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Jacqueline Marc-Chadourne (Traducteur)André Breton (Préfacier, etc.)
EAN : 9782752906113
Phébus (05/05/2011)
4.12/5   198 notes
Résumé :
On ne raconte pas Melmoth : on ne raconte pas un labyrinthe. Construit en abîme selon un vertigineux emboîtage de récits, il brosse avec fureur, six cents pages durant, la vie d’un « héros » possédé par le mal, pour qui le temps n’existe pas. On en sort sans voix. Roman, mais aussi bien recueil kaléidoscopique de fictions savamment mêlées, le livre nous entraîne en divers pays à diverses époques – en particulier dans l’Espagne de l’Inquisition, dont le révérend Matu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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ÉPOUSTOUFLANT !

Quel drôle d'objet romanesque, quelle place littéraire à part que ce Melmoth l'homme errant, ouvrage de Charles Robert Maturin, romancier, dramaturge et pasteur réformé irlandais -aux origines huguenotes comme son patronyme le suggère-, originellement publié en 1820 et judicieusement proposé en format poche aux éditions Libretto.

Se situant dans la lignée du célèbre Chateau d'Otrante et de le Moine de Matthew Gregory Lewis (dont il reprend en partie certaines thématiques), contemporain du premier Faust de Goethe (que Maturin avait probablement lu) ou encore du célébrissime Frankenstein de Mary Shelley, Melmoth se situe dans la lignée alors prolifique des "Romans Gothiques", littérature alors en vogue en son temps, quoi que souvent décriée par les bien-pensants de l'époque (sans vouloir faire de rapprochements trop hasardeux ni douteux, on peut songer à ce qu'on entend, aujourd'hui, des littératures dites de genre, même lorsqu'elles sont le fruit d'un vrai projet romanesque d'ampleur. Tel cet ouvrage), ces romans réunissant, généralement, magie de préférence noire, malédiction divines ou infernales, histoires d'amour aussi fortes et passionnées que désespérées impossibles, le tout de préférence au sein ou à proximité des ambiances froides et secrètes de quelque cloître ancien, de quelque église "gothique" en ruine, de quelque abbaye abandonnée car maudite. Les temps étaient à la redécouverte de l'architecture médiévale, qu'on allait dénommer du nom des très antiques barbares goths.

Nous sommes-là aux prémices du genre fantastique, parfois de l'épouvante ou même de l'horreur, qui existent encore aujourd'hui. Mais que le lecteur contemporain ne s'y trompe pas, ne s'y fourvoie point inutilement : nous sommes encore bien loin de Harry Potter ou de Twiglith, à des années-lumières même (par bien des aspects, c'est tant mieux !), mais c'est grâce à de tels romans d'un autre temps que toute ces littératures foisonnante ont pu, d'une certaine manière, voir le jour.

D'ailleurs, quelques grands auteurs clés des XIXème et XXèmes siècles ne s'y sont pas trompés -citons Lautréamont et son indémodable Maldoror, citons aussi Lovecraft qui témoignait lui-même de son admiration pour ce texte. N'oublions pas Baudelaire dont la préface à l'ouvrage nous rappelle qu'il rêvait de traduire ce texte, ainsi que Balzac qui inventa une courte suite, Poe que l'on peut situer dans cette filiation, Oscar Wilde (dont Maturin était le grand oncle par alliance, au passage) et son "Portrait de Dorian Gray" auquel il m'a été impossible de ne pas songer, et tant d'autres-, Melmoth l'homme errant est un texte énorme, et pas que par son épaisseur en papier !

Permettez-moi de ne pas reprendre la trame détaillée ni le résumé précis de ce long et fabuleux roman -en quelques mots, le parcours maléfique, en Europe et en Inde, d'un irlandais ayant tant voulu approcher certains mystères interdits qu'il a fini par en vendre son âme à "l'ennemi de l'humanité" (on songe à "celui que l'on ne doit pas nommer...) ainsi que le nomme Maturin sans jamais le dévoiler plus précisément, de ses entreprises de séduction à des fins de malédiction-, les critiques ici présentes, et précédentes, en donnent, d'excellente manière, tous les détails nécessaires, sans ôter l'envie d'en découvrir plus.

