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EAN : 9791022612159
352 pages
Editions Métailié (02/09/2022)
3.84/5   74 notes
Résumé :
En 2019, un cyclone a entièrement détruit la ville de Beira sur la côte du Mozambique.
Un poète est invité par l’université de la ville quelques jours avant la catastrophe. Il retrouve son enfance et son adolescence dans ces rues où il a vécu dans les années 70. Il va faire un voyage “vers le centre de son âme” et y trouver son père, un grand poète engagé dans la lutte contre la colonisation portugaise. Il se souvient des voyages sur le lieu de terribles mass... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
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« La poésie n'est pas un genre littéraire, c'est une langue antérieure à tous les mots ».

Les titres de Mia Couto invitent aussitôt à la poésie. Après avoir découvert cet auteur lusophone du Mozambique avec « L'accordeur de silence » voici son nouveau livre « le cartographe des absences ». L'un semble prédestiner l'autre…cartographier les absences pour mieux accorder les silences. Pouvoir enfin s'accorder des plages de silence lorsque les absents, trop longtemps ignorés, sont enfin réhabilités. Que leurs cris muets cessent de venir nous hanter. Ces absents, toutes les victimes du colonialisme portugais aux Mozambique.

« J'habite le monde quand j'oublie que j'existe. A rien ne sert la géographie : une autre ville m'habite ».

Le poète Diogo Santiago que nous suivons dans ce livre se dit être également, en tant qu'écrivain réinterprétant la réalité, inventeur d'oublis. le voilà donc revenu sur les lieux de son enfance des années 70 pour recueillir des souvenirs de sa ville, des hommes et des femmes de son passé, honorer ceux qui ne sont plus et comprendre précisément leur histoire, en une quête mélancolique remuant les blessures d'un passé colonial très douloureux. le voici à cheminer sur les lieux de son enfance, réempruntant les chemins d'un paysage qu'il a toujours porté en lui, géographie remémorée malgré l'éloignement et l'absence, obsédante présence avec laquelle le poète entretient des liens inextricables. Un cheminement des plus poétique dans ce pays d'Afrique où « il n'y a pas de distance, il n'y a que des profondeurs ».

« Quand on est enfant, disait mon père, on ne dit pas au revoir aux lieux. On pense toujours revenir. On croit que ce n'est jamais la dernière fois. Les lieux sont comme les livres : ils n'existent que lorsqu'on les lit pour la deuxième fois ».

En 2019 un cyclone a entièrement détruit la ville de Beira sur la côte du Mozambique. Ce poète est invité par l'université de la ville quelques jours avant la catastrophe. C'est l'occasion aussi de partir loin de son quotidien et de trouver un remède à sa dépression, voyage « vers le centre de son âme » pour retrouver ce passé lourd duquel il tire des souvenirs falsifiés, notamment pour revenir au plus près de la mémoire de son père, grand poète engagé dans la lutte contre la colonisation portugaise.
Il fera la connaissance d'une femme, Liana, qui est également en quête d'identité. Alors que lui souffre d'un passé trop lourd, trop chargé, qui l'empêche d'exister, elle souffre au contraire d'un manque de repères, d'un manque d'histoire, étant orpheline. Ses parents se sont suicidés car leur différence de couleur de peau était à cette période inacceptable.

« Cette histoire si simple rayait d'un trait de plume toute la propagande d'un Portugal sans races et sans racisme ».

Liana, dont le grand-père était l'inspecteur de la police politique de Salazar, la terrible PIDE, qui avait arrêté le père de Diogo Santiago, a de ce fait en sa possession un ensemble de documents le concernant : journal personnel de l'homme alors adolescent en 1973, lettres de la police politique qui traquait son père, lettres et écrits de sa mère, de la voisine qui devait espionner ses voisins, les écrits de Sandro son frère caché. Documents à charge faisant partie du procès-verbal du père. Elle va restituer ce dossier à ce fils lui permettant d'assembler les pièces manquantes de son puzzle familial. Un acte généreux de la part de cette femme, en contrepartie d'une recherche avec le poète de ses propres racines, s'enroulant autour de lui et de son passé, telle une liane affolée et virevoltante autour d'un arbre aux racines étendues et profondes. Les deux ont en commun de multiples et troublantes déchirures, les deux sont en quête de dignité, en quête de disparus, son frère Sandro pour lui, sa mère la mystérieuse Almalinda pour elle.

