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EAN : 9782367934136
726 pages
L’Atalante (25/09/2015)
4.01/5   289 notes
Résumé :
L'action de FUTU.RE se déroule dans un avenir lointain où l'humanité a su manipuler son génome pour stopper le processus de vieillissement et jouir d'une forme d'immortalité. L'Europe, devenue une gigapole hérissée de gratte-ciel où s'entasse une population qui avoisine le trillion de personnes, fait figure d'utopie car la vie y est sacrée et la politique de contrôle démographique raisonnée. La loi du Choix prône que tout couple qui souhaite procréer doit déclarer l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
4,01

sur 289 notes
D'hier à aujourd'hui. D'un auteur russe condamné à l'exil à un autre. Ma lecture récente d'Evguéni Zamiatine qui a quitté la Russie en 1931 étant persécuté par la censure stalinienne, m'a conduite à m'intéresser à Dmitry Glukhovsky qui risque actuellement jusqu'à dix ans de prison depuis sa prise de position publique très critique vis-à-vis de Poutine dès le début des combats en Ukraine. Cet auteur a été contraint lui aussi de fuir la Russie et vit désormais en Europe. C'est l'auteur, entre autres, de Métro 2033, de Sumerki, de Nouvelles de la mère patrie et donc de FUTU.RE. J'ai choisi ce dernier roman pour découvrir cet auteur et bien m'en a pris. Il s'agit d'un très bon livre de science-fiction accessible à tous - même les non férus de SF l'ovationnent c'est dire (si si, allez voir les différentes critiques) -, un véritable « page-turner » qui propose une vision effrayante et glaçante de notre monde au 25ème siècle (en 2455 très exactement).


Un monde surpeuplé. Trois trillions d'humains (cent-vingt milliards rien qu'en Europe). Nous pouvons très bien imaginer ce que cela représente en terme de villes hérissées de tours gigantesques aux milliers d'étages (et plus on est riche, plus on vit proche du ciel), de promiscuité, de bruit, d'odeurs, de chaos…mais monde dans lequel l'homme a trouvé le moyen de ne plus vieillir et de vivre éternellement grâce à une avancée médicale. Les cancers sont de vieux souvenirs, les maladies inexistantes. Par ailleurs, il n'y a plus de moyens de transport personnels mais des transports en commun ultra-rapides, la viande est synthétique et les insectes sont la base de toute nourriture. le bonheur quoi, qui vaut bien la peine de s'entasser, de manger et de se déplacer différemment, de ne plus voir la terre recouverte de béton et de composite, non ?

Je vous vois froncer les sourcils : comment peut-on concilier surpopulation et immortalité ? Paradoxale le monde imaginée par Glukhovsky, invraisemblable, voire incohérent ? Non. Les différentes régions du globe qui ont en leur possession le remède ont trouvé comment y faire face.
La Panamérique en proposant l'immortalité uniquement à ceux qui peuvent se la payer, solution capitaliste ;
la Chine en castrant sa population voilà deux cent ans, solution radicale ;
la Russie en la réservant seulement à l‘élite politique à coup de corruption et de mensonge à sa propre population, solution immorale ;
l'Europe, elle, pour faire face à ce problème de surpopulation et de limitation des ressources, propose à tous ses habitants, quelles que soient ses ressources, de faire un choix. C'est la loi du Choix. Solution terrifiante sous couvert d'éthique.

Un choix obligatoire décidé par la loi, un choix cornélien, un choix diabolique, un choix inhumain. Un choix qui touche à notre part la plus intime. Et c'est pour cela que ce livre fascine tous lecteurs quelle que soit sa familiarité avec la science-fiction.