Il me suffira d'ajouter qu'une fois plongé dans l'ambiance tentaculaire de ce long et beau texte, il me fût impossible de m'en décoller un seul instant, même s'il y eut quelques moment de légère lassitude, lorsque l'auteur se perd un peu dans des descriptions d'ordre psychologiques et religieuses qui nous paraissent quelque peu dépassées (je pense tout particulièrement à certaines pages harassantes concernant la relation de ce que vit l'un des personnages principaux, un jeune noble espagnol, dans un sévère monastère madrilène digne des pires prisons). Cependant, aussi étrange que cela puisse paraître, je n'ai jamais eu l'idée de cesser le cours de ma lecture tant le roman me tenait, tant il me fallait pousser, page après page, pour découvrir le fin fond de cette histoire époustouflante d'une immense originalité, fonctionnant par une succession d'analepses étonnantes, de mises en abyme géniales, d'histoires aussi incroyables que captivantes.

L'ensemble -et nous pouvons sans aucun doute en remercier l'excellente traduction- est rédigé dans un style parfait pour le genre. Un peu baroque, parfois épique, d'une précision souvent éblouissante sans être jamais lourde, charge incroyablement sévère et intelligente contre les religions (même si elle laisse à l'abri la religion dite "réformée", Maturin ayant été pasteur), des portraits d'êtres parfaitement divers mais toujours probants. Notons que les personnages féminins, qui apparaissent essentiellement vers la seconde moitié de l'oeuvre, sont d'une grande, d'une évanescente beauté.
La lecture de ce monstre littéraire trop mal connu en France se fait avec passion pourvu que l'on soit un peu accoutumé à la lecture des créations romanesques du XIXème siècle, et d'une curiosité farouche.

En quelques ultimes mots, Melmoth l'homme errant est un ouvrage que tout passionné de textes hors norme et inclassables se doit incontestablement d'avoir dévoré au moins une fois dans sa vie... Avant que l'ennemi de l'humanité ne vous ait emporté !!!
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Macabre, romantique, tortueux, épique… Les qualificatifs ne manquent pas pour évoquer le fameux « Melmoth » de Maturin, considéré à juste titre comme un grand roman gothique. Il n'est guère étonnant que ce roman ait produit un effet considérable sur nombre d'auteurs, De Balzac à Lovecraft en passant par Baudelaire. « Melmoth » est un roman puissant et intense.

Tout au long de ma lecture, j'ai beaucoup pensé au « manuscrit trouvé à Saragosse », le chef d'oeuvre de Potocki. Il faut dire que les deux romans partagent le même procédé des récits enchâssés. Mais là où Potocki proposait un ensemble assez fou où le lecteur perdait tous ses repères et s'égarait avec délectation dans des histoires n'ayant entre elles qu'un lien très ténu, Maturin propose au contraire un récit totalement cohérent malgré les nombreuses histoires qui s'imbriquent les unes dans les autres telles des poupées russes. L'ensemble tend vers un dénouement qui donne tout son sens à cet enchevêtrement. Toutes les intrigues tournent autour du personnage de Melmoth, et ce même s'il est quasiment absent de certaines. Mais même lorsque ses apparitions sont fugaces son ombre plane sur le récit. Et quelle ombre ! Figure Faustienne par excellence, Melmoth est un personnage à la fois inquiétant et tragique. Je ne veux pas trop en dire sur les intrigues, une grande partie du plaisir de lecture provient du sentiment qu'on a, en tant que lecteur, d'être entraîné dans un voyage au fil des pages. Je vais simplement dire que la réputation de sommet du roman gothique attribuée au roman de Maturin n'est pas usurpée. Outre le thème Faustien qui est un des motifs classiques du genre, on retrouve tous les éléments qui font le charme de ce registre de l'épouvante. On a donc droit à des décors brumeux, des châteaux sombres, des églises en ruine, des souterrains lugubres, des alchimistes, des amours tragiques, des malédictions, des monastères aux allures de prison, des cachots de l'inquisition… Bref, tout y est et pour ceux qui aiment ce registre c'est un régal. D'autant plus que l'écriture de Maturin est splendide et participe pleinement à la réussite de l'ambiance. Au passage, je salue la traduction de Jacqueline Marc-Chadourne même si j'aurais été curieuse de lire ce qu'aurait donnée une traduction de Baudelaire, qui avait envisagé de traduire l'oeuvre.

