AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Daniel Mendelsohn (Autre)
EAN : 9782081513822
200 pages
Flammarion (09/09/2020)
3.42/5   36 notes
Résumé :
Trois anneaux raconte l'histoire de trois écrivains en exil qui se sont tournés vers les classiques de la littérature pour créer leurs propres chefs-d'oeuvre. Erich Auerbach, philologue juif qui fuit l'Allemagne nazie pour Istanbul afin d'y écrire sa grande étude des lettres européennes, Mimésis. François Fénelon, l'évêque du XVIIᵉ siècle auteur d'une suite de L'Odyssée, Les Aventures de Télémaque, best-seller de son époque qui lui valut le bannissement. Et l'... >Voir plus
Que lire après Trois anneauxVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Conte d'exils, critique littéraire érudite sur les techniques narratives, pause et fugue littéraire en pleine "aporia" créative , essai brillant mêlant confidence personnelle, érudition et secrets de cuisine d'écrivain, éloge du détour qui sauve de la panne d'écriture, Trois anneaux est un peu tout cela à la fois.

Mais c'est beaucoup pour 180 pages. C'est trop.

D'abord charmée de retrouver l'auteur d'une Odyssée et des Disparus, délicieusement divertie des rencontres littéraires imprévisibles que ces trois anneaux ménageaient-Auerbach, Fénelon, Proust, Sebald et tant d'autres- ce labyrinthe de cercles concentriques, cette gare de triage pour auguilleur fou m'ont vite donné le tournis.

J'aime les détours quand après vous avoir égarée ils vous éclairent.

Quand, après les milliers de pages de la Recherche, le côté de Guermantes et celui de Swann se rejoignent enfin, quand son cours sur l'Odyssée mène Daniel Mendelssohn, nouveau Télémaque, à découvrir enfin son père, mais ces Trois Anneaux m'ont, je l'avoue, déçue.

Faute de clé, faute de sens, cet élégant embrouillamini m'a paru vain.

Certes il a eu pour effet de sortir l'auteur de son "aporia", cette impasse qui guette les écrivains les plus inspirés, et de lui permettre de meubler le vide entre le désespoir émotionnel qui a suivi Les Disparus et le désespoir narratif qui a suivi Une Odyssée-dont nous apprenons qu'il a repris entièrement la construction trop linéaire pour une construction circulaire et truffée de digressions qui en a fait le chef d'oeuvre qu'on sait.

Mais fallait-il publier cette ordonnance salvatrice ? Donner la recette des épices réveillant le désir d'ecrire? Je ne le crois pas.

Les Essais de Montaigne pratiquent cette démarche "à sauts et à gambades" prônée par Trois anneaux, ils mêlent en effet, pour notre plus grand plaisir et la sévère condamnation de Pascal, la confidence personnelle à la réflexion philosophique et une réflexion sur les comportements contemporains à la lecture éclairée des Anciens, mais ils débouchent toujours sur une clé de lecture utile à tous, ils nous rendent moins sots , moins ignorants et surtout plus ouverts, plus riches, plus sages.

Trois Anneaux n'est pas un Essai, cet "exagium", cette "pesée" qui préside à la pensée. C'est une tentative, un brouillon , comme on griffonne sur une page avant de trouver la fermeté du trait, l'unique trait de pinceau cher à Fabienne Verdier. Que l'auteur y ait recours ne nous concerne pas, ne nous éclaire pas.

