La première guerre a-t-elle favorisé des progrès en psychiatrie, comme cela a été le cas en chirurgie réparatrice ? On estime pourtant à 100 000, les soldats français restés hagards à vie, hurlant sans raison apparente, pliés en deux et incapables de se relever.
On prenait leurs symptômes si singuliers pour une invention, une hystérie masculine ou une simulation pour ne pas retourner au front.
Ils étaient les trembleurs, les paralysés, les sourds, les muets, les aveugles, les hystériques, les plicaturés, les neurasthéniques, les apathiques, les hallucinés…
“De ces héros-là, on en avait honte. S'il était difficile de soutenir le regard des “gueules cassées”, au moins le pays s'inclinait devant eux, mais les fous, les hystériques, les déments, il fallait les cacher, les dissimuler parce qu'ils renvoyaient une image terrible de la guerre en complète contradiction avec les lauriers de l'héroïsme dont la société d'après guerre couvrait les poilus et les anciens combattants.”
Jean-Yves le Naour analyse en historien comment la médecine a servi la politique favorable à la guerre.
Car il fallait bien soigner ces blessés sans blessures. Deux méthodes se sont opposées : la méthode douce à base de repos, de balnéothérapie, d'héliothérapie, de massages et de nourriture abondante ou la méthode “brusquée” consistant en un traitement électrique plus ou moins agressif.
Les tenants de la seconde méthode prônaient que la souffrance par l'électricité était plus prompte à renvoyer les soldats au front.
La fin était juste, alors qu'importaient les moyens, “qu'importait la douleur momentanée de quelques malades de la volonté ?”
L'historien montre que la psychanalyse émergeante n'a pas été prise en compte car elle était “austro-boche” et ne pouvait être acceptée à ce titre comme méthode car “la haine nationaliste était trop forte pour que la communauté médicale française puisse s'ouvrir au vent nouveau qui soufflait d'Autriche.”
“Non, la guerre n'a pas seulement meurtri et lacéré les chairs, elle a entaillé les âmes, elle a rendu fou. Dire cela, évoquer la figure des aliénés que l'on a toujours dissimulés, par honte et par désespoir, ce n'est pas offenser les poilus mais ramener les héros à leur dimension humaine, de chair et de sang. Les héros étaient des hommes, rien que des hommes et ce qu'ils ont vécu allaient au-delà de l'inhumanité.”
Il faudra attendre la guerre du Viêt Nam pour que l'on reconnaisse la survenance de troubles du stress post-traumatique.