J'ai été totalement séduite par l'atmosphère gothique à souhait de ce roman magistral et par l'écriture magnifique de son auteur. Cette lecture m'a donnée envie de découvrir d'autres oeuvres de cet auteur dont l'influence est considérable.
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Le noir est sa couleur.
Tous les codes du roman noir sont à l'oeuvre, dans la plus pure tradition du genre sous la plume de l'écrivain irlandais Charles Robert Maturin.
Ils animent ce récit complexe aux fictions mêlées: château, église, souterrain, couvent, violence de la nature avec ses orages,…, incendie, parricide, les évènements surnaturels qui se glissent dans la vie courante, moines malfaisants, une jeune fille en détresse, Faust.
Non ici il s'agit de Melmoth, « l'homme errant » qui a pactisé avec le Diable pour gagner son immortalité et mener à bien ( ?) son oeuvre de corruption des âmes humaines.
Des scènes terrifiantes.
A différentes époques, dans différents lieux.
Pour mieux servir la critique sociale et religieuse.
Pour mieux… déstabiliser le lecteur !
Le combat du Bien et du mal.
Un style littéraire des siècles passés, mais une densité qui rend la lecture, captivante, même pour un lecteur… d'aujourd'hui !
Un monument de la littérature, qui a été salué par les plus grands écrivains, pour découvrir ce genre.
Que j'ai relu avec plaisir !
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John Melmoth est un jeune homme sans fortune, qui en 1816, se rend au chevet d'un oncle mourant susceptible de lui léguer tous ses biens. John arrive sous une tempête qui présage de l'atmosphère inquiétante entourant son oncle. Ce dernier et ses serviteurs sont en proie à une grande terreur : un fantôme rôde dans le château guettant la mort du vieil homme. Cet être surnaturel serait un ancêtre de la famille Melmoth. John découvre un portrait de celui-ci datant de 1646 ! “Quoi de plus ridicule que d'être effrayé ou surpris de la ressemblance entre un homme vivant et le portrait d'un mort ? Cette ressemblance était à la vérité assez forte pour l'avoir frappé, même dans une chambre mal éclairée, mais au fond ce ne pouvait être qu'une ressemblance et quoiqu'elle eût pu effrayer un homme âgé et d'une mauvaise santé, John résolut de ne pas se laisser aller à une semblable faiblesse.” A la mort de son oncle, John trouve le manuscrit d'un dénommé Stanton, 1er témoignage attestant de la véracité de ce qu'il a vu : le Melmoth de 1646 est bel et bien vivant ! D'autres récits se succèdent et attestent de la nature satanique de Melmoth.

Le roman de Ch. R. Maturin , écrit en 1820, s'inscrit dans la tradition du roman noir et fantastique de la période romantique. On y retrouve tous les ingrédients de ce genre : des châteaux mystérieux, des meutres, des couvents, des orages, les tentations du diable. “Melmoth” est à rapprocher de deux autres romans gothiques de la même période : “Le moine ” de Lewis (1795) et “Les élixirs du diable” de E.T.A Hoffman (1816). Maturin cite d'ailleurs le roman de Lewis au tout début. La construction de ces deux oeuvres est d'ailleurs très similaire. Plusieurs récits se succèdent, s'entrelacent et forment une narration labyrinthique. “Melmoth” est constitué de sept histoires différentes narrant les rencontres de Melmoth avec des humains qu'il doit tenter. le récit de l'espagnol est le plus long et j'avoue avoir éprouvé quelque peu d'ennui car Melmoth y est peu présent. La destinée de Melmoth peut être rapprochée du moine Médard des “Elixirs du diable”. Ce dernier combat le destin et après des crimes inspirés par Satan, il retrouve la raison grâce à l'amour. Melmoth a, quant à lui, vendu son âme au diable et tombe également amoureux d'une jeune espagnole. Isidora ne sauve pas l'âme de Melmoth mais contribue à le faire disparaître.

