AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782262033903
280 pages
Perrin (17/02/2011)
3.86/5   28 notes
Résumé :

C’est par la révolte d’un paysan, Baptiste Deschamps, qu’a été révélé le sort atroce qu’on réservait aux poilus atteints du syndrome du shell shock, ces soldats qui n’avaient pas résisté psychologiquement à l’épreuve du feu et que l’on avait retrouvé pétrifiés, l’air hagard, parfois même fous. En haut lieu, on les appelait les ” embusqués du cerveau “, soupçonnés d’être des simulateurs. Pour le prouver, on les soignait à coups de décharges électriques. L... >Voir plus
Que lire après Les soldats de la honteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
La première guerre a-t-elle favorisé des progrès en psychiatrie, comme cela a été le cas en chirurgie réparatrice ? On estime pourtant à 100 000, les soldats français restés hagards à vie, hurlant sans raison apparente, pliés en deux et incapables de se relever.
On prenait leurs symptômes si singuliers pour une invention, une hystérie masculine ou une simulation pour ne pas retourner au front.
Ils étaient les trembleurs, les paralysés, les sourds, les muets, les aveugles, les hystériques, les plicaturés, les neurasthéniques, les apathiques, les hallucinés…
“De ces héros-là, on en avait honte. S'il était difficile de soutenir le regard des “gueules cassées”, au moins le pays s'inclinait devant eux, mais les fous, les hystériques, les déments, il fallait les cacher, les dissimuler parce qu'ils renvoyaient une image terrible de la guerre en complète contradiction avec les lauriers de l'héroïsme dont la société d'après guerre couvrait les poilus et les anciens combattants.”

Jean-Yves le Naour analyse en historien comment la médecine a servi la politique favorable à la guerre.
Car il fallait bien soigner ces blessés sans blessures. Deux méthodes se sont opposées : la méthode douce à base de repos, de balnéothérapie, d'héliothérapie, de massages et de nourriture abondante ou la méthode “brusquée” consistant en un traitement électrique plus ou moins agressif.
Les tenants de la seconde méthode prônaient que la souffrance par l'électricité était plus prompte à renvoyer les soldats au front.
La fin était juste, alors qu'importaient les moyens, “qu'importait la douleur momentanée de quelques malades de la volonté ?”

L'historien montre que la psychanalyse émergeante n'a pas été prise en compte car elle était “austro-boche” et ne pouvait être acceptée à ce titre comme méthode car “la haine nationaliste était trop forte pour que la communauté médicale française puisse s'ouvrir au vent nouveau qui soufflait d'Autriche.”

“Non, la guerre n'a pas seulement meurtri et lacéré les chairs, elle a entaillé les âmes, elle a rendu fou. Dire cela, évoquer la figure des aliénés que l'on a toujours dissimulés, par honte et par désespoir, ce n'est pas offenser les poilus mais ramener les héros à leur dimension humaine, de chair et de sang. Les héros étaient des hommes, rien que des hommes et ce qu'ils ont vécu allaient au-delà de l'inhumanité.”

Il faudra attendre la guerre du Viêt Nam pour que l'on reconnaisse la survenance de troubles du stress post-traumatique.
Commenter  J’apprécie          371
L'ouvrage revient sur un aspect peu connu de la Grande Guerre, les troubles post traumatique liés au conflit.
L'auteur nous apprend comment les maux des poilus était perçus et compris par les médecins de l'époque dont l'objectif premier était de renvoyer de la chair à canon sur le front.
Il ne s'agit pas là de récits détaillés sur l'expérience de tel ou tel soldat, mais de l'évolution de la compréhension et du traitement des malades par les médecins. Un patriotisme acharné prévalant souvent sur l'étique.

Je conseille cette lecture aux amateurs de la période qui en découvriront un nouvel aspect.

Bonne lecture!
Commenter  J’apprécie          60
Les soldats de la honte? Ou bien les praticiens de la honte? Enquête édifiante sur une médecine hasardeuse, à l'image de son temps, d'une indescriptible cruauté. Mais, après tout, moralement, quelle distingo entre le médecin qui veut à toute force renvoyer le "psychotique" vers le front, l'officier supérieur qui ordonne l'assaut inutile, le mobilisateur qui arrache la vie des villes et campagnes?
Commenter  J’apprécie          70
Encore une facette terrible de cette grande guerre; une facette horrible, injustifiable : qui peut être assez insensé pour infliger de nouvelles tortures à des hommes qui avaient enduré de telles souffrances qu'ils en étaient devenus meurtris à vie dans leur esprit, en plus des stigmates que portait leur corps ? La guerre est cruelle, souvent injuste, provoquée par des puissants et subies par des innocents, et là on atteint une nouvelle dimension dans l'insoutenable. Pourquoi faut-il que l'Humain soit aussi sauvage ? Je me suis lancée dans une lecture ( voire relecture) d'ouvrages ayant pour sujet la 1ère guerre mondiale... J'espère n'y pas laisser ce qui me reste de foi en l'Homme.C'est pas gagné si je continue à croiser de tels écrits!
Commenter  J’apprécie          40
« Les soldats de la honte » est un livre courageux, prenant le parti de soldats bel et bien bousillés par la guerre, mais dont la blessure n'était malheureusement pas pour eux apparente.

