: Cette version du conte est exquise.
Elle le sera d'autant plus à raconter, pour la simple raison du texte et celle des illustrations.
L'auteure
Agnès Ledig adaptera une version bien rythmée qui sera plaisante à écouter.
C'est sous le signe du charme du conte que nous traverseront pourtant ce conte triste, ce drame déchirant familial.
Les enfants ne le verront pas sous cette charge émotionnelle, évidemment, pas plus qu'ils ne s'étaient arrêtés au fait de la cendrillon qui couchera sans lit près des cendres, pas plus que la fille à la capuche rouge qui se fera dévorer toute crûe par le loup n'encombrera leur esprit.
C'est tant mieux après tout. Il y a des choses importantes à transmettre mais à moindre mal.
À l'instar des personnages Hansel et Gretel, cette tripotée de frères se verra abandonnée en pleine forêt et bon débarras!
À la différence qu'il y aura ici un vrai déchirement à se séparer de la fratrie par les parents.
Oui, "
le petit poucet" est un conte social.
Le bûcheron et son épouse ont eu beaucoup d'enfants mais il faudra subvenir à leurs besoins.
Malheureusement, les finances ne seront pas au rendez-vous, à un point que le bûcheron, plutôt que de voir mourir sa famille de faim, préférera les abandonner en forêt comme on déposait les bébés sur les marches d'une église pour les mêmes raisons terribles.
L'auteure mettra bien en lumière la personnalité du Poucet. Nous serons vraiment dans l'esprit de survie et de ressources.
Non et il le dit, il sera sans doute trop chétif pour succéder à son père bûcheron, il ne se distinguera pas comme ses six frères par des compétences physiques, il misera sur d'autres qualités: son esprit.
Et son esprit n'est lui pas tout petit.
Comme quoi, on est jamais trop petit et il y a d'autres moyens de se montrer fort face aux durs évènements.
Grâce à lui, les frères déjoueront à chaque fois les épreuves mortelles du destin.
Que pourraient sept enfants face à la faim, les loups et un ogre?
C'est sans compter avec la malice du petit dernier.
"... les loups doivent nous observer et attendre que nous soyons épuisés pour nous dévorer.
Nous avons froid car la pluie s'est mise à tomber, et peur, et faim. Mais tant que je serais vivant, je chercherai comment rentrer..."
Nous apprécierons de passer de la narration externe des faits, pour vivre l'aventure, aux émotions décrites du Petit Poucet, ceci donnera de la tension et de l'émotion.
Les lecteurs pourront saisir et admirer le personnage par sa façon de penser autant que ses actes.
L'auteure donnera aussi de la psychologie et du tourment dans les personnages de l'Ogresse et de l'Ogre. Ce qui est un peu amusant.
Difficile d'être parents et de manger des enfants, quel tourment!
Côté illustration, c'est encore époustouflant sous les pinceaux et les crayons de
Frédéric Pillot.
Sous le grand format de l'album, nous ne perdrons pas trop des réalisations "tableaux" de l'illustration. La qualité des reproductions nous donneront envie de prendre le temps de profiter de multiples scènes travaillées comme des tableaux de Maîtres peintres.
À ceci prêt que ces mises en scène ci seront plus dynamiques, pleines de mouvements à contrario des chefs d'oeuvre de peinture moderne qui étaient dans la pose, figés comme un instantané photo.
Comme sur son autre titre "Falbuzar", il y aura un beau soin des couleurs apporté à chaque double-pages, avec ses pourpres, ses dorés, ses verts émeraude. Nous aurons un travail d'ombre et de lumière théâtrale digne des grands tableaux.
À table! ( mais pas d'enfants au menu)
C'est du plaisir à lire, à regarder, à écouter, tandis que l'on pensera très logiquement avoir déja profité du conte sous d'autres versions.
Comme quoi.