Ils vivent là, pratiquement reclus du monde civilisé, dans une maison délabrée des hautes montagnes, balayée par le vent. le père, la mère, les deux enfants Marc et Simone, mais aussi Manue, l'enfant de Mado, l'employée de ferme engrossée par le père. La petite Manue, Mado ne l'a jamais désiré. Elle est née à cause du père lorsqu'il l'a rejoignait dans l'écurie.
"- Cette fille là, c'est du poison, qu'il disait, et çà fait cracher dans la neige ! "
Mais aussitôt l'enfant né, Mado l'a déposé devant leur porte.
Tout près, vivent M'mé Coche et le grand-père. Chez le père et la mère, çà sent la crasse, la pisse, le purin, la moisisure. ça grouille de cafards, de rats, de poux, de puces. C'est dans ce cadre sordide et le dénuement le plus total que cette famille évolue. La communication passe le plus souvent par les jurons et les claques, un langage quasi inexistant, aussi pauvre que la misère même. Marc prend sous son aile la petite Manue, l'enfant du malheur, Manue qui le suit partout, qui dort près de lui dans l'estaffette du père, jusqu'au jour où la mère le lui interdit parcequ'elle a ses " affaires ".
Mais Marc ne peut se faire à l'idée de la voir s'éloigner, lui qui l'a regardé tant de fois dormir et écouté sa respiration. Alors il court dans les bois, amaigri par le chagrin, à la recherche du temps où avec Manue, leur vie poisseuse leur paraisait plus supportable.
Dans
L'office des vivants de
Claudie Gallay, on mesure l'immensité de la détresse de cette famille où l'on ne mange pas tous les jours à sa faim, où la crasse est partout. Sur eux mêmes, dans les draps, les torchons, l'habillement. L'écoeurement de l'institutrice est à son apogée en traversant la cour, ne sachant où poser les pieds.
Burrrkkk !!! me direz vous, peut-on lire de telles ignominies ? Eh bien si, on peut. Je l'ai lu pratiquement d'une seule traite et autant j'ai la crasse en horreur, autant j'ai adoré celle de
L'office des vivants où çà pue la charogne à plein nez. Une fois commencé, difficile de lâcher prise tant l'auteure décrit avec des phrases courtes et des mots percutants, la misère absolue de cette famille aux moeurs fétides, où l'envie vous prend de rire comme de pleurer.
Un roman sombre où la pauvreté de cette famille ne cesse de s'accroître, où les mots, parceque d'une extrême simplicité touchent le lecteur jusqu'au plus profond de son âme, là où çà fait mal. Des passages d'une rare intensité, revêtus parfois d'un manteau poétique, histoire de réchauffer les coeurs, de cicatriser superficiellement les plaies béantes d'une misère on ne peut plus noire.
Un immense coup de coeur pour ce roman de
Claudie Gallay.