Toute personne a droit à l'immortalité si et seulement si elle accepte de ne pas avoir d'enfant. Sinon, si un couple décide de procréer, la grossesse doit être déclarée et un des parents doit se sacrifier : il se verra injecteur un sérum métabolique qui va accélérer son vieillissement. Il aura environ dix ans à vivre au cours desquels ses fonctions vitales vont très vite se dégrader, son corps va se flétrir, la sénilité et l'incontinence deviendront son quotidien. Dix ans à profiter de son enfant et d'une vie familiale…enfin vie familiale sous réserve que l'autre conjoint, resté jeune, accepte cette dégradation. Un mort pour une vie.
Le hic, c'est lorsque la grossesse n'est pas déclarée, qu'elle devient donc illégale. Les femmes enceintes sont en général repérées soit par le taux de gonadotrophine dans les eaux usées, les canalisations étant truffées de senseurs, soit dénoncées par des voisins. Une organisation armée paramilitaire, la Phalange, intervient dans ce cas. Une armée d'hommes insensibles et brutaux portant un masque d'Apollon, des Tasers et des seringues, viennent confirmer l'illégalité de la grossesse, injectent à un des deux parents le sérum et kidnappent l'enfant afin que celui-ci soit placé dans un terrible internat dont le but est précisément de former les membres de cette effroyable et glaçante Phalange, et de devenir ainsi ceux qu'on appelle « les Immortels ».

Des hommes et des femmes surentrainés, qui n'ont ensuite droit à aucune vie familiale, et dont l'objectif, ad vitam aeternam, est de remplir cette mission de briseur de famille. Perpétrer des pogroms inlassablement. le moindre manquement au règlement, le fameux Codex, les amène au broyeur afin de devenir du compost, poussière parmi la poussière. Il faut dire qu'ils ont été à bonne école. L'internat est pire que le pire de vos cauchemars. Ses méthodes sont d'ailleurs controversées et critiquées. C'est un centre de dressage d'enfants, sans fenêtre, tout le temps allumé et truffé de caméras et de micros, usant de torture, de bourrage de crâne, et d'entrainements intensifs, broyant toute âme et sentiments en eux. Un lieu où les règlements de compte et la loi du Talion sont légion. seule une heure de cinéma par jour constitue leur unique source de rêve, d'espoir et d'accalmie.

L'histoire est racontée par un des immortels, le Matricule 717 lorsqu'il était à l'internat, Jan désormais dans la vie civile. Sa vie dénuée de sens va basculer le jour où un sénateur lui propose d'éliminer en sous-main un activiste de l'opposition, le leader du Partie de la Vie. Ce faisant il va rencontrer Annelie…Et tout va basculer. Ses certitudes vont s'effondrer, sa part humaine va éclore telle une fleur sauvage. C'est haletant, captivant et touchant. Les imbroglios politiques et géopolitiques s'entremêlent à cette histoire d'amour qui éclaire d'une lumière magnifique ce roman terriblement trash par ailleurs, bousculent cette trajectoire personnelle aux innombrables fractures dont le destin était tout tracé. Destin qui va connaitre des rebondissements tout simplement captivants.

Bon il faut reconnaitre que, au départ, Jan est très dur à aimer, j'ai mis du temps à ne plus éprouver de malaise vis-à-vis de ce personnage principal du roman.
Raciste, misogyne, violent, son parcours explique son caractère mais il m'a fallu plusieurs dizaines de pages pour l'accepter et déceler en lui son côté émouvant, son véritable moi. Plusieurs dizaines de pages pour m'adapter au style du livre.
Et au fur et à mesure du récit, Jan l'est de plus en plus, émouvant. de plus en plus humain. Au fil des pages, il est de plus en plus passionnant, ce livre. Et entre des passages trashs, notamment quand ils ont trait à la vision des rares personnes âgées, la vieillesse étant vue comme une horreur absolue (et que dire de la vision d'un cadavre..), flottent de nombreux ilots de poésie d'une beauté renversante.

« Elle me dépose un baiser sur le front et, là où ses lèvres m'ont effleuré, s'allume un soleil ».

Il est passionnant de voir ce que cette immortalité engendre sur la spiritualité et la philosophie. L'homme étant devenu un dieu, il n'y a notamment plus aucune place pour la religion, les églises se transformant soit en musée, soit carrément en maison de passe de luxe. Sans la Mort, plus la peine de terrifier le peuple avec l'enfer et de lui faire espérer le Paradis. C'est glaçant, décadent, d'un cynisme et d'une provocation folle de la part de Glukhovski. Les européens sont désormais les maitres d'un nouvel Olympe, les hérauts d'une nouvelle Antiquité, dans lesquels ils se pensent être devenus des Dieux. Nous savons ce qu'il advient des humains lorsqu'ils se prennent pour des Dieux…
Passionnant d'imaginer ce que signifie la notion de beauté, lorsque tout le monde reste éternellement jeune.
Le livre aborde également brillamment les conséquences pour les peuples des pays qui n'ont pas accès à l'immortalité, conséquences en termes d'émigration et d'inégalité ressentie de façon terriblement injuste. Barcelone, dans ce livre, est une mégalopole bouillonnante où les réfugiés viennent en masse se réfugier à la porte de l'Europe unifiée.

