La nuit de Noël, un bébé est abandonné sur la paille de la crèche d'une église aux côtés de l'enfant Jésus. Il est adopté par le baron Louis Charles Maximilien de la Touche et son épouse. Ainsi débute la vie et les aventures fantaisistes du jeune « noble » campagnard Clément de la Touche d'abord appelé modestement « Jésus ».
Ce roman vaguement picaresque ne vaut que par le style inimitable du regretté Raymond Devos, son comique de l'absurde et son art de la jonglerie avec les mots. L'ennui, c'est qu'il ne tient pas la distance. Par comparaison, ses sketchs sont beaucoup plus ramassés, plus concentrés et donc plus percutants que ce livre qui semble inégal bien que saupoudré ici ou là de bons mots ou de situations cocasses. On arrive à rire quelquefois, au détour des pages, mais on est loin du feu d'artifice auquel le maître nous avait habitué. Parfois on se dit : « Tiens là il y aurait eu matière à un sketch réussi… »
Ce livre se voulait à la fois humoristique et poétique. Il l'est nettement moins que le génie de Devos le laissait présager. Il ne comporte pratiquement que des dialogues ce qui pourrait l'apparenter à une sorte de pièce de théâtre un peu absurde genre Beckett en plus simple et plus accessible. Ni fable, ni conte, ni roman, ni vraie pièce de théâtre, cet objet littéraire, sorte de long sketch très dilué, aurait gagné à être soit condensé et mis en scène, soit retravaillé pour atteindre les niveaux d'excellence du « Petit Prince » ou du « Baron perché ».
Dès le début du roman, nous retrouvons l'univers loufoque du maître Devos, et nous retrouvons ce grain de folie tout au long du roman. Se suivent une série de tableaux, tous plus absurdes les uns que les autres, à l'image de leur auteur.
Je n'aurais qu'un seul petit regret à formuler : de la part de Raymond Devos, je m'attendais à trouver dans ce roman des jeux de mots dont seul M. Devos avait le secret. Malheureusement, mis à part quelques petits jeux de mots par-ci, par-là, le style demeure assez simple et linéaire.
Néanmoins, la loufoquerie du personnage principal nous permet de passer un bon moment de lecture et les scènes un peu cocasses nous feraient parfois penser à du Beckett ou à du Ionesco (enfin, selon moi).
Raymond Devos m'étonne par la finesse de son esprit. Même si ce qu'il raconte n'a mais absolument AUCUN sens, il a une habileté à jouer avec les mots sans pareille.
La baronne, tout en tricotant, comme à son habitude:
-Entrez, Pauline!
-Excusez-moi, dit la nurse, de vous déranger, mais il est de mon devoir de vous prévenir que c'est la deuxième fois que le jeune baron subtilise la boîte d'allumettes.
-Mon Dieu! Qu'en fait-il ? Est-ce qu'il les craque ?
-Non, il les frotte !
-Sur quoi ?
-Sur du papier ! Et comme le bout de chaque allumette est de couleur différente, il doit les prendre pour des crayons de couleur...
-Ah bon ! Vous m'avez fait peur... Et alors ?
-Comme cela ne colore rien, il s'entête à tailler les bout d'allumettes avec un taille-crayon !
-Achetez-lui un taille allumettes ! répondit distraitement la baronne.
-Ne croyez-vous pas, madame, qu'il vaudrait mieux lui offrir des crayons de couleur ?
Pauline regarda la baronne. Elle avait l'air de parler sérieusement.
-Lorsque vous irez acheter des allumettes, achetez-lui une boîte de crayons de couleur !
-Bien madame ! De quelles couleurs ?
-Les mêmes que pour les allumettes ! Il n'y verra que du feu!
-Bien madame !
Je signale respectueusement à monsieur le baron qu'il y a péril en la demeure...
-C'est-à-dire ?
-C'est-à-dire que monsieur le baron n'a plus de fonds !
-Comment ? Et le fond de caisse ?
-À sec, monsieur !
-Et les fonds de tiroirs ?
-Râclés, monsieur ! Restent les fonds de poches... Si monsieur veut bien me permettre de les visiter ?
-Faites, mon ami, faites!
Amédée s'empara du pantalon de son maître, le retourna, le secoua. Quelques malheureuses pièces tombèrent.
-Alors? Fructueux?
Amédée, mettant les pièces dans la main du baron:
-Décevant, monsieur !
-Vous avez fouillé partout ?
-Partout !
-Jusqu'au fin fond ?
-Jusqu'aux tréfonds, monsieur!
-Ah !
Le baron sembla réfléchir.
-Amédée, voulez-vous le fond de ma pensée ?
Mon fils, aujourd'hui vous n'avez rien prévu de particulier, j'aimerais que nous fassions ensemble le tour du propriétaire ! Je veux que vous connaissiez jusque dans ses moindres détails ce château, qui sera un jour le vôtre. Commençons par les ruines ! C'est la partie à laquelle je tiens le plus ! A tel point que s'il fallait sauver quelque chose de ce château, ce serait les ruines ! Ce sont les joyaux de ce domaine !
… la grosse artillerie, les porteurs de lance-pierres qui lanceront en l’air des œufs pourris pour ne blesser personne…
Il y aura des retombées…
Obligatoirement ! C’est la guerre !
Et si l’ennemi n’est pas impressionné ?
Nous allons opposer une résistance à toute épreuve…
Avec quoi, Monsieur ? Nous n’avons pas la maîtrise des airs !
Non, mais nous avons l’arme absolue : le mépris ! Nous allons faire comme si nous n’étions pas là, de sorte que s’ils nous cherchent, ils ne nous trouveront pas !
Ça n’a pas de ... (1968)