A côté de ces histoires personnelles, nous découvrons les exactions commises par les portugais au Mozambique, les massacres, la violence, le racisme, les traitrises dans une construction alternant la quête des deux protagonistes en 2019 et les pièces du dossier des années 70.
La langue est sublime, poétique, élégante, délicate, truffée de vérités à la beauté mélancolique en cette veille de catastrophe qui pèse sur la ville. Deux temporalités qui s'entremêlent, deux tissus que l'auteur tente de coudre ensemble pour se constituer un nouvel habit intime dans lequel envelopper son âme. Deux temporalités qui offrent une vision d'un ensemble de protagonistes, blancs et noirs, victimes et tortionnaires, dans un ensemble de péripéties tragiques.

« le soldat a tiré de sa poche un pot en verre et l'a approché de mon visage. Il l'a secoué comme une tirelire.
- Sais-tu ce qu'il y a là-dedans ? a-t-il demandé.
- On dirait des coquilles de bêtes, ai-je répondu, apeuré.
- Tu as bien raison, a déclaré le miliaire. Ce sont des ongles de nègres. de nègres qui refusaient de parler. Une fois ceux-là arrachés, ils ont craché le morceau et leurs tripes avec. Tu n'as jamais entendu l'expression « parler jusqu'au bout des ongles ».
Et il s'est ensuite adressé à mon père : Vous vous plaigniez toujours qu'on ne leur apporte pas la civilisation. Comme vous le voyez, monsieur l'intellectuel, on les gratifie même d'un service de manucure ».

Ce poète Diogo Santiago, cet homme bon et ingénu, nous dit l'auteur dès le début du livre est le propre père de Mia Couto qui a en effet reçu les preuves d'un massacre commis en 1973 au Mozambique. Son fils raconte son histoire.
Nous le comprenons, Mia Couto nous offre là un texte éminemment intime et personnel, d'une beauté troublante, à la construction morcelée qui, comme toute quête, nécessite du temps aux gestes arrondis pour pouvoir dresser la carte des souvenirs enfouis la plus juste et digne possible.

« Lao-Tseu a écrit : le souvenir est un fil qui nous condamne au passé …Peut-être est-ce le contraire : se souvenir est le meilleur moyen d'échapper au passé ».

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En 2019, le narrateur, poète de son état, se rend à Beira, sa ville natale, quelques jours avant l'arrivée d'un cyclone dévastateur. Sa visite dans cette ville côtière du Mozambique est surtout le prétexte à des retrouvailles avec son enfance et son adolescence dans les années 70. Cette période a été bien sombre dans l'histoire du Mozambique, et en l'occurrence, c'est l'année 1973 qui a été cruciale pour le narrateur et son père. A cette époque, le pays est encore une colonie portugaise, et la terrible police politique (la PIDE) du dictateur Salazar veille au grain. le père du narrateur, poète et journaliste, engagé auprès des indépendantistes, est arrêté par la PIDE, après le massacre de prétendus « terroristes » noirs, perpétré par l'armée coloniale.
Le roman est construit sur d'incessants allers et retours passé/présent, entre le récit des rencontres du narrateur avec les survivants de l'époque, et la reconstitution du passé, grâce à une caisse de documents qui lui ont été confiés à son arrivée à Beira par la petite-fille de l'inspecteur de la PIDE qui a jadis arrêté son père. Tel un puzzle, le passé reprend forme, à mesure que le narrateur épluche les documents. Des rapports de police, des lettres de son père, de sa mère, de sa grand-mère et d'une série d'autres protagonistes des événements de 1973, et même son propre journal intime d'adolescent, autant de feuillets qui font resurgir les péripéties de l'époque et ceux qui les ont vécues, Blancs, Noirs, bourreaux, victimes, oppresseurs ou opposants, désormais absents pour la plupart.
Un drame intime qui s'inscrit dans la grande Histoire du Mozambique, celle d'un colonialisme brutal, du racisme, des luttes pour l'indépendance, de la répression et de la guerre civile, toutes féroces et cruelles, de la mesquinerie et la bêtise humaines.
Inspiré de l'histoire personnelle de l'auteur et de son père, « le cartographe des absences » est un roman sombre, puissant, poétique, teinté de réalisme magique. Avec un brin d'humour, beaucoup de souffle et d'élégance, il convoque les fantômes et les traumatismes du passé, ceux d'un homme et d'un pays.