« Nous ne faisons rien de notre éternité. Quel grand roman a-t-il été écrit au cours du dernier siècle ? Quel grand film tourné ? Quelle grande découverte réalisée ? Je n'ai rien qui me vienne à l'esprit. Nous n'avons rien fait de notre éternité. La mort nous fouettait, Jacob. Elle nous obligeait à nous hâter. Elle nous obligeait à faire usage de notre vie. Jadis, la mort était visible partout. Chacun l'avait présente à l'esprit. C'est une structure : voici le début, voici la fin ».

Un livre qu'on ne lâche pas facilement tant sa beauté vénéneuse est à la fois fascinante et troublante, tant son rythme est soutenu et haletant. La loi du Choix touche à l'intime, à ce qui constitue notre essence, loi qui se déploie dans un contexte d'un réalisme saisissant. La mort de la mort, narrée dans ce ton parfois trash peut déstabiliser. L'auteur russe est très loin du politiquement correct mais il insère entre deux passages violents ou glaçants des passages poétiques hallucinants. Un excellent livre de SF qui me donne envie de découvrir les autres livres de cet auteur russe courageux et actuellement loin de sa Terre natale. A noter que certains de ses livres s'accompagnent d'une bande-son ce qui a particulièrement le don de me plaire (et me rappelle bien sûr La horde du contrevent pour laquelle Alain Damasio a également composé une bande-son à écouter en lisant le livre) et que Metro 33 peut être lu gratuitement sur internet et commenté par les lecteurs eux-mêmes. Soulignons également, à l'heure des Utopiales (le salon international de la SF) ce week-end même dans ma région, que Dmitry Glukhovski a obtenu le prix européen des Utopiales pour son roman Sumerki en 2014.

Visionnaire, contemporain, créatif et talentueux, un auteur russe à suivre assurément !

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Bonne pioche! Tout ce que j'aime dans l'anticipation : un univers imaginaire qui a des allures de vraisemblable, en filigrane une analyse sociale qui renvoie clairement aux travers de notre époque, des personnages en équilibre entre fatalité et révolte, des questions philosophiques que l'étrangeté du décor nuance, permettant au lecteur de faire un pas de côté pour y réfléchir.

Nous sommes en 2455. le monde civilisé est planté serré de tours de mille étages où vivent plus ou moins haut selon leur rang social trois trillions d'humains (cent-vingt milliards rien qu'en Europe). Autant dire que seuls quelques privilégiés s'offrent le luxe de contempler le ciel t le soleil. Des splendeurs passées ne restent que quelques monuments sous cloches sous les constructions de composite.
Une avancée médicale a modifié l'équilibre de la démographie : cela fait plus de trois cents ans qu'il est possible de ne pas vieillir et de ne pas mourir. Mais c'est donnant donnant. Une vie pour une vie : si un enfant est conçu, son père ou sa mère sera « injecté », il recevra l' « accélérateur », qui le transformera en quelque années en vieillard chevrotant , puis en macchabée à recycler.
Quant à l'enfant il sera confié à un internat et formaté pour devenir un milicien garant de l'ordre public et du respect des lois sur la natalité.

C'est le cas de Jan, matricule 717, qui, malgré les années d'humiliation, de sévices et de lavage de cerveau a du mal à faire taire en lui le petit enfant qui rêvait devant les premières images d'un vieux film imaginant sa vie dans un jardin de Toscane. Ce n'est pas pour autant un doux idéaliste et quand un riche sénateur lui propose d'éliminer un adversaire politique, il n'hésite pas. sauf que la compagne de la cible est présente lors du raid, et que tout ne se passe pas comme prévu…

Cette contre-utopie fait la part belle à la violence : immortels ou pas les hommes trouvent toujours de bons alibis pour s'entretuer. Et malgré les pilules de la sérénité, les instincts les plus ancestraux servent d'arguments pour passer à l'acte.
Le roman pioche également son inspiration dans une thématique bien actuelle, celle des migrants, qui s'entretuent dans les bas-fonds de Barcelone : hindous contre pakis, chassés de leur contrée d'origine rendue inhabitable par une catastrophe écologique. Caricature certes, mais oh combien plausible!