Lire les Trois anneaux lève un coin du voile des secrets de fabrication d'un livre mais sans ce commun usage qui fait la générosité des Essais de Montaigne. La publication de cet exercice m'a paru un peu vaine. Et sa lecture aussi, je l'avoue, malgré mon admiration inconditionnelle pour cet auteur.
Commenter  J’apprécie          545
"Trois anneaux" de Daniel Mendelsohn est un livre déroutant, qui ressemble à première vue à une étude littéraire sur la technique narrative de la digression, que l'on trouve pour la première fois dans l'Odyssée. La digression, qui interrompt le récit par un autre récit, n'est pas une façon d'agacer le lecteur pour parler d'autre chose, mais de le faire progresser circulairement, de plus en plus profond, dans l'histoire du héros. Or l'essai littéraire de Mendelsohn est à la première personne, inclut des éléments de sa vie privée, dont le "désespoir narratif" qui l'a longtemps paralysé dans l'écriture de sa propre odyssée et celle de son père ("Une Odyssée : un père, un fils, une épopée"). Est-ce donc un livre autobiographique ? On serait tenté de l'affirmer, puisque l'auteur se présente comme écrivain, et relate ses recherches sur l'extermination par les Allemands de sa famille restée en Pologne (Les Disparus). Mais le livre évoque aussi la figure de Erich Auerbach, cet humaniste juif allemand, qui, chassé par les nazis de Marburg où il enseignait, écrivit dans son exil d'Istanbul "Mimésis", grand livre consacré aux oeuvres majeures de la littérature occidentale ("son hymne à la littérature occidentale"). Il vécut et enseigna dans les bâtiments de l'université turque, situés dans l'ancien palais de Kâmil Pacha, traducteur en turc ottoman du Télémaque de Fénelon, développement de l'Odyssée d'Homère. Ce même Fénelon, moins tragiquement, fut exilé de Versailles à Cambrai, dans son diocèse, pour avoir déplu à Louis XIV avec son Télémaque, qu'il n'aurait pu écrire sans les humanistes érudits byzantins chassés de Constantinople / Istanbul par les Turcs ottomans. Ainsi, d'exils en exils, se tisse un réseau d'analogies et de rimes narratives relevant de la biographie. Leur nombre, dans ce petit livre de 180 pages, est immense et exaltant (cela donne envie d'étudier les liens entre la littérature et l'exil) et l'on est touché de retrouver de vieilles connaissances, comme Fénelon, Racine, Rousseau, Proust, Goethe, W.G. Sebald, et mille autres.

Alors, s'agit-il d'une étude littéraire, d'une autobiographie ou d'une série de notes biographiques ? Les trois en même temps, semble-t-il. Il s'agit, au sens où Montaigne l'entend, d'un essai : une oeuvre de pensée qui s'enracine dans la vie concrète de son auteur, dans sa culture livresque et dans sa créativité d'homme de lettres, capable d'articuler sa vie, ses lectures, son intérêt pour les autres et son expérience historique.L'exposé des idées n'empêche pas le récit, la narration développe des concepts. Daniel Mendelsohn renoue ici avec la grande tradition humaniste de la Renaissance, et son Virgile, son guide, est Erich Auerbach, auteur de Mimesis et spécialiste de Dante. Cet humaniste s'obstine à chercher et à affirmer "un lien commun entre les cultures" (gemeinsame Verbindung der Kulturen, p. 173) et donc entre les hommes. Un lecteur avisé, sur Goodreads, signale qu'en nos temps barbares de repli identitaire, frileux et furieux, sur des couleurs de peau, des genres, des mythes historiques et des ressentiments victimaires, pareil livre est bienvenu, qui relie les hommes entre eux. Même si l'auteur est impeccablement, politiquement correct (il y a même des migrants dans son texte, comme dans "Yoga" de Carrère, une saine ignorance de gauche de la littérature hébraïque traditionnelle, et l'éloge à la mode de cette catastrophe humaine qu'est l'exil), son livre reste bienvenu,- mais vain, car les barbares ne lisent pas et brûlent les livres humanistes.
Commenter  J’apprécie          303

Dans son livre Trois anneauxDaniel Mendelsohn revient sur sa recherche dans plusieurs pays dont en premier l ‘Ukraine, où a eu lieu le génocide d'une partie de sa famille, puis dans ceux où vivent les survivants et leur descendance ; il a dû voir les restes de ces abominations, descendre dans des caves où se sont cachés , avant de mourir , un de ses oncles et sa fille, visiter le camp d'extermination de Belsec, et a écrit « Les disparus », ce qui a provoqué chez lui un choc post traumatique ,une dépression dont il n'est sorti qu'avec le projet d'un livre « Une Odyssée, un père , un fils, ».

Mais son éditeur lui suggère une composition moins linéaire, des retours en arrière, des bonds en avant, un tricotage des faits destinés à former une histoire.

Comme avait fait Homère.

Durant le retour d'Ulysse à Ithaque, et la reconnaissance par sa nourrice devenue vieille de sa cicatrice, Homère explique en d'apparentes digressions le pourquoi de la cicatrice, sa visite à son grand père et jusqu'à sa naissance. Par cercles concentriques, utilisés dans l'Odyssée initiale et celle de Mendelsohn, nous quittons la voie toute droite, et prenons les sentiers détournés…. Mais qui servent absolument à comprendre mieux de quoi il est question.
Ulysse lui même est un être « plein de détours », menteur parfait, hâbleur à ses heures, et aussi détourné de sa route, parfois revenant sur ses pas, voyageant en cercles, en spirales, tournant en rond.

