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EAN : 9782130810377
128 pages
Presses Universitaires de France (07/03/2018)
4.1/5   5 notes
Résumé :
Irréductible à une définition simple, la poésie incite à réunir autour d'elle une constellation de mots qui l'éclairent par facettes.En poète, Jean-Michel Maulpoix convoque donc des verbes qui disent les gestes d'un travail (couper, lier), d'autres qui désignent des mouvements du corps et de la pensée (se retourner, s'en aller) ; des substantifs qui marquent l'étendue d'un champ d'expérience (chair, terre, mémoire, désir), d'un espace préféré (paysage, jardin), ou d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Quelle joie d'avoir eu en main un « Que sais-je ? » traitant de poésie qui ne fût pas un succinct résumé scolaire, sous forme de dissertation, des techniques de la versification, des figures de la rhétorique, ou des règles de la forme-mètre-rime-alexandrin !
Persuadé d'emblée que la quête infinie et insoluble de sa propre définition est ontologiquement liée à la poésie, ou plutôt à l'acte poétique, je suis désormais acquis à l'idée qu'une nomenclature subjective, personnelle, privée même, élaborée comme une succession de fragments en prose poétique constitue la meilleure approche pour qualifier cette étrange, immémoriale, atterrante création de musique langagière ; à condition, sans doute, d'éviter la tentation du lexique ou du dictionnaire – en somme le leurre de l'objectivation totalisante. Cette collection de cent mots, de « Acte » à « Voix », illustre un « entendement » contemporain de la poésie, de la part d'un poète sans doute plus que d'un critique [la question restant posée de se demander : « Poète, est-ce une identité, une fonction ou un état intermittent ? » (p. 89)] même si les entrées contiennent une foison de références à des poètes (et parfois des auteurs, des philosophes et autres critiques) du passé et d'ailleurs, et semblent d'ailleurs les caractériser, à l'instar de « Âme » qui renvoie successivement à Platon, à Lamartine (« cri de l'âme »), à Victor Hugo (« l'art d'apprivoiser les âmes »), à Baudelaire et à Paul Claudel...
Mon seul regret est que la « constellation de mots » n'ait pas tenu la promesse annoncée dans l'Avant-propos d'inclure des verbes « qui disent les gestes d'un travail et d'autres qui désignent des mouvements du corps et de la pensée » : peut-être cette intention d'origine s'est-elle émoussée pour ne retenir à la fin que des substantifs, un nom propre – Orphée – et les trois pronoms personnels caractéristiques : « Je », « On » et « Tu ».

J'ai été tenté de citer in extenso le fragment « Langue », qui m'interpelle le plus vivement. Cependant, j'opte pour une cit. tirée de l'entrée « Poème », qui n'est certainement pas la plus originale ni même peut-être la plus représentative du livre, mais qui donne une ouverture historique qui semble bien, pour une fois, faire oeuvre de synthèse :

« Mixte de son et de sens, concentré d'images et de rythmes, parfois prouesse verbale, le poème est cet objet, "objeu" et "objoie" (Francis Ponge), fait de mots que l'on ne peut détacher de sa forme. […] Aux temps classiques, il fut pour une part le produit d'un art poétique qui lui préexistait ; aux temps romantiques, il vint exprimer et illustrer un sujet, amplifié, exalté parfois jusqu'au sublime. Aux temps modernes, il n'est souvent plus qu'un moment ou une étape d'une recherche qui le dépasse infiniment ; [...] » (p. 88)
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
BOUCHOREILLE



    Ce mot-valise, fabriqué par Paul Valéry *, figure l’espèce de boucle qu’accomplit la poésie en ce qu’elle est à la fois un parler et une écoute. Écrire de la poésie, c’est faire exister une voix, émanant d’une « bouche d’ombre » ou de « voix intérieures » (Victor Hugo), mais c’est aussi écouter la langue, prêter l’oreille à son acoustique particulière.

    Attentive aux bruits du monde comme aux battements du cœur humain, la poésie peut être définie comme une voix qui écoute. Elle dit ce qu’elle entend. L’écriture y écoute la langue : à l’aide de cet instrument singulier qu’est le poème, elle en perçoit aussi bien les sons que le sens, sensible à la signification des mots, voire à leur vieille et longue histoire, attentionnée quand il s’agit de dire ce qui reste le plus secret et ne parvient au langage que par un accès douloureux. Le poète n’écrit pas seulement à la main, il écrit aussi à l’oreille, dans l’« hésitation prolongée » du son et du sens. La voix du poème est une voix réfléchie, curieuse de ses inflexions, et qui observe sa propre capacité articulatoire.


* J'ajoute que Paul Valéry a également écrit cette
fulgurante approche du poème :
" Le poème — cette hésitation prolongée entre le son
et le sens ".
(Paul Valéry, Œuvres compl, II, p.637)
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APHASIE


« Je ne sais plus parler » écrit Arthur Rimbaud dans le poème « Matin », à la fin d'Une saison en enfer.
C'est qu'il a conduit sa propre écriture, à travers des dérèglements successifs, jusqu'à un point où, saturée de vision et d'images violentes, elle s'étrangle. Voilà que la poésie est menacée d'aphasie, en ce qu'elle a trop déréglée la langue et rôdé aux abords de l'insensé. Un tel risque résulte de l'intensité même de l'expérience poétique, et c'est dans la modernité, à partir de Baudelaire, (qui s'effondre lui-même en 1866, frappé d'aphasie, à Namur), qu'il se fait jour: discordante, l'écriture poétique doit être conquise contre la parole quotidienne dont elle se détache et à quoi elle s'oppose. À mesure, que l'on avance dans la modernité, le poème devient de plus en plus cette parole étrange, absolument singulière, qui, comme l'écrit Paul Ceylan dans « Le Méridien », « montre à l'évidence, une forte propension à se taire ». L'aphasie s'avère la tentation même du poème moderne qui vient heurter le silence et rechercher auprès de lui sa légitimité. Aussi Rainer Maria Rilke en propose t-il dans une lettre cette définition :

« Le bruit léger d'un pan de silence se détachant en moi de la masse énorme de mon mutisme ».
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ACTE
Selon Yves Bonnefoy, « la poésie se doit d’être un acte plus qu’un écrit, un moment de l’existence en mouvement vers son sens plus que la création d’un objet verbal dont son auteur ne serait qu’une dimension parmi d’autres ». C’est dire qu’elle est avant tout une expérience et que le travail du langage, si orienté soit-il vers la mise en valeur d’une forme, correspond à une espèce particulière d’engagement du sujet et une recherche de sens débordant le domaine intellectuel pour concerner la vie entière. Philippe Jaccottet s’inscrit dans la même perspective quand il écrit : « plutôt que de faire aboutir le monde à un livre, il faudrait que le livre renvoie au monde, rouvre l’accès au monde ».
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La poésie est une forme de l'intelligence : elle pose, par sa façon très singulière d'approcher les objets à travers des formes verbales, la question de la compréhension.
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Le poème résiste au réel tout autant qu'il le cherche.
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Vidéo de Jean-Michel Maulpoix
Jean-Michel MAULPOIX – En son for intérieur (France Culture, 1996) L’émission « Poètes en pied », série d’été de « For intérieur », par Olivier Germain-Thomas, diffusée le 3 août 1996. Invité : le poète en personne. Mise en ligne par Arthur Yasmine, poète vivant, dans l'unique objet de perpétuer la Poésie française.
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