Le printemps est une saison d'espoir et il en est ainsi en 1924 et 1925 en Bretagne. François Tanguy est un Breton de la campagne, le plus jeune et le seul de 4 frères qui n'ait connu ou qui ne soit victime de la Grande Guerre. Il porte l'identité de son pays la Bretagne qui est à cette époque là à un tournant dans son histoire. A Guingamp, dont il est originaire, et à Douarnenez, où il est nommé professeur, François observe une région qui change et qui commence à tourner le dos, et à l'autorité et, enfin, à l'église. En Basse Bretagne à cette époque, tout le monde est bilingue et
Le Breton reste la langue de tous les jours.
Si Guingamp représente ici la vieille Bretagne, la nouvelle qui semble émerger est la remuante ville de Douarnenez, avec ses conserveries de sardines et leurs employées en révolte. La ville, unique en son genre, élit un maire communiste et semble, en ces années là, au bord de l'explosion. Des grèves historiques, et à succès, vont se déclarer.
Au milieu de ce ferment, François Tanguy trouve l'amour et sa raison d'être car, malgré le poids de tristesse laissé par la guerre et les combats pour survivre en bord de mer, ‘faut aimer la vie'. François réapprend à aimer la vie avec la belle Anne et avec ses amis écrivains en herbe et hérauts de la culture et de la littérature bretonnes. le pays revit, c'est le regain de la Bretagne.
Voici donc un roman étonnant qu'on imagine écrit par un
Louis Aragon d'antan dans le style de la doctrine littéraire du réalisme socialiste et notamment son ‘
Les Beaux Quartiers' de 1936. Sauf qu'ici nous sommes dans un autre monde et l'oeuvre de
Jean-Michel le Boulanger vient de sortir en 2019. La Bretagne de toujours semble moins complexe que l'univers d'
Aragon. Elle a commencé à revivre dans l'entre-guerre puis aura pris son envol à partir des années 1960. Elle n'aura jamais été communiste, mais, longtemps sage et assoupie, elle est devenue rebelle et le reste. Elle va continuer à se réinventer et notre auteur y joue plusieurs partitions, à notre époque actuelle, en tant qu'écrivain, enseignant d'université et homme politique avec des responsabilités importantes au niveau de la région.
Un personnage fascinant de ce roman est justement celui de l'homme politique Daniel le Flanchec, maire communiste de Douarnenez de 1924 à 1940, exclu du parti en 1937, mais finalement déporté à Buchenwald en tant que militant communiste. Il y meurt le 11 mars 1944. François Tanguy de Guingamp est fasciné par
Le Flanchec et il en est de même pour
Jean-Michel le Boulanger qui lui a consacré une biographie. J'ai, pour ma part, une pensée pour un autre personnage mineur, Joséphine Pencalet, ouvrière de conserverie, mais aussi une des premières femmes élues à un conseil municipal sans avoir le droit de vote. Je pense qu'elle pourrait bien être ancêtre d'une branche de ma famille.
Mais les communistes
Le Flanchec et Pencalet ne sont pas les seuls personnages du livre ayant vécu. On y croise aussi l'icône
Max Jacob, mort comme
Le Flanchec dans les camps et qui a laissé une oeuvre et des souvenirs. Tous ces personnages ont laissé leur empreinte à cette oeuvre, qui en appelle d'autres tant le destin de la Bretagne est singulière et riche. D'autres printemps sont à venir en Bretagne.
Jean-Michel le Boulanger pourra en être le chantre.