En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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« J'ai appris que les hommes avec de grands idéaux sont très souvent des gens aux idées courtes. Heureusement, je n'ai ni idées, ni idéaux.»
1973 et de nos jours au Mozambique. Je me suis retrouvée prise dans un panier de crabe. La colonisation du Mozambique par les Portugais m'était inconnue jusqu'à présent. C'est un contexte historique très fort.
Les absents présents partout.
Le poids des secrets.
Le besoin de comprendre, de savoir.
Une envie de retrouver ses racines, son pays.
D'un cyclone à l'autre le narrateur va reconstituer son passé.
Chaque lieu est un bout de l'histoire raconté par différentes personnes.
J'ai admiré cette femme qui voue un amour inconditionnel à son poète de mari.
Il y a aussi cette jeune femme qui recherche sa mère . Et aidera le fils à comprendre le père et le pays.
Qu'elle est la place du poète face à la guerre, face aux cyclones.
Il se joue de la nature en lisant.
Face à la folie de la guerre, il fait son possible pour sauver des hommes, témoigner et se retrouve pris dans une tourmente et des mensonges dont il ne peut s'extirper
Je n'ai pu m'empêcher de penser à Baudelaire et à son poème L'albatros, le prince des nuées si désarmé face à la duplicité de certains hommes.
J'avais très envie de découvrir la littérature lusophone et cet auteur mais là j'ai aussi découvert un pays et une autre culture passionnants.
Bien entendu je suis tombée sous le charme de Mia Couto. Quelle plume ! Quel panache !
Merci au éditions Métalié
#LeCartographedesabsences #NetGalleyFrance
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En mars 2019, le cyclone Idai va dévaster le Mozambique. le narrateur, poète reconnu invité pour une conférence dans sa ville natale, Beira, ignore qu'il va bientôt être balayé par les éléments, alors que le lecteur, lui, le sait. Et c'est dans la tension d'un compte à rebours que se déploie l'histoire - ou plutôt les histoires.
Diogo Santiago est revenu sur les lieux de sa naissance moins pour tester sa gloire que pour enquêter sur sa famille et sur son pays, le Mozambique, lorsqu'il était à la veille de son indépendance, mais encore sous le joug de la dictature colonialiste portugaise. Une admiratrice, Liana Campos, lui remet une liasse de documents dont la mise au propre correspond au livre que nous tenons entre nos mains: elle a découvert ces papiers chez son père, ancien membre de la police politique de Salazar; ils avaient été rassemblés pour incriminer le poète, militant et journaliste Adriano Santiago, lui-même père de Diogo.
Le livre fait alterner la voix du narrateur, Diogo, et la retranscription des différents documents, interrogatoires, journal intime et de cet ensemble surgit moins une vérité que la mise en cause du récit par lui-même. Si certains faits ont pu être reconstitués, concernant notamment la disparition volontaire puis la mort de son frère Sandro, les motivations des différents protagonistes restent opaques, naviguant entre héroïsme et veulerie, sadisme et désir de se racheter. Ni la guerre de libération naguère, comme le cyclone de 2019, ne vont purifier le pays: le déchaînement de la violence n'aboutit qu'à plus de morts et la dictature communiste a succédé à la dictature coloniale.
Mia Couto a écrit un grand roman amnésique sur des gens qui ne peuvent compter sur leurs souvenirs. Dans "Le Monde", il a ainsi expliqué pourquoi ce livre gigogne relate l'impossibilité de savoir: « le Mozambique, comme tous les pays, est fait de mémoire et de souvenirs. Pour cette nation jeune, il est nécessaire d'oublier ce qui peut diviser. Dans mon roman, il y a l'intention d'oublier le massacre d'Inhaminga [commis entre 1973 et 1974 par les troupes portugaises]. Un pays est pour beaucoup une oeuvre de fiction. Oublier [...] est un choix que la nation a opéré pour créer un sentiment d'unité. La littérature est importante parce qu'elle ouvre une porte sur cet oubli, qui est toujours un mensonge. »
J'ai lu que Couto était nobelisable et je veux bien le croire. Sans doute aussi "Le Cartographe des absences" est-il un chef d'oeuvre. Mais je dois bien reconnaître ici mes limites: je sais gré aux écrivains qui laissent la possibilité de les lire avec innocence. Ici, trop de symboles pour ne pas se sentir obligé de les déchiffrer ; en guise de vice impuni, la lecture a tourné au pensum.
