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EAN : 9782848190778
Créer (01/06/2008)
4.75/5   10 notes
Résumé :
Robert Merle avec sa série d'ouvrages « Fortune de France », avait ouvert la voie des romans historiques conservant le langage de l'époque décrite.
Martine Hermant remonte plus loin dans le temps en nous livrant une histoire du Moyen Âge où tendresse et violence traversent le récit.
Vous allez revivre avec Lysandre les joies les émois et les peurs qui peuplent son univers.
Vous approcherez avec inquiétude le sor... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
A Dieu ne plaise, de Martine Hermant, est un roman historique de haute valeur. Il est à la chronique des moeurs provinciales du Berry et de ses seigneurs à la fin du premier quart du XIIIe siècle ce que La chambre des dames de Jeanne Bourin représente pour l'étude romanesque de la vie de bourgeois citadins, orfèvres à Paris, sous le règne de Saint Louis.

Si l'on est familier des mots employés dans les dialogues et qui sont tels qu'on pouvait les lire au Moyen Âge, on n'aura aucune peine à goûter la richesse de ce livre, et, dans le cas contraire, on prendra juste le soin de se familiariser avec ces sonorités anciennes qui laissent facilement deviner le sens du vocabulaire utilisé pour se glisser dans le récit savoureux et voluptueux de l'histoire de Lysandre et de Géraud de Boisgésir, son époux, du frère de ce dernier, Gilles, et de son principal lieutenant, Eudes de Huchemort, poète à ses heures et chanteur au son de la viole, capable de charmer et troubler les dames, mariées ou pas, avec quelques vers mémorables et parfaitement mémorisés. D'autres figures, plus étranges et plus inquiétantes, complètent la galerie de ces personnages : le Viez-Garol, espèce de sorcier, et sa fille L'Herminia, au corps souple et à l'âme sombre, qui vous entraîne facilement dans sa danse, malgré la crainte et l'étonnement qu'elle inspire, et que l'on suivrait partout, si ce n'était qu'elle et son père voyaient leur sécurité et leur ténébreux refuge protégés par une meute vociférante de loups, bien faite pour faire peur et pour faire fuir. le mystère s'invite dans ce récit au moment où tout semble suivre un ordre rationnel et logique et, nous rappelant que, toujours, la magie et l'étrange jouent un rôle dans nos existences, lors même qu'on les croit rectilignes et menées au seul rythme de nos volontés pensantes, comme si elles étaient toujours ordonnées selon des directives cérébrales clairement établies, il ajoute sa teinte particulière aux belles couleurs des forêts, des ciels, des champs, des châteaux, des églises visibles dans la campagne berrichonne mais aussi de la magnifique cathédrale qui s'élève à Bourges et qui nous tombe sous les yeux dans son élévation vertigineuse, sans le recul qu'il faudrait pour l'admirer de loin, tant les constructions qui l'entourent sont resserrées, et cela de quelque point que l'on choisisse pour l'observer.

C'est le temps des livres et des chants où se développe le bel idéal de Fin Amor, qui fait se pâmer dames et damoiseaux, mais que contrebalance la rudesse guerrière des seigneurs qui, au moindre refus de partage de couche de leurs épouses, s'adonnent sans sourciller à des amours ancillaires dépourvues de toute délicatesse et de toute tendresse.

Beaucoup de la douceur nous vient des femmes, et de Lysandre en particulier, qui, souvent ignorée ou mal comprise par son époux, cherche à rompre la monotonie des jours passés dans la demeure seigneuriale, par la compagnie de congénères ou de suivantes bien vivantes, mais aussi d'hommes tentateurs. Car, dans la suite de Gilles, frère de Géraud, il y a, nous l'avons dit, ce Eudes de Huchemort, qui fait tourner les têtes des hommes aussi
bien que des femmes - et cette ambiguïté court au long des pages de ce roman - et qui fréquente les lieux mal famés aussi bien qu'il est capable de servir une dame de la plus chaste manière, ce qu'il réussira à faire en devenant le féal de coeur de Lysandre, qui s'en défendra tout d'abord mais finira par succomber à l'étrange beauté de cet homme charmeur, capable de surprendre en bien comme en mal, ce qui nous amène à dire que l'auteure ne tombe jamais dans le piège qui consisterait à nous présenter, de manière manichéenne, des êtres ou totalement parfaits ou totalement mauvais. Martine Hermant met de la nuance partout, dans chaque phrase, et des sentiments mêlés nous sont souvent rendus par sa plume très fine.