il n'empêche qu'il difficile de lâcher le roman, pourtant un joli pavé. L'écriture et le scénario sont très efficaces et convaincants. C'est un peu l'ambiance de 1984 ou de le meilleur des mondes, mais en plus réaliste et donc plus effrayant. J'ai la certitude qu'il ne sombrera pas de sitôt dans ma réserve personnelle des romans sitôt lus-sitôt oubliés.

challenge Pavés Babelio 2015-2016
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Au XXVe siècle, la Terre est surpeuplée, des milliers de milliards d'humains vivent amassés dans des tours à plusieurs milliers d'étages. L'homme a trouvé le secret de l'immortalité et en paye le prix. Les gens s'entassent dans des immeubles vertigineux. Jan, matricule 717, partie de la Phalange, ce groupe de miliciens qui traquent les contrevenants à la loi et doivent faire le choix, leur vie ou celle de l'enfant. Un jour, on lui donne un ordre différent, celui d'arrêter une personne qui lui permettra de monter en grade...
Un sacré morceau ! Tant en termes de dimensions de l'ouvrage que par son contenu. J'ai mis 3 ou 4 chapitres à rentrer dans l'histoire. J'ai compris qu'il n'y avait qu'un seul narrateur mais des allers-retours entre passé et présent. Jan est un sacré personnage, son enfance n'a pas été simple, il est élevé à la dure dans des centres. Il fait son travail sans se poser de questions, jusqu'il fasse connaissance avec Annelie.
Jan est très bavard, ça donne de longues réflexions sur lui, le monde, sa place, ses excès de colères... Parfois un peu difficile à rester concentrée sur le sujet mais Dmitry Glukhovsky y arrive de belle façon. Les voyages en Italie et en Espagne donnent un aperçu de ce monde futuriste.
On parle d'amour,du désir de maternité, de surpopulation, de l'immigration... avec une recherche implicite sur son enfance. Ce Jan, on le hait pour ces décisions parfois violentes ou haineuses et pourtant, on espère toujours... Un roman parfaitement construit, on imagine facilement un tel monde même si on aurait pu trouver une façon plus simple et moins violente pour empêcher la population de grandir toujours plus...
Dmitry Glukhovsky m'a tout de même scotché avec son roman qui monte doucement en puissance et je pense lire ses autres romans !
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Après avoir échangé un message avec une amie babéliote (merci !), je me suis procuré ce pavé qu'est FUTU.RE. Une tête de Méduse en couverture et la promesse d'une dystopie intéressante sur le thème de l'immortalité en ces temps d'épidémie mondialisée.
Dans l'Europe du roman, le plus bel endroit du monde où passer une longue existence (vaine souvent), les êtres humains sont maintenus en vie éternellement, et s'adonnent à différentes activités dans des immenses tours qui occupent tout l'espace, l'Europe historique étant reléguée au sous-sol de ces tours monstrueuses. On s'est en passant enfin débarrassé de la nature et de ses inconvénients : moucherons qui salissent les pare-brises des autos, ces dernières justement qui polluent et permettent d'aller où on veut sans demander une permission (serait-ce une forme de liberté?), moustiques et autres araignées brrr. le problème de l'immortalité : il n'y a plus de place pour tous. La peur de la sur-surpopulation a fait mettre en place une loi, la loi du Choix, où un parent-1 européen doit déclarer son éventuelle grossesse et doit choisir qui des deux (avec parent-2) doit vieillir et mourir s'ils vont au bout de celle-ci pour laisser la place au petit rejeton illégal (le mieux dans cette société est clairement de ne pas procréer, c'est un peu logique, une bouche de plus à nourrir est-ce bien raisonnable ?). Lorsque cette loi n'est pas respectée, interviennent les Phalanges, bras armés du parti des Immortels, organisés en décades et centuries qui la font appliquer à coup de LBD, de Taser et de seringues délivrant un doux produit vieillissant (serait-ce un coronavirus adapté ?)
Dmitry Glukhovsky a une vraie plume originale. Il ose nous bousculer assez violemment. Il est Russe et je ne sais pas quelle influence cela a sur son oeuvre mais il n'hésite pas à nous envoyer des piques sur nos certitudes (enfin, pas pour tous, certains s'interrogent quand même non ?). Vraiment le meilleur des mondes ici ?
A part la panamérique qui apparaît brièvement, les autres grands ensembles ne sont pas décrit (une suite possible ?)
Ses personnages ont des personnalités assez inhabituelles, pas très prévisibles, parfois même assez dérangeantes pour nos habituels schémas mentaux et c'est justement ce qui est intéressant. C'est noir avec ascendant glauque.
Son écriture est simple et incisive, toujours à la limite du supportable. Un seul bémol, certaines phrases m'ont semblé bizarres ou mal traduites (l'auteur parle français mais il écrit en russe).
Son univers est suffisamment bien construit pour y croire, même si des petits trucs nous font tiquer : les chiffres de la population, la taille et la proximité des tours... pas grave, il n'insiste pas trop et on avance dans le récit : La Cathédrale de Strasbourg et Barcelone la rebelle valent le détour...