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Un écrivain revient au Mozambique, son pays natal. Une femme lui remet les écrits de plusieurs personnes : ceux de son propre père policier de la PIDE qui a arrêté le poète qui s'est battu contre la colonisation portugaise et qui est le père de l'écrivain, ses propres textes élaborés alors qu'il était enfant et d'autres encore. Il va revoir ceux qui avaient traversé sa vie dans les années 70 et surtout découvrir la suite de l'histoire de cette jeune fille amoureuse d'un homme de couleur, donc amour interdit et qui se sont jetés dans le fleuve enchaînés l'un à l'autre. Peu à peu les vides de leurs passés respectifs vont se remplir tandis qu'un cyclone s'approche...
Un mélange de biographie et de documentaire servi par une belle écriture parfois poétique. J'ai beaucoup aimé les citations en débuts de chapitres et quel magnifique titre ! Merci à Masse Critique et aux éditions Métailié pour ce voyage dans un pays peu décrit dans les romans français.
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critiques presse (4)
LeSoir
21 novembre 2022
Les souvenirs reconstruits d'un poète dans le roman l'écrivain mozambicain, Le cartographe des absences.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Marianne_
12 octobre 2022
Un roman à l’atmosphère sombre, prélude onirique au cyclone, qui fait la part belle à une poésie du tourment.
Lire la critique sur le site : Marianne_
RadioFranceInternationale
19 septembre 2022
C’est dans la ville de Beira, sur la côte du Mozambique, que se déroule l’action du nouveau roman de Mia Couto, écrivain phare de son pays. Le Cartographe des absences raconte le retour au pays natal d’un poète vieillissant, en quête des fantômes de son passé. A travers un va-et-vient poétique et baroque entre le passé et le présent, le personnage reconstitue le puzzle de sa vie, remontant à l’origine des traumatismes qui l’ont structuré. Entre histoire et nostalgie.
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale
RadioFranceInternationale
12 septembre 2022
Son nouveau roman, Le Cartographe des absences, s’inspire de la vie de son père, qui fut, lui aussi, journaliste et poète et engagé dans la lutte contre colonisation portugaise.
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale
Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Au cours de ces journées, j’ai cheminé sur les lieux de mon enfance comme qui se promène dans un marais : foulant le sol sur la pointe des pieds. Un faux pas et j’aurais couru le risque de m’enfoncer dans de sombres abîmes. Voici ma maladie : il ne me reste plus de souvenirs, je n’ai que des rêves. Je suis un inventeur d’oublis.
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Ils n'avaient pas le droit de s'aimer, ils étaient de races différentes. Ils ont mis un terme à leur vie, tels des Roméo et Juliette des tropiques africains. Il avait été interdit aux journaux de parler de cette affaire. Le drame d'un amour impossible pouvait être plus subversif que mille pamphlets politiques. Et toute cette histoire si simple rayait d'un trait de plume toute la propagande d'un Portugal sans races et sans racisme.
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Nous avons tous deux ombres. Une seule est visible. Il y a, malgré ça, ceux qui discutent avec leur deuxième ombre. Ce sont les poètes. Vous êtes l’un d’eux, l’un de ceux qui parlent avec les ombres.
(incipit)
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Je tombe parfois dans le banal désordre de mes
tiroirs littéraires sur des textes que j'ai écrits
voici dix ans, quinze ans, peut-être davantage.
Beaucoup d'entre eux me semblent l'œuvre
d'un étranger ; je ne me reconnais pas en eux.
Quelqu'un les a écrits, et c'était moi. Je les ai bien
éprouvés, mais comme dansune autre vie, dont je
m'éveillerais aujourd'hui comme
du sommeil d'un autre.

Fernando Pessoa,
Livre de l'intranquilité
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Observe mon fils, combien ce noir est beau, combien il concilie délicatesse et dignité. Je les aime, les noirs. J'aime ces gens. C'est une jolie race que celle des Africains. Il y a des personnes qui assurent qu'elles ne voient pas de races, qu'elles ne voient que des personnes. Voici une chose belle à dire. Mais dans le monde aujourd’hui, mon petit-fils chéri, être aveugle aux races peut être une façon de ne pas voir le racisme. Et je veux que tu sois attentif à ce monde plein de choses laides mais également rempli de gens beaux.
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Videos de Mia Couto (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mia Couto
Dimanche 2 octobre 2022 Clôture du FIG 2022 et annonces du FIG 2023 avec François-Xavier FAUVELLE, président 2022, Merieme CHADID, grand témoin 2022, Mia COUTO, président du Salon du Livre 2022, Bruno TOUSSAINT, maire de Saint-Dié-des-Vosges et Thibaut SARDIER, président de l'ADFIG
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