Un errant, cet Ulysse.

Mendelsohn en profite pour parler de toutes les exterminations depuis que le monde existe, de toutes ces villes détruites, disparues comme Troie, l'empire chrétien de Byzance pillé par les croisés, ou Thessalonique, mise à sac par d'autres chrétiens, ainsi que de tous ces exilés volontaires ou forcés, de tous ces errants comme Ulysse.
Ils peuvent être juifs des années 1930, ou juifs et musulmans expulsés d'Espagne en 1492 par le traité de l'Alhambra ( le sultan d'Istanbul Bayezid II ironise en parlant de son rival ibérique : Vous prétendez que Ferdinand est un souverain sage, lui qui a appauvri son pays et enrichi le mien )

Puis il se réfère à Auerbach, le philologue allemand, qui repère deux façons de raconter une histoire : la première, en boucle, utilisée par Homère dans l ‘Odyssée, la deuxième, linéaire, comme dans la Genèse.


Or Auerbach semble préférer le deuxième procédé linguistique.
Et Mendelsohn se croit floué, puisqu'il avait défendu et utilisé le premier.
Cependant, il continue, et virevolte de Proust à Fénelon, le point commun entre ce dernier et Homère étant que le traducteur turc qui a traduit et fait ressortir de l'oubli le Télémaque de Fénelon,(exilé de la cour de Louis XIV qui n'a pas bien digéré ses conseils sur le métier de roi) réussit en quelque sorte une boucle parfaite, départ de Troie et retour à Istanbul .
Malheureusement, Mendelsohn se perd et nous perd, dans des digressions sans fin, une érudition un peu inadaptée, des souvenirs de ses jeux d'enfant qui n'intéressent que lui, même s'il essaie de les rattacher à son exposé universitaire. Ces souvenirs infantiles, déjà étalés dans ses deux premiers livres, n'ont plus de charme, peut être parce que, de plus, le propos est loin de nous passionner autant .
Commenter  J’apprécie          204
C'est le premier livre que j'ai lu de cet auteur. Quelle drôle d'idée vu que Daniel Adam Mendelsohn y parle de son métier d'écrivain et des autres livres qu'il a écrit ! C'est un livre complexe et inclassable dont la lecture est exigeante. Trois anneaux, pour trois digressions pour une progression circulaire, trois voyages en exil avec trois écrivains qu'il vaut mieux connaître un peu avant : Auerbach, Fénelon, Sebald. Il parle aussi pas mal de Proust. le récit est à la première personne, avec pas mal d'éléments autobiographiques mais les digressions me donnent plus l'impression de lire un essai littéraire ou philosophique sur la difficulté d'écrire, sur ce qui fait lien entre Orient et Occident,.... C'est brillant, cultivé, très construit et en même temps très disparate, ce qui fait que le lecteur ne peut que s'y perdre un peu. Après la lecture, il ne m'en est pas resté grand-chose si ce n'est l'envie de mieux connaître cet auteur dont j'ai trouvé la plume agréable. Ce n'est déjà pas si mal. Et ultérieurement je n'ai pas été déçue.
Commenter  J’apprécie          170

Ce livre est tout sauf un « fous y Tout », pour reprendre une expression employée par un « babeliote » à son propos.

C'est plutôt la narration, par un écrivain, de son questionnement à propos de la manière de raconter une histoire.

Faut-il le faire à la façon de Homère dans l'Odyssée, en intégrant au récit de longues digressions faites non pas pour perdre le lecteur mais au contraire pour lui donner une vue exhaustive du sujet.

Ou faut-il plutôt procéder selon la tradition hébraïque ; c'est à dire laisser des parts d'ombre pour que la lumière en soit plus éclatante.

Mais ces deux manières d'écrire sont-elles aussi exclusives que cela l'une de l'autre ? Ne sont-elles pas comme « le côté de chez Swan » et « le côté de Guermantes » du narrateur de « la recherche du temps perdu », les deux extrémités d'une même boucle.

DM nous raconte cela en appliquant chacune des méthodes de narration.
C'est pour cela que dans ce livre il est aussi question de migration, de littérature universelle, de presque-coïncidences et de tellement d'autres choses essentielles.

Il le fait à travers l'expérience de trois grands exilés : Auerbach, Fénelon et Sébald, et à partir de ses propres voyages dans les pays de l'est de l'Europe, à la recherche de sa famille exterminée durant la seconde guerre mondiale.