Dans les trois romans, la place de la religion est primordiale. le personnage principal du “Moine et “Les élixirs du diable” est un moine licencieux, sensuel. Maturin, qui est lui même révérend, n'hésite pas à dire tout le mal qu'il pense des religions. le récit de l'espagnol (qui prend vraiment beaucoup de place dans le livre) est une condamnation violente de la vie conventuelle. Dans les cellules des moines, on ne trouve que sévices corporels, torture psychologique et humiliation. Mais les autres récits lui permettent de critiquer toutes les autres religions : l'Islam, le Judaïsme l'Hindouisme, personne n'est épargné ! “Un fait est certain : tous sont d'accord sur le message que le livre nous apporte : “Aimez-vous les uns les autres”, mais tous traduisent ce message : “Haïssez-vous les uns les autres”. Comme ils n'en trouvent ni la matière ni l'excuse dans le livre ils les cherchent dans leur esprit qui n'en est jamais à court car la méchanceté de l'esprit humain est inépuisable.”

La critique de l'humanité ne s'arrête pas à la religion. Maturin exprime par la voix de Melmoth son opinion sur les guerres qui ne sont que “des massacres légalisés” permettant aux hommes d'aiguiser leur violence naturelle. Les villes ne sont que des moyens d'humilier les plus pauvres, d'accentuer leur misère en leur montrant la richesse de leur voisin. le grand intérêt de “Melmoth” se trouve me semble-t-il dans la critique de la société. le pessimisme de Maturin renforce la noirceur du roman gothique classique. D'ailleurs en lisant les différentes attaques de Maturin, j'ai pensé qu'elles étaient malheureusement encore d'actualité : les guerres sont toujours absurdes, les villes sont toujours des lieux d'inégalité et les religions sont toujours source de conflit, de malentendu entre les peuples.

Melmoth” est donc bien un roman gothique classique avec son diable, ses tempêtes et ses moines sadiques. Malgré quelques longueurs dans la première partie, ce roman m'a séduit par son extrême noirceur. Melmoth est un personnage d'une grande complexité, d'un pessimisme absolu sur l'humanité ce qui explique sans doute son choix de se vendre au diable ! Plus désespéré que “Le moine” et “Les élixirs du diable”, “Melmoth” est un roman fantastique tout à fait captivant.
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Depuis le début de l'année, je retrouve le goût des romans gothiques et fantastiques. Après Invitation au crime de ce cher Le Fanu, une incursion dans le recueil Les Fantômes des Victoriens, je me suis attaquée à un grand classique du genre, à la frontière entre le gothique et le fantastique : Melmoth, l'homme errant, paru en 1820.

C'est sous une pluie battante que le jeune Melmoth se rend au domaine de son oncle, dernière famille qu'il lui reste, pour assister à son trépas. Il se souvient en chemin de la froideur et de l'indifférence que son oncle lui portait, ne voyant en lui qu'un enfant ennuyeux et une source bien embarrassante de dépenses pour un homme dont la seule passion fut l'avarice, le jeune Melmoth découvre à son arrivée un domaine en ruine où il est accueilli par des domestiques qui veillent leur maître. L'angoisse est palpable dans la cuisine miteuse où l'on s'active à préparer le repas : le bruit court que le domaine est hanté, que l'on voit un homme entrer et sortir à sa guise de la chambre du maître.

