Nathaniel HAWTHORNE (1804-1864) est le Maître du Style et de l'intériorité des êtres. Publié en 1852, son troisième roman "The Blithedale Romance" (textuellement : "La Fantaisie romanesque de la Vallée joyeuse") nous le prouve une fois de plus...
L'auteur se replonge dans ses souvenirs de l'année 1841 où, alors âgé de 37 ans, il s'échappa de la grande Cité de Boston – notamment pour un impératif de survie économique – et a tenté le tout pour le tout : l'aventure humaine qu'il lui reste alors à vivre dans la Communauté utopique de Brook Farm [Cf. le film "La Communauté" de
Thomas VINTERBERG, 2016].
On nous rappelle qu'il dût d'abord "verser une caution de 1.000 dollars" et qu'il y était spécialement "chargé de pelleter le monticule de fumier dénommée « la mine d'or » [...] ".
Il y restera, bon an mal an, moins d'une année ; on le verra certainement soulagé de revenir vers "Les Lumières de la Ville", à la fois plein d'usage et raison" mais aussi riche d'expériences humaines et affectives : il se mariera dès son retour, en 1842.
Riche encore de mille souvenirs et impressions fécondes, on le constatera avec bonheur ici...
Ce bon Miles Coverdale (alter-ego de l'écrivain) est un observateur-travailleur aux champs parmi d'autres : ces "autres" si différents et opaques – tels la belle Zenobia, maîtresse et conteuse poursuivie par un amant prétentieux tout cousu d'or, la discrète couturière Priscilla (son modèle réel, Sophia Peabody, "illustratrice et transcendentaliste", deviendra Mrs
Hawthorne à l'issue de l'aventure champêtre), l'idéologue Hollingsworth se rêvant en "bienfaiteur de l'humanité" aux rêves altruistes à la fois rigides et fragiles, le laboureur Silas Foster "force de la Nature" aux moeurs mal dégrossies faisant contraste avec celles réservées (par la naissance) à "tous-Ces-Gens-d' La-Ville"...
Quel "melting-pot" fabuleux que l'immortelle Ruralité, au fond !
Les vingt-neuf chapitres de ces tribulations (tout sauf anecdotiques) ne seraient évidemment rien sans les beautés, finesses et mille nuances de la langue imagée qui faisait déjà le charme puissant et intemporel des "
Contes et Récits" (la plupart rédigés avant 1850) , de "
La Lettre écarlate" (1850) – la plupart de nos amis lecteurs semblant s'arrêter peut-être assez "moutonnement" à ce seul (excellent) roman : crénom, quel dommage !!! – et de "
La Maison aux sept pignons" (1851) : l'ironie bienveillante délicieuse de cet auteur qui annonce celle de
Anton TCHEKHOV, de
Robert WALSER, de
Stefan ZWEIG, fins connaisseurs & chantres des charmes de l'humain ordinaire...
Curieux tout de même que tant de lecteurs francophones semblent encore méconnaître le talent paisible et l'originalité de langue du grand homme de Salem, "pilier" de la Littérature de l'Amérique post-puritaine et post-amérindienne...
Un petit chef d'oeuvre finement traduit par
Marie Canavaggia en 1952, préfacé par
André Maurois (évoquant avec talent les "modèles" humains de la fiction de
Hawthorne), accessible au prix dérisoire de 9,80 € (donc quasiment donné !) dans la collection "L'Imaginaire" de l'éditeur Gallimard.