Le récit est plein de rebondissements d'un bout à l'autre, des rebondissements qui permettent à Lysandre de tromper un ennui palpable qu'on la voit eprouver auprès de son mari, malgré l'affection qu'elle lui porte. Les émois éprouvés dans son aventure amoureuse, très mentale et courtoise, mais néanmoins passionnée, avec Eudes de Huchemort, au travers des chants sentimentaux qu'elle ne fait qu'entendre au début, avant qu'elle ne se mette elle-même à l'apprentissage de la lecture, et au travers des rencontres pleines de retenue, voire de méfiance, au début, puis de
fougue et de fol abandon, avec son ami de coeur, qui la couvre de baisers et l'abreuve de serments, émouvants de sincérité, tout cela vient bouleverser une autre approche du temps, plus reposante et plus calme, celle de la succession régulière des saisons et des travaux des hommes dans les champs, parfaitement, artistiquement et délicatement décrits, avec poésie mais aussi avec réalisme.

Nous sommes sous le règne de Louis VIII le Lion, et le roi s'apprête à conduire une Croisade dans les terres de Raymond VII de Toulouse, des terres travaillées depuis belle date par l'hérésie dite cathare, et l'Eglise veut anéantir celle-ci par le fer, le feu et dans le sang et les flammes pour que les hommes reconnaissent sa seule autorité religieuse, ce qui permet au Capétien de s'ingérer hypocritement mais pragmatiquelent dans les affaires du Midi-
Pyrénées sous couvert de la défense d'une sainte et juste cause.

Le départ des hommes d'armes pour cette expédition va bien sûr déchirer le coeur de Lysandre, qui voit ainsi s'éloigner pour une aventure pleine de périls les deux hommes qui se partagent son coeur, et cela peu après la venue au monde du fils qu'elle a donné à son époux, Géraud, lui-même épris de coeur d'une dame de plus haut lignage. Nous laisserons ici notre tendre Lysandre, afin de ne pas dévoiler le dénouement de cette belle histoire d'amour. Et nous la quitterons sur une jolie citation, en laissant le lecteur se saisir à son tour de ce livre, qui se lit
avec bonheur.

"Les adieux furent presque gais. Lysandre sur le chemin du retour, se sentait la tête toute légère d'une euphorie lumineuse, et le corps alangui d'un bien-être suave.
"De reprendre sa place au château ne parvint pas à ternir cette béatitude qui se recroquevilla au fond d'elle-même ; c'était comme une lumière intérieure qui la portait, présence si essentielle que, même latente, elle existait en fond de
bonheur persistant" (page 277).
François Sarindar, auteur de : Jeanne d'Arc, une mission inachevée (2015) et Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010).






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Comment avais-je pu passer à côté de ce livre ? Je ne me l'explique pas. Vous connaissez tous à présent mon amour, ma passion pour cette période qu'est le Moyen Âge... Il existe à l'heure actuelle moultes études sur le sujet, de même que de nombreux livres de cette période (je considère toujours comme une chance le fait de pouvoir lire un texte médiéval). Et si la mode est au roman historique - plaisant outil permettant à la fois de se divertir et de s'enrichir - , et notamment au roman médiéval, tous ne se valent pas, loin s'en faut. J'ai abordé ce livre avec cette joie de découvrir une autre histoire dans un espace-temps qui me sied.

Je place ce roman sur le haut du panier, autant le dire tout de suite. Mais qu'est-ce qui le différencie d'un autre, allez-vous me demander ? Son originalité. D'entrée de jeu, le lecteur est non seulement plongé dans le paysage médiéval mais également dans la langue puisque Martine Hermant a privilégié celle-ci dans les dialogues des personnages. Et je suis admirative, croyez-moi, devant le travail accompli. Je me dis qu'il a dû lui falloir un temps fou pour réussir ainsi à rédiger toutes les paroles dans cette langue certes admirable mais ô combien difficile puisqu'il existe des contraintes dues aux variantes. Mais bon, je ne suis pas là pour faire un cours de linguistique (je m'auto-censure car je me vois déjà dériver...). Alors, certes, il n'est pas évident au départ de comprendre tout de but en blanc mais je vous rassure : les termes sont traduits au bas des pages. Et au bout d'une dizaine, vous n'aurez même plus besoin de les regarder. Cela apporte une véritable valeur ajoutée dans ce roman puisque le lecteur ne peut pas être plus proche de ses personnages. Il est passé de l'autre côté du miroir, a fait un bond dans le passé.