Au seuil de la mort, l'oncle se confie enfin à son neveu : dans le petit cabinet qui jouxte sa chambre, le jeune Melmoth trouvera un portrait accroché au-dessus d'un buffet. Dans un des tiroirs dudit meuble, il trouvera une lettre manuscrite. Il lui ordonne de jeter le portrait au feu, et lui laisse le choix pour la lettre : il devra la détruire, mais il peut la lire, bien qu'il lui conseille de la mettre au feu sans jamais la déplier. le portrait, c'est celui de son aïeul, et le jeune Melmoth est troublé par son regard pénétrant et glaçant, qui semble sonder votre âme et en connaître tous les secrets. Un trouble qui ne fera que s'accroître quand, au moment du trépas de son oncle, il apercevra à plusieurs reprises l'homme du portrait entrer et sortir de la chambre !

Ni tenant plus, le jeune Melmoth est bien décidé à percer le mystère de cet homme qui terrifie toute une région. Il pense trouver une réponse dans la longue lettre manuscrite : ce sont en fait les mémoires d'un Anglais, Stanton, ayant effectué un voyage dans l'Espagne des années 1670, une terre catholique bien dangereuse pour un Réformé… Au cours de ce voyage solitaire, il rencontrera un étrange cortège funèbre : une jeune fille et son amant ont été foudroyés ! Et si la vue de ces corps semble provoquer l'affliction de tous, seul un homme ose rire de ce triste spectacle. Un rire qui glace le pauvre Stanton. Il trouve refuge auprès d'une Espagnole qui lui raconte à son tour une funeste histoire : une mariée morte le jour de ses noces, le prêtre ayant officié étant lui-même décédé et le jeune époux ayant été rendu fou. Et parmi les invités, un inconnu, un Anglais, dont la seule présence a suscité l'épouvante de tous ! Sornettes superstitieuses de catholiques pour le brave Stanton mais il ne peut s'empêcher de faire le lien avec cet homme et son rire sardonique devant le piteux spectacle des amants foudroyés. Une funeste curiosité le pousse à vouloir rencontrer celui que tous appellent Melmoth. Un voeu qui finira par le mener à un asile d'aliénés, où Melmoth lui apparaîtra enfin, attiré par le désespoir de Stanton. Il lui proposera un pacte si odieux que le pauvre infortuné en sera si épouvanté qu'il la rejettera, préférant finir ces jours parmi les fous.

Le récit, incomplet à plusieurs endroits, se termine brutalement. le jeune Melmoth, loin de trouver les réponses recherchées, se retrouve avec de multiples autres questions. Son effroi n'a fait que s'accroître, tout comme la curiosité du lecteur, attisée par les phrases et passages manquants. Car Maturin sait ménager le suspens de son récit et introduit lentement mais sûrement une ambiance lourde et angoissante, où l'on frôle le surnaturel avec la présence inquiétante de cet homme que l'on devine volontiers maléfique.

Très honnêtement, je ne vais pas proposer un résumé plus détaillé de Melmoth puisque le roman est une succession de récits enchâssés. Toutes les histoires seront centrées sur les hommes ou les femmes que Melmoth essayera de corrompre. le roman reprend les motifs classiques du roman gothique : ruines imposantes, présence hostile de la nuit, tempêtes et orages déchaînés, emprisonnement dans des geôles sordides, tortures et pacte infernal, recherche d'un certain exotisme puisque les récits se situent entre l'Inde et l'Espagne, pays qui servira à introduire un discours contre la religion catholique avec une critique acerbe de la vie monastique et de l'hypocrisie des prêtres, plus préoccupés par leur pouvoir que par leur ministère (thème qui rappelle au choix La Religieuse de Diderot ou le Moine de Lewis), histoire d'amour ténébreuse entre l'innocente Immalie et le diabolique Melmoth, toujours prêt à utiliser la séduction pour entraîner la chute des hommes. Cette dernière illustrera parfaitement un discours sur la corruption des hommes par la société, car Immalie est une âme pure qui vit sur une île déserte et qui tombe sincèrement amoureuse de l'Irlandais, ignorant ce qu'est le Mal.
Finale