Il est vrai que c'est long, qu'il pouvait raccourcir sans doute. Mais il interroge tout : la religion, la parentalité, notre rapport à l'occupation de la terre, la technologie, les valeurs morales, la résistance . . .
Le final est très cinématographique :
Un très bon livre de SF dont le style original détonne dans cet univers décidément en constant renouvellement.
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Un excellent roman de Science-Fiction qui réunit beaucoup de qualités. Dans le désordre les points forts sont l'univers futuriste créé, l'intrigue, le personnage central, les thématiques abordées. L'histoire se passe au milieu du XXVème siècle, depuis 300 ans l'humanité a trouvé le moyen d'être immortelle, il y a trois trillions d'humains sur la planète, tout est bétonné, l'Europe (plus de 120 milliards d'habitants) est une mégalopole couverte d'immeubles de 1000 étages. Ces chiffres sont bien sûr invraisemblables mais les descriptions, elles, sont crédibles : les gens vivent dans des cases de quelques mètres cubes, il n'y a plus de nature, le ciel n'est pratiquement visible de nulle part, les villes du passé sont toujours là, sous les villes modernes, partout des parois reconstituent des apparences de visions supportables voire agréables, l'alternance du jour et de la nuit. Cet univers est déjà visuellement oppressant, Dmitri Glukhovsky arrive à nous donner à percevoir un univers aérien aussi fermé que l'univers de Métro 2033, d'autant que le héros souffre un peu de claustrophobie (surtout dans les ascenseurs). Certains sont particulièrement bien décrits : les bas-fonds de Barcelone, les usines robotisées à viande, l'établissement de bains «La source», la cathédrale de Strasbourg, …
Evidemment qui dit remède contre le vieillissement conduisant à l'immortalité dit surpopulation. La Terre du futur est partagée entre différentes entités géopolitiques sur lesquelles en dehors de l'Europe, l'auteur s'étend peu. L'essentiel à retenir est que l'utilisation du remède immortel n'est pas régulée partout de la même manière. La Russie l'a inventé mais ne la propose pas à sa population dont l'espérance de vie est très basse (curieusement il semble que ses dirigeants ne vieillissent guère!), Panam prône l'égalité des chances, et le remède n'est fourni qu'à ceux qui ont le moyen de se le payer, le prix augmentant de plus en plus au fil des générations. La Chine est plutôt dans l'expansion territoriale, en Sibérie (dont les ressources ont été complètement épuisées) et en Inde (ravagée par une guerre nucléaire). Pour les autres régions du monde, hors Europe, le reste de l'humanité cherche à rentrer en Europe, car celle-ci propose l'égalité d'accès de tous ces citoyens à l'immortalité. Avec, bien sûr, une contrepartie : si l'on veut un enfant, l'un des deux parents doit offrir sa vie (par un vieillissement accéléré en dix ans). le choix est cornélien, et en cas de naissance non déclarée, les enfants sont enlevés et élevés dans un orphelinat terrible où ils sont coupés du monde, éduqués à penser que leurs parents sont des criminels, endoctrinés pour devenir les « Immortels », ceux qui traquent justement les parents fraudeurs. le thème de la surpopulation est peu abordée dans la SF récente, comme si c'était devenu tabou. Il faut dire aussi que Dmitri Glukhovsky est russe et qu'en Russie fantastique et SF sont depuis longtemps un bon moyen de dénoncer pas mal de chose en contournant la censure. Quand on sait que la Russie est plutôt en butte avec une dénatalité et une dépopulation, pas étonnant que l'auteur n'y aille pas de main morte sur ce thème ni que le lecteur trouve une richesse thématique qui dépasse largement ce sujet.
L'intrigue est bien ficelée, avec une histoire qui se tient, du suspens, des surprises, des rebondissements et retournements. Un vrai thriller avec un bon équilibre entre action, souvent très cinématographique et réflexion. Les thématiques abordés sont variés : l'attitude d'une société par rapport à ses personnes âgées, ce que pourrait donner une société sans enfants, la religion, la gestion des migrants (avec le choix de Barcelone comme point d'entrée en Europe), les conflits interethniques qui se poursuivent en dehors des terres d'origine, les magouilles géopolitiques et les dirigeants qui se sentent l'égal de dieux.
