AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782818044537
672 pages
P.O.L. (11/01/2018)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Tout en poursuivant cette pensée qui se nourrit des paradoxes qu’elle développe, Mathieu Lindon introduit dans ce nouveau livre des changements de registre et un changement de méthode sans pour autant abandonner ce qui fait son esthétique si personnelle, cette manière de contraindre la langue et une tonalité unique (ironie, esprit d’enfance), mais il les pousse plus loin encore jusqu’à fabriquer un étrange objet dont le genre est pour le moins indéfinissable - nouve... >Voir plus
Que lire après Rages de chêne, rages de roseauVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il y a des livres, lorsque je les ai bien choisi, dont j'aime volontairement corner certaines pages qui me marquent pour y retourner plus tard, quand l'envie (parfois le besoin) me prend de les reconsulter, comme le pansement que l'on allait chercher dans la salle de bain après s'être écorché étant petit. Rages de chêne, rages de roseau, c'est ce sont quasiment ses 653 pages que j'ai envie de plier, pour casser l'angle droit de la page, pour me replonger perpétuellement dedans. 
Ça commence très fort, c'est d'ailleurs en lisant les premières pages sur l'Instagram P.O.L. que j'ai eu envie de le lire; une fois en librairie je n'ai même pas regardé le quatrième de couverture. Je ne connaissais pas Mathieu Lindon, je sortais de sept livres de Marie Darrieussecq, d'une lecture un peu sceptique de Un savoir gai (William Marx, Ed. de Minuit) et d'une entrée en matière pénible dans La divine comédie. J'ai tout arrêté, depuis trois jours Mathieu Lindon me tient en haleine, il y a tout et son contraire, il y a tout ce qui ma traverse l'esprit, il y a la justesse des mots, des mots qui font phrases, des phrases qui font paragraphe, des paragraphes qui font idées, hypothèse, qui avancent, vers quoi je ne sais pas encore — mais est-ce important quand déjà à la moitié du livre ma vie de lecteur est bouleversée ? 

Il n'y a pas de thème en général, ou alors, je n'arrive pas à le saisir, parce que moi non plus je « n'y comprend[s] et c'est une conquête », si ce n'est que la rage, que la solitude, que le dialogue, entre un(e) et autre avec tout ce que cela comporte d'incommunicabilité. Parce que oui il y a des dialogues, de théâtre ?, entre ces paragraphes, qui sont envolées et qui défendent, déroulent, tirent le fil d'une idée avec la justesse la plus exquise possible, avec tout ce que nous comportons d'ambivalence, de lutte, de désespoir, peut-être aussi d'espoir. Parfois on ne sait plus très bien où on est dans le paragraphe, quel était le sujet de début tellement les mots se sont emportés et nous transporté avec, mais on s'y retrouve, on se fond dans le paragraphe, on fait masse avec et on ferme les yeux à la fin pour inspirer en signe de remerciement, de prise de conscience que pour une fois, tout est dit avec une telle justesse que jamais on ne pourra le dire autrement.

Je ne crois pas qu'on puisse comparer ce livre avec d'autres, au niveau des idées probablement que oui, mais il s'agit bien d'une expérience littéraire, d'un laboratoire des mots et des maux du langage humain qui au détour d'une page vous fait sourire et vous émeut. J'appréhende désormais toutes mes futures lectures tellement celle-ci me transcende.