Comme vous vous en êtes certainement aperçu, Melmoth est un roman particulièrement dense, presque tentaculaire, aux nombreuses descriptions psychologiques et aux considérations religieuses omniprésentes. Pour un lecteur moderne, c'est parfois un peu lourd et redondant, voire même dépassé. Mais jamais vous ne lâcherez ce livre, car le suspens est réel, et le personnage de Melmoth, ce tentateur de l'humanité, est plus fin qu'il n'y paraît. Il n'est pas une figure monolithique du mal, on peut même penser à plusieurs reprises qu'il a envie d'échouer dans ses oeuvres. N'apparaissant qu'aux plus désespérés, il ne provoque jamais directement leur malheur, le plus souvent, les hommes sont victimes d'eux-mêmes et de leurs désirs, à l'instar de Melmoth qui paye chèrement sa curiosité et sa volonté d'avoir voulu accéder à des connaissances qui doivent échapper à l'homme.
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Citations et extraits (75) Voir plus Ajouter une citation
- En me priant de vous expliquer l’amour, dit Melmoth avec un sourire amer, vous m’imposer une tâche qui m’est si agréable, que je ne doute pas de la remplir à votre entière satisfaction. Aimer, belle Isidora, c’est vivre dans un monde que nous avons crée nous-mêmes, et dans lequel les formes et les couleurs des objets sont aussi brillantes que fausses et décevantes. Pour ceux qui aiment, il n’y a ni jour ni nuit, ni été ni hiver, ni société ni solitude. Leur délicieuse mais illusoire existence n’offre que deux époques, la présence et l’absence. Elles tiennent lieux de toutes les distinctions de la nature et de la société. Le monde pour eux ne renferme qu’un individu, et cet individu est pour eux le monde lui-même. L’atmosphère de sa présence est le seul air dans lequel ils puissent vivre, et la lumière de ses yeux est le seul soleil de leur création.
- J’aime ! se dit intérieurement Isidora.
- Aimer, continua Melmoth, c’est vivre dans un existence remplie de contradictions perpétuelles ; sentir que l’absence est insupportable ; souffrir presqu’autant dans la présence de l’objet aimé ; être rempli de dix mille pensées quand nous somme loin de lui ; songer au bonheur que nous éprouverons à lui en faire part en le voyant : et quand le moment de notre réunion arrive, nous sentir, par une timidité également oppressive et insupportable, hors d’état d’exprimer une seul de ces pensées ; être éloquent en son absence et muet en sa présence ; attendre le moment de son retour comme l’aurore d’une nouvelle existence : et quand il arrive être privé tout à coup de ces moyens auquel il devait donner une nouvelle énergie ; guetter la lumière de ses yeux, comme le voyageur du désert guette le lever du soleil : et quand l’astre a paru, succomber sous le poids accablant de ses rayons, et regretter presque la nuit.
- Ah ! S’il en est ainsi, je crois bien que j’aime, dit à demi-voix Isidora.
- Aimer, poursuivit Melmoth, avec une énergie toujours croissante, c’est sentir que notre existence est tellement absorbée dans celle de l’objet aimé, que nous n’avons plus de sentiment que celui de sa présence ; de jouissances que les siennes ; de maux que ceux qu’il souffre ; aimer, c’est n’être que par ce qu’il est, n’user de la vie que pour la lui conserver, tandis que notre humilité croit en proportion de notre attachement. Plus nous nous abaissons, moins notre abaissement nous parait suffire pour exprimer notre amour ; la femme qui aime ne doit plus se rappeler son existence individuelle ; elle ne doit considérer ses parents, sa patrie, la nature, la société, la religion elle-même… Vous tremblez ! Immalie ; je veux dire Isidora… que comme des grains d’encens qu’elle jette sur l’autel du cœur.
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Don Francisco fit, à plusieurs reprises, et très dévotement, le signe de la croix, déclarant qu’il n’avait jamais été l’agent de l’ennemi du genre humain.