Je le disais, le roman historique obtient un franc succès. Je classe celui-ci parmi mes préférés, au même titre que ceux de Bleuette Diot, Jean-Louis Marteil ou encore Jean-François Zimmermann. Et si tous ces auteurs font des romans aussi agréables, c'est parce qu'il y a un sacré travail derrière. La plume est là ensuite pour nous retranscrire leur passion pour cette période. Un grand merci chère Martine pour ce fabuleux texte !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Me voilà toute esbahie par ce roman !
Étonnée, intimidée, admirative, fascinée ...émerveillée !

Ce roman, se déroulant au XIII ème siècle, au coeur du Berry, retrace quelques années de la vie de Lysandre, la jeune épouse de Géraud, le Baron de Boisgésir, vassal de Vierzon. C'est avant tout un beau roman d'amour idyllique, mais pas seulement...

Le début d'À Dieu ne plaise m' a paru quelque peu déroutant car les dialogues empruntent beaucoup de mots à l'ancien français et leur compréhension n'en est pas toujours aisée mais rapidement on se prête au jeu, on se familiarise avec la tournure des phrases et on se laisse envoûter par cette si belle langue médiévale. C'est une brillante façon aussi pour se trouver pleinement immergé au temps des chevaliers et des forteresses.

En quelques mots : On s'y croirait !

Parce qu'il n'y a pas que les dialogues qui dépaysent, il y a aussi des descriptions fort documentées des lieux, des paysages, de la vie quotidienne, tout cela narré avec l'écriture si poétique de Martine Hermant.
Il y a aussi une atmosphère moyenâgeuse si bien rendue : celle d'un monde régi par les religieux, par un système féodal rigide, par des moeurs archaïques réduisant la condition féminine à une sorte de carcan mais celle aussi plus libératrice de la poésie médiévale déclamée par les chantres de la fin'amor, et celle aussi bien sûr des légendes païennes et de sorcellerie qui font naître chez les villageois tout aussi bien des peurs que des croyances dans le surnaturel.

J'ai suivi les aventures amoureuses et spirituelles de Lysandre avec passion. J'aime tant cette époque médiévale ! Mais, ce n'est pas la seule raison. C'est aussi grâce à l'écriture ciselée et sensible de Martine Hermant. Elle n'a pas son pareil pour nous emmener dans son univers à la fois merveilleux, mystérieux et inquiétant, pour évoquer la nature au fil des saisons, pour dire son attachement aux animaux, pour chanter l'amour !

Et puis, le personnage de Lysandre est tellement intéressant et riche. Au fil de ses rencontres, cette jeune épousée timorée se trouvera maintes fois la proie à de terribles doutes et les choix qu'elle aura à faire se révèleront parfois bien douloureux mais la rendront plus forte, plus épanouie, plus déterminée dans ses jugements.

Il y a encore tant de choses à dire sur cet admirable roman mais je laisse aux éventuels lecteurs le plaisir de les découvrir par eux-mêmes !

