L'exclusion

Madeleine Chapsal le dit dans presque toutes ses interviews : à tous les moments difficiles ou malheureux de sa vie elle a recours à l'écriture, alors son exclusion du jury Femina suivie de la mort de l'homme de sa vie, comme elle ne cesse de le nommer lorsqu'elle parle de JJSS, il ne pouvait en être autrement à ce passage de sa vie..
Petit rappel des faits : peu avant l 'attribution du Prix Femina 2006, Madeleine Chapsal, dénonce dans son livre « Journal d'hier et d'aujourd'hui » quelques broutilles que personne n'ignore à savoir que les jurys littéraires récompensent des livres davantage en fonction de l'éditeur, et Gallimard en l'occurrence pour le prix Femina, voire d'amitiés avec les auteurs que pour leur contenu...
A l'issue du vote du jury pour l'attribution des prix 2006, Madeleine Chapsal se retrouve, dans la foulée, devant le tribunal de ses pairs qui lui propose de démissionner ou à défaut un vote décidera de son exclusion au motif d'avoir enfreint au règlement qui interdit de parler de ce qui se dit au cours de leurs réunions. Un vote expéditif (prémédité?) s'en suivit : exclusion à l'unanimité des votants (2 abstentions : Claire Gallois et Mona Ozouf). Régine Desforges outrée, démissionne.
C'est le récit de ces deux événements, son exclusion et le décès de JJSS, dont elle témoigne dans ce petit livre, sans affliction excessive, mais avec beaucoup d'émotion disons contenue.
Secrets de polichinelle que ces révélations c'est sûr, d'ailleurs, comme elle le note, Julien Gracq déjà en 1949 dénonçait le système des prix « La littérature de l'estomac »... Aussi on ne peut qu'être stupéfait d'un tel « remerciement » qui témoigne pour le moins d'une étroitesse d'esprit étonnante de la part de ces « dames ».
Ce petit livre se dévore, avec bien sûr une pointe de voyeurisme ; on n'a un peu l'impression aussi qu'il a été écrit comme dans une sorte urgence de dire, vite, bien, sans fioriture, mais je pense qu'elle en a fait un peu plus tout de même que le récit d'une simple blessure intime, mais un témoignage de toutes les blessures de l'exclusion. Un récit assez touchant, écrit sans prétention et dans lequel on frôle un petit peu la personnalité secrète de l'homme JJSS.

En novembre 2006, Madeleine Chapsal est exclue avec pertes et fracas du jury Femina, la même semaine elle apprend le décès de celui qu'elle nomme L'Homme de ma vie , Jean-Jacques Servan-Schreiber.
La coïncidence de ces deux événements à engendré chez L'auteure ce livre plein d'humour et d'amour, entre rire et larmes.
Elle nous fait aussi une petite analyse à sa façon sur l'exclusion dont j'ai envie de partager ici cet extrait :
"Être exclu de sa société par exil, ruine, déchéance, exclu par racisme, préjugés, haine religieuse, exclu de sa famille par divorce, répudiation, mise à l'index, exclu de sa communauté par condamnation, emprisonnement, bannissement... Les formes que peut prendre l'exclusion sont innombrables, parfois éclatantes, parfois dissimulées, comme celles qui tiennent à un handicap, au vieillissement, à une maladie, au désamour, à un deuil, ou qu'on s'inflige à soi-même par autopunition, mésestime.
Françoise Dolto répétait que rien n'est pire, pour un être humain, quel que soit son âge, que d'être abandonné.
C'est pourquoi, à l'inverse, rien n'est meilleur que d'être à nouveau admis, réintégré, repris, réconcilié, réhabilité, re-aimé, réélu.... de recouvrer son statut familial, professionnel, social, humain, amoureux, dont une exclusion vous aurait privé. "

Un livre à lire et à relire!

lu en 2016 et 2018.