jour avec leur lot de tapeurs. Au fil des ans, sa clientèle s’est diversifiée : "Selon le livre publié, ça me ramène les malades, les cinéphiles (ce qui revient au même), les anciens maquisards, les obsédés sexuels… un vieil artilleur qui vous tance à propos d’une petite erreur… un 75 qui n’était pas en 1944 sur une certaine sorte de blindé de l’armée américaine. […] On attend tous – enfin mes confrères hétéros – la lettre d’une charmante avec sa photographie dans un camp de nudistes. «Je suis à vous, cher Maître, demain soir.» Elle n’arrive pas, bien sûr."
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Jeanne Birmont, la compagne de l’écrivain [Albert Paraz] raconte l’arrivée de cet étonnant voyageur [Alphonse Boudard] qui ne se déplace jamais sans ses instruments de travail : "Lorsqu’il a ouvert son bagage, j’ai vu, sur les vêtements, un pied de biche tout neuf. Voyant ma surprise, il m’a expliqué avec le plus grand naturel : « C’est ma plume. Vous ne saviez pas que je vivais de ma plume ? » Et comme je le suppliais de ne pas faire de « casses », il m’a rassurée : « Non, jamais chez des amis. Mais en montant, j’ai vu de belles maisons… On ne sait jamais… »"
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Quelques jours plus tard, Michel Tournier vient le chercher lui-même à l’hôpital pour lui faire signer son premier contrat d’édition. Alphonse a été opéré quinze jours auparavant et se déplace encore péniblement. Il pénètre alors dans un monde qui lui est totalement étranger, avec ses personnages élégants, raffinés, ses académiciens qui passent dans les couloirs et ses auteurs furieux qui engueulent leur éditeur. A l’un d’entre eux qui lui a dit d’aller «se faire enculer», le directeur littéraire répond : "Ecoutez, c’est une éventualité, mais ça ne nous avancerait pas beaucoup". Des manières très éloignées de ce qu’il a connu jusque-là dans les chambrées militaires et les prisons.
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