« Le royaume de la poussière est éternel, il est infini et nul n'est à l'abri, elle se pose sur l'or comme sur les idées, sur les hommes comme sur les livres et les planchers et le moindre bibelot, mais elle ne se pose pas elle attaque, elle contamine, c'est elle qui est sans cesse sur le point de donner un coup de torchon dont on se défend à coups de chiffon, c'est elle qui détruit, les idées tombent en poussière comme les amours et les souvenirs, comme les genoux et les coeurs et les cerveaux, la poussière ne vieillit pas, toujours là égale à elle-même à regarder passer les êtres et les civilisations, à les regarder s'abîmer sans recours, sournoise, qui ne paraît pas agressive, semble un moindre mal, un mauvais moment à passer mais pas si mauvais que ça et en fait à ne pas passer, d'une prévisibilité et d'une imprévisibilité implacable parce qu'on ne peut pas être le chiffon à la main à attendre qu'elle se dépose ici où là et on ne va pas inventer des radars pour signaler la trace d'un grain nord-nord-ouest et d'un autre sud-sud-est, la multiplication des petits grains, comme si on avait du mal à percevoir la poussière comme une masse, on ne la voit que tels de petits flocons dont il serait ridicule de craindre une avalanche, mais elle ne s'épuise jamais, on devrait la dévorer comme les enfants la neige ou la pluie, mais la poussière il faudrait l'avaler avec un verre d'eau, ça parait trop sec, trop étouffant, rien de bon à attendre, le mieux qu'on peut en espérer est de ne pas y être allergique, but exclusivement défensif, la poussière qui met la force en échec sans faire appel à la moindre intelligence, au moindre instinct de survie, la poussière est là et sur ou contre cette poussière le monde se développe, ou le monde est là et sur ou contre ce monde la poussière se développe, se développe ou ne se développe pas dans une indifférence absolue, éternellement semblable, insignifiante, poussière elle est poussière elle devient et redevient, un processus dans fin ni début, un mouvement perpétuel de poussière à poussière dans lequel on est pris, cette poussière que même le bébé ne dévore pas qui n'a pas semblable réticente envers ses pires excrétions, cette poussière qui ne fait pas peur mais tient à distance plus que tout au monde, qui fait peur cependant, mais peur de rien, qui symbolise la peur, la personnifie, la poussière contre laquelle on ne peut durablement rien faire, les chiens doivent flairer quand on est empoussiéré, ça fait leur donner des ailes ou au contraire, les faire fuir, comme s'ils ne voulaient pas en arriver là, à tomber là, poussière mon amie, poussière mon ennemie, qui s'en est jamais fait une alliée, une arme dans une lutte contre on ne sait quoi, contre une civilisation dont il faudrait hâter la fin, contre un pays qu'il faudrait dépoussiérer comme on le fait du plafond de la chapelle Sixtine ou d'une idée à remettre au goût du jour, qu'il faut remettre à idée du jour, à la poussière du jour, la vraie poussière, la radicale, celle qui bouche les oreilles et les narines, qui ne demande pas mieux que de s'attaquer à la bouche si on la laisse ouverte trop longtemps, celle pour qui chaque orifice est une destination, qui laisse ses traces sur les vêtements quand on en a et sinon sur la peau, amante invisible et détestée, qui n'apporte pas le moindre plaisir et dont on ne comprend pas lequel elle prend, la poussière comme une gravité, qui vous tombe dessus parce que c'est la loi, on ne peut pas l'éviter parce qu'il n'y a pas d'anarchisme dans ce monde-là, la poussière qui est une rage, la plus calme, la plus imperceptible qui soit. »
Commenter  J’apprécie          00