Le narrateur, Jan Nachtigal 2-T, ou 717 (et divers alias : Jacob, Eugène, …) passe sans prévenir du récit du présent à des récits de souvenirs, ce qui demande au lecteur un temps d'adaptation et au début du moins, pas mal d'attention. Ce personnage est le reflet de sa société : égoïste, violent, pas très sympathique. Pourtant, au fil des pages, à force de découvrir ses souvenirs dans des flash back le lecteur commence à le comprendre et à le trouver humain. On comprend d'où lui viennent sa rancoeur, sa haine des femmes, mais il reste en lui quelque chose du petit garçon qui s'était imaginé une autre vie dans un jardin de Toscane grâce aux premières images d'un vieux film. le personnage est crédible. Et puis il évolue, il est attiré par Annelie (on saura bien plus tard ce qui a déclenché cette attirance), peu à peu en tombe amoureux, remet en cause des tas de choses, une évolution très progressive jusqu'aux décisions finales qu'il prend. Au début sa vision de la femme n'est pas terrible, dominée par des femmes-enfants et des femmes-objets, avec beaucoup de violence, puis cette vision évolue, parallèlement à l'évolution de Jan, en particulier avec la scientifique prix Nobel et la médecin de la Croix Rouge, et puis on s'aperçoit que parmi les couples qui choisissent d'avoir un enfant, le renoncement à l'immortalité est assez bien partagé entre père et mère (sauf évidemment quand le père s'est barré). L'ensemble est très sombre, avec peu de personnages vraiment positifs (Annelie, la famille hindoue) mais quelle fin ! de la science-fiction de haute volée, vraiment intelligente.
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critiques presse (2)
Telerama
28 octobre 2015
Si ce gros livre, écrit avec fougue par un passionné de jeux vidéo, n'évite pas toujours les caricatures, il se dévore avec enthousiasme.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lexpress
25 septembre 2015
Cette contre-utopie trash et inquiétante prend place dans un futur lointain, alors que l'Homme a réussi à devenir immortel.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (84) Voir plus Ajouter une citation
Nous nous arrêtons dans le hub. Les portes d’embarquement sont installées sur trois étages, les murs de vingt mètres de hauteur sont occupés par une publicité sociétale : « LA VIEILLESSE ? LE CHOIX DES FAIBLES » et le cliché d’une ruine asexuée et ridée aux cheveux blancs. Des yeux larmoyants, une bouche entrouverte où il manque la moitié des dents. L’abjection incarnée. Je suis sûr qu’en collant ici cette caboche gigantesque les apôtres du bien-être commun ont enfreint un certain nombre de règles de l’éthique. C’est un mal nécessaire : l’Europe doit économiser sur tout, alors les pensions et les assurances maladie pour des vieillards en voie de décomposition, c’est un véritable gaspillage. Bien sûr, on ne leur coupe pas les vivres, mais on ne doit en aucun cas encourager la multiplication de ces maudits fainéants. Il faut aussi bien garder à l’esprit que la vieillesse ne vous tombe pas dessus de nulle part : tous ces idiots ont un jour décidé de se multiplier. Donc, pour chaque milliard qu’on dépense afin de leur permettre de vivre à nos crochets le plus longtemps possible, nous mettons un autre milliard sur la table pour l’éducation de leurs rejetons. Les retraités et les gamins, ça n’engendre que des dépenses ! Une minorité qu’il aurait fallu mettre à l’index depuis longtemps.
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Des millions d’années durant, les hommes ont ardemment désiré vaincre la mort, s’affranchir de son joug, pour cesser de vivre dans la peur et être libres ! À peine s’étaient-ils redressés, à peine avaient-ils empoigné le premier bâton, qu’ils réfléchissaient déjà à une combine pour berner la Faucheuse. Pendant toute notre histoire, et même avant, quand celle-ci n’était qu’un magma intemporel inconscient, notre but n’a cessé d’être le même. Les gens dévoraient le cœur et le foie de leurs ennemis, partaient en quête de sources mythiques cachées le diable seul savait où, avalaient de la corne de rhinocéros et des pierres précieuses pilées, ne s’accouplaient qu’avec de jeunes individus, payaient des fortunes à de prétendus alchimistes, bouffaient exclusivement des sucres ou des protéines suivant les recommandations des gérontologues, pratiquaient le jogging, déboursaient des fortunes à des chirurgiens charlatans pour que ces derniers leur tirent la peau et fassent disparaître les rides… L’homme était prêt à tout pour rester éternellement jeune, ou du moins pour en garder l’apparence. Nous ne sommes plus un homo sapiens. Nous sommes l’homo ultimus.
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Quand l’eau atteint la température de zéro degré, elle peut ne pas geler. Mais déposez-y un petit glaçon et le processus commence aussitôt. C’est à partir de ce point d’origine que va s’étendre le bouclier de glace. Le froid rampe autour de nous de la même manière, gelant sur place les clodos, les camelots, les laborieux, les pirates, les dealers en tout genre, les voleurs ; tous ces ratés. Ils cessent de s’agiter. Ils se figent. Puis ils se serrent les uns contre les autres en reculant sur notre passage, ils se tassent, alors qu’il semblait impossible de se tenir plus densément quelques secondes auparavant. Nous gagnons en vitesse, fendons la foule en deux, laissons derrière nous un sillage, une plaie ouverte dont les bords tardent à se refermer ; comme si les gens craignaient de mettre le pied là où nous venons de poser le nôtre. Un chuintement flotte dans notre dos : « Les Immortels… »
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p.520.