Soumis à des conditions de stress effroyables et sans doute insoutenables, le cerveau disjoncte et les dommages sur le corps humain peuvent être irréversibles.

Confrontés à ce phénomène encore nouveau et mal connu, les médecins militaires français de l'époque auront été dépassés par les évènements, soutenant des thèses aujourd'hui risibles, sur la vaillance de la race française et la simulation de tire-au- flancs, méritant d'être soignés de force, notamment par la torture électrique.

Et même, Roussy, le brillant cancérologue, ne ressort pas franchement honoré de son attitude durant la guerre.

Peu d'humanité à attendre donc de la part de ces médecins-soldats aveuglés par le contexte belliqueux de l'époque, et tous axés vers la victoire face à l'ennemi boche, diabolisé.

Ce n'est que bien plus tard, sous l'influence de la psychanalyse, que la thèse du choc post traumatique appelée « Shell shock » par les britanniques, sera officiellement adoptée par l'ensemble de la communauté médicale.

Aujourd'hui, les soldats revenant d'Irak ou d'Afghanistan souffrent vraisemblablement des même troubles que nos vaillants poilus de 1914-1918, et certains ne s'en remettent toujours pas, ce qui replace ce mal dans toute sa complexité.

Un livre fascinant donc, dont on saluera la pertinence et le désir de réhabilitation.
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Il faut bien venir en aide aux malheureux poilus et soigner les malades du mieux que l'on peut. Deux méthodes s'imposent alors qui reflètent l'ambiguïté du corps médical face à la guerre, entre secours à l'humanité en souffrance et exigence patriotique de la guérison la plus prompte pour renvoyer des soldats au front. Au service des hommes, les spécialistes préconisent la méthode douce, le repos, la balnéothérapie, l'héliotherapie, les massages, la nourriture abondante. Au service de la patrie, ne voyant dans les malades que des soldats défaillants que l'on doit rapidement remettre sur pied au nom de la défense nationale, ils utilisent des méthodes dites «brusquées», consistant essentiellement en traitement électrique plus ou moins agressif. La douleur, pour ne pas dire la torture électrique, devient alors un élément thérapeutique de premier ordre qui, en faisant mal au patient, l'amène à quitter son état hystérique, sorte de nid douillet où le soldat s'est réfugié pour quitter la réalité trop déprimante des tranchées. Le médecin aide-major André Gilles, qui l'emploie sur ses malades, ne voit pas le problème et nie même la question de la douleur: «Pour pénible qu'elle soit, elle est très supportable» Ceux qui oseraient refuser un tel traitement que l'on baptise du doux nom de «torpillage» sont aussitôt perçus comme des suspects, du gibier de conseil de guerre...
Commenter  J’apprécie          150
... la majorité des médecins chargés de traiter les affections des combattants voient dans ces hystériques de simples prédisposés, des alcooliques, des syphilitiques ou des sujets à l'hérédité chargée, en un mot des faibles qui seraient de toute façon tombés malades dans la vie civile. La guerre, que l'on présente comme régénératrice dans les premiers mois du conflit, n'y est donc pour rien. Pire, les praticiens se méfient de ces hommes traumatisés et se demandent s'ils ne sont pas des simulateurs, des petits malins qui jouent la comédie pour s'embusquer dans un hôpital, le plus loin possible du front. En l'absence de blessure, comment être certain que le soldat est bien un malade et non un mauvais sujet? Comment s'assurer, en admettant qu'il ne mente pas et qu'il ait réellement perdu la raison quelques instants, qu'il ne se complaît pas dans l'exagération du mal pour profiter d'une généreuse évacuation ?
Commenter  J’apprécie          120
Il fallait être efficace, soigner le plus vite possible et ne pas craindre d'employer les méthodes les plus brutales, de recourir à la douleur, même, car les méthodes douces sont bien trop longues à remettre un homme sur pied si tant est qu'elles mènent quelque part. Quand la rentabilité prend le pas sur l'humanité, le rendement sur le dévouement, quand le médecin cesse de se penser au service des malades, alors il n'y a rien d'étonnant que la médecine devienne une sorte de machine sans âme ni conscience et glisse vers la violence pour répondre à la souffrance.
Commenter  J’apprécie          160
De ces héros-là, on en avait honte. S'il était difficile de soutenir le regard des "gueules cassées", au moins le pays s'inclinait devant eux, mais les fous, les hystériques, les déments, il fallait les cacher, les dissimuler parce qu'ils renvoyaient une image terrible de la guerre en complète contradiction avec les lauriers de l'héroïsme dont la société d'après-guerre couvait les poilus et les anciens combattants. La guerre, pourtant, il faut avoir le courage de la regarder dans les yeux.
Commenter  J’apprécie          30
Non, la guerre n'a pas seulement meurtri et lacéré les chairs, elle a entaillé les âmes, elle a rendu fou. Dire cela, ce n'est pas offenser les poilus mais ramener les héros à leur dimension humaine, de chair et de sang. Les héros étant des hommes, et ce qu'ils ont vécu allait au delà de l'inhumanité.
Commenter  J’apprécie          50

Videos de Jean-Yves Le Naour (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Yves Le Naour
Interview de Marko et Jean-Yves Le Naour pour Le réseau comète, chez Grand Angle
autres livres classés : histoireVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (80) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3125 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}