Ambiance crépusculaire et mortifère avec
La mort à demi-mots. J'ai découvert
Kim Young-ha avec Qu'est devenu l'homme coincé dans l'ascenseur puis Ma mémoire assasine. On peut dire qu'il a un style et une vision bien à lui, faits de mordant et de constat sur la société sud-coréenne. Né après la fin de la dictature militaire en Corée du Sud, il est l'un des représentants les plus marquants d'une nouvelle génération d'écrivains.
Le roman nous ramène dans les années 1990. La démocratie l'a emporté sur l'autoritarisme; la jeunesse coréenne s'ouvre à la liberté, à la consommation, à l'envie de vouloir tout... au risque de ne plus rien ressentir véritablement. Désabusée, perdue, ne trouvant plus ni repère ni valeur, une sombre désespérance plane sur beaucoup d'entre eux.
Le narrateur est un homme à la vocation et à la personnalité singulières. Esthète criminel, criminel esthète? Je n'arrive pas à déterminer quel est l'ordre le plus exact. Il "aide'' ses clients, avec beaucoup de perfectionnisme, d'écoute et même de vraie compassion, à en finir avec la vie. Entre deux contrats, il voyage et, entre autre, visite les musées d'art. La peinture, avec Klimt,
Van Gogh, David, etc, occupe une partie de ses pensées et offre cette tournure si particulière à sa personnalité.
Kim Young-ha opte pour un récit non linéaire qui déroute un peu au départ, passant de la narration directe du tueur à l'histoire de deux frères juste nommés K et C et d'une jeune femme Seyoun amante des deux, ce qui ne va pas sans provoquer de frictions. A noter que seules deux femmes portent un prénom clairement énoncé dans le roman. Non sans raison.
La mort à demi-mots dressent également le portrait de divers personnages qui semblent tous sur la marge, comme prêts à tomber dans un précipice. Il n'y a guère de joie dans ce roman. Les relations entre les êtres se heurtent à des obstacles paraissant insurmontables, en dépit de l'amour qu'ils font parfois. Èros et Thanatos dans le Séoul des années 1990, c'est ainsi que définit lui-même l'auteur son histoire, comme l'apprend la préface. A noter que je conseille plutôt de lire celle-ci après le roman, du fait de la manie désagréable des auteurs de préface de dévoiler une partie non négligeable de l'intrigue. C'est très énervant; qu'on les colle en postface à la fin!
Ce que je découvre au fil de mes lectures coréennes m'incite à en lire toujours plus.
La mort à demi-mots ne vient pas contrarier cette envie. Il est néanmoins un roman sombre et dérangeant. Pour la vie en rose, on repassera. Mais il a de grandes qualités de fond et de forme. Je suis contente que les éditions Picquier publient plusieurs autres titres de
Kim Young-ha car voilà un écrivain fascinant.