critiques presse (1)
LeMonde
11 avril 2018
Récit ovni, sans genre ni narrateur, le vingt-troisième livre de l’écrivain fascine par la souplesse de son architecture et de sa langue.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le royaume de la poussière est éternel, il est infini et nul n’est à l’abri, elle se pose sur l’or comme sur les idées, sur les hommes comme sur les livres et les planchers et le moindre bibelot, mais elle ne se pose pas elle attaque, elle contamine, c’est elle qui est sans cesse sur le point de donner un coup de torchon dont on se défend à coups de chiffon, c’est elle qui détruit, les idées tombent en poussière comme les amours et les souvenirs, comme les genoux et les cœurs et les cerveaux, la poussière ne vieillit pas, toujours là égale à elle-même à regarder passer les êtres et les civilisations, à les regarder s’abîmer sans recours, sournoise, qui ne paraît pas agressive, semble un moindre mal, un mauvais moment à passer mais pas si mauvais que ça et en fait à ne pas passer, d’une prévisibilité et d’une imprévisibilité implacable parce qu’on ne peut pas être le chiffon à la main à attendre qu’elle se dépose ici où là et on ne va pas inventer des radars pour signaler la trace d’un grain nord-nord-ouest et d’un autre sud-sud-est, la multiplication des petits grains, comme si on avait du mal à percevoir la poussière comme une masse, on ne la voit que tels de petits flocons dont il serait ridicule de craindre une avalanche, mais elle ne s’épuise jamais, on devrait la dévorer comme les enfants la neige ou la pluie, mais la poussière il faudrait l’avaler avec un verre d’eau, ça parait trop sec, trop étouffant, rien de bon à attendre, le mieux qu’on peut en espérer est de ne pas y être allergique, but exclusivement défensif, la poussière qui met la force en échec sans faire appel à la moindre intelligence, au moindre instinct de survie, la poussière est là et sur ou contre cette poussière le monde se développe, ou le monde est là et sur ou contre ce monde la poussière se développe, se développe ou ne se développe pas dans une indifférence absolue, éternellement semblable, insignifiante, poussière elle est poussière elle devient et redevient, un processus dans fin ni début, un mouvement perpétuel de poussière à poussière dans lequel on est pris, cette poussière que même le bébé ne dévore pas qui n’a pas semblable réticente envers ses pires excrétions, cette poussière qui ne fait pas peur mais tient à distance plus que tout au monde, qui fait peur cependant, mais peur de rien, qui symbolise la peur, la personnifie, la poussière contre laquelle on ne peut durablement rien faire, les chiens doivent flairer quand on est empoussiéré, ça fait leur donner des ailes ou au contraire, les faire fuir, comme s’ils ne voulaient pas en arriver là, à tomber là, poussière mon amie, poussière mon ennemie, qui s’en est jamais fait une alliée, une arme dans une lutte contre on ne sait quoi, contre une civilisation dont il faudrait hâter la fin, contre un pays qu’il faudrait dépoussiérer comme on le fait du plafond de la chapelle Sixtine ou d’une idée à remettre au goût du jour, qu’il faut remettre à idée du jour, à la poussière du jour, la vraie poussière, la radicale, celle qui bouche les oreilles et les narines, qui ne demande pas mieux que de s’attaquer à la bouche si on la laisse ouverte trop longtemps, celle pour qui chaque orifice est une destination, qui laisse ses traces sur les vêtements quand on en a et sinon sur la peau, amante invisible et détestée, qui n’apporte pas le moindre plaisir et dont on ne comprend pas lequel elle prend, la poussière comme une gravité, qui vous tombe dessus parce que c’est la loi, on ne peut pas l’éviter parce qu’il n’y a pas d’anarchisme dans ce monde-là, la poussière qui est une rage, la plus calme, la plus imperceptible qui soit. 
Commenter  J’apprécie          00

Lire un extrait
Videos de Mathieu Lindon (26) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mathieu Lindon
"Bienvenue aux éditions P.O.L", un film de Valérie Mréjen. Pour les 40 ans des éditions P.O.L, quelques un(e)s des auteurs et des autrices publié(e)s aux éditions P.O.L écrivent une carte postale et laissent un message aux éditions P.O.L. Avec par ordre d'apparition de la carte postale: Violaine Schwartz, Jean-Paul Hirsch, Lucie Rico, Emmanuel Lascoux, Jacques jouet, Philippe Michard, François Matton, Frédéric Boyer, Catherine Henri, Suzanne Doppelt, Lamia Zadié, Marianne Alphant, Suzanne Duval, Laure Gouraige, Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Elisabeth Filhol, Célia Houdart, Nicolas Fargues, Nicolas Bouyssi, Louise Chennevière, Frédérique Berthet, Marie Darrieussecq, Jocelyne Desverchère, Jean Frémon, Kiko Herrero, Julie Wolkenstein, Emmanuelle Bayamack-Tam, Liliane Giraudon, Frédéric Forte, Pierric Bailly, Valère Novarina, Hélène Zimmer, Nicolas Combet, Christian Prigent, Patrice Robin,, Emmanuelle Salasc, Alice Roland, Shane Haddad, Mathieu Bermann, Arthur Dreyfus, legor Gran, Charles Pennequin, Atiq Rahimi, Anne Portugal, Patrick Lapeyre, Caroline Dubois, Ryad Girod, Valérie Mréjen / Dominique Fourcade, Marielle Hubert, Robert Bober, Pierre Patrolin, Olivier Bouillère, Martin Winckler, Jean-Luc Bayard, Anne Parian, Nathalie Azoulai, Julie Douard, Théo Casciani, Paul Fournel, Raymond Bellour, Christine Montalbetti, Francis Tabouret, Ryoko Sekiguchi,
+ Lire la suite
autres livres classés : littérature expérimentaleVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (6) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5263 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}