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Un excellent roman médiéval, trop peu connu, et qui mériterait une place dans votre bibliothèque. Un Moyen-âge bien reconstitué, un langage d'époque un peu surprenant au début mais que l'on maîtrise rapidement grâce à un astucieux glossaire, une belle histoire d'amour. Je le recommande à tous les inconditionnels du roman historique.
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C'est un de ces livres dont on a du mal à se détacher. On désire vivement connaître la fin, mais lorsqu'il ne reste que quelques pages, une furieuse envie de revenir en arrière vous prend. Je l'ai fermé empreinte de mélancolie, laissant Lysandre à son sort, mais l'accompagnant par la pensée.
Une seul mot pour terminer : LISEZ !
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
La matinée était claire, d'un air vif qui trahissait la saison avancée. La gelée blanche pâlissait les champs et les fossés mais le soleil, gagnant en force, dissolvait progressivement la pellicule cristallisée pour rendre à l'herbe luisante son vert vigoureux. Il semblait à Lysandre qu'il en faisait autant sur son dos, ses rayons réchauffaient l'extérieur de sa chape qu'elle tenait bien serrée autour d'elle dans la douce tiédeur de sa fourrure de fouine. Elle dégagea son visage, encore rougi par le froid, du chaperon. Gilles devait éprouver pareil contentement car il ne tarda pas à dégrafer le sien du camail pour s'en débarrasser.
- Ah ! ... s'exclama-t-il, avec satisfaction. Miels aime oreilles freschettes que de sorporter ça plus longues ! Proisme est la tempoire des pesants mantels : point ne nous encombrons desja. Las, je vais devoir porter cela orendroit...ajouta-t-il comiquement, que n'ai-je l'eur d'être plus avéros pour soldre porte-chape à mon aisement !
Se tournant vers Anieuse, un peu à l'arrière :
- Et toi, la belle, ne t'en chargierais-tu point ?
- Certes non ! répondit Anieuse avec aigreur.
Gilles émit un sifflement significatif et dit à Lysandre :
- Par saint Sulpice, vous avez là serve à avenante mine mais à mauvais contenement !
Lysandre, surprise, observait l'air hargneux d'Anieuse. Elle s'étonna plus encore quand elle la vit repousser avec violence le geste amical de Gilles qui lui caressa familièrement la joue. Elle s'était vivement reculée, fixant Gilles avec des yeux étincelants de haine. Poine grognait, le poil hérissé.
- Si m'ait Dieu : elle me charpirait la face si elle était chatte ! s'écria Gilles, contrefaisant la terreur.
Lysandre s'approcha doucement d'Anieuse, la considérant avec intérêt. Son incompréhensible colère donnait un relief inhabituel à son apparence d'ordinaire si fade.
- Et bien, Anieuse, qu'as-tu ? Messire Gilles ne t'a pas mestraitier, ce me semble... est-ce son querement qui t'engraignie ?
Anieuse secoua négativement la tête et s'empara sèchement du chaperon de Gilles. Puis, elle recula de nouveau hors de leur portée. Lysandre, la voyant si hostile, n'insista pas. Elle reprit le bras de Gilles en l'incitant à passer outre.
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Chapitre I
LA DAME