- Oseriez-vous le soutenir? dit le mystérieux étranger, non point en élevant la voix comme ses paroles pourraient le faire supposer mais en la baissant au contraire, et en approchant son siège de son compagnon surpris. N’avez-vous jamais erré? N’avez-vous jamais éprouvé de sensation impure? N’avez-vous jamais, pour un moment, entretenu un désir de haine, de malice ou de vengeance? N’avez-vous jamais oublié de faire le bien, quand vous l’auriez dû? N’avez-vous jamais, dans le commerce, surfait un acheteur ou profité des dépouilles de votre débiteur mourant de faim? Tout cela n’est-il pas vrai, et pouvez-vous encodé dire que vous n’avez pas été un agent de Satan? Je vous dit que chaque fois que vous avez caressé une passion brutale, un désir sordide, une imagination impure, chaque fois que vous avez prononcé un mot qui a fait de la peine à un de vos semblables, ou que vous avez vu couler des larmes que vous n'avez point séchées quand vous l’avez pu, vous avez été réellement et véritablement l’agent de l’ennemi du genre humain; mais, que dis-je? Ah! c’est à tort que l’on donne ce titre au grand chef angélique, à l'étoile du matin tombé de sa sphère! Quel ennemi plus invétéré l’homme a-t-il donc que lui-même? S’il veut savoir où trouver son ennemi qu’il se frappe la poitrine, et son cœur répondra : Le voici.
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Le passage, ou plutôt le trou, était si obscur que je ne voyais pas à dix pouces devant moi. J'avais aussi la lampe à surveiller. Je la tenais d'une main tremblante ; elle commençait à brûler d'une lumière rendue affreuse par l'atmosphère épaisse du souterrain. Une frayeur soudaine s'empara de moi. Entouré de vapeurs malsaines, j'éprouvai comme un accès de fièvre. J'appelai encore, sans qu'aucune voix ne répondit à mes cris. Dans des moments de péril, la mémoire est malheureusement fertile. Je me rappelai et je ne pus m'empêcher d'appliquer à ma position l'histoire que j'avais lue de certains voyageurs qui visitaient les catacombes, dans les pyramides d'Egypte. L'un d'eux, en se traînant, comme je faisais, par terre, se trouva tout à coup arrêté ; et soit par la frayeur, soit par une suite naturelle de sa situation, son corps enfla à tel point qu'il lui devint impossible d'avancer, de se retirer ou de livrer passage à ses compagnons ; les autres étaient sur leur retour. Voyant leur course arrêtée par cet obstacle invincible, leurs torches près de s'éteindre, et leur guide effrayé au point de ne pouvoir donner aucun conseil, ils proposèrent avec cette impulsion d'égoïsme qu'un danger pressant nous donne toujours, ils proposèrent, dis-je, de couper les membres de l'être malheureux qui obstruait leur passage. Il entendit cette proposition, et son corps, se contractant par un spasme musculaire, rentra dans ses dimensions ordinaires. On le retira de la position pénible où il se trouvait ; mais il avait été suffoqué par l'effort, et on le laissa sans vie dans le caveau. Ces détails, qui exigent du temps pour les expliquer, se présentèrent à la fois et au même instant à mon esprit. Que dis-je à mon esprit ? Non, à mes sens. Je n'avais que des sensations, et tout le monde sait que la douleur physique poussée à un haut degré anéantit en nous toute autre faculté.
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Hélas! elle ne savait pas que ceux qui sont privés de cœur et d’imagination sont les seuls qui savent jouir des agréments de la vie. Une indolente et froide médiocrité leur suffit dans leurs occupations comme dans leurs distractions. (…) Tant pis pour eux. C’est peut-être le meilleur de la condition humaine que d’être réduit à subvenir aux nécessités de la vie et d’être satisfait lorsqu’on y parvient ; au-delà, tout n’est que rêve de démence, agonie du désespoir.
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Oui, je ris de tout le genre humain et du mensonge qu’il profère quand il parle d’amour. Je ris des passions de l’homme et de ses soucis. Le vice et la vertu, la religion et l’impiété sont également les résultats de situations mesquines et d’une position factice. Un seul besoin physique, une leçon sévère et inattendue prononcée par la nécessité, vaut mieux que toute la logique des philosophes. Ce couple qui ne croyait pas qu’il lui fût possible d’exister l’un sans l’autre, qui avait tout risqué, qui avait foulé aux pieds toutes les lois divines et humaines pour se réunir, ce couple, dis-je, une heure de privations suffit pour le détromper.
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