Ses considérations sur chaque style et chaque exil ne sont pas l'exposé ex cathedra d'une thèse mais l'interrogation douloureuse d'un écrivain ébranlé par sa propre histoire et qui ne sait plus s'il pourra encore écrire.

Mais écrire quoi, et écrire comment, surtout, pour rendre compte de la réalité, quand la réalité dépasse en horreur toute histoire ? Quelle fiction inventer pour dire l'indicible ?

Le livre de DM lui ressemble ; il est beau, intelligent et sensible.

On l'aura compris tout le contraire d'un « fous y tout » donc.
Commenter  J’apprécie          114

Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Les problèmes que me posait ce livre sur l’épopée grecque n’avaient rien de commun avec ceux que j’avais rencontrés en travaillant à mon livre sur l’Holocauste. Le désespoir émotionnel qui avait marqué mon rapport à ce livre avait laissé place, dans ce nouveau projet, à ce que je ne puis que qualifier de désespoir narratif.
Commenter  J’apprécie          170
En dépit de la diversité des cultures nationales analysées chapitre après chapitre [de "Mimésis"] dans leurs plus infimes détails, en dépit de la spécificité des contextes permettant de comprendre et d'analyser les littératures de ces cultures, Auerbach part du principe que certaines réalités sont, en fin de compte, communes à tous les humains. Il y a un "destin commun", résultat d'un "arrière-plan divers", comme il l'écrivit dans un article quelques années avant de s'éteindre dans une maison de retraite des environs de New Haven (Connecticut), dernière de ses nombreuses destinations. C'était là un concept auquel il s'accrochait avec une ténacité qui ne peut que nous paraître poignante, au vu de l'histoire particulière de sa propre époque.
p. 63
Commenter  J’apprécie          50
La littérature, dont l'interprétation passe aux yeux de bien des gens pour un exercice subjectif, vague, ouvert à tous les points de vue, était pour les premiers philologues un objet d'étude pareil à tout autre objet d'étude scientifique : la pesanteur, les plantes, les étoiles. Pour comprendre le sens d'un texte littéraire, il fallait en maîtriser les différentes composantes, de la même façon qu'il fallait maîtriser l'addition, la trigonométrie ou le calcul infinitésimal pour prétendre aborder les mathématiques ; ces composantes étant, dans le cas de la littérature, non seulement la langue dans laquelle le texte était écrit, sa grammaire, sa syntaxe et son lexique, mais aussi l'Histoire, la religion, la sociologie et le système politique de la civilisation qui avait produit le texte.
p. 58
Commenter  J’apprécie          40
"Un étranger arrive dans une ville inconnue après un long voyage. Ce fut un voyage sinueux et semé d'écueils ; l'étranger est fatigué. Il approche enfin de l'édifice qu'il habitera un certain temps et, laissant échapper un léger soupir, il avance vers l'entrée, dernière étape, brève, du chemin improbable et détourné qui l'a conduit jusqu'ici. Il a peut être quelques marches, qu'il gravit d'un pas las. Ou bien d'une arche floue se fondant à l'obscurité béante, comme quelque personnage mythologique disparaissant dans la gueule d'un monstre. Ses épaules ploient sous le poids des sacs qu'il porte, les deux sacs contiennent désormais tout ce qu'il possède, à l'exception de la femme et de l'enfant. Il a fait son bagage à la hâte. Qu'emporter? Qu'est-ce qui est le plus précieux? L'un des sacs contient probablement des livres."
Commenter  J’apprécie          30
Il est temps que cet exilé s’attelle à son grand œuvre, un livre qui ouvrira sur le récit d’une technique aussi ancienne qu’Homère, que l’on appelle la composition circulaire ; une technique vagabonde qui pourtant retrouve toujours le chemin de son foyer, une technique, fondée sur le lumineux principe méditerranéen qu’il y a bel et bien un lien entre toutes choses, que le Juif allemand Erich Auerbach – à qui l’on ne peut à présent que pardonner, au vu du terrible périple tortueux qui l’a conduit ici, cette obscure trajectoire qui, comme il finira un jour par le reconnaître, a pourtant rendu son livre possible – trouve un peu trop belle pour être vraie.
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Daniel Adam Mendelsohn (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Daniel Adam Mendelsohn
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Vous savez ce que c'est, vous, un héros ? Et la vérité dans une histoire familiale, comment la découvrir ?
« Les disparus » de Daniel Mendelsohn c'est à lire en poche chez J'ai Lu.
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (76) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3205 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}