- On dit que, si les fourmis étaient capables de transmettre aux générations futures leur connaissance du monde, la planète leur appartiendrait et il n’y aurait pas de place pour l’homme. L’humanité a été jadis semblable à ces fourmis. Tout ce que créaient, pensaient et ressentaient des centaines de milliards d’individus a disparu sans laisser de trace, tout était vain. Nous apprenions toujours les mêmes leçons, nous construisions la tour de Babel avec du sable sec. Seule la jeunesse éternelle nous a transformés, nous les fourmis, en êtres humains. Les compositeurs des temps anciens perdaient la tête ou l’ouïe à peine avaient-ils compris la nature et les secrets de l’harmonie. Les penseurs retombaient en enfance, les peintres devenaient aveugles sans avoir eu le temps de composer leurs plus grandes œuvres. Les soi-disant gens simples, poussés par la vieillesse et la mort dans le cycle infernal de l’enfantement et de la multiplication, n’avaient pas le temps de réfléchir au sens de la vie, de découvrir leur véritable talent et de le développer. La peur et la mort faisait de nous des bêtes de somme. La vieillesse nous privait d’intelligence et de force, à peine avions-nous commencé à accumuler de l’expérience. Nous ne pouvions penser à rien d’autre qu’à la vitesse à laquelle filait la vie et, prisonniers de nos œillères, nous tirions le joug auquel était attachée notre pierre tombale. Cela étant ainsi… il n’y a pas si longtemps.
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La maison – ses fenêtres immenses aux rideaux qui faseyent à l’extérieur, la vanille de ses murs qui fond dans la bouche des cieux – respire calmement, comme vivante. Un chat se prélasse sur les lattes noires de la terrasse. Le paysage : collines bombées, couronnées de chapelles qui ont des allures de seins aux tétons percés, combes ombragées, mâts agités des cyprès – tout sombre peu à peu dans l’indigo nocturne.
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Vidéo de Dmitry Glukhovsky
Texto, de Dmitry Glukhovsky (LGF), coup de coeur d'Aude, librairie L'Hirondelle (Dans le cadre de l'édition spéciale Lire en Poche 2020)
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