« Point de plorerie...contretenir à si sotoarte feblece...»
Lysandre s'appliquait à garder les paupières closes.
« A Dieu ne plaise que Géraud merquie ma doliance ! »
Une haleine chaude lui effleura le visage, un baiser moite se posa sur son front, mais ce qu'elle redoutait ne s'enchaîna pas : Géraud s'éloigna de la couche. Elle osa l'observer entre ses cils : il enfilait sa chemise, sans se hâter, devant la présence discrète du valet, l'inévitable Pierre Bec-Clos qui avait déposé dans l'angle de la chambre une cuve fumante d'eau chaude pour les ablutions.
« Ne peut-il aller viaz ? Il alente a tot ses chausses... Quelle longuece pour desmetre cotte et surcot de la perche et s'en afubler ! Va-t-il départir, à la parfin ? Nenil... il reverte et s'aproismie derechef de la couche »
Lysandre referma précipitamment les yeux et soupira doucement. Il se contenta de redresser le chevecier que Pierre Bec-Clos avait secoué sous la tête de son maître pour le tirer du sommeil. Géraud se décida enfin à gagner l'oratoire voisinant la chambre, Pierre Bec-Clos disparut derrière lui en emportant le baquet. Lysandre put relâcher sa feinte. Elle ouvrit un regard trouble sur la pièce sombre.
L'effort qu'elle avait fourni pour paraître endormie avait sur l'instant engourdi son découragement qui, délivré maintenant de toute contrainte, put revenir à la charge avec plus de virulence pour avoir été entravé. Lysandre se laissa submerger par le flot brûlant des larmes qui jaillit librement pour inonder ses joues. Elle tenta vainement d'en endiguer le cours mais aucune nécessité ne se présentait pour l'y aider, pas même le remords d'avoir manqué aux trois signes de croix du réveil de la conscience. Elle se retourna face contre l'oreiller, étouffant ces humiliants sanglots, pensant brusquement que Margue-la-Mère ne devait absolument pas être témoin de sa défaillance ! Cette perspective, plus que tout, agit sur sa volonté. Essuyant fébrilement ses pleurs avec le drap, elle se redressa pour accueillir l'intimidante meschine et s'acquitta rapidement, quoique un peu tard, des signes de superstitieuse piété.
L'autoritaire matrone intervenait habituellement peu de temps après que Pierre Bec-Clos ait averti la maisnie du lever du maître. Son apparition commençant sérieusement à se faire attendre, Lysandre supposa que Géraud avait donné des ordres pour qu'on la laissât reposer plus longtemps. Ceci ne manquerait pas de soulever les réflexions ironiques de Margue-la-Mère qui relevait chaque occasion de souligner la dolence de la jeune épousée... Mais Lysandre remerciait mentalement son époux du sursis qu'il lui octroyait. Ce répit lui permettrait sûrement de reprendre empire sur elle-même, avant d'affronter la nouvelle journée.
Elle entendit vaguement sonner prime, confuse de penser que chez son père, on n'eut pas toléré qu'elle laissât passer la messe en faisant fi de l'appel des cloches. L'exigence religieuse était moins sévère à Boisgésir où, si Géraud tenait à ses devoirs, il ne s'offusquait pas qu'on remplaçât la messe de prime par des heures dites avec application dans l'oratoire de la chapelle. Elle ne pouvait que s'en réjouir, non que ses pratiques de piété fussent relâchées, mais le jeûne prolongé jusqu'à la grande-messe de tierce la mettait à la torture.
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Charlotte balaya ses derniers scrupules et les robes furent vite jetées sur l'herbe, rapidement suivies par les chemises. Les jeunes femmes entrèrent dans l'eau fraîche avec des petits cris. Alix était la plus courageuse et elle eut tôt fait de s'y plonger entièrement. Elle aspergeait Charlotte qui ripostait maladroitement. Lysandre se résolut à se laisser couler le long du courant, elle suffoqua un peu sous l'étreinte froide qui l'enveloppa d'un coup. Bientôt, les trois baigneuses nageaient et s'ébattaient en riant, sous l'œil contemplateur de Barthélemy qui s'était sagement assis sur la berge. La jeunesse imposait sa loi, elles s'amusaient sans façon, chahutant avec insouciance. Les corps ruisselaient dans la lumière adamantine [...]. Corps blancs, laiteux, de Lysandre et de Charlotte... l'une souple et ondulant comme un cygne, l'autre grasse et rose comme une oie tendre... corps vigoureux au hâle cuivré d'Alix... la chair offerte à l'élément liquide dans sa plus naturelle acceptation. Lysandre éprouvait un plaisir presque sensuel au glissement de l'eau autour d'elle. Elle se renversait à demi, fermait les yeux pour mieux sentir le courant passer sur ses seins... le long de ses hanches... entre ses cuisses... ces caresses-là étaient bien plus agréables que...
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Lysandre soupira ; si un effort de volonté avait pu l'arracher à cette béatitude stérile, elle aurait demandé à Anieuse de lui faire un peu de lecture. Elle imagina machinalement la voix monotone de sa suivante annihilant le silence feutré de la pièce, préjugea de l'effet comme d'une dissonance. Rien n'allait mieux a cet instant que le fil intériorisé d'un libre cheminement des pensées. Et puis, quel livre écouter ? Elle connaissait par cœur les quelques ouvrages mis à sa disposition... Il y avait bien le fameux "Traitis de l'Amor" d'André le Chapelain, mais sa lecture n'était pas de celle qui se faisait à haute voix dans un endroit aussi public, du moins le croyait-elle... Non, il fallait en rejeter l'idée, et elle regretta de ne pas savoir lire elle-même, surtout qu'Anieuse mettait une mauvaise volonté flagrante à traduire ce qu'elle prétendait latin trop difficile pour ses connaissances.
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La mort du père Thomas avait eu l'effet d'une pluie glaciale sur les voluptés tièdes de Lysandre. [...] Le changement que l'arrivée du père Boniface opéra a Boisgésir eut des répercussions immédiates. Ses ouailles se réveillèrent de la torpeur indulgente où les avaient confinées l'ancien prêtre. [...] La maisnie, interloquée par le contraste de cette raideur avec l'affabilité du père Thomas, observait le visage jaune [du nouveau venu] avec une inquiétude qui n'avait pour se justifier que les petits yeux inquisiteurs et incroyablement durs qu'il posait sur ses paroissiens.
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