Les prêtres du psi

D'aucuns ramènent chaque livre de Frank Herbert au cycle de Dune. Cet écueil en modifie la lecture, et des liens poussifs sont établis entre Dune et les autres romans indépendants d'Herbert comme Les fabricants d'Éden ou Les yeux d'Heisenberg. L'auteur reste le même, le style aussi donc - même s'il est sujet à des évolutions. Les thèmes abordés aussi sont similaires d'un roman à l'autre mais sont surtout caractéristiques du genre (la science-fiction), et tenant compte de la variété impressionnante des thèmes abordés dans Dune.

Les Prêtres du Psi est un recueil de 6 nouvelles de Frank Herbert écrites entre 1955 et 1967, 5 avant la sortie de Dune (1966) et une après sa publication. Rien ne rapproche en particulier ces nouvelles sauf la complexité des mondes qu'y crée Herbert sur un format assez court rendant la compréhension des récits souvent assez difficile, n'enlevant au plaisir de les lire.

La première nouvelle qui donne son nom au recueil est la seule qui propose au lecteur un sujet de réflexion sur un thème donné: le rôle de la religion, la question de la paix ainsi que quelques considérations métaphysiques d'Herbert.

Au contraire des nouvelles suivantes, qui sont plus légères et purement divertissantes. Mais écrire des histoires n'est pas limité à la « transmission d'un message ». Loin de promouvoir une littérature simplifiée, facile et sans idées, la fiction sans implicite, à but comique et divertissant, est ce qui permet justement au lecteur de s'élever et de réfléchir à des mondes extraordinairement riches. C'est parfois en lisant ces histoires jugées sans prétention que le lecteur est mieux avertis à des oeuvres « plus profondes ». Les philosophes grecs l'ayant compris, c'est par des histoires et la mythologie qu'ils transmettaient leur philosophie: le mythe de la caverne, le mythe de Gygès, le mythe des Androgynes. le cadre d'une fiction est toujours plus propice à questionner et saisir l'interlocuteur qu'un essai brut.

Ainsi la nouvelle « Les Marrons du feu » plonge le lecteur dans un décor de western; « La course du rat » est une sorte d'enquête policière; « Délicatesses de terroristes » raconte l'histoire mouvementée de l'intégration culturelle d'une espèce extraterrestre parmi les homme sur fond d'une société ayant un Ministère du terrorisme, autorisée à commettre des actes terroristes; « La drôle de maison sur la colline » relate l'enlèvement d'un couple par des extraterrestres; et enfin la plus drôle nouvelle du recueil: « Le Rien-Du-Tout », où chaque humain possède un pouvoir particulier.
Alors n'ayez crainte, et venez passer un agréable moment en compagnie d'Herbert!

Recueil de 6 nouvelles parues entre 1955 et 1967.Elles s'organisent autour de deux grands thèmes :une réflexion sur des organismes plus ou moins secrets destinés à réguler une société intergalactique et en orienter le développement (du genre le Bene Gesserit )Dans la nouvelle éponyme il s'agit d'utiliser la croyance religieuse comme énergie.,le récit est intéressant mais alourdi par du prechi-precha. Dans "Délicatesse de terroristes" l'organisme par des actions de sabotage stimule les gouvernements (on retrouve ce thème dans "L'étoile et le fouet").le récit sous la forme de compte rendu de procès est un peu lourdingue. le deuxième grand thème est celui de l'invasion de la Terre par des Aliens sournois et parasites.Y appartiennent "Les marrons du feu" (ma préférée ) ,"La course du rat" et "La drôle de maison sur la colline".Enfin "Le rien du tout" présente une société où abondent les mutations psi.Un recueil intéressant mais pas emballant.

«Si vous voulez imposer la paix, il vous faudra une paix de plus en plus grande pour vous satisfaire. Et vous serez amenés à faire appel à une violence de plus en plus grande pour l'obtenir.»

À trois semaines de son mariage, Lewis Orne est envoyé en mission sur Amel, sol béni, sanctuaire de toutes les religions de l'univers connu: le Service d'Investigation et de Rectification (l'I.R.) suspecte les prêtres de machiner politiquement à son encontre. Ce qui pour Lewis semble être une n-ième aventure dangereuse, pourrait se transformer tout bonnement en une expérience intéressante...

Cette nouvelle* est souvent confondue avec le roman "The God Makers"** qui est une reconstruction de quatre textes*** dont elle fait partie. Les nouvelles prises ensembles forment un cycle, un univers propre que certains placent entre Dune et ConScience. Ici, la trame se concentre autour de la présence de Lewis Orne sur Amel, envoyé comme étudiant en théologie.

La trame en soit devient rapidement secondaire. Ce qui va intéresser le lecteur, c'est de suivre l'enseignement que Lewis va recevoir, sinon quelque part subir. En fait, plus que de suivre cette expérience intéressante, le lecteur va presque être Lewis. le contenu du texte, la teneur du message sont explicites, incitatifs, et initiatiques: «Immergez vous dans le courant mystique, [...] de quoi avez vous peur?» Lorsque l'on sort de son monde rationnel pour investir celui du mystique, ne pas avoir la foi peut se révéler être fatal, sinon mortel. le lecteur sera amené, au travers des expériences dans lesquelles Lewis doit se confronter à des machines pour éprouver l'exercice de sa foi, à comprendre ce qu'est la foi et les ressorts, les pouvoirs que la foi recèle.
Accompagné de son gourou/mentor/guide Makrish, Lewis va donc méditer sur la foi et les miracles. Certaines machines vont apprécier la qualité de sa foi, notamment une qui réagit aux souhaits les plus intimes non censurés par sa conscience incrédule. Et ces machines peuvent devenir mortelle, si celui qui les actionne ne s'en remet pas à sa foi.

«Cette machine obéit à mes ordres non censurés», répondit Orne. «C'est cela, la foi: la volonté non soumise à la censure».

Une autre machine le fera méditer sur le concept de miracle, la motivation de sa présence sur Amel puisqu'il passe pour un faiseur de miracle, un point focal psi, dans le langage de cette planète. Un concept auquel il aura eu une introduction en guise de préparation avant de partir en mission. Cette machine permet de réaliser des miracles, de faire apparaître des choses qui furent et ne sont plus, de faire comprendre que toute manifestation dite miraculeuse est inconditionnelle au bien et au mal. le point focal psi est n'est ni bon ni mauvais, il tire l'énergie du Chaos pour la modeler dans le Temps.

«Disons que la Vie est un pont entre le Chaos et l'Ordre. Disons maintenant que le Chaos est une énergie brute à la merci de ce qui saura la discipliner [...] La vie devient alors un réservoir de chaos.»

«Le point focal psi est l'équivalent scientifique du miracle, c'est un phénomène qui se produit en dehors des voies reconnues, en dépit des règles admises. En religion, on appelle cela un miracle. Selon certains savants, ce serait la rencontre avec un foyer psi».

«Mais en ces points de convergence, le Chaos est disponible en abondance et sous une forme telle qu'il nous est possible de le domestiquer».

Lewis traverse les épreuves comme des étapes d'un enseignement avant de rencontrer celui qui lui révèlera la clef de sa présence sur Amel, l'Abba d'Halmyrach. Un cheminement initiatique qui aboutit à une révélation au cours un ultime dialogue bien ancré dans la méthode de Frank Herbert, cette manie de jouer la maïeutique dans des rapports Maître-Étudiant dans le lecteur le lecteur saura se replacer.

Imposer la paix n'est pas la méthode à poursuivre, et les Prêtres s'opposent aux projets de l'I.R. En invitant Lewis sur Amel, ils veulent lui faire comprendre son rôle en tant que foyer psi à saisir l'opportunité qu 'il y existe à tirer du Chaos les forces de Vie qui empêcheront les Stases de se former.

«Elle [la Stase] attire l'énergie libre à elle, jusqu'à e que la pression du Chaos devienne trop forte, entrainant l'explosion. [...] Et une société figée explose lorsqu'elle se retrouve subitement exposée au chaos de la guerre, ou au chaos apparent d'une société nouvelle, étrangère. »

Emprunt du paradigme de l'auteur, les discours qui accompagnent les épreuves convergent inéluctablement vers le centre de son modèle: éduquer à penser hors des limites, exploiter les vecteurs de changements plutôt que de vouloir maintenir le statu-quo. Les Prêtres veulent faire en sorte que l'univers ne soit pas contraint de l'extérieur, mais que les sociétés se libèrent de la surenchère de l'imposition par l'extérieur et recherchent leur propre auto-discipline. Car imposer la paix revient à créer une stase qui requiert un contrôle toujours plus large et une violence toujours plus forte qui aboutira seulement à la destruction. L'éducation reste donc la seule voie pour maintenir la vie, et les Prêtres veulent disséminer les bases de la continuité de l'humanité en cultivant de nouvelles sociétés, en faisant appel aux pouvoir de ces points psi pour canaliser ces énergies vers une croissance soutenable de la vie, de l'humanité.
L'emploi de la religion étant sublimé, c'est la mystique plus que l'organisation de la religion qui sert de facteur, de vecteur de continuité. Car si les religions sont un réservoir potentiel d'explosion, la formation et l'éducation des prophètes (des foyers psi) permettrait d'éviter tout ce que les religions ont aujourd'hui produit et permettrait de sortir du cycle vicieux.

Encore une fois, Frank Herbert allie harmonieusement son paradigme avec un décor de SF, il nous offre de nouveau la possibilité d'explorer son Weltanschauung dans un nouveau décor, de nouvelles situations, de nouvelles pistes. Car si les modes de pensée explorées ici semblent faire écho à d'autres cycles et si elles intègrent bien des bases communes, elles se déclinent différemment. Preuve d'une richesse incroyable de son esprit et de sa capacité à nous y faire plonger avec plaisir, tel un jeu de pistes.



* "The Priests of Psi" in Fantastic Science Fiction Storie, February 1960, p.6
** "Et l'homme créa un dieu" | "The God Makers" , 1972
*** "You Take the High Road", in Astounding Science Fiction, May 1958 / "Missing link", in Astounding Science Fiction February 1959 / "Operation Haystack", in Astounding Science Fiction, May 1959
Lien : http://dedicated-monkeys.blo..

Herbert n'a pas écris que Dune et ce recueil de nouvelles le prouve. On retrouve pourtant des thèmes communs avec son vaisseau mère, même si aucun lien n'est clairement établie avec certaines histoires qui compose ce livre.
La lecture est un peu difficile comme c'est toujours le cas avec cet auteur. Rien n'est expliqué, il faut comprendre et déduire à quoi le vocabulaire inventé se rapporte. Les amoureux de SF grand public risquent de vite se lasser ou de ne simplement pas comprendre. Herbert n'est pas une porte d'entrée vers le genre.

A mon niveau je salue le brio de cet auteur capable d'autant de profondeur et de réflexion sur des textes si courts, mais justement, il me reste un arrière goût de trop peu, j'aurai voulu plus.

delongueur variables (15 à 100 pages), ces 5 nouvelles sont surprenantes par leur efficacité.... habituellement je n'aime pas les textes courts