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Cathy Bernheim (Éditeur scientifique)Annette Lévy-Willard (Éditeur scientifique)
EAN : 9782870278987
312 pages
Complexe (15/10/2001)
4.19/5   21 notes
Résumé :
En 1889, par une chaude journée d’août, une jeune juive russe émigrée arrive à New York, riche de ses vingt ans, d’une machine à coudre et d’un idéal. En quelques années l’Amérique ne va pas tarder à découvrir celle que les journaux nommeront "Emma la Rouge". Attentats, grèves, meetings, procès, emprisonnements se succèdent autour d’elle. Mais dans ce tourbillon où d’autres se noieraient corps et âme, Emma Goldmann n’oublie pas de vivre. Elle aime les fêtes, l’art, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Biographie d'une période de la vie de Emma Goldman. Russe juive, elle nous raconte son arrivée à New York en 1885. Anarchiste, féministe, antimilitariste, elle s'engage pour la contraception, l'union libre, l'homosexualité, contre l'exploitation des ouvriers et bien d'autres causes. Ses compagnons l'encouragent, au vu de ses talents d'oratrice, à faire des discours aux quatre coins des États-Unis et en Europe. Son activisme politique en tant que conférencière, écrivain, fondatrice d'un journal, l'enverra à plusieurs reprises en prison. Une poignée d'hommes autour d'elle, tous engagés, deviendront ses amants et resteront amis pour la vie. le plus important est Alexandre Berkman, dit Sasha qui sera condamné à 24 ans de prison. Elle côtoie Louise Michel, Freud, Lénine, Trotsky, etc. Les traducteurs ont pris le parti de couper ce qu'elle raconte de ses passages en prison. Ce qui fruste le lecteur d'un manque. Par contre, la dernière partie, quand ils sont en Russie est longue pour qui ne connaît pas trop la politique de cette époque. Je suis heureuse d'avoir fait la connaissance de cette incroyable femme libre, courageuse et intègre qui a fait progresser la cause de ses semblables.
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Ce qui marque cette autobiographie, c'est le lien étroit entre politique et intime. Si il y a là quelque chose de féministe, c'est surtout l'une des caractéristiques essentielles de l'anarchisme (l'engagement politique implique un mode de vie et un mode de relation aux autres et à soi-même). La chose chez Emma Goldman semble innée et viscérale, telle une Rimbaud de l'anarchisme (celui-ci ayant d'ailleurs une sensibilité anarchiste, cf. Lettre aux voyants et ses rapports avec la Commune). Pas une décision concernant ses amours, son divorce, son logement, son travail, son refus d'être opérée pour avoir des enfants, qui ne soit déterminée politiquement, par une réflexion sur ce qu'est être anarchiste. L'amour libre ne vient pas d'une espèce d'hédonisme, se justifiant parce que les choses sont arrivées ainsi et devraient alors être acceptées, mais parce que c'est combattre en soi l'envie de posséder, l'exclusivité, le sentiment destructeur de la jalousie (selon Alexander "Sasha" Berkman), ou inversement la tentation de se laisser posséder, de se laisser diriger (et Johann Most, par son charisme, son style de gentleman, son leadership, propose cette tentation à Emma)... Il s'agit d'accepter la diversité et la richesse de l'autre - un autre plein et émancipé -, son instabilité, la quasi impossibilité de l'entourer entièrement de ses bras seuls, pour la vie. Fedya répond à un besoin existentiel d'Emma, auquel Sasha ne peut répondre (on pourrait ici faire le lien avec la comique interprétation d'Amadou Hampâté Bâ de la polygamie traditionnelle, cf. Contes initiatiques peuls).

En même temps, les combats politiques relèvent de l'intime : soutien et vengeance des camarades en lutte, malthusianisme pour libérer le corps des femmes, liberté d'expression pour exprimer son mécontentement, refus de donner son corps à la boucherie guerrière... Pour un anarchiste (comme par exemple chez Murray Bookchin), la lutte contre l'autoritarisme politique, l'exploitation des ouvriers, les inégalités de classe, le racisme, le sexisme… commence par le refus de toute domination ou emprise à l'échelle de l'intime : dans la famille, dans la relation amoureuse, dans la communauté… L'action politique devient ainsi le prolongement de l'émancipation personnelle. C'est cette libération de l'individu qui lui permet de participer pleinement et activement à la vie sociale et politique (de manière similaire chez les Épicuriens, libérer l'individu dans son esprit - le point le plus intime - de la peur de la mort et des superstitions est le premier mouvement permettant une nouvelle sagesse politique). le caractère entier et radical de la Rouge fait toute sa légende (cette scène phénoménale où Emma monte sur scène et fouette au visage Johann Most qui a médit par jalousie de l'action terroriste de Sasha). Son récit fait justement tout ce parcours de l'échelle de soi à l'échelle collective : se révolte d'abord contre l'autorité violente du père, puis contre les injonctions de sa famille et de sa communauté juive, puis contre l'exploitation par le travail, contre l'emprisonnement de l'amour et de l'enfantement, contre la formalisation de parti, les privilèges de la célébrité...

Les récits moscovites nous introduisent d'une manière assez étrange dans cette révolution bolchevique. Les convictions d'Emma et de Sasha, militants infatigables de l'émancipation, se trouvent bousculées dans un environnement politique inversé (presque un Carnaval) où les dirigeants se veulent accueillants, familiers, défenseurs des mêmes idées... tout en maintenant une même violence d'autorité d'État au nom de la lutte contre l'opposant contre-révolutionnaire tsariste ou bourgeois (rappelant la Terreur révolutionnaire...). Plongée dans un monde absurde, société de contrôle extrême et de licence totale, où la suppression du marché aboutit au trafic, à l'accaparement, à la misère, où la bureaucratie égalitariste aboutit aux privilèges, où d'anciens militants dévoués banquettent comme des tsars et siègent au Kremlin. Emma et Sasha flottent dans une illusion, protégés par quelques figures importantes, non intégrés dans le tissu social de la réalité, dans un véritable réseau anarchiste comme celui dans lequel ils évoluaient en Amérique.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Une biographie, mais aussi une peinture des USA de la fin du 19ème et du 20ème, un point de vue sur la Russie de l'époque, et aussi de la lutte, de la grève, des sentiments, de la politique... Un très bon livre, même si la version française est largement tronquée par rapport à l'originale. Par exemple, le passage d'Emma Goldman au pénitencier de Blackwell est presque manquant et pourtant si intéressant... Une brochure "Un an au pénitencier de Blackwell" en français est disponible sur le net et la version anglaise du livre est aussi disponible en ligne, chapitre par chapitre.
Bonne lecture !
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
La première influence dans la vie d'un homme c'est sa mère
C'est elle qui cultive son sentiment d'importance . Plus tard , les sœurs , les femmes et les maîtresses ne font que suivre la voie tracée par la mère . J'ai dans l'idée que les femmes sont perverses : dès la première minute de la naissance d'un enfant mâle , et jusqu'à sa maturité , la mère fait tout pour qu'il lui reste attaché . Pourtant , en même temps , elle ne veut pas qu'il soit faible et l'encourage à être viril . Elle idolâtre chez lui les traits de caractère qui maintiennent les femmes en esclavage : la force , l’égoïsme , la vanité ..... Devant les contradictions de son sexe , le pauvre mâle oscille entre l'ange et la brute , l'enfant désarmé et le conquérant de l'humanité . C'est vraiment la femme qui a fait l'homme tel qu'il est . Le jour où elle saura être aussi égocentrée que lui , quand elle aura le courage de se jeter dans la vie et de prendre des risques comme il le fait , elle aura réalisé sa libération , et par là même celle de l'homme . C'est toujours à ce moment-là que les femmes qui m'écoutent se lèvent scandalisées et me crient : " Vous n'êtes qu'une femme vendue aux hommes ! " .
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Brusquement, Il y eut un silence, et je commençai à parler :
« Hommes et femmes, savez-vous que l’État est votre pire ennemi ? C’est une machine qui vous écrase pour mieux soutenir vos maîtres, ceux que l’on nomme la classe dirigeante. Et comme des enfants naïfs, vous vous en remettez à vos leaders politiques. Avec votre complicité, ils s’emparent de votre confiance, mais c’est pour la vendre au plus offrant. Et même quand la trahison n’est pas évidente, les hommes politiques de la classe ouvrière font cause commune avec vos ennemis : ils vous tiennent en laisse en vous interdisant l’action directe. L’État est un pillard à la solde du capitalisme, et vous êtes naïfs d’en attendre du secours... »
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Dans la vague de ses préparatifs militaires , l'Amérique n'avait rien à envier aux pays les plus réactionnaires de l'Ancien Monde : en un mois , Wilson institua la conscription obligatoire . Tous les hommes de nationalité américaine étaient jetés de force dans le moule militaire , parqués comme des troupeaux et mis sur des bateaux pour aller fertiliser le sol français . Woodrow Wilson était le premier président des Etats-Unis à avoir à ce point mystifié le peuple : il parlait sans cesse de la démocratie , pratiquait le despotisme , en privé et en public , et arrivait quand même à conserver l'image d'un champion de l'humanisme et de la liberté . Pour nous , la conscription était une mesure qui niait complètement les droits de l'homme et supprimait toute liberté de conscience .
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C’est parce qu’ils ne peuvent plus être les témoins inactifs de la souffrance et de la misère de leurs semblables qu’ils en viennent, parfois au prix de leur vie, à ces actes de de violence. Et ces actes devraient être retournés à leurs envoyeurs véritables, les responsables de l’injustice et de l’inhumanité qui règnent sur le monde.
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Feyda m’avait fait parvenir le montant de mon retour en seconde classe, ainsi qu’une centaine de dollars pour que je m’achète quelques vêtements. Je choisis de les dépenser en livre - mes livres bien-aimés ! - et d’acquérir l’essentiel de l’œuvre des écrivains qui étaient en train de faire l’histoire littéraire de ce temps, particulièrement des dramaturges. Aucune garde-robe n’aurait pu me me procurer la joie que j’éprouvais devant ma petite bibliothèque
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Videos de Emma Goldman (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emma Goldman
Pour ce troisième épisode de « Rends la joie », Kiyémis reçoit Martin Dust du Cabaret de Poussière. Au programme, un bout d'Emma Goldman,  un peu de cabarets de la Revolution Française et beaucoup